Your browser does not support JavaScript!

Application d'un procédé SBR à la dépollution des eaux usées de petites coopératives laitières

30 mai 1997 Paru dans le N°202 à la page 31 ( mots)
Rédigé par : René MOLETTA, Michel TORRIJOS et Bernard GSELL

Le procédé SBR est un procédé de traitement des eaux usées par boues activées qui fonctionne en mode séquentiel discontinu. Il a été appliqué au traitement des eaux usées rejetées par les petites fromageries du massif jurassien produisant du Comté. Une unité de dépollution a été construite à la fromagerie de le Fied (39) pour traiter la totalité des eaux de lavage et un protocole de validation de 6 mois à l'échelle industrielle a été mis en place. Les excellentes performances épuratoires obtenues, la simplicité de fonctionnement ainsi que les coûts d'investissement et de fonctionnement modérés montrent que le procédé SBR est parfaitement bien adapté à la dépollution des effluents des petites coopératives fromagères et plus généralement au traitement des petites sources de pollution des industries agro-alimentaires.

Michel Torrijos, Laboratoire de Biotechnologie de l’Environnement, INRA

Bernard Gsell, Fédération des Coopératives Laitières du Jura

René Moletta, Laboratoire de Biotechnologie de l’Environnement, INRA

[Photo : Vue de l'installation de Le Fied (Jura)]

Les petites coopératives fromagères du massif jurassien, situées en zone rurale sur des plateaux karstiques peu habités, sont confrontées à la recherche de solutions pour le traitement de leurs effluents laitiers.

Les Fédérations de Coopératives laitières (FDCL) se sont mobilisées avec l'Agence de

L’Eau pour mettre en place un programme d’action axé sur :

  • - la réduction de la pollution à la source,
  • - la recherche de solutions autonomes quand la commune ne peut pas programmer un traitement à court terme.

Le traitement autonome des effluents d’une fruitière (moins de 400 EH) étant jusqu’à présent trop onéreux, les FDCL recherchait des propositions techniques adaptées, robustes, simples d’utilisation, efficaces en épuration, et économiques, notamment en coût de fonctionnement.

La rencontre de la FDCL du Jura avec l’INRA de Narbonne a permis la mise en place d’un protocole d’essai, avec les soutiens financiers du Conseil Général du Jura et de l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse. L’engagement de la coopérative de Le Fied et du partenaire industriel fabricant les cuves, les Ateliers d’Occitania, a permis la concrétisation du projet.

La solution technique qui a été retenue consiste en un traitement des effluents par un procédé de type boues activées à faible charge, fonctionnant en mode séquentiel discontinu ou SBR (Sequencing Batch Reactor). Le procédé SBR a déjà été appliqué avec succès au traitement des effluents d’origine vinicole par l’INRA de Narbonne. Les travaux se sont déroulés en deux temps :

  • - Une première phase en laboratoire, qui a donné des résultats très positifs,
  • - Une deuxième phase de suivi d’un réacteur à l’échelle industrielle entre le 15 juin et le 16 décembre 1996 à la fromagerie de la commune de Le Fied dans le Jura (39).

Cet article rapporte les résultats obtenus lors du suivi du réacteur industriel.

Description des rejets de la fromagerie

La quantité de lait traité annuellement par la fromagerie de Le Fied est de 2 700 000 litres de lait, soit une moyenne de 7 400 litres de lait par jour, avec une pointe de 9 780 litres par jour.

Tout le lait est transformé en Comté et un peu en beurre (1 800 kg/an).

Les sérums issus de la phase de moulage et une grande partie de ceux issus de la phase de pressage-égouttage sont refoulés par pompage sur la centrifugeuse. Après écrémage, ils sont refroidis et stockés dans un container et repris par une société de fabrication de poudre de lactosérum. Suite à la mise en place de l’unité de traitement des effluents, des modifications ont été apportées au niveau du réseau de la partie pressage-égouttage afin que les sérums soient récupérés en totalité.

L’unité de traitement des eaux usées a été mise en place au mois de mai 1996. Le volume d’effluents rejeté journellement pendant la période du suivi est relativement stable avec une valeur moyenne de 10 m³/jour, une valeur minimale de 4 m³/j et une valeur maximale de 14 m³/j (figure 1). La période sans analyse correspond à une période de vacances du fromager.

[Photo : Volume d’eaux usées rejeté par la fromagerie de Le Fied]

Le tableau 1 présente les valeurs des principaux paramètres caractéristiques de l’effluent brut avant traitement biologique.

Tableau 1 : Composition de l’effluent brut rejeté par la fromagerie de Le Fied

À la lecture de ce tableau, un certain nombre de remarques peuvent être effectuées concernant la composition de l’effluent brut :

  • - La pollution organique est essentiellement sous forme soluble. En effet, la DCO soluble représente 72 % de la DCO totale et la concentration en MES est faible,
  • - Le rapport moyen DCO/DBO5 est de 2,12, ce qui confirme que la dégradation d’un effluent fromager par voie biologique ne doit a priori pas poser de problème,
  • - Le rapport moyen DBO5/N/P de 100/5/4,3 est tout à fait correct et permet d’envisager un traitement biologique aérobie sans complémentation nutritionnelle.

Pour les mesures réalisées, le pH des eaux rejetées par la fromagerie est compris entre 5 et 7, avec ponctuellement quelques rares valeurs basiques correspondant à des rejets de soude.

Description de l’installation de dépollution

La technique SBR consiste en un traitement des effluents par batchée. Le volume d’effluents correspondant à une journée de production de la fromagerie est stocké dans une première cuve tampon. Le réacteur qui contient les boues activées est alimenté par l’effluent à traiter une fois par jour.

L’aération est réalisée pendant plusieurs heures puis est arrêtée, pour que l’étape de décantation puisse se réaliser, lorsque l’effluent est épuré. Après décantation, le volume introduit précédemment est éliminé, puis le cycle recommence. Le principe de fonctionnement du SBR est indiqué sur la

[Photo : Figure 2 : principe de fonctionnement du procédé SBR]
[Photo : Figure 3 : Unité de dépollution de la coopérative fromagère de Le Fied (Jura)]

Figure 2. Les boues en excès sont soutirées chaque fois qu’elles sont en trop forte concentration dans le réacteur aérobie. Le contrôle de la teneur en boues dans le réacteur s’effectue par un simple test à l’éprouvette.

L’unité de traitement qui a été installée à la fromagerie du Fied comprend :

  • - Une fosse béton de 20 m³ : cette fosse tampon sert à la réception des eaux usées produites sur une journée. Un dégrillage de l’effluent est assuré par un panier dégrilleur ;
  • - Une cuve de traitement aérobie : cette cuve, construite par les Ateliers d’Occitanie à Narbonne, a un volume total de 65 m³. Elle est isolée et comporte des aérateurs fines bulles alimentés par une soufflante. Deux pompes immergées permettent l’évacuation des effluents traités à la fin de la phase de décantation, et l’évacuation des boues en excès ;
  • - Une cuve de stockage des boues de 65 m³.

Les cuves pour le traitement aérobie et le stockage des boues ont été réalisées à partir de cuves de wagons-citernes remises à neuf. Ces citernes en acier ont une épaisseur de 6 à 8 mm et leur vieillissement dans le temps ne pose aucun problème. Le traitement intérieur comprend un grenaillage à blanc puis l’application d’un revêtement adéquat. Le même traitement est fait à l’extérieur.

Les automatismes permettant de déterminer les séquences de fonctionnement sont très simples. En effet, la soufflante est commandée par une minuterie et les pompes de remplissage et de vidange du réacteur aérobie, ainsi que la pompe d’évacuation des boues, sont commandées par des minuteries et/ou par des sondes de niveau.

Suivi du fonctionnement du réacteur SBR

Dans un premier temps, une culture batch a été réalisée dans le but d’ensemencer le réacteur aérobie et d’acclimater la biomasse. Six mètres cubes de boues, prélevés au niveau du bassin d’aération de la station d’épuration de Plasne près de Le Fied, ont été ajoutés dans la cuve aérobie. Après l’ensemencement, le réacteur a été aéré en continu jusqu’à ce que le rejet au milieu naturel soit possible. Le fonctionnement en mode SBR a ensuite démarré à partir du 25 juin avec des cycles de vingt-quatre heures et un remplissage du réacteur aérobie par jour.

Conditions de fonctionnement

Le réacteur a été dimensionné sur la base d’un fonctionnement à faible charge pendant la période d’activité maximale de la coopérative fromagère.

Pendant la période du suivi, la charge volumique appliquée moyenne a été de 0,51 kg de DCO/m³·j.

La charge massique a diminué au cours du temps à cause de l’augmentation de la concentration en MES dans le réacteur, avec une valeur initiale de 0,62 kg de DCO/kg de MES·j et une valeur minimale de 0,038 kg de DCO/kg de MES·j.

Évolution du pH et de la température dans le réacteur SBR

Le pH après traitement biologique est neutre, avec une valeur moyenne de 7,06. Globalement, le pH en sortie a été stable au cours du temps et indépendant de la valeur du pH en entrée.

La température maximale dans le réacteur aérobie (30 °C) a été mesurée au cours du mois de juillet. Au début de l’automne, la température dans le réacteur a été de 25 °C. À partir de la mi-novembre, la température extérieure a fortement diminué (jusqu’à –20 °C la nuit) et la température dans le réacteur est alors descendue à +20 °C.

Ces résultats montrent que l’isolant placé

[Photo : Evolution de la concentration en DCO totale et en DCO soluble avant et après traitement biologique dans le réacteur SBR]

Autour du réacteur aérobie remplit bien son rôle et permet de maintenir une température tout à fait propice à l'activité bactérienne, même avec des températures extérieures très basses comme cela est observé au cours de l'hiver sur le premier plateau du Jura.

Composition de l’effluent après traitement biologique

Les figures 4, 5 et 6 représentent respectivement l'évolution au cours du temps de la concentration en DCO totale et en DCO soluble, de la concentration en DBO₅, et de la concentration en MES pour l’effluent brut et pour l’effluent traité.

Ces courbes révèlent que la concentration de l’effluent rejeté au milieu naturel est très basse aussi bien pour la DCO, la DBO₅ que les MES. De plus, ces concentrations sont très stables au cours du temps et, après une phase de mise en régime de quelques jours suivant le début du fonctionnement en mode SBR, les caractéristiques moyennes de l’effluent traité sont :

  • - 62 mg/l pour la concentration en DCO totale,
  • - 45 mg/l pour la concentration en DCO soluble,
  • - 3 mg/l pour la concentration en DBO₅,
  • - 11 mg/l pour la concentration en MES.

Les rendements épuratoires mesurés pendant toute la campagne de suivi analytique sur site sont excellents (figure 7). Ainsi, avec une concentration moyenne de l’effluent brut de 2 570 mg de DCO/l et de 1 210 mg de DBO₅/l et une concentration moyenne de l’effluent épuré de 62 mg de DCO/l et de 3 mg de DBO₅/l, les rendements épuratoires moyens sont de 97,7 % pour la DCO et 99,8 % pour la DBO₅.

La concentration moyenne en MES de l’effluent brut est de 380 mg/l et celle de l’effluent traité de 11 mg/l. Le rendement épuratoire sur les MES est donc de 97,1 %.

Concentration en MES dans la cuve aérobie et production de boues en excès

Au début du fonctionnement en mode SBR, la concentration en MES dans le réacteur aérobie est de 1 g/l. Ensuite, la concentration en MES a augmenté régulièrement au cours du temps suite à l'ajout journalier de matière organique dans le réacteur.

Des purges de boues ponctuelles ont été réalisées pour évacuer les boues en excès et ainsi limiter la concentration en MES dans le réacteur afin que le niveau de boues à la fin de la phase de décantation soit suffisamment bas pour qu'il n'y ait pas de fuite de MES lors de l’évacuation de l’effluent épuré et décanté. Au cours des six mois de suivi de l'unité de dépollution, le volume des boues en excès est de 35 m³. Sur le système en fonctionnement permanent, la production de boues représente moins de 13 m³/mois, ce qui correspond à 4 % du volume total d’effluent traité. Le silo à boues permet donc de stocker la production de boues correspondant à 5 mois de fonctionnement.

Le rendement en biomasse est de 0,24 kg de MES/kg de DCO appliqué, ce qui est tout à fait cohérent avec les valeurs mesurées avec des réacteurs fonctionnant dans les mêmes conditions mais traitant des effluents vinicoles.

Suivi du Satese

Le Conseil général du Jura a réalisé un suivi de contrôle du mardi 26 octobre au dimanche 15 décembre 1996.

Quatre mois après le début du fonctionnement en mode SBR, les valeurs mesurées par le Satese pour l’effluent dépollué sont comprises entre :

  • - 17 et 28 mg/l pour la DCO,
  • - 1,5 et 6 mg/l pour la DBO₅,
  • - 3 et 8 mg/l pour les MES,
  • - 2 et 5 mg/l pour l’azote (NTK),
  • - 0,5 et 5,6 mg/l pour le phosphore,

ce qui correspond à des rendements épuratoires de :

  • - 99,8 % sur la DBO₅,
  • - 99,1 % en DCO,
  • - 98,4 % en MES,
  • - 94,5 % en azote,
  • - 86,6 % en phosphore.
[Photo : Evolution de la concentration en DBO₅ avant et après traitement biologique dans le réacteur SBR]

petites coopératives fromagères : performances épuratoires élevées, simplicité de mise en œuvre et de fonctionnement, rusticité, coût d’investissement et de fonctionnement modérés, automatisation simple… C’est donc un outil extrêmement bien adapté aux fromageries et aux unités de traitement du lait.

[Photo : Figure 6 : Évolution de la concentration en MES avant et après traitement biologique dans le réacteur SBR]

L’effluent épuré répond au niveau de rejet « f », « NK 3 », « NGL 2 ».

Coût du traitement

Le fromager est tout à fait capable de suivre et surveiller seul le fonctionnement du procédé car il ne nécessite aucune connaissance particulière en la matière. Des tests simples ont été mis en place pour l’aider dans ses décisions. Il ne consacre qu’une heure par semaine à la surveillance de l’installation de dépollution. Le coût du traitement des eaux usées de la fromagerie de Le Fied est d’environ 1 centime par litre de lait travaillé, comprenant les coûts de fonctionnement et l’amortissement de la partie non subventionnée des coûts d’investissement (hors coût d’épandage des boues).

Conclusion générale

L’ensemble des résultats obtenus au cours de ce suivi montrent que le réacteur SBR répond bien aux critères d’un procédé de dépollution applicable aux effluents des petites coopératives fromagères.

Nous remercions la fromagerie de Le Fied (Jura) et IDE Ingénierie (Narbonne), les Ateliers d’Occitanie (Narbonne) pour leur contribution technique ainsi que l’Agence de l’eau RMC, le Conseil Général du Jura et la région Languedoc-Roussillon qui, avec la FDCL du Jura et l’INRA, ont apporté leur soutien financier à ce projet.

[Photo : Figure 7 : Évolution du rendement épuratoire pour la DCO totale, la DCO soluble et la DBO5 au cours de la campagne de suivi analytique]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements