L?arrivée de la DCE, la révision de la directive eau constituent autant d'évolutions réglementaires qui font exploser les besoins analytiques depuis cinq ans. L?accroissement du nombre de paramètres et leur quantification à des concentrations de plus en plus faibles imposent de disposer de matériels performants mais coûteux. Cela dans un contexte concurrentiel certain. Une évolution qui modifie la stratégie des laboratoires.
Réalisé par , Technoscope
Les besoins en analyses d’eaux par les laboratoires sont très largement dépendants des textes réglementaires particulièrement pour l’eau potable (distribution et ressources), sur les rejets industriels vis-à-vis du milieu naturel, mais aussi des préoccupations de santé
Les besoins ont fortement augmenté ces dernières années. L’activité d’analyse est donc largement planifiée en volume. Et cette augmentation, couplée à une pression des pouvoirs publics, à l’évolution des matériels analytiques tant en précision qu’en automatisation, ont conduit à des restructurations des laboratoires d’analyses. L’influence européenne s'est aussi fait sentir car les administrations (DDASS, agences de l'eau...) travaillent par appel d’offres pour ces marchés d’analyse sur des durées de trois ou quatre ans. On a donc assisté ces dernières années à l’émergence de gros laboratoires et de réseaux (Eurofins, Carso, Institut Pasteur, Wessling, laboratoires centraux des distributeurs d’eaux) sur le modèle de plateforme analytique développé par les laboratoires néerlandais comme ALcontrol, et à la disparition ou l’absorption de laboratoires plus modestes. Il ne faut pas confondre cette activité de laboratoire avec les besoins d’analyses en ligne qui relèvent du contrôle de procédé et de l’alerte vis-à-vis d'un risque bien identifié. Il n’y a pas vraiment de compétition entre les deux activités.
Deux grands types d’analyses
Il existe de nombreuses qualités d'eau définies par l'usage qui en est fait et qui réclament des analyses ponctuelles auxquelles les laboratoires répondent. Mais les demandes d’analyses spontanées ou urgentes ne représentent qu’une petite partie de l’activité, le gros de l’activité est lié à la réglementation. Sylvie Rauzy, directrice de la recherche du Crecep à Paris, observe certaines demandes motivées par des affaires médiatisées : « lorsqu’un problème est évoqué dans les médias on constate une flambée sur les demandes d’analyses des produits cités, par exemple la légionelle ou plus récemment les PCB ».
Un point de vue partagé par Olivier Sibourg des Laboratoires Wessling : « En analyse, on ne trouve que ce que l'on cherche et parfois, on ne cherche pas les bons éléments. Certains polluants toxiques ou dangereux sont recherchés dans certains pays d'Europe mais pas encore en France, je pense par exemple au PFOS, surfactants polyfluorés ».
Des analyses d’urgence sont parfois demandées en cas d’accident avec déversement de produits toxiques ou d’hydrocarbures ou avec la procédure Vigipirate lors d'une intrusion dans un site protégé. « Notre service d’astreinte vis-à-vis de l’eau potable qui compte quatre personnes est sollicité presque deux fois par semaine » indique Olivier Farot, directeur du CAE (Laboratoire central d’analyse de l’environnement) de Veolia à Saint-Maurice en banlieue parisienne.
On distingue deux grands types d’analyses d'eau, celles de type indice comme la DCO, la DBO, etc., et les analyses de composés chimiques particuliers. « Dans le premier cas, le résultat est lié aux réactifs utilisés, au mode opératoire (températures et temps), et il faut se tenir stricte- »
ment à la méthode définie pour obtenir des résultats comparables entre laboratoires. Il n’y a pas de latitude pour modifier la méthode. Par contre si l'on cherche un constituant chimique particulier, plusieurs méthodes sont utilisables qui ont la même validité. Un laboratoire peut ainsi être accrédité par le Cofrac sur ses méthodes normalisées d’analyses et/ou sur ses méthodes internes; à charge pour lui de constituer son dossier de validation de méthode » explique Sylvie Rauzy.
À ces analyses, il faut ajouter les analyses biologiques particulières car on est dans le domaine du vivant, très évolutif, et les analyses de radioactivité qui elles aussi se multiplient en raison des obligations du décret du 21 mai 2003.
L’échantillonnage conditionne la pertinence des résultats
Préalable à toute analyse, le prélèvement de l’échantillon doit être représentatif (lieu de prélèvement, instant, nombre etc.) et se fait avec toutes les précautions d’usage au moyen de préleveurs d’échantillons, à poste fixe ou portable, proposés par des sociétés telles que ABB, Aqualyse, Endress+Hauser, Hach Lange, Hydreka, Neotek, SDEC, Swan, WWR ou encore Secomam. Le transport de l’échantillon jusqu’au laboratoire d'analyse est aussi important. Le regroupement des laboratoires et leur spécialisation ont conduit
d’analyse.
« Nous essayons d'avoir un délai de six heures entre un prélèvement et une analyse pour ce qui relève de la biologie. L’évolution de l’échantillon peut affecter certains paramètres minéraux, par exemple des nitrates transformés en nitrite sous l'action de bactéries » explique Paul Chambon ancien directeur des laboratoires.
… une augmentation des transports même s'il reste des laboratoires de proximité. Certains paramètres, notamment biologiques, sont évolutifs. Il faut donc des transports et des délais adaptés : maintien d'une basse température grâce à des glacières, voire des réfrigérateurs dans les véhicules, usage d’échantillonneurs réfrigérés comme l’Alphée 6000 d’Hydrologic, l’Aqui-froid d’Aqualyse dont la partie glacière, détachable, peut continuer à fonctionner dans le véhicule (sur la prise allume-cigare) sans déplacement des bidons donc, sans risque de compromettre la chaîne du froid ou encore le seul préleveur réfrigéré du marché de 24 flacons de 1 litre d’Hydreka. Neotek propose de son côté deux modèles, le Glacier, monoflac en et Avalanche, multiflacons, avec possibilité d’ajouter un module débitmétrique enfichable dans la tête de l’appareil, et de raccorder une sonde multiparamètres physico-chimiques ainsi qu’un pluviomètre. L’Avalanche répond aux normes en vigueur (ISO 5667-10) et a obtenu la certification MCERTS plus exigeante qui garantit en particulier une régulation précise de la température à 4 °C. L’appareil, programmable, n'active son groupe frigorifique qu’au départ du premier prélèvement et peut fonctionner sur secteur ou batterie type automobile (autonomie 48 h), une prise allume-cigare autorise le groupe frigo à fonctionner lors du transport pour assurer la continuité de la réfrigération jusqu’au laboratoire.
Carso. Le transport est moins critique pour ce qui concerne les autres paramètres. Olivier Farot indique que le CAE, qui analyse environ 250 échantillons par jour, les reçoit par navettes frigorifiques qui collectent les échantillons en fin de journée pour analyse le lendemain ; un schéma valable pour les sept laboratoires de Veolia en France.
Un des problèmes aujourd'hui est la demande de détection à des concentrations de plus en plus faibles : il faut bien que l'appareil d'analyse ait quelque chose à détecter, d'où certains prélèvements qui peuvent nécessiter plusieurs litres voire une dizaine de litres. Zdravka Do Quang, Responsable du Pôle Analyse & Santé du CIRSEE (Centre International de Recherche sur l’Eau et l’Environnement, SUEZ Environnement) souligne cette difficulté. « Une piste pour éviter de tels prélèvements lourds est d'utiliser des échantillonneurs passifs plongés dans le milieu et qui intègrent les polluants à détecter pendant une certaine durée. Les molécules retenues sont ensuite désorbées et analysées par différentes méthodes ». Cette solution est proposée aujourd'hui par ALcontrol, suite à une recherche et un développement effectué pour le marché suédois. Des réflexions sont en cours, notamment au Cemagref, sur ce genre de solution qui pourra répondre à des préoccupations particulières comme dans les stations d’épuration. La logistique à utiliser n’est pas la même s'il faut transporter une cinquantaine de flacons de 100 ml ou 10 litres.
Pour assurer la qualité sur l'ensemble de la chaîne de mesure, CTC Environnement a de son côté intégré le prélèvement dans son activité laboratoire.
Déterminer plusieurs dizaines de paramètres
L'autre étape clé avant analyse des paramètres chimiques est la préparation de l’échantillon. L'objectif est de concentrer les substances visées, souvent d’éliminer les substances autres et d’obtenir tout cela dans un échantillon adapté à l'appareil d’analyse. Il faut évidemment faire des développements assez longs pour s’assurer que les techniques de concentration et d’extraction ne perdent pas en route une partie de la substance à analyser. Ceci est d’autant plus important que les appareils actuels sont capables à partir d’un seul échantillon injecté de déterminer plusieurs dizaines de paramètres. Le fort développement des méthodes chromatographiques, gazeuse d'abord, puis liquide HPLC (chromatographie liquide haute performance), le couplage de ces méthodes avec des détecteurs de plus en plus performants autorisent de telles performances. Le revers de la médaille est que ces appareils, et tout leur environnement (préparation des échantillons) sont de plus en plus coûteux, et qu'il faut donc faire un maximum de détermination pour les rentabiliser, d’où les concentrations de laboratoires.
Pour les éléments (métaux, arsenic, sélénium, etc), le nombre est limité par le tableau de Mendeleev, en gros une trentaine de paramètres différents. « Les éléments courants comme calcium, sodium, potassium et magnésium ne posent pas de problème et sont analysés par chromatographie ionique et détecteur par conductivité. Il faut parfois s’intéresser à la spéciation des métaux, c'est le cas de l’étain où l’on recherche les états stanneux et stanniques (suite aux antifouling), l’arsenic, le sélénium, le chrome pour lesquels on souhaite distinguer différents états d’oxydation. Mais ce sont des demandes ponctuelles » précise Paul Chambon.
Par contre, les composés organiques se comptent par milliers. « Pour les phytosanitaires (pesticides et autres) près de 800 molécules différentes sont utilisées. »
en France, dont la moitié sont suivies. Comme ces molécules se dégradent, il faut aussi s'intéresser à ces produits, c'est ce qui est fait pour l'atrazine. D'ailleurs, quand on voit la concentration en atrazine décroître sur un site, on voit parallèlement monter la concentration de ses métabolites. Ce n'est que lorsque les deux concentrations diminuent que l'on peut dire que la situation s'améliore », indique Paul Chambon.
Outre les pesticides, d'autres produits organiques sont suivis, les PCB, dioxines, et tous les perturbateurs endocriniens parmi lesquels on retrouve des plastifiants (PBDE polybromodiphényléther), des médicaments non métabolisés et leurs métabolites... ce sont donc plusieurs milliers de molécules qu'il faut savoir détecter et identifier. « Il y a 10 ans, nous analysions quelques dizaines de molécules organiques, il y a 5 ans moins d'une centaine. Aujourd'hui, ce sont plusieurs milliers et avec des seuils divisés par dix, voire cent. Tous paramètres confondus, nous réalisons plus de deux millions de déterminations à l'Institut Pasteur Lille ; en cinq ans le chiffre sur l'organique a été multiplié par 4 à 5 », indique Tristan Simonart, directeur des laboratoires Eau et Environnement à l'Institut Pasteur de Lille. LIPL réalise deux tiers de son activité en chimie et un tiers en biologie.
Les standards organiques ou inorganiques nécessaires sont commercialisés seuls ou en mélanges à différentes concentrations, prêts à l'emploi par des sociétés comme Carlo Erba ou Sigma.
Les éléments courants comme calcium, sodium, potassium et magnésium ne posent pas de problème et sont analysés par divers moyens comme la chromatographie ionique, l'absorption atomique flamme ou l'ICP optique. Toutefois, la grande majorité des laboratoires privés ou publics de prestations analytiques, ainsi que les organismes de recherche, sont aujourd'hui équipés d'ICP-MS. Cette technique permet la mesure des métaux en trace (éléments de transition comme Ni, Cr, Fe, ou métaux lourds comme Cd, Pb, As, Se, Sb, Sn...), dans les eaux propres, les rejets et autres matrices environnementales à des niveaux inférieurs au µg/L, à des cadences plus élevées que l'absorption atomique four et avec une meilleure sensibilité que l'ICP optique. Sur la trentaine d'équipements vendus en 2007 en France, la moitié sera utilisée pour des applications environnementales au sens large. Les couplages LC ou GC avec l'ICP-MS apportent des informations supplémentaires quant au degré d'oxydation de certains éléments (As, Cr, Se) – un bon exemple étant la mesure du chrome hexavalent (Cr⁶⁺) considéré comme très toxique – ou permettent le dosage des espèces organométalliques liées à des éléments comme Sn ou Hg, tels le tributylétain ou le méthylmercure, certaines d'entre elles étant considérées comme cancérigènes ou tératogènes.
Les progrès de l'appareillage analytique
En matière de recherche de pesticides, le nec plus ultra est l'HPLC/MS/MS, c'est-à-dire la chromatographie liquide haute performance suivie d'une détection par deux spectrométries de masse en série. Les prix se sont envolés : certains appareils coûtent 300, voire 400 k€. La préparation d'échantillon a bénéficié de l'extraction liquide-solide avec des supports solides qui se sont spécialisés. Les fabricants d'appareillage ont participé à ces développements et en sont aujourd'hui à proposer des « packages ».
Une nouvelle génération de groupe de pompage pour évaporateurs rotatifs
Les groupes de pompage régulés par un contrôleur de vide électronique sont devenus incontournables dans les laboratoires. Ils fournissent un vide précis et offrent des fonctions de régulation variées pour les applications les plus diverses.
Le nouveau groupe de pompage SC920 de KNF est télécommandé grâce à une télécommande mobile et garantit donc la flexibilité au sein du laboratoire. Le guidage intuitif sur la télécommande assure une utilisation simple. L'opérateur saisit les paramètres du process grâce à un écran tactile et un bouton rotatif. Les paramètres suivants peuvent être réglés en effleurant les menus suivants :
- la pression théorique ou la puissance d'aspiration du système,
- l'unité de pression ;
- la langue de l'interface.
L'écran de la télécommande affiche toutes les valeurs nécessaires au bon fonctionnement du process. À l'aide de l'écran tactile et du bouton rotatif, il est possible d'intervenir à tout moment dans le process en cours.
Le groupe de pompage SC 920 se caractérise par une régulation intelligente.
Un capteur mesure plusieurs fois par seconde la pression réelle dans le système alors qu'un microprocesseur surveille toute chute de pression survenant au cours du temps. La vitesse de rotation de la pompe s'adapte en fonction de cette information.
Au début d'un process, la pompe à vide fonctionne à une vitesse de rotation réduite pour éviter une évacuation trop rapide ou une réaction de certains produits chimiques trop volatils. Si la différence entre la pression effective et la pression de consigne reste importante, la vitesse de rotation de la pompe augmente afin d'accélérer le process. À l'inverse, si la pression effective se rapproche de la pression de consigne, la vitesse de rotation de la pompe sera à nouveau réduite. Ainsi, ce nouveau groupe allie un temps de process réduit à une précision de réglage.
spécifiques à tel type de polluants, du clé en main qui inclut la cartouche idoine.
Un autre niveau important d’activité dans les laboratoires concerne l’analyse de micropolluants organiques appelés COV (Composés Organo volatils). Les évolutions des réglementations, guidées entre autres par l'EPA (Environmental Protection Agency) et les critères concernant la potabilité de l'eau, imposent la recherche de niveaux de concentration de plus en plus bas de ces molécules en imposant des moyens de détection plus sensibles par rapport aux techniques traditionnelles.
« Le recours à la spectrométrie de masse simple quadrupole connaît une progression importante dans ce domaine en association avec des préparateurs Head Space dynamique » souligne Christophe Clarysse, Responsable Division Chromatographie chez PerkinElmer France. Introduite récemment, la technique par Head Space Trap permet le traitement de grandes séries d’échantillons bruts avec une réduction importante de préparations préalables, ce qui contribue également à réduire le coût par analyse.
La possibilité de déterminer plusieurs dizaines, voire centaines de paramètres en une seule injection d’échantillon dans l’appareil, avec des passeurs d’échantillons automatiques, la possibilité de travailler 24 heures sur 24 a contribué à la baisse des coûts et à des facturations différentes. Par exemple, pour des pesticides, un prix forfaitaire est établi pour une détermination de quelques substances auquel s’ajoute un prix unitaire par substance supplémentaire. Que l'on veuille dix ou cinquante paramètres, le travail de préparation est le même ; c'est au niveau de l’exploitation des données obtenues que le travail change. Pour donner une idée : environ 90 € en prix fixe plus 1 € par molécule supplémentaire, soit pour 130 € une quinzaine de molécules. Il est loin le temps où les prix des analyses étaient publiés au JO.
Dans la réalité, un laboratoire au quotidien restreint les déterminations : inutile de chercher un phytosanitaire utilisé sur la banane si l’on est dans une région de betteraves ou de vergers. Pour les traiteurs d'eau, l'important est de se concentrer sur les substances prioritaires et paramètres émergents. Zdravka Do Quang souligne l’énorme travail réalisé en Europe, auquel le CIRSEE a participé au travers de différents programmes européens pour développer les méthodes analytiques sur ces traces de composés que l'on détecte à des teneurs de quelques nanogrammes par litre. « Au niveau des stations d’épuration, par exemple, nous nous intéressons à la provenance des pollutions, à la manière dont elles sont éliminées et quels sont les rejets. Il a fallu générer ces données pour environ 100 molécules incluant les 33 substances prioritaires. Concernant les médicaments, vu leur grand nombre, nous nous focalisons sur une dizaine de substances les plus souvent retrouvées, indicatrices des principales familles (antibiotiques, hormones, antidépresseurs, agents de contraste...). Ainsi nous pouvons savoir ce qui est réellement éliminé au niveau d'une station d’épuration, estimer leur rendement d’épuration ».
Pour ce qui est des progrès en appareillage analytique, il n'y a plus ces révolutions apportées par la HPLC et le couplage avec la spectrométrie de masse. « En HPLC, on note un accroissement des pressions utilisées, on atteint maintenant 1 000 bar, ce qui se traduit par un raccourcissement des temps ; une analyse qui prenait trois quarts d’heure se déroule en dix minutes, soit des temps divisés par trois ou quatre » précise Olivier Farot. Paul Chambon indique que sur certains appareils, vu leur sensibilité et pour certains types d'eau, il est possible d'injecter directement le prélèvement, supprimant ainsi toute la préparation, coûteuse en temps et en consommables.
Quelle confiance accorder au résultat ?
Les analyses de traces sont particulièrement délicates du fait des concentrations très faibles, à la limite de détection des appareils. Quelle confiance accorder au résultat ? Deux problèmes se posent : la confiance dans l’appareillage et le respect du protocole et l’estimation des incertitudes sur le résultat. Les conséquences sont graves : si un texte donne une valeur de 50 ng/l pour tel polluant et que le résultat d’analyse est de 52. Que doit faire l’exploitant, le maire ? Arrêter une exploitation, déclencher une procédure d’urgence avec tous les frais et les perturbations inhérentes ? « Obtenir un résultat n'est pas une
fin en soi ; notre but est de savoir pour décider : faire quelle mesure et pour quoi ? » insiste Zdravka Do Quang.
La confiance sur les résultats s’acquiert en interne par de bonnes pratiques et une gestion rigoureuse qui s’apprécie en réalisant périodiquement des calibrations avec des substances étalons. Elle est reconnue publiquement par l’accréditation Cofrac ou celle d’autres organismes, sachant qu’un laboratoire accrédité peut tout de même réaliser des analyses qui ne sont pas sous le couvert de cette accréditation. Mais en plus, les laboratoires réalisent des essais interlaboratoires. « L’IPL a développé une expertise très particulière pour mener de telles campagnes d’essais aussi bien en chimie qu’en microbiologie. Nous réalisons des échantillons particuliers envoyés aux laboratoires qui participent à la campagne et nous pouvons aller jusqu’à la récupération et au traitement statistique des résultats pour estimer les performances des laboratoires » explique Tristan Simonart.
Ces campagnes sont réalisables en interne à une grande entreprise ou de manière plus ouverte au travers d’organismes spécialisés comme Aglaé (465 adhérents), association réalisant des essais interlaboratoires, accrédités par Belac et le Cofrac. Tout cela suppose de disposer d’étalons, de matériaux de références fiables et faciles d’emploi. Un programme européen a été consacré à ce problème pour les pesticides. Le problème est particulièrement aigu pour les analyses biologiques. Comme Eurofins, Ianesco Chimie, Orchidis, Syclope ou Alcontrol Laboratories, l’Institut Pasteur de Lille s’en est fait une spécialité depuis une dizaine d’années et monte en puissance : « nous réalisons 80 000 pilules par an pour la microbiologie dont les laboratoires se servent pour valider leurs milieux de culture (un point très sensible dans ces analyses), leurs méthodes et leurs techniciens et, bien sûr, pour réaliser les essais interlaboratoires. Nous allons étendre cette activité aux matériaux de référence pour les analyses chimiques » précise Tristan Simonart.
L’autre problème est l’appréciation des incertitudes de mesure, vaste sujet qui mobilise beaucoup d’énergies en ce moment, trop pour certains responsables. Mais il faut bien savoir lorsqu’on annonce 80 ng/l si la marge d’erreur est de 5 ou de 40 ng/l.
Détecter et quantifier le potentiel de toxicité d’un échantillon d’eau sans en connaître les constituants
La CCM (chromatographie sur couche mince), qui fête cette année ses 70 ans d’existence, présente l’avantage et l’inconvénient d’être la seule méthode chromatographique à ne pas nécessiter obligatoirement d’appareillage pour être mise en œuvre.
C’est une chromatographie en phase liquide qui fonctionne selon les mêmes principes de séparation que l’HPLC, mais le tube rempli de silice est remplacé par une couche de silice de quelques microns d’épaisseur fixée sur un support rigide. Le flux forcé du solvant dans la colonne est remplacé par les forces de capillarité naturelles du solvant dans les pores de la couche de silice. La totalité de l’échantillon est présente et accessible sur la plaque, avant, pendant, et une fois la séparation effectuée. Chaque nouvelle plaque permet d’analyser simultanément jusqu’à 50 échantillons à la fois avec quelques millilitres de solvant. Il n’y a pas de risque d’effet mémoire, et l’on est en mesure de traiter directement des échantillons riches en matrice.
Contrairement aux autres méthodes de séparation chromatographiques (gazeuse et liquide sur colonne), la CCM est séquentielle, c’est-à-dire qu’elle est constituée d’une succession d’étapes indépendantes entre elles. Ceci permet une modularité beaucoup plus grande, et c’est pourquoi un certain nombre de méthodes normalisées proposent deux étapes : la première simple et rapide permet de mettre en évidence les échantillons suspects, qui seront les seuls à être analysés plus complètement et dans un second temps. On en tire le double avantage d’une rapidité de réponse et d’une réduction de coût par l’élimination, suite à un premier tri, des analyses inutiles.
Dans le domaine de l’analyse d’eau, la CCM, puis l’HPTLC (version plus performante à partir des années 70) et enfin l’AMD (méthode développée par Bayer pour l’analyse des micropolluants organiques, en vigueur depuis la fin des années 80) sont beaucoup plus utilisées chez nos voisins allemands que chez nous. Les performances sont comme partout en constante progression mais il faut compter, comme limite actuelle, une sensibilité d’environ un picogramme sur la plaque, c’est-à-dire, en fonction de la préconcentration de l’échantillon et du volume de dépôt (qui peut aller jusqu’au millilitre), environ un ppt (10-12, partie par trillion) de limite de concentration détectable dans l’eau. Ces performances varient bien entendu en fonction des constituants, mais sont généralement peu connues des experts analystes en France, qui pour certains croient encore que la CCM n’est pas une méthode quantitative.
Depuis quelques années, de nouvelles possibilités sont apparues avec tout d’abord le couplage HPTLC ou AMD-MS, qui peut être réalisé de différentes manières plus ou moins automatiques et onéreuses ; et plus ou moins sensibles et quantitatives. D’autre part, une spécificité de la CCM consiste aujourd’hui à détecter et quantifier directement le potentiel de toxicité d’un échantillon d’eau par exemple, sans pour autant en connaître les constituants.
Cette possibilité très en vogue est basée sur le couplage des possibilités de la CCM actuelle (HPTLC ou AMD) et d’une méthode microbiologique très sensible (des kits ont été brevetés par Bayer sous la dénomination Bioluminex). Ceci permet une évaluation rapide, complète et particulièrement fiable d’un échantillon d’eau d’où qu’il provienne, c’est pourquoi cet outil est considéré Outre-Atlantique comme un allié efficace dans le cadre de la prévention des pollutions d’eau potable d’origine malveillante.
Références :
- International Organization for Standardization (ISO), ISO/TS 11370:2000, Water quality – Determination of selected organic plant treatment agents – Automated Specification 2000.
- U. Jautz, G. Morlock : Efficacity of Planar Chromatography coupled to (Tandem) Mass Spectrometry for Employment in Trace Analysis, J. Chromatogr. A, 2006, 1128, 244-250.
- U. Bilitewski : Biochemische Methoden in der Wasseranalytik – Stand der Technik und Perspektiven Teil II : Organismische Tests, Vom Wasser, 2006, 104 (3), 749.
Plus d’informations : www.hptlc.com, www.clubdecem.com, www.camag.com, www.chromacim.com
haleine qui oblige à estimer tout au long de la chaîne qui va du prélèvement à l'analyse finale tous les facteurs contribuant à l'incertitude des résultats et les quantifier. En reprenant des résultats d'une même analyse, d'une même matrice, sur une longue période, on pourra mettre cela en évidence, mais au prix de traitements statistiques complexes.
Concernant les analyses biologiques, le nombre des paramètres demandés n’a pas beaucoup évolué. Ces dernières années ont vu une montée en puissance de l’activité sur les problématiques légionelles, cryptosporidium, giardia... La limite actuelle touche aux méthodes traditionnelles de la microbiologie avec des temps de culture qui se comptent en une dizaine de jours. Un temps incompatible avec la gestion de crise. Plusieurs laboratoires comme Enixus, Eurofins, SGS Multilab, le Crecep ou Bio-Rad Laboratories proposent donc, en complément ou en alternative, les méthodes de la biologie moléculaire basée sur l’ADN et les réactions de PCR, mais elles ne donnent pas les mêmes indications : on trouve aussi l'ADN des micro-organismes morts qui ne sont donc plus susceptibles de se développer. Elles suscitent cependant beaucoup de développements en termes de méthodologie et de normalisation. Pour exemple, Aglaé a annoncé mi-mars le choix d’un étalon ADN pour le dénombrement des légionelles par PCR qui devrait sécuriser la qualité des résultats produits selon la norme XP T 90-471.
Autre évolution, l’informatique, qui est devenue une des clefs de la relation commanditaire/laboratoires. Eurofins a par exemple développé une interface appelée Eurofins One Line (EOL) permettant la prise de commande en ligne, le pré-enregistrement des échantillons, le suivi (traçage) depuis le prélèvement jusqu’à l’analyse des échantillons, la consultation partielle et complète des résultats, leurs exportations au format PDF, EXCEL, EDI-LABO... et la réalisation de statistiques. Le tout dans un environnement dédié au client et sécurisé.