Veolia conçoit et exploite des filtres biologiques aérés à flux ascendant depuis plus de vingt ans [Boissonnade et al. 1996] [Thogersen et Hansen, 1999]. Leur domaine d'application couvre tous les aspects du traitement des eaux usées [Bundgaard et al., 1995] [Le Tallec et al., 1999a] et ils présentent d'indéniables atouts, dont la compacité, l'absence de nuisances et leur capacité à développer une biomasse qui peut s'adapter à d'importantes variations de charge. Depuis le milieu des années 1990, la réglementation de plus en plus contraignante, notamment en terme d'élimination de l'azote global, a suscité le développement d'une nouvelle méthode de nitrification et de dénitrification. Celle-ci permet d'atteindre la même qualité d'eau traitée tout en réduisant l'emprise au sol de l'ouvrage et la consommation d'énergie requise pour le pompage et l'aération.
David Thaure, Kim Sorensen, Pierre Girodet,
Veolia Eau – Direction Technique
Xavier le Tallec, Direction Marketing
Veolia Water Solutions & Technologies
Veolia Eau a acquis depuis plus de vingt ans une grande expertise dans la conception, la construction et l’exploitation du Biostyr® qui est un filtre biologique aéré à flux ascendant [Boissonnade et al. 1996] [Thogersen et Hansen, 1999]. Son domaine d’application couvre tous les aspects du traitement des eaux usées [Bundgaard et al., 1995] [Le Tallec et al., 1999a] et il présente d’incontestables atouts, dont la compacité, l’absence de nuisances et une capacité à développer une biomasse qui peut s’adapter à d’importantes variations de charge.
Depuis le milieu des années 1990, la réglementation de plus en plus contraignante, notamment en terme d’élimination de l’azote global, a suscité le développement d’une nouvelle méthode de nitrification et de dénitrification. Celle-ci permet d’atteindre la même qualité d’eau traitée tout en réduisant l’emprise au sol de l’ouvrage et la consommation d’énergie requise pour le pompage et l’aération.
Comme pour les autres systèmes biologiques, l’élimination des composés azotés nécessite deux phases de traitement. Une première phase aérobie permet d’oxyder les ions ammonium en ions nitrate qui sont ensuite réduits en azote gazeux lors d'une seconde phase anoxie. Dans le nouveau système décrit ici, l’élimination complète de l’azote est réalisée en une seule étape aérée [Le Tallec et al., 1999b] [Payraudeau et al., 2000]. Cette méthode consiste à alimenter le biofiltre avec les eaux issues du traitement primaire et à optimiser leur aération dans le biofiltre de manière à réaliser simultanément la nitrification et la dénitrification [Grum et al., 1999]. Le contrôle de l’aération joue un rôle primordial pour assurer à cette méthode de traitement des performances optimales.
Description du procédé
Les systèmes d’élimination de l’azote total sont devenus de plus en plus compacts grâce au développement des procédés à culture fixée et à flux ascendant. Ils permettent d’obtenir de très basses concentrations en composés azotés en sortie du réacteur malgré un temps de séjour très court. Traditionnellement, les stations mettant en œuvre ce procédé sont construites selon l’une ou l’autre des configurations présentées sur la figure 1. Les deux étapes qui permettent d’éliminer l’azote sont réalisées soit dans un seul réacteur (figure 1a) soit dans deux réacteurs distincts (figure 1b).
Tableau 1 : Caractéristiques de trois stations équipées de Biostyr® fonctionnant en NDNs
Caractéristiques | Boulogne, France | La Barrosa, Espagne | Douarnenez, France |
---|---|---|---|
Mise en route | février 2004 | hiver 2003 | septembre 2003 |
Niveau de rejet en azote total | 10 mg/L | 15 mg/L | 15 mg/L |
Nombre de cellules Biostyr® | 9 NDNs + 4 NDNs | 4 PDN + 1 PDN | 5 NDNs |
Surface NDNs | 1 027 m² | 168 m² | 343 m² |
Surface PDN | 452 m² | 28 m² | |
Charge volumique appliquée | 0,41 kg N/m³/j | 0,45 kg N/m³/j | 0,42 kg N/m³/j |
Type d’eaux brutes | municipal | municipal | municipal + industriel |
Taille de la station | 200 000 EH | 21 000 EH | 80 000 EH |
Dans ce cas, un dispositif de recirculation permet d'éliminer l’ammoniaque et les nitrates au sein du même réacteur. L’ammoniaque est oxydée par les bactéries dans la zone aérobie du filtre, et les nitrates sont ensuite utilisés comme source d’oxygène pour la dégradation des composés carbonés dans la zone non aérée. La configuration en deux réacteurs se compose classiquement d'un filtre en fonctionnement anoxie et d’un filtre en fonctionnement aérobie.
Un circuit de recirculation entre les deux réacteurs permet de retourner les nitrates formés dans la partie aérobie en tête de la partie anoxie. Dans les deux configurations, les quantités de carbone organique de l'eau brute se révèlent suffisantes dans la plupart des cas pour atteindre les performances de traitement attendues.
Une nouvelle configuration (figure 2) a été développée par Veolia. Elle est basée sur un contrôle optimisé des quantités d’air injectées de manière à ce que l'oxygène dissous ne pénètre que partiellement le biofilm. Dans la partie basse du filtre, le biofilm présente deux zones distinctes :
- i) la surface qui est en contact avec l’oxygène ;
- ii) l'intérieur du biofilm qui est entièrement pénétré par les nitrates.
Dans cette situation, les bactéries hétérotrophes dégradent les matières organiques en consommant l'oxygène apporté à la fois par l’air insufflé et par les nitrates. Avec la diminution du substrat organique, les bactéries autotrophes peuvent également réaliser l’étape de nitrification. C’est le principe de la nitrification/dénitrification simultanée (NDNs).
La figure 3 présente une schématisation de la répartition des zones aérobie et anoxie autour du matériau support constitué de billes de polystyrène expansé (figure 4) sur lesquelles croît le biofilm ainsi que les profils de concentration des substances organiques et minérales présentes dans l'eau.
Cette approche est basée sur la distribution des couches limites de diffusion introduite par Harremoes en 1978. La pénétration de l'oxygène dans le biofilm est directement reliée à la concentration de substrat dans la phase liquide.
L’épaisseur des différentes couches varie en fonction de la hauteur dans le biofiltre. Par exemple, en haut du filtre, la couche où la réaction de nitrification a lieu est plus épaisse car le substrat organique se fait plus rare, ayant déjà été dégradé dans la portion basse du filtre. Cet exemple montre aussi l’importance de conserver une recirculation de l'effluent dans cette configuration pour ramener les nitrates en bas de la cellule de filtration.
Ce taux de recirculation nécessaire est cependant moins important que dans une configuration avec deux zones distinctes puisqu’une grande partie des nitrates formés dans le filtre est dénitrifiée de manière simultanée.
simultanée.
Indépendamment d'un contrôle sophistiqué du procédé, la gestion de la pénétration de l’oxygène dans le biofilm est à rapprocher de son épaisseur. Ainsi, plus le biofilm est fin, moins le processus simultané de nitrification et de dénitrification peut physiquement avoir lieu car la diffusion de l’oxygène au sein de tout le biofilm ne permet pas alors la création d'une zone anoxie. Dans un biofiltre aéré à flux ascendant, une distribution uniforme de l’épaisseur du biofilm a été
observée [Boller et al., 1993]. Mais cette épaisseur dépend notamment du support utilisé. Par exemple avec un matériau dense les effets de frottement et d’attrition sont plus importants qu’avec un matériau léger et conduisent à la formation d'un biofilm plus fin. Avec une épaisseur de biofilm supérieure à 100 µm, le procédé Biostyr® présente toutes les conditions nécessaires pour réaliser de manière optimale une nitrification/dénitrification simultanée selon le procédé de biofiltre aéré à flux ascendant et mettant en œuvre la méthode de nitrification/dénitrification simultanée décrite ci-dessus. Dans certains cas, une étape de post-dénitrification (PDN) est nécessaire pour atteindre les rendements épuratoires souhaités.
Les photos de la figure 5 montrent les deux types de cellules Biostyr® installées à Boulogne-sur-Mer en état de fonctionnement.
Dans les réacteurs mixtes (figure 5a) a lieu la nitrification/dénitrification simultanée alors que les cellules non aérées (figure 5b) permettent de compléter l’étape de dénitrification grâce à l’ajout de méthanol comme source de carbone extérieure nécessaire aux bactéries dénitrifiantes.
L’exemple de La Barrosa
La filière de traitement de la station de La Barrosa comporte un décanteur primaire (procédé Multiflo® Duo) suivi de quatre cellules Biostyr® NDNs (figure 6 et figure 7). La configuration des cellules Biostyr® est décrite dans le tableau 2.
Tableau 2 – Configuration des cellules Biostyr®, La Barrosa
Taille du matériau : | 4 mm |
Nombre de cellules Biostyr® : | 4 |
Surface unitaire : | 42 m² |
Hauteur de matériau : | 3 m |
Taux de recirculation : | 50 à 200 % |
Les performances des cellules Biostyr® vis-à-vis des composés azotés ont été suivies pendant les six mois suivant la mise en route de l’usine (de mars à septembre 2004). Le biofiltre de La Barrosa a été dimensionné pour traiter une eau avec une concentration en
NK de 35 mg/L, or d’après la figure 8a la concentration de l'eau brute en ammoniaque seul dépasse cette valeur pendant plus de 70 % du temps. Néanmoins, les rendements épuratoires des cellules Biostyr® seules s’élèvent à environ 90 % pour la nitrification et plus de 60 % pour la dénitrification (figure 9). Ce résultat est remarquable car il intervient alors que le rapport DCO/N de l'eau à l'entrée des cellules Biostyr® (égal à 6 en moyenne sur la période considérée, figure 8b) n'est pas favorable à une élimination poussée des nitrates formés.
Stratégie de régulation
Pour être en mesure de réaliser une élimination poussée de l’azote total, une régulation précise de l'aération doit être mise en place. Le biofiltre est équipé d’analyseurs en ligne qui mesurent la concentration en ammoniaque en entrée et sortie du biofiltre, l’oxygène dissous en sortie et le débit d'entrée. Un modèle prédictif couplé à l'automate permet de calculer de manière dynamique les quantités d’air à injecter pour que la concentration en ammoniaque en sortie du filtre corresponde à une valeur de consigne prédéterminée (figure 10).
En cas de défaillance du système de mesure en entrée du biofiltre, un mode de repli basé sur les mesures d’oxygène et d'ammoniaque en sortie du filtre est utilisé pour réguler l’aération [Payraudeau et al., 1999].
Conclusion
La mise en œuvre sur des sites industriels du procédé Biostyr® dans la configuration de nitrification/dénitrification simultanée à l'aide de cellules Biostyr® s'est révélée efficace.
Une régulation précise de l’aération du biofiltre basée sur les mesures des paramètres importants du procédé permet d’obtenir un rendement élevé d’élimination de l’azote global, même dans un réacteur complètement aéré, tout en limitant la consommation électrique grâce à un faible taux de recirculation et une aération optimisée.
Les résultats des stations construites sur ce procédé montrent que ce nouveau mode de gestion du procédé est mature et fiable. Après ces succès en Europe, cette technologie est déployée dans le monde entier, comme le montre le récent projet de Maidao où est traitée une partie des effluents de la ville de Qingdao. Cette ville chinoise, qui doit accueillir en 2008 les épreuves nautiques des Jeux Olympiques, a en effet choisi le Biostyr® NDNs pour améliorer les performances d'une station d’épuration de 550 000 EH.
Références bibliographiques
- * Boissonnade, Zhegal, and Sibony, Biofilter catalog for nutrient removal, WEFTEC Conference Dallas, October 5-9, 1996.
- * Boller, Gujer and Tschui, Parameters affecting nitrifying biofilm factors, Biofilm Conference in Paris, 1993.
- * Bundgaard, KL Andersen, VR Andersen, Hong and Heist, Nutrient removal in fixed-film systems, WEFTEC’95, Miami October 21-25, 1995.
- * Grum, Puznava and Harremoes, Modelling of simultaneous nitrification/denitrification for design and predictive control, IAWQ Conference on Biofilm Systems, October 17-20, 1999, New York.
- * Le Tallec, Heist, Hong, Payraudeau, Thesing, and Badard, Media size optimization in upflow BAF systems, IAWQ Conference on Biofilm Systems, October 17-20, 1999a, New York.
- * Le Tallec, Puznava, Payraudeau and Reddet, Simultaneous nitrification/denitrification in a biofilter: A new approach for complete nitrogen removal, IAWQ Conference on Biofilm Systems, October 17-20, 1999b, New York.
- * Payraudeau, Puznava and Thornberg, Simultaneous nitrification and denitrification in biofilters with real-time aeration control, IWA Conference, 3-7 July 2000, Paris.
- * Payraudeau, Puznava, Thornberg, Magnin and Reddet, Aeration control of a nitrifying biofilter system by using online analyzers, IAWQ Conference on Biofilm Systems, October 17-20, 1999, New York.
- * Thogersen and Hansen, Full scale parallel operation of a biological aerated filter and activated sludge for nitrogen removal, IAWQ Conference on Biofilm Systems, October 17-20, 1999, New York.