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Antimousses siliconés : devenir et effets lors du traitement des eaux usées

28 février 2000 Paru dans le N°229 à la page 35 ( mots)

L?utilisation très répandue d'antimousses siliconés pour le contrôle de la mousse lors du traitement des eaux usées a soulevé des questions relatives aux implications de ces produits sur l'efficacité de la dégradation biologique et donc au risque que ces effluents traités ne soient pas conformes aux exigences réglementaires. Ce document apporte des réponses et des éléments qui démontrent que l'utilisation d'antimousses siliconés pour le traitement des eaux usées n?a aucune conséquence indésirable sur les procédures du traitement.

Le terme « silicones » couvre une vaste gamme de produits chimiques contenant du silicone organique. On distingue deux grandes classes de silicones (figure 1) : des polymères de masse moléculaire élevée à base de polydiméthylsiloxane (PDMS) et des méthylsiloxanes volatils de faible masse moléculaire (VMS). La plupart des antimousses siliconés destinés aux stations de traitement des eaux usées sont à base de PDMS.

Les silicones sont largement utilisées, non seulement dans de nombreuses applications industrielles comme les antimousses, les apprêts textiles et les enduits mais également dans des produits grand public, comme des détergents, produits de lustrage, adoucissants, shampoings, après-shampoings et produits de beauté. Suite à ces multiples usages, de très faibles quantités de silicones sont déversées depuis de nombreuses années dans les systèmes d’épuration.

Concentrations en silicones dans les influents des stations d’épuration

Un suivi régulier des PDMS dans les influents de huit stations de traitement des eaux usées aux États-Unis a montré des

[Photo : Structure des PDMS et VMS]

concentrations dans les influents comprises entre 87 et 373 ppb (Fendinger et al., 1997a). Les concentrations réelles peuvent cependant varier en fonction du type d’industrie dont les eaux usées sont collectées. Par exemple, dans les zones à forte densité d’usines textiles, la concentration de matières contenant du silicone peut atteindre 700 ppb (Fendinger et al., 1997a).

Devenir des silicones lors du processus de traitement des eaux usées

Les propriétés physico-chimiques des silicones déterminent leur comportement pendant le processus de traitement des eaux usées. Étant donné les caractéristiques chimiques des PDMS, particulièrement leur masse moléculaire élevée et leur faible solubilité dans l'eau, ces substances ne subissent pas de dégradation biologique durant le processus d’épuration. Ce résultat s’appuie sur des expériences d'incubation de boue activée à long terme avec des PDMS radiomarqués au C14 ; ces études ne montrent aucune dégradation en dioxyde de carbone ou autre produit volatil sur une période d’incubation de 70 jours (Hobbs et al., 1975). De plus, toutes les matières marquées C14 se retrouvaient dans la fraction boues. Dans une expérience similaire, des PDMS radiomarqués au C14 ont été ajoutés à de la boue activée pendant deux mois, dans des conditions aérobies et anaérobies. À nouveau, la plupart des PDMS se retrouvaient dans les boues et on ne constatait aucun signe de biodégradation, comme le montrait l’absence de dioxyde de carbone radiomarqué au C14 (Fendinger et al., 1997b).

Bien que non biodégradables, les PDMS sont néanmoins conformes à la norme de pourcentage d’élimination (> 90 %) lors du traitement des eaux usées puisqu'ils se lient étroitement aux boues d’épuration. Sur la base d’études effectuées en laboratoire (Watts et al., 1995) et de données de surveillance (Fendinger et al., 1997), l'efficience de l’élimination des PDMS est régulièrement supérieure à 94 %, avec des concentrations dans les effluents inférieures au seuil de détection analytique (5 ppb). Avec des concentrations observées aussi faibles, il n’est pas permis de douter de la conformité aux normes d’épuration des stations. La figure 2 illustre le devenir environnemental des PDMS.

† ppb (parties par milliard) ; correspond à une goutte dans une grande piscine.

Une analyse d’échantillons de boues prélevées en Europe dans les années 1980 a révélé des concentrations moyennes en PDMS de 350 ppm (sur la base du poids à sec) (Siebert, 1988). Une analyse plus récente de boues provenant de huit stations d’épuration aux États-Unis a montré une plage plus large de concentrations en PDMS dans les boues (entre 122 et ~ 5 000 ppm) ; la concentration la plus élevée était constatée dans une station traitant des eaux usées d’usines textiles (Fendinger et al., 1997a). Les résultats indiquaient également que les boues digérées contenaient fréquemment des concentrations plus élevées en PDMS en raison de perte en matières carbonées lors de la digestion. Par contre, on constatait les concentrations les plus faibles en PDMS dans les boues épaissies et compostées, ces boues étant généralement mélangées avec de la sciure ou d'autres matériaux compostables.

ppm ou parties par million

Éventuels effets des silicones sur les bactéries de boues d’épuration

Malgré la publication et mention de ces études, des inquiétudes sont encore parfois formulées sur le risque que les silicones n’enrobent ou ne forment une couche autour des bactéries, empêchant ainsi l’activité bactérienne et l'efficacité du traitement. Pour étudier ce risque, des concentrations très élevées de PDMS (jusqu’à 10 000 ppm de poids à sec de matières solides en suspension dans la liqueur mixte (MLSS)) ont été introduites dans une station pilote d’activation des boues. Les apports en PDMS n’avaient aucun effet sur les paramètres de fonctionnement (pH, solides en suspension, indice de volume des boues et apport spécifique en oxygène) ou sur l'activité physiologique de la microflore des boues. De même, les paramètres du processus de digestion des boues (solides en suspension, génération de gaz et pH) n’étaient pas affectés par les apports en PDMS supérieurs à 100 ppm (Watts et al., 1995).

En complément de ces résultats d’expérience, il faut souligner que des antimousses à base de PDMS sont utilisés depuis de nombreuses années pour le contrôle de la mousse dans les stations d’épuration. Tous les produits siliconés Dow Corning™ développés particulièrement pour cette application, ont été testés dans un “Test d'inhibition

[Photo : Modèle de devenir des silicones présentes dans les eaux usées]

de respiration des boues activées (Activated Sludge Respiration Inhibition Test) (Recommandation 209 de l'OCDE) et n'ont présenté aucun effet indésirable à des concentrations supérieures à 500 ppm (Dow Corning, 1997), alors que le taux d'application recommandé pour les antimousses siliconés est généralement inférieur à 15 ppm.

Il n'y a donc aucun signe indiquant que les PDMS issus de l'utilisation de produits domestiques contenant des silicones, ou que l'addition délibérée d'antimousses siliconés pour le contrôle de la mousse lors du traitement des eaux usées puissent affecter l'activité bactérienne ou les processus de digestion des boues.

Présence de PDMS dans les boues et utilisation des boues comme engrais ou amendement des sols

La présence de PDMS dans des boues digérées ne pose aucun problème pour l'utilisation de ces dernières comme amendement des sols ou pour le compostage. Les PDMS commencent en effet à se dégrader dès qu'ils sont incorporés dans les sols. La vitesse de cette dégradation dépend du type de sol et des conditions (Lehmann et al., 1994; Lehmann et al., 1995). Les résultats de plusieurs études indiquent que l'application de boues d'épuration contenant des PDMS sur des terres agricoles n'entraîne aucune accumulation de PDMS dans les sols. Le temps de dégradation varie de quelques jours à quelques semaines (Lehmann et al., 1998). Le processus de dégradation est naturel ; il comporte une hydrolyse des PDMS catalysée par l'argile, suivie d'une oxydation et d'une dégradation biologique. Les produits finaux de la dégradation sont le dioxyde de carbone et des silicates inorganiques comme on en trouve dans la plupart des sols.

On n’a observé aucun effet sur la germination des graines, la croissance ou la survie des plantes cultivées sur des sols amendés avec des boues d’épuration. Ces résultats ont été obtenus lors d'études dans lesquelles des échantillons de sol étaient prélevés par carottage et amendés avec des boues d'épuration enrichies de PDMS puis plantés de blé ou de soja (Tolle et al., 1995; Lehmann et al., 1998). On ne constatait aucun lessivage des PDMS et jusqu'à 50 % des PDMS ajoutés étaient dégradés sur la période d'étude de 7 mois.

Incinération des boues d’épuration

Dans des conditions d’incinération à température élevée, toutes les matières organosiliconées liées aux boues d’épuration se décomposent pour former de la silice inorganique amorphe, de la vapeur d’eau et du dioxyde de carbone (Lipowitz et Ziemelis, 1976). Comme les PDMS ne contiennent pas de chlore, il n’y a aucun risque de formation de sous-produit chloré dangereux.

Conclusion

En conclusion, de nombreuses données indiquent que les antimousses siliconés peuvent être utilisés en toute sécurité pour le contrôle de la mousse dans les stations d'épuration des eaux usées. Des études de toxicité ont confirmé l'absence d'inhibition bactérienne même dans le cas de concentrations de 500 ppm, valeur bien supérieure à celle recommandée (< 15 ppm). Il n’existe également aucun risque que le composant silicone de l'antimousse soit présent dans l’effluent final, sauf sous forme de traces (dont les concentrations sont inférieures à la limite de détection de 5 ppb) lors de son étroite liaison avec une matière en particules. Il est ainsi éliminé avec la boue d’épuration et ensuite dégradé sous forme de silice, eau et dioxyde de carbone lorsque la boue est utilisée pour épandage sur les sols ou incinérée.

[Encart : texte : Références bibliographiques + Dow Corning (1997) Internal Company reports + Fendinger N.J., McAvoy D.C. and W. S. Eckhoff (1997) Environmental occurrences of polydimethylsiloxanes (PDMS). Env. Sci. & Technol. 31 1555-1563 + Fendinger N.J., Lehmann R.G. and E.M. Mihaich (1997) Chapter 3 : Polydimethylsiloxane; In ‘Handbook Environmental Chemistry : Organosilicon materials; Ed. G. Chandra, Springer Press + Hobbs E.J., Keplinger M.L. and J.C. Calandra (1975) Toxicity of polydimethylsiloxanes in certain environmental systems. Env. Res. 10 397-406 + Lehmann R.G., Varaprath S. and C.L. Frye (1994). Degradation of silicone polymers in soil. Env. Tox. & Chem. 13 1061-1064 + Lehmann R.G., Varaprath S., Annelin R.B. and J. Amdt (1995). Degradation of silicone polymer in a variety of soils. Env. Tox. & Chem. 14 1299-1305 + Lehmann R.G., Miller J-R., Xu S. Singh U.B. and C.F. Reece (1998) Degradation of silicone polymer at different soil moistures. Env. Sci. & Technol. 32 1260-1264 + Lehmann R.G., Frye C.L., Tolle, D.A., and T.C. Zwick, (1996), Fate of Sludge-applied silicones in agricultural soil microcosms. Water, Air & Soil Pollution 87 231-243 (1996). + Lipowitz J. and M.J. Ziemelis (1976) A model for combustion of poly(dimethylsiloxanes). Paper presented to 172nd National meeting of the American Chemical Society, August 1976. + Siebert F. (1988) Verteilung von Siliconen in der Umwelt (Sedimente, Böden und Klärschlämme in der Bundesrepublik Deutschland). Thesis, University of Heidelberg. + Tolle D.A., Frye C.L., Lehmann R.G. and T.C. Zwick, (1995) Ecological effects of PDMS-augmented sludge amended to agricultural microcosms. Sci. Total Env. 162 193-207. + Watts R.J., Kong S., Haling S., Gearhart L., Frye C.L. and B.W. Vigon (1996). Fate and effects of polydimethylsiloxanes on pilot and bench top activated sludge reactors and anaerobic/aerobic digesters. Water Res. 29, 2405-2411]
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