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Application d'un modèle prédictif de l'adsorption sur CAG à la conception de filtres à charbon

30 octobre 1984 Paru dans le N°86 à la page 31 ( mots)
Rédigé par : Antoine LEPRINCE, Philippe CHARLES et Jean-luc BERSILLON

Antoine LEPRINCE, Philippe CHARLES et Jean-Luc BERSILLON

Laboratoire Central de la Société Lyonnaise des Eaux

INTRODUCTION

Généralités

L’utilisation du charbon actif en grains (CAG) pour le traitement des eaux tend de plus en plus à se généraliser, compte tenu des performances de ce matériau dans l’élimination des matières organiques. Parallèlement à sa mise en place dans les usines de traitement des eaux, des études poussées ont été entreprises spécialement dans le monde universitaire, afin de mieux connaître cet adsorbant et afin d’en prévoir son efficacité sans avoir recours à l’expérimentation en pilote, toujours longue et coûteuse.

Les derniers développements en cette matière mettent en évidence un phénomène d’adsorption lente (Peel et Benedek, 1980) qui avait jusqu’alors été négligé par les investigateurs précédents (Crittenden et Weber, 1978). Cette découverte a permis de modéliser correctement le comportement des filtres à charbon sur des périodes beaucoup plus longues (Mallevialle, 1980).

La découverte de ce phénomène a poussé les chercheurs à reconsidérer les modèles de prédiction déjà existants afin d’y incorporer l’adsorption lente. Cependant, la formulation mathématique de ces modèles est relativement compliquée et demande toujours l’utilisation du calcul automatique, même au niveau du traitement des données. Bersillon et Benedek (1984) ont proposé un modèle très simplifié qui a le mérite de s’affranchir des hypothèses faites sur la nature des phénomènes mis en jeu. De plus, sa simplicité permet d’une part un traitement des données qui peut être fait « à la main » (méthode graphique) et qui raccourcit sensiblement le temps de calcul sur ordinateur pour la simulation d’une colonne de charbon actif.

Ce dernier modèle a été mis en place et modifié au Laboratoire du Pecq afin de mettre en évidence les coûts relatifs à la construction des filtres à charbon et à leur exploitation en fonction des paramètres de traitement (nature du charbon, charge hydraulique des filtres).

Les coûts rattachés à l’utilisation du CAG

Le coût total peut être décomposé en deux :

- le coût d’investissement, correspondant à la construction de l’ouvrage et conditionné par le Temps de Contact à Vide (TCV). En plus, si le charbon choisi est régénérable, l’achat initial de la charge de CAG doit être compté dans ce coût ;

- le coût de fonctionnement, correspondant essentiellement au rythme auquel le charbon s’épuise, est analogue à un taux de traitement (ou dosage) qui conditionne soit la fréquence de régénération du charbon, soit sa fréquence de remplacement. Ce coût de fonctionnement est aussi fonction du but recherché, exprimé par une concentration cible à ne pas dépasser dans l’effluent de la colonne.

Dans la mesure où les prix d’achat du charbon sont déterminés au coup par coup, le concepteur ou l’utilisateur de ce produit peut s’appuyer sur des simulations afin de négocier ces prix. Ceci implique que ces simulations doivent calculer la consommation de charbon actif ramenée à l’unité de produit (en g CAG/m³ d’eau produite par exemple). Elles permettent ainsi une évaluation rapide par l’utilisateur du prix de fonctionnement du traitement en fonction des paramètres géométriques (et hydrauliques) des filtres utilisés.

Le modèle prédictif choisi nécessite au préalable l’évaluation des paramètres suivants :

a) dans l’équation de l’isotherme qui est supposée être l’équation de Freundlich, on a besoin de trois paramètres :

\[ q_e = K \,(C_e - C_n)^{1/n} \]

où les variables sont : \( q_e \) = concentration solide dans le charbon (mg TOC/g charbon) ; \( C_e \) = concentration liquide mesurée (mg TOC/l solution).

et les paramètres : \( K \) = coefficient préexponentiel ; \( C_n \) = concentration liquide non adsorbable (mg TOC/l solution) ; \( 1/n \) = exposant.

b) dans les équations relatives à la cinétique d’adsorption, on a besoin ici de quatre paramètres :

\( D_i \) = diffusivité du soluté exprimée en cm²/mn et conditionnant le transfert du polluant de la phase liquide à film quiescent entourant chaque particule de charbon ;

\( K_m \) = constante de la cinétique rapide (en mn⁻¹) ;

\( K_b \) = constante de la cinétique lente (en mn⁻¹).

f = coefficient de partition du charbon défini comme étant la part (en masse) du charbon affecté par la cinétique rapide.

Pour plus de précisions sur ce modèle, le lecteur est invité à se reporter à l'article cité au début des références (Bersillon et al., 1984).

Afin d’éliminer l'influence de la biodégradation sur l’évaluation de ces paramètres, l’échantillon considéré doit être préalablement stabilisé, c’est-à-dire stocké jusqu’à ce que son carbone organique dissous ait une valeur constante en fonction du temps.

VÉRIFICATION EXPÉRIMENTALE

La vérification expérimentale du modèle choisi s'est faite sur un cas concret d'une usine exploitée par la Lyonnaise des Eaux à Cholet. Cette usine traite l'eau du barrage du Ribou et la chaîne de traitement sur laquelle le modèle a été vérifié comprend une désinfection préliminaire aux chloramines, une coagulation-floculation par le sulfate d’aluminium avec ajustement du pH de floculation par addition de chaux, décantation en décanteur cylindroconique, filtration sur sable et ozonation (Leprince, 1984). C'est cette eau traitée et ozonée qui constitue l'influent d’un filtre à CAG pilote, dont les caractéristiques de fonctionnement sont les suivantes :

  • vitesse de filtration (charge hydraulique) = 7 m³/m²/h ;
  • hauteur de couche = 1,15 m, soit un TCV de 10 min ;
  • charbon utilisé = Chemviron F400.

Un échantillon de l'eau à filtrer a été stabilisé et soumis aux essais de laboratoire nécessaires à l’évaluation des équations de l’isotherme (caractérisant l'équilibre) et de la cinétique d’adsorption. Les techniques expérimentales sont celles mises au point par Peel et Benedek (1980) et décrites par Mallevialle (1980) dans leur article sur la vérification expérimentale des modèles prédictifs sur le cas de l’usine du Mont-Valérien (Prix Chemviron, 1980).

Les coefficients issus de cette expérience ont été ensuite introduits comme données dans un ordinateur programmé afin de calculer la courbe de crevaison d'un filtre à charbon en fonction des conditions de fonctionnement hydraulique (celles du filtre-pilote) et des équations caractérisant l’interaction eau-CAG (celles de l'isotherme et de la cinétique d’adsorption). La qualité de l'eau à filtrer a été choisie de manière à refléter les conditions réelles de fonctionnement pendant la période d’expérimentation sur pilote.

Les résultats de cette expérience sont illustrés sur la figure 1 dans laquelle on a reporté l'évolution de la qualité de l'eau ozonée (influent) et de l'eau filtrée sur CAG (effluent), soit mesurée expérimentalement, soit calculée. On peut voir que, compte tenu des fluctuations naturelles de la qualité de l'eau (dont le modèle ne tient pas compte), la courbe calculée suit de façon satisfaisante les valeurs expérimentales.

[Photo : Comparaison des courbes de percée expérimentales et modélisées en sortie d'un filtre à charbon installé à Cholet.]

COMPARAISON DE 4 CHARBONS ACTIFS EN GRAINS

Les charbons essayés

L’excellente correspondance entre les valeurs expérimentales et calculées étant très encourageante, l’étape consistant à utiliser le modèle à des fins de conception de lits adsorbants apparaît relativement sûre. Pour cela, on a choisi d’essayer 4 charbons actifs en grains, tous régénérables et disponibles sur le marché.

Tableau 1. — Caractéristiques des charbons actifs en grains choisis.

On remarquera que leur densité en lit (2ᵉ ligne du tableau) est relativement homogène. Cela veut dire qu’il faut une quantité (en masse) équivalente de ces 4 charbons pour remplir un filtre de géométrie donnée.

Résultats des expériences en laboratoire

Les isothermes ont été évalués pour chacun des charbons sur 6 masses différentes d’adsorbants, réduits préalablement en poudre, mis en contact avec l'eau à traiter pendant une période de 15 jours sous agitation modérée. Les résultats obtenus sont illustrés dans la figure 2, et les valeurs des paramètres de l’isotherme sont consignées.

  • Charbon n° 1
  • Charbon n° 2
  • Charbon n° 3
  • Charbon n° 4
[Photo : Résultats des isothermes sur les charbons testés.]

Tableau 2

VALEURS DES PARAMÈTRES DES ISOTHERMESPOUR LES QUATRE CHARBONS

TYPES DE CHARBON : k 1/n Cₘ
N° 1 52,20 0,59 0,20
N° 2 35,78 1,00 0,11
N° 3 38,44 0,65 0,52
N° 4 16,92 1,46 0,02

Dans le tableau n° 2, on peut y voir que le charbon n° 1 semble être le plus performant puisqu’on obtient des concentrations solides plus importantes à toutes les concentrations de l’équilibre. Le charbon n° 4, à l’opposé, constitue dans le contexte de cette expérimentation le cas le plus défavorable.

Les cinétiques d’adsorption ont été déterminées en utilisant une masse de charbon telle que l’on obtienne à l’équilibre un abattement de la concentration de carbone organique adsorbable de l’ordre de 80 %. La concentration a été suivie régulièrement pendant environ deux semaines. Cette période permet d’apprécier de façon satisfaisante l’adsorption lente. Les résultats sont illustrés dans la figure 3 et les valeurs des paramètres de la cinétique sont consignées dans le tableau 3.

Tableau 3

COEFFICIENTS DE LA CINÉTIQUE D’ADSORPTION

Charbon f Df (cm² s⁻¹) Km Kb
N° 1 0,095 1,545 × 10⁻⁴ 1,065 0,013
N° 2 0,108 1,723 × 10⁻⁴ 1,143 0,012
N° 3 0,112 1,879 × 10⁻⁴ 1,176 0,017
N° 4 0,065 0,532 × 10⁻⁴ 1,021 0,012

Il est intéressant de constater que la part de l’adsorption rapide est relativement réduite : la valeur maximale de f est de 0,112, ce qui veut dire que la plus grande partie de l’adsorption par tous ces charbons se fait lentement.

Le coefficient de diffusion liquide-liquide (Df) devrait être relativement homogène puisque c’est une caractéristique du soluté, indépendamment de l’adsorbant ; or, on constate une variation du simple au triple de cette valeur. Il faut se rappeler que l’on a travaillé avec des solutés naturels, qui sont en fait un mélange de plusieurs classes de composés. Il n’est donc pas surprenant de n’obtenir qu’une valeur moyenne et approchée de la diffusivité. Les valeurs des constantes cinétiques (Km et Kb) ne sont pas interprétables dans l’état actuel des connaissances, faute de points de comparaison ; ceci est dû à la nouveauté de la démarche utilisée et au manque d’expérience en la matière. L’intérêt porté à cette démarche devrait entraîner dans un futur proche la constitution d’une banque de données permettant de telles comparaisons.

Résultats des prédictions et conséquences sur le choix des charbons actifs

Courbe de percée des filtres.

Les résultats chiffrés dont il a été question dans la section précédente ne sont pas très explicites par eux-mêmes. En conséquence, une visualisation de la courbe de percée des filtres est souhaitable et le modèle utilisé permet une telle visualisation.

Ces courbes de percée sont engendrées, à partir de l’intégration le long d’une colonne d’adsorbant, des équations de l’isotherme et de la cinétique d’adsorption.

Les paramètres géométriques et hydrauliques des filtres constituent des données d’entrée et le résultat est exprimé en Carbone Organique Total (COT mg/l) à la sortie du filtre, selon le temps de fonctionnement.

On a donc procédé à une simulation pour chacun des charbons évalués, avec comme paramètres les valeurs suivantes :

  • – vitesse de filtration = 7 m/h ;
  • – TCV = 15 mn.

De plus, le temps de fonctionnement a été fixé à un an.

Les résultats sont illustrés par la figure 4. On peut y voir que les quatre charbons donnent des courbes de percée de formes très différentes. L’intérêt de l’utilisateur doit se porter sur le temps de fonctionnement du filtre envisagé pour que son effluent atteigne une concentration cible à ne pas dépasser.

[Photo : Fig. 3. Résultats des cinétiques sur les quatre charbons testés.]
[Photo : Fig. 4. Courbes de percée modélisées sur les quatre charbons – (----- = concentration en bande, ____ = concentration de sortie).]

La concentration est fixée par l’utilisateur en fonction notamment des normes de potabilité ou de qualité. Afin d’illustrer ce choix, fait en fonction de la cible que se fixe l’utilisateur, on peut comparer les temps de fonctionnement tels que la concentration ne dépasse pas 3 mg/l, et 1 mg/l. Ceci permet d’établir un classement des charbons à géométrie de filtre constante.

À 3 mg/l de concentration maximale les charbons n° 2 et n° 4 sont incontestablement les plus efficaces, suivis du charbon n° 1 et du charbon n° 3. En effet, ces deux premiers charbons sont efficaces pendant approximativement 120 jours, alors que le charbon n° 1 « crève » après 160 jours seulement et le charbon n° 3 après 120 jours.

Si maintenant l’objectif COT est situé à 1 mg/l, le charbon le plus performant est le n° 1 alors que celui qui est épuisé le plus rapidement est le n° 4. On notera que les temps de crevaison par rapport au COT sont extrêmement courts vis-à-vis des habitudes des traiteurs d’eau généralement reliées à l’élimination des goûts et des odeurs. L’adsorbabilité de l’ensemble des molécules organiques représentées par le COT n’est pas identifiable aux composés spécifiques responsables des paramètres goûts et odeurs. Des recherches sont en cours sur ce sujet.

Relation dosage de charbon / Temps de Contact à Vide.

La simulation précédente bien que très utile pour visualiser ce qui est susceptible de se passer sur une colonne de CAG ne permet pas pour autant d’en optimiser la configuration.

Le modèle mathématique utilisé a donc été modifié de façon à calculer le Temps de Contact à Vide et la consommation de CAG correspondant à une concentration cible à ne pas dépasser. Ceci représente en quelque sorte l’opération inverse d’une visualisation où le TCV est fixé et où l’on calcule la concentration de sortie.

L’illustration de cette option de calcul consiste en la représentation graphique de la consommation de charbon actif (analogue à un coût de fonctionnement) en fonction du Temps de Contact à Vide (analogue à un coût d’investissement). Ceci est illustré par les figures 5 et 6.

[Photo : Fig. 5. – Étude de design des filtres à charbon : relation dose/temps de contact pour une concentration cible de 3 mg/l.]

Ces courbes montrent qu’en dessous d’une certaine valeur de TCV, les consommations de charbon croissent rapidement lorsque le TCV décroît. Par conséquent, l’économie réalisée sur le gros-œuvre des filtres à charbon est rapidement réduite par une augmentation du coût de fonctionnement de ces filtres.

[Photo : Fig. 6. – Étude de design des filtres à charbon : relation dose/temps de contact pour une concentration cible de 1 mg/l.]

D’autre part, on retrouve au niveau des résultats de ce calcul, ce que l’on peut voir d’une façon plus élémentaire, sur les courbes de percées, c’est-à-dire que le choix du charbon dépend fortement de l’objectif que l’on s’est fixé. Ainsi, il serait plus avantageux de choisir les charbons n° 2 ou n° 4 si l’on cible une concentration maximale de 3 mg/l (figure 5), alors qu’il vaut mieux choisir le n° 1 pour rester à une concentration maximale de 1 mg/l (figure 6) pendant le plus longtemps possible.

CONCLUSIONS

Des études et essais effectués, on peut dégager les conclusions suivantes :

  • — le modèle prédictif choisi est adéquat pour la prédiction des performances d’un filtre à charbon ;
  • — étant donné une eau à traiter, les charbons actifs choisis ont des efficacités différentes ;
  • — la simulation sur colonne peut être utilisée à des fins de choix d’un charbon actif en vue d’une application particulière, c’est-à-dire en remplacement d’études pilotes longues et coûteuses ;
  • — le choix du charbon dépend essentiellement de l’objectif du traitement.

RÉFÉRENCES

Bersillon J.-L., Benedek A., Activated Carbon Adsorption. A Graphical Method for Estimation Kinetic Coefficients in a Dual Rate Adsorption Model. À paraître dans ES and T.

Crittenden J.-C., Weber W.-J. Jr (1978). Predictive Model for Design of Fixal Bed Adsorbers : Parameter Estimation and Model Development. ASCE Jour. of the Env. Eng. Div, EE2, p. 185.

Mallevialle J. The Interaction of Slow Adsorption Kinetics and Bioactivity in Full Scale Activated Carbon Filters : The Development of a New Predictive Model, Chemviron Award, 1980.

Peel R.-G., Benedek A. Dual Rate Kinetic Model for Activated Carbon Adsorbant. Part II. A Simplified Driving Force Model. ASCE Jour. of the Env. Eng. Div. EE2, p. 797 (1980).

Weber W.-J. Jr. Conference presented at the AICHE International conference, Cleveland, Ohio, Aug-Sept. 1982.

Leprince A. Un traitement complet pour l’eau potable à Cholet. Une originalité : la préoxydation aux monochloramines. L’Eau, Industrie, les Nuisances, 1984 - 81, 29-35.

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