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Application d'un procédé SBR anaérobie et aérobie au traitement carboné et azoté du lisier

29 mai 1998 Paru dans le N°212 à la page 56 ( mots)
Rédigé par : Nicolas BERNET, René MOLETTA, Nadine DELGENèS et 1 autres personnes

Le traitement biologique des excédents de lisiers de porcs peut être réalisé en utilisant deux réacteurs discontinus à alimentation séquentielle. Un premier réacteur anaérobie, assurant la dénitrification de l'azote puis la méthanisation d'une partie du carbone organique, est alimenté avec le lisier brut et l'effluent recyclé du second réacteur aérobie. Le SBR aérobie, alimenté avec l'effluent du SBR anaérobie, réalise la finition de l'épuration carbonée et la nitrification de l'azote ammoniacal. Au cours de six mois de fonctionnement à un taux de recyclage de 2, des rendements d'élimination de 85 à 92 % sur le carbone organique total (COT) et de 87 à 95 % sur l'azote total Kjeldahl (NTK) ont été obtenus.

Dans certaines régions de forte production porcine, la valorisation agricole des lisiers par épandage est rendue impossible, principalement par le manque de terres disponibles. Un traitement est alors nécessaire pour éliminer les lisiers excédentaires. La digestion anaérobie permet d'éliminer la matière organique des effluents fortement chargés tout en produisant un biogaz valorisable. De plus, elle s'accompagne d'une faible production de boues en comparaison des procédés aérobies (Moletta, 1993). Son application au traitement des lisiers a fait l'objet de nombreux travaux (Andreadakis, 1992 ; Bortone et al., 1991 ; Dague & Pidaparti, 1992 ; Héduit et al., 1982 ; Lo et al., 1994 ; Prisum & Wajsfelner, 1991 ; Summers & Bousfield, 1980). Le principal inconvénient de ce procédé est

[Photo : Configurations de procédés d'épuration carbonée et azotée]

qu'il ne traite pas la pollution azotée qui est pourtant le problème principal à résoudre dans le cas des lisiers. Les composés azotés se retrouvent après méthanisation sous la forme d'azote ammoniacal. C'est pourquoi les traitements biologiques des lisiers se sont tournés vers l'élimination de l'azote par nitrification-dénitrification (Coillard, 1996). L'élimination de l'azote est alors satisfaisante mais le traitement de la pollution organique par dénitrification n'élimine que 3 g DCO par g N-NO3 dénitrifié. La matière organique restante est dégradée par voie aérobie, ce qui se traduit par une production de boues importante. Il nous a donc semblé intéressant d'essayer de combiner la digestion anaérobie avec le traitement de l'azote par nitrification-dénitrification afin de développer un procédé de traitement efficace générant un minimum de boues.

La combinaison de ces deux procédés peut se faire suivant une configuration classique (figure 1.a). Trois réacteurs sont alors nécessaires, ce qui est difficilement envisageable d'un point de vue économique. De plus, après méthanisation, le carbone disponible dans l'effluent anaérobie risque d'être insuffisant pour assurer une dénitrification complète de l'azote, nécessitant l'ajout d'une source de carbone exogène. L'utilisation d'une aération séquentielle peut permettre de réaliser nitrification et dénitrification dans le même réacteur mais ne résout pas le problème du manque de carbone organique en sortie de méthaniseur. C'est pourquoi nous proposons la configuration présentée sur la figure 1.b, dans laquelle la dénitrification s'effectue dans le digesteur.

Outre l'économie d'un réacteur, cette configuration devrait assurer une utilisation optimale du carbone organique. Le carbone facilement dégradable, essentiellement sous forme d'acides gras volatils (AGV), est d'abord utilisé lors de la dénitrification. La matière organique restante est ensuite transformée en biogaz.

Des études préliminaires ont montré qu'une telle configuration était applicable à des effluents présentant un rapport carbone/azote bas et/ou de fortes teneurs en AGV. Dans le cas contraire, le nitrate risque d'être réduit non pas en azote moléculaire gazeux par dénitrification, mais en azote ammoniacal par ammonification (Akunna et al., 1992, 1993).

[Photo : Vue d'ensemble des réacteurs R2, R1, R3, R4 (de gauche à droite) et de toute l'installation associée (alimentation en lisier, effluents sortis des réacteurs, pompes, débitmètres, régulation thermique par bain-marie…)]

Caractéristiques du lisier utilisé

Cette étude a été réalisée à partir de la fraction liquide du lisier après centrifugation. Les caractéristiques de l'effluent utilisé sont présentées dans le tableau I. Le lisier se caractérise par une forte concentration en azote et un rapport carbone/azote très bas. Au départ, l'azote est essentiellement sous forme organique et une ammonification se produit au cours de son stockage. De même, la teneur en acides gras volatils (AGV) tend à augmenter avec le temps de stockage. Ainsi, dans le lisier utilisé au cours de cette étude, 81 % de l'azote était sous forme ammoniacale et 56 % du COT sous forme d'AGV.

Description du procédé

La configuration du procédé est présentée sur la figure 2. Les deux réacteurs ont été conduits en mode SBR suivant le principe décrit sur la figure 3. La durée des cycles était de 24 heures. Le réacteur anaérobie R1 d'un volume utile de 1,5 l était alimenté une fois par jour avec 200 ml de lisier et 400 ml d'effluent nitrifié.

Le réacteur aérobie R2 d'un volume utile de 3 l était alimenté quotidiennement avec 600 ml d'effluent du réacteur anaérobie. Le taux de recyclage choisi, c'est-à-dire le rapport du débit d'effluent aérobie recyclé dans

[Photo : Configuration du procédé appliqué et traitement du lisier]

Tableau I : Composition du lisier de porc utilisé

Paramètre Gamme Valeur moyenne
COT (g/l) 3,25-3,93 6,52
AGV (g C/l) 1,58-1,06 3,04
NTK (g/l) 3,65-6,00 3,89
NH4 (g/l) 2,35-2,65 3,16
pH 7,23-7,95 7,68

COT : Carbone Organique Total ; AGV : Acides Gras Volatils ; NTK : Azote Total Kjeldahl

[Photo : Figure 3 : principe de fonctionnement du procédé SBR (d'après Torrijos et al., 1997)]

Le digesteur (Q₂) au débit de lisier brut (Q₁) est ici de deux (400/200). Un réacteur de méthanisation seule R3 et un réacteur de nitrification-dénitrification R4 ont été suivis en parallèle comme procédés de référence.

Performances obtenues

SBR anaérobie

La dénitrification était très rapide dans le réacteur lors de l’alimentation simultanée en lisier et en effluent nitrifié, grâce à l’utilisation des AGV du lisier par les bactéries dénitrifiantes. La dénitrification a contribué à environ 40 % de l’élimination de la matière organique. Après réduction totale des nitrites et nitrates, la digestion anaérobie se mettait en place. L’importance du processus de dénitrification dans ce réacteur est confirmée par la haute teneur du biogaz en azote N₂, produit de la réaction. De plus, la composition de ce biogaz est fortement dépendante des variations de charge en azote appliquée au réacteur. Comme on peut le constater sur la figure 4, la courbe de la teneur en azote dans le gaz est tout à fait corrélée à la charge en nitrates et/ou nitrites (N-NO₃) du réacteur. La teneur en méthane suit une courbe symétrique. La très faible teneur en CO₂ s’explique par le pH élevé dans le réacteur (supérieur à 8) en raison de la forte concentration en NH₄ et de l’activité dénitrifiante. Le CO₂ formé est donc principalement immobilisé sous la forme de carbonates. L’effluent présente donc une alcalinité élevée. On peut donc faire coexister dans un même réacteur les processus de dénitrification et de méthanisation, même si ces deux réactions sont séparées dans le temps, la digestion anaérobie étant inhibée en présence d’oxydes d’azote.

SBR aérobie

Ce réacteur a contribué pour 10 % à 40 % à l’élimination de la matière organique du lisier. Ce pourcentage dépendait essentiellement de l’efficacité du traitement anaérobie en amont. Dans tous les cas, la teneur en COT de l’effluent était stable, entre 0,6 et 0,7 g COT/l. La consommation du carbone organique dans ce réacteur était rapide au début de chaque cycle. Elle faisait place ensuite à la nitrification de l’azote ammoniacal produit dans le digesteur, principalement en nitrite NO₂⁻. Cette nitrification incomplète ne pose pas de problème puisque la dénitrification peut se faire à partir du nitrite.

Procédé global

La figure 5 présente les performances du système. De très bons rendements d’épuration sur le carbone organique et l’azote organique ont été obtenus. Le rendement d’élimination de l’azote global (azote organique + nitrate-nitrite) est plus faible car, à un

[Photo : Figure 4 : Évolution de la charge azotée et de la composition du biogaz dans le réacteur anaérobie]
[Photo : Vue rapprochée des réacteurs R2 (nitrification) à gauche de la photographie, et R1 (méthanisation + dénitrification) au centre droit]
[Photo : Vue des réacteurs R3 (méthanisation) à gauche de la photographie, et R4 (nitrification) à droite, avec leurs flacons d’alimentation en lisier et de sortie d’effluent]
[Photo : Figure 5 : Performances du procédé pour l'élimination du COT et du NTK]
[Photo : Vue rapprochée des réacteurs R1 (à gauche) et R3 (à droite) avec leurs flacons d’alimentation en lisier et de sortie d’effluent]

Taux de recyclage de 2, un tiers des N-NO₃ produits dans le SBR aérobie est rejeté avec l’effluent. Ce pourcentage peut être réduit en augmentant le taux de recyclage, c’est-à-dire en recyclant une plus grande proportion de N-NO₃. Il est aussi possible d’améliorer l’efficacité du procédé sur ce point en dénitrifiant partiellement dans le réacteur aérobie au moment de l’alimentation. En effet, en réduisant l’aération, le carbone résiduel issu du réacteur anaérobie pourrait alors être utilisé pour dénitrifier dans ce réacteur, permettant une diminution des rejets en N-NO₃.

Conclusion

Le procédé proposé pour le traitement du carbone et de l’azote appliqué au lisier de porcs présente de bons rendements épuratoires. La dénitrification dans le digesteur est rapide et complète permettant une mise en place de la digestion anaérobie dans la plus longue partie du cycle. Ce procédé assure ainsi une utilisation optimale de la matière organique. De plus, la configuration proposée permet de diluer le lisier à l’entrée du digesteur, limitant ainsi considérablement l’inhibition de la méthanisation par l’ammoniac.

Une application à l’échelle pilote permettra de valider ce procédé et notamment son effet sur la digestion des matières en suspension (MES) et la diminution du volume des boues, difficile à appréhender à l’échelle du laboratoire.

Ce procédé peut être appliqué à d’autres effluents agricoles ou d’industries agro-alimentaires présentant de fortes teneurs en matière organique et en azote, et un faible rapport carbone/azote.

Références bibliographiques

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  • Moletta, R. (1993). La digestion anaérobie : du plus petit au plus grand. Biofutur, 16, 25.
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