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Application de l'ultrafiltration en traitement des eaux : produits et résultats

30 mai 1990 Paru dans le N°137 à la page 28 ( mots)
Rédigé par : J.l. BERSILLON, D VIAL et P THEBAULT

Le traitement des eaux turbides par les procédés à membranes reçoit depuis peu l’attention des traiteurs d'eau. En effet, il a été montré que ce traitement était techniquement faisable, et la Lyonnaise des Eaux a déjà mis en service sur cette base une petite station sur le site d'Amoncourt (1). Cette installation, qui est en fonctionnement ininterrompu depuis le mois de Novembre 1988, donne toujours entière satisfaction.

Pendant que cette usine était étudiée, puis construite, l’effort de recherche et de développement s'est poursuivi, avec notamment pour objectif la mise au point de modules de plus grande capacité. L'objet du présent article est de présenter l'état actuel de la gamme de modules d'ultrafiltration qui sont opérationnels (c’est-à-dire actuellement en service sur des stations de traitement d'eau potable).

La gamme de modules

Parmi les procédés employant une membrane sous pression, l'ultrafiltration se situe entre la microfiltration, qui arrête des particules de 0,1 µm au minimum, et l'osmose inverse, qui arrête des particules de la dimension des ions. Dans le traitement des eaux, l'un des problèmes les plus difficiles à résoudre est celui de la séparation des colloïdes contenus dans l'eau, ce qui, la plupart du temps, implique l'addition de produits chimiques (coagulants, agents floculants). Autrement dit, à condition que sa porosité soit correctement choisie (seuil de coupure), la membrane effectue le travail normalement réservé à la clarification, sans besoins de réactif pour effectuer la séparation.

Ces considérations ont conduit la Lyonnaise des Eaux à choisir l'ultrafiltration comme procédé pour la clarification des eaux. Une série d’expérimentations a permis de sélectionner le modèle de membrane qu’elle a mis au point, qui présente les avantages suivants :

  • * meilleure récupération des flux lors des rétrolavages,
  • * meilleure production sous des conditions économiques de fonctionnement,
  • * meilleure qualité de l’eau traitée (inférieure à 0,1 NTU, recommandation US EPA pour le Safe Drinking Water Act),
  • * absence de germes totaux dénombrés sur l'eau traitée.

Ces raisons ont conduit la Lyonnaise des Eaux à utiliser la membrane en cause comme étant définie spécifiquement pour le traitement de l'eau et donnant les meilleurs résultats, et qui, à cet effet, a été mise en modules de deux types.

[Photo : Gamme des modules fabriqués par l'unité de Toulouse. De gauche à droite : 1 modèle L et 4 modèles M (les autres produits correspondent à des applications particulières).]
[Photo : Usine d'eau potable de Douchy : les deux chaînes de modules d'ultrafiltration.]

(1) J.L. Bersillon, C. Anselme, J. Mallevialle, P. Apel, F. Reissers, L’ultrafiltration appliquée au traitement de l’eau potable : le cas d’un petit système, L’eau, l’industrie, les nuisances, nº 130, sept. 1988, p. 61.

[Photo : Fig. 3 : Turbidité (trait gras) et pression transmembranaire (pointillé) enregistrés sur la ligne 1 de Douchy pendant les quatre premiers mois de fonctionnement de cette usine.]
[Photo : Fig. 4 : Détail de la figure 3 montrant la réaction de l’ultrafiltration à une pointe de turbidité.]

(figure 1) dont les caractéristiques sont les suivantes :

— le module M : surface filtrante de 7,2 m² ; capacité de production de 700 à 1 400 l/h. C’est ce module qui a été installé à Amoncourt ;

— le module L : surface filtrante de 50,2 m² ; capacité de production de 5 à 10 m³/h. Son diamètre nominal est de 300 mm ; c’est actuellement le plus gros module unitaire d’ultrafiltration existant sur le marché. Il est opérationnel sur l’usine de Douchy (Loiret) depuis septembre 1989.

Tableau I

Analyse de type 2 effectuée sur l’eau brute de Douchy

Éléments Unités Valeurs
RésistivitéΩ·cm1 960
pH à 20 °C7,73
Matières en suspensionmg/l1,68
O₂ cédé par KMnO₄mg/l0,50
Dureté totale°F29,2
TAC°F23,0
Chloruresmg/l15
Sulfatesmg/l SO₄14
Nitratesmg/l NO₃45
Nitritesmg/l NO₂0,0
Ammoniummg/l NH₄0,0
Ferµg/l Fe< 10
Manganèseµg/l Mn< 10
Magnésium°F Mg0,99
Calciummg/l Ca113
Sodiummg/l Na64
Potassiummg/l K24
Aluminiumµg/l Al< 20
Silicemg/l SiO₂11
Fluormg/l F0,10
Détergents anioniquesµg/l250
Orthophosphatesµg/l37
Carbone organique totalmg/l0,55
Absorbance à 254 nmDO/m0,95

L’usine de Douchy

Le Syndicat de Douchy-Montcorbon, situé auprès de Montargis dans le Loiret, comprend 2 000 habitants et ne comporte aucune industrie consommatrice d’eau. Ses besoins en eau sont de 50 m³/h en demande de pointe. La ressource est constituée par un captage en zone karstique, qui présente des problèmes de turbidité analogues à ceux déjà traités à Amoncourt.

L’usine en place était constituée d’une coagulation sur filtre, utilisant comme coagulant du sulfate d’aluminium. Les problèmes qui se posaient étaient essentiellement dus au réglage de cette coagulation, donnant par moments des post-précipitations dans le réseau (phénomène d’« eaux troubles »). De plus, avec le resserrement des normes de turbidité (maintenant de 2 NTU maximum), l’installation devenait très difficile à gérer.

L’analyse de l’eau brute et de ses variations saisonnières a fait ressortir une qualité d’eau acceptable du point de vue des polluants dissous (tableau I). Il a donc été décidé d’implanter sur ce site une usine d’ultrafiltration afin d’améliorer la qualité de l’eau distribuée.

L’usine est constituée de deux lignes de huit modules L, montés en parallèle (figure 2). Chacune de ces lignes est équipée d’une pompe de recirculation assurant une vitesse de 0,9 m/s. La station est en outre gérée par un automate qui déclenche les séquences de lavages hydrauliques, en fonction de l’évolution des paramètres du procédé ou du temps de fonctionnement. L’automate gère aussi les mises en route et les arrêts des deux lignes, en fonction de la demande en eau.

Tableau II

Extrait d’analyses européennes effectuées sur le site de l’usine d’ultrafiltration de Douchy

Dates des prélèvements : 22/11/1989 — 18/12/1989

Paramètres Eau brute Eau traitée Eau brute Eau traitée
Turbidité (NTU)0,280,063,000,06
Fe (µg/l)< 20< 2040< 20
Mn (µg/l)< 5< 5< 5< 5
Al (µg/l)< 10< 10195< 10
Oxydabilité au KMnO₄0,150,050,400,40
Coliformes totaux44010⁶0
Streptocoques fécaux003640
Germes totaux (37 °C)6< 1> 300< 1

Exploitation de l’installation

Depuis sa mise en service en septembre 1989, la réaction de l’installation aux variations de la qualité de l’eau brute a été examinée en fonction des paramètres du procédé aussi bien que de la qualité de l’eau obtenue (sur cinq premiers mois d’exploitation).

La figure 3 représente le profil de turbidité de l’eau brute pendant cette période. On peut y remarquer l’existence de pics de turbidité (de 5 à 20 NTU) qui coïncidaient avec des épisodes de pluie, tandis que la turbidité « de fond » se situait entre 0,3 et 1 NTU. La réponse à ces variations apparaît aussi sur la figure, où l’on constate que la pression de fonctionnement a tendance à augmenter avec la turbidité, alors que la production est maintenue constante.

Comme dans le cas d’Amoncourt, il est intéressant de remarquer que le système s’auto-décolmate, ce qui se traduit par un retour à la normale des pressions de fonctionnement avec un léger décalage dans le temps (figure 4). En ce qui concerne la qualité de l’eau produite, on retrouve les résultats déjà constatés à Amoncourt, où l’eau traitée est excellente, quelles que soient les caractéristiques de l’eau brute, comme on le voit à l’examen du tableau II, où l’on peut remarquer l’excellente qualité des eaux produites par ultrafiltration, notamment en ce qui concerne l’élimination des matières en suspension. Ces résultats sont conformes à ceux déjà trouvés lors des expériences pilotes de validation, effectuées en 1988-1989, et illustrés par les figures 5 et 6.

On voit également sur la figure 4 une comparaison des turbidités des eaux traitées par ultrafiltration avec celles traitées par coagulation sur filtre, qui démontre que les variations de qualité de l’eau brute sont beaucoup mieux écrêtées par le premier procédé.

[Photo : Fig. 5 : Expérience de validation pilote sur le site de Douchy. En trait plein, est représentée la turbidité de l’eau brute, avec des carrés blancs, la turbidité de l’eau de la station (coagulation sur filtre) et avec des losanges noirs, la turbidité de l’eau ultrafiltrée.]
[Photo : Fig. 6 : Abattement de l’absorbance de l’eau à 254 nm (DO par m). On a représenté la droite de régression, ainsi que la première diagonale. L’abattement moyen de ce paramètre est de 26 %.]

La figure 6 illustre l’abattement de l’absorption des rayons UV (254 nm), utilisée comme indice de pollution organique, abattement qui s’élève à 26 % en moyenne, ce qui est à mettre à l’actif de l’ultrafiltration qui supprime l’emploi de tout réactif de séparation (coagulant).

Un premier bilan d’exploitation sur quatre mois, donc appelé à être affiné, fait ressortir par rapport à l’ancienne installation un surcoût d’exploitation de l’ordre de 90 centimes/m³ (y compris l’ensemble des dépenses énergétiques, les coûts de main-d’œuvre, et la dotation du renouvellement du matériel). L’optimisation du fonctionnement de l’unité est appelée à faire baisser ce surcoût, en particulier sur les postes énergétiques, et de main-d’œuvre.

En contrepartie, le Syndicat de Douchy-Moncorbon dispose maintenant d’une eau dont la qualité ne peut être égalée par les techniques de clarification classiques.

Conclusion

L’approche très complète des problèmes, telle qu’elle a été effectuée au cours des études, a permis d’obtenir un procédé industriel dont l’application n’a pas nécessité de mise au point, l’installation fonctionnant dans ses conditions nominales. Cependant, ce procédé est actuellement examiné à l’usine de Douchy sous l’angle particulier des économies d’énergie.

La technique de l’ultrafiltration qui a été mise en œuvre a démontré qu’elle permettait de résoudre les problèmes posés par une ressource en eau de qualité très variable, aussi bien aux plans de la turbidité que des autres paramètres liés à la qualité (Al, Fe, bactéries).

L’ultrafiltration qui a ainsi conquis ses lettres de noblesse doit maintenant être considérée comme une solution d’avenir dans le traitement de l’eau potable, dans la mesure où elle permet de respecter les normes de qualité les plus exigeantes.

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