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Application de l'ATPmétrie à l'épuration par voie biologique

28 février 2008 Paru dans le N°309 à la page 78 ( mots)
Rédigé par : Véliana TODOROVA et Marc FLORLOT

La gestion du fonctionnement d'une station d'épuration biologique nécessite le contrôle de certains paramètres, en particulier ceux qui concernent le développement de la biomasse. Les méthodes utilisées (gravimétrie, respirométrie, observations microscopiques') pour mesurer et exploiter ces valeurs sont bien maîtrisées et l'ATPmétrie ne prétend pas se substituer à elles. Néanmoins, par sa facilité d'utilisation sur site et sa rapidité d'exécution, la mesure de l'ATP peut s'avérer être un outil très performant pour ceux qui ont en charge l'exploitation d'une épuration biologique ainsi que pour ceux qui sont amenés à effectuer des audits sur ce type d'installation.

Les méthodes utilisées (gravimétrie, respirométrie, observations microscopiques…) pour mesurer et exploiter ces valeurs sont bien maîtrisées et l’ATPmétrie ne prétend pas se substituer à elles. Néanmoins, par sa facilité d’utilisation sur site et sa rapidité d’exécution, la mesure de l’ATP peut s’avérer être un outil très performant pour ceux qui ont en charge l’exploitation d’une épuration biologique ainsi que pour ceux qui sont amenés à effectuer des audits sur ce type d’installation.

Adénosine Tri Phosphate (ATP) est une molécule présente dans toute cellule vivante et qui a pour fonction de gérer l’énergie au sein de cette cellule. La concentration d’ATP est directement liée à la quantité de biomasse et à son niveau de stress. L’ATP est quantifiée par une réaction de bioluminescence. L’enzyme luciférase catalyse la réaction entre la luciférine (substrat), l’ATP (cofacteur) et l’oxygène, ce qui entraîne une émission de lumière. Chaque molécule d’ATP consommée dans la réaction produit un photon de lumière. La production de lumière à partir de cette réaction est mesurée en utilisant un luminomètre, dans lequel la quantité de lumière produite est directement proportionnelle à la quantité d’énergie biologique présente dans l’échantillon.

ATP + luciférine + O₂ → AMP + PPi + oxyluciférine + lumière
Mg²⁺
Luciférase

À la mort des cellules, la membrane cellulaire est détruite et l’ATP est alors vite dégradé. Cependant, de l’ATP extracellulaire peut exister pendant quelques minutes à une heure dans l’environnement malgré cette dégradation rapide.

Ainsi, on distinguera :

  • - ATP intracellulaire : le cATP (ATP actif dans la cellule) ;
  • - ATP extracellulaire : le dATP (ou ATP dissous) ;
  • - ATP total : tATP = cATP + dATP.

Par des techniques classiques d’ATPmétrie, seul 1 % du dATP libre est mesurable.

reste est lié à des oxydes, matières en suspension, autres molécules et n'est donc pas quantifié.

La nouvelle génération de kits ATPmétrie développés par Luminultra™ (Canada) et distribués en Europe par Aqua-tools permet d’avoir une quantification de l’ATP dissous et total dans sa globalité, en libérant tout l’ATP complexé et non accessible directement à la réaction enzymatique. L’ATP intracellulaire, représentatif de la biomasse active, et donc épuratrice, est calculé par différence entre cATP et tATP. Les kits TCB™ (Total Control Biological), par leur large gamme de quantification, sont spécifiquement développés pour être utilisés dans les eaux de station d’épuration.

Applications possibles de l’ATPmétrie de nouvelle génération

Détermination de la biomasse active d'un bassin de boues activées.

Classiquement, on détermine la concentration en boue d'un bassin de boues activées par filtration d'une certaine quantité d'eau, séchage du gâteau et pesée de celui-ci. On obtient ainsi une teneur en matières en suspension qui englobe matières minérales et organiques. On peut différencier ces éléments par un passage au four à haute température. D’une manière très générale, la répartition est de 25 % en matières minérales et 75 % en matières organiques.

Le paramètre cATP (ATP intracellulaire) mesuré par l’ATPmétrie représente l’énergie et l'activité de la biomasse vivante d’un bioréacteur. C’est un paramètre très pertinent à suivre dans une station d’épuration biologique car il apporte des informations directes sur la biomasse active, qui est la force épuratrice de la station, et son évolution dans le temps.

On peut déterminer la biomasse totale d’un système épuratoire sachant que 1 ng/ml d’ATP correspond à 0,5 mg/l de biomasse (exprimé en matière sèche).

Par la même technique, on peut mesurer la biomasse active de la boue recirculée qui est environ deux fois plus concentrée que celle du bassin de boues activées.

En effectuant ces mesures deux fois par semaine on obtiendra une courbe qui donnera les tendances suivantes :

  • un rapport maintenu vers 2 indiquera que la décantation dans le décanteur secondaire est correcte et qu’il n’y a pas de phénomène perturbant la séparation eau et matières en suspension (ex. bactéries filamenteuses…),
  • un rapport qui a tendance à diminuer demandera une recherche sur l’origine de cette dérive.
[Photo]

Avec cette technique, il n’est cependant pas possible de distinguer la matière organique inerte de la vivante.

Recherche de toxiques

La biomasse doit métaboliser un substrat de quantité et de qualité aléatoires. Ces variations peuvent être stressantes pour la microfaune épuratrice qui, à l’extrême, peut être détruite.

En milieu industriel, l’effluent peut être très fluctuant pour les raisons suivantes : arrêt d'unités, changement de procédés, changement de matières premières, fuites accidentelles, nettoyage, présence de toxiques.

La détermination du Biomasse Stress Index (BSI™) permet d’évaluer la réaction de la masse biologique à l’apparition de ces événements, en particulier les toxiques. Le BSI est le pourcentage de cATP dans le tATP : BSI = cATP / tATP

Plus la biomasse est active et en bonne santé, plus le BSI est faible. Inversement, la présence de substances néfastes se traduit par une augmentation du stress de la biomasse et donc une augmentation de son BSI.

On considère qu’un BSI < 30 % est tout à fait satisfaisant.

Applications exploitant la valeur du BSI

Toxicité due à un effluent : à l'aide du BSI on peut ainsi mettre en évidence la nocivité d'un effluent quelconque provenant d’une unité particulière. On peut isoler cet effluent, ou en limiter son débit et déterminer quel pourcentage de cet effluent peut être additionné au débit total de l'effluent à traiter.

Stress de la biomasse active : en mesurant les variations des BSI sur l’effluent à traiter et sur la biomasse, on peut avoir une idée de l’origine du stress. Si les variations sont superposables on peut en déduire que le stress provient de l’effluent à traiter. Si le BSI de l’effluent à traiter est constant et proche de 30 % et si le BSI de la boue activée est variable, on peut en déduire que le stress provient de la gestion du fonctionnement de boues activées (voir l’oxygénation, les nutriments, etc.).

Boue d’ensemencement : pour reconstituer une biomasse, il est souvent fait appel à une importation de boue biologique provenant d'une autre station d’épuration. Indépendamment du fait que cette boue soit adaptée ou non à l’effluent à traiter, on peut se poser un certain nombre de questions sur cette boue, son état de santé, est-elle opérationnelle dans la nouvelle station d’épuration ?

En fonctionnement normal, l’ensemencement est effectué par la boue provenant du décanteur secondaire qui est orientée vers l’entrée du bassin de boues activées. Cette “boue recirculée” a un BSI de 25 à 35 %. La mesure de BSI informera sur l'état de santé de la boue et l’intérêt de l'utiliser pour réactiver un système épuratoire.

Après le réensemencement, par la mesure du BSI, on peut suivre la vitesse d’adaptation de la biomasse dans le nouvel environnement et identifier le moment à partir

duquel elle est parfaitement opérationnelle.

Bactéries filamenteuses

Par la nouvelle génération de kit d'ATPmétrie, il est possible de mettre en évidence le développement des bactéries 8 jours avant l'apparition des phénomènes perturbant la station d'épuration.

Cette mesure est possible grâce à une quantification différenciée de l'ATP des bactéries filamenteuses de l'ATP des autres germes.

Exemple d'utilisation de l'ATP pour l’étude de la toxicité des effluents entrants

Le suivi du stress de la biomasse sur les effluents entrants et sur les bioréacteurs permet d'identifier l'origine de problème de stress de la biomasse (dysfonctionnement du bioréacteur ou effluent toxique) et de trouver une solution au problème.

Un problème est survenu sur une station municipale de traitement des eaux usées dans la partie ouest du Canada. Cette station traite les eaux de rejets de la commune, ainsi que les eaux de plusieurs sites industriels. Un incident du traitement de l'ammonium est survenu. L'absence de nitrification dans les bioréacteurs a conduit au dépassement des seuils en azote rejeté dans les eaux de rejets.

Compte tenu de la complexité du schéma de la station d'épuration (Schéma 1), il était important d’identifier l’origine du problème – est-ce qu’il s'agit d'un incident d’exploitation de la station d'épuration ou d’un problème en amont provenant des eaux effluentes dans la station. En supposant que l’origine de la perturbation venait des eaux entrantes, il était important d'identifier la source du toxique qui a conduit à la perte d’activité des bactéries nitrifiantes.

[Photo : Schéma 2 : Suivi du stress de la biomasse sur le bioréacteur 3 et l’effluent entrant dans la station d’épuration.]

La station d’épuration a été suivie pendant 3 mois par la mesure de l’ATP avec les kits TCB™ (Total Control Biological) développés par Luminultra et distribués en Europe par la société Aqua-tools. Les tests étaient effectués au niveau de l'effluent entrant, le bassin de rétention, le bioréacteur 3, le retour de boue et l’effluent final.

Grâce à la quantification de l'ATP dissous et de l'ATP total des différents points analysés, le stress de la biomasse (BSI™ = dATP/AATP) a pu être suivi dans le temps. Les courbes de BSI entre la fin de novembre et la fin de janvier ont été construites et superposées afin d’identifier l’origine du problème de nitrification (Schéma 2).

L’observation des courbes permet de se rendre rapidement compte que le stress de la biomasse au niveau de l'effluent entrant et le stress de la biomasse au niveau du bioréacteur suivent exactement la même évolution.

[Photo : Schéma 1 : Diagramme de la station d’épuration.]

Une corrélation de 86 % existe entre le stress de la biomasse de l'effluent entrant et celui du bioréacteur 3 indiquant qu’un problème de toxicité provenant de l’effluent principal était la cause du problème de nitrification dans le bioréacteur. Un dérèglement du fonctionnement des bioréacteurs a pu être mis hors de cause dans cet incident. Suite à l'identification de l’origine du problème, une enquête a été menée afin de déterminer d’où provient la toxicité de l’effluent.

Cette enquête a conduit à la découverte qu'un des sites industriels en amont (usine de production de plaques de cuivre) avait mis en application des procédures d’arrêt de congé conduisant à des rejets importants de métaux lourds, dont principalement le cuivre.

Ces rejets de métaux ont conduit au stress anormal au niveau du bioréacteur. Les bactéries nitrifiantes sont particulièrement sensibles aux toxiques. Le premier signe de perturbation de l'activité de la biomasse a donc pu être observé par le manque d’activité des bactéries nitrifiantes, conduisant à une absence d’oxydation de l’azote ammoniacal donc à l'absence de nitrification.

Conclusion de l’étude

Suite à l'utilisation de la technique d’ATPmétrie, les exploitants de cette station d’épuration municipale ont pu rapidement identifier l’origine du problème et déterminer la cause du mauvais fonctionnement de l'installation. Un problème purement lié à l'exploitation a pu être écarté, car l’origine de la toxicité était située en amont à la station.

Champs d'application de la nouvelle génération d'ATPmétrie dans les stations d'épuration des eaux usées

I. Piloter l'installation grâce à la quantification de la biomasse active

  • - Cartographier une STEP pour connaître son fonctionnement
  • - Contrôler l'état de santé de la biomasse active dans la station d'épuration
  • - Suivre l'état de fonctionnement d'une STEP sur la base du C, ABR et SIR
  • - Suivre la qualité des effluents entrants
  • - Ajuster la charge polluante à l'entrée du bassin de boues activées, utiliser au mieux les décanteurs et le traitement primaire
  • - Optimiser l'aération des bassins
  • - Optimiser les conditions de fonctionnement de la station (nutriments, pH, oxygène)

II. Prévenir les problèmes de dérive du fonctionnement de l'installation en les détectant précocement : utiliser l'ATP comme une alarme précoce d'un problème de fonctionnement

  • - Prévenir la dégradation de l'eau de rejet en détectant tôt les problèmes de fonctionnement de la station
  • - Étudier la réponse de la biomasse aux changements de production, qualité des effluents entrants, toxiques
  • - Détecter en avance les problèmes liés à une toxicité des effluents entrants
  • - Étudier la concentration maximale de toxiques à introduire dans le bassin sans perturber son fonctionnement
  • - Détecter en avance l'apparition des bactéries filamenteuses

III. Suivre les actions d'amélioration du fonctionnement de l'installation

  • - Suivre le réensemencement d'une station
  • - Suivre l'efficacité des bioadditifs ou nutriments ajoutés dans les bassins biologiques
  • - Améliorer la qualité des eaux de rejet en optimisant les paramètres de fonctionnement
  • - Diminuer la quantité de boues produites

Après l'identification de l'origine de la toxicité, la deuxième étape serait d'utiliser la technique pour étudier la concentration à laquelle on peut déverser l'effluent toxique dans le bassin biologique sans perturber l'activité de la flore épuratrice.

Conclusion

La nouvelle génération de kits d'ATPmétrie développés par LuminUltra™ (Canada) et distribués en Europe par Aqua-tools constitue un outil performant pour piloter une station d'épuration et éviter toute dégradation de la qualité de l'eau de rejet en anticipant et détectant précocement les dérives du fonctionnement de l'installation.

De par leurs très faibles encombrements, le luminomètre et les kits TCB™ peuvent être utilisés par des techniciens itinérants qui, sur site et sans délai d'attente (mesures sur boue fraîche et résultats rapides), sont capables de mesurer la quantité de biomasse active dans un bassin de boues activées.

Ils peuvent communiquer immédiatement à l'exploitant leurs remarques ainsi que des consignes d'exploitation.

D'autres kits permettent d'évaluer également la quantité de biomasse dans les réseaux d'eaux de refroidissement, eaux sanitaires, eaux de process tout en utilisant le même luminomètre.

Le concept LuminUltra™ est d'une grande polyvalence car, avec un investissement minime, il autorise un meilleur suivi des phénomènes microbiologiques présents dans les eaux industrielles. ■

[Publicité : Éditions JOHANET]
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