Citons encore les risques importants d’entraînement d’eau et des sels avec la vapeur et les inconvénients que l’on connaît : encrassement et corrosion des surchauffeurs, encrassement et déstabilisation des systèmes tournants (turbines à vapeur) et des systèmes de purges et de détentes.
* Journées Information Eaux, Poitiers, 1986.
Ainsi, l’évolution parallèle du traitement chimique de l’eau alimentaire vers l’utilisation de réactifs volatils ou bien utilisant des quantités de phosphates de plus en plus réduites nous amène à prendre en considération la justification des titres habituellement contrôlés en chaudière et, en particulier, les TA, TAC, TA(OH) et l’influence des produits de traitement sur ces titres. Ceci est l’objet de notre exposé.
Définition des titres TA, TAC, TA(OH)
Le TA représente le titre alcalimétrique.
Il est déterminé par neutralisation à l’aide d’un acide fort, de l’alcalinité partielle de l’eau jusqu’au virage d’un indicateur coloré : la phénolphtaléine, du rose vers l’incolore. Ce virage se situe aux environs de pH 8,3.
Le TAC représente le titre alcalimétrique complet.
Il est déterminé également par neutralisation acide jusqu’au virage de l’héliantine (ou méthyl-orange) du jaune au rose-orangé, vers pH 4,4. Le TA est encore appelé alcalinité p et le TAC, alcalinité m.
La détermination du TA et du TAC peut se faire colorimétriquement mais aussi dans certains cas par pH-métrie et par conductimétrie. Nous exploiterons les résultats obtenus par ces méthodes chaque fois que cela sera possible.
Le TA(OH) représente l’alcalinité caustique obtenue par mesure du TA après réaction des bases avec un excès de chlorure de baryum.
Les bases caustiques sont théoriquement transformées en baryte, que l’on va doser jusqu’au virage de la phénolphtaléine. En particulier, les carbonates et les phosphates sont censés précipiter sous forme de sels de barium et ne pas interférer sur la mesure.
Les réactions acide-base mises en jeu durant ces analyses, dans le cas des eaux simplement carbonatées, sont les suivantes :
Mesure du TA et du TAC :
OH⁻ + H₂O* → 2 H₂O
CO₃²⁻ + H₂O* → HCO₃⁻ + H₂O
HCO₃⁻ + H₂O* → H₂CO₃ + H₂O
avec :
TA = (OH⁻) + ½ (CO₃²⁻)
TAC = (OH⁻) + (CO₃²⁻) + (HCO₃⁻)
Mesure du TA(OH) :
TA(OH) = (OH⁻)
L’étude sur l’influence de produits de traitement sur ces titres a été réalisée par ajout contrôlé des réactifs suivants :
- — soude caustique : NaOH
- — phosphate trisodique : Na₃PO₄
- — hydrate d’hydrazine : N₂H₄ · H₂O
- — ammoniaque : NH₄OH
- — cyclohexylamine : CHA
- — amino-méthyl-propanol : AMP
- — oléil-amino-propylène amine : AG
Mesures sur les produits purs
Les TA et TAC sont déterminés selon la méthode des indicateurs
colorés avec suivi du pH (pH-métrie) et par conductimétrie quand cela est possible.
Le TA (OH) est toujours déterminé par colorimétrie selon la méthode décrite précédemment. Les résultats de ces mesures sont portés sur le tableau 1.
Tableau 1 : Résultat des mesures
Réactif | Quantité introduite (°f) | Quantité introduite (mg/l) | Indicateurs colorés TA | Indicateurs colorés TAC | Conductivité TA | Conductivité TAC |
Soude (NaOH) | 5,0 | 40 | 5,0 | 5,0 | 5,0 | 5,0 |
NH₄OH | 5,0 | 40 | 5,7 | 6,3 | – | 6,3 |
CO₃⁻⁻ | 8,0 | 300 | 24,5 | 50,0 | 25,5 | 49,5 |
PO₄⁻ | 15,75 | 100 | 5,5 | 10,9 | 50 | 198 |
NaH₂PO₄·H₂O | – | 0 | 27 | 27 | – | 19 |
AMP | – | 1 | 10,5 | 11,5 | – | 10 |
CHA | – | 1 | 0,3 | 1,0 | – | 0,9 |
AG | – | 0 | 0,5 | 0,5 | – | – |
Quelques courbes de pH-métrie et conductimétrie sont données sur les figures 1 à 6 comme complément d’information.
[Photo : Figure 1]
[Photo : Figure 2]
[Photo : Figure 3]
[Photo : Figure 4]
[Photo : Figure 5]
[Photo : Figure 6]
— N₂H₄ :
20 mg/l donne 2,0 °f de TAC
(au lieu de 15,75 °f)
— AMP :
20 mg/l donne 1,15 °f de TAC
(au lieu de 15,75 °f)
— CHA :
20 mg/l donne 1,0 °f de TAC
(au lieu de 15,75 °f)
— AG :
10 mg/l donne 0,5 °f de TAC
(au lieu de 15,75 °f)
Mesure du TA (OH) :
Elle est indiquée sur le tableau 2.
Tableau 2 : Mesure du TA (OH)
Réactif | Quantité introduite (°f) | Quantité introduite (mg/l) | TA (OH) (°f) |
Soude (NaOH) | 5,0 | 40 | 5 |
NH₄OH | 23,36 | 200 | 30 |
CO₃⁻⁻ | 5,0 | 300 | 0,5 |
PO₄⁻ | 15,75 | 100 | 0,5 |
NaH₂PO₄·H₂O | – | 100 | 6 |
AMP | – | 100 | 5 |
CHA | – | 100 | 2,1 |
AG | – | 10 | 0 |
Les interférences :
On constate principalement les interférences des amines et du phosphate trisodique sur le TAC :
— PO₄⁻ :
100 mg/l donne 10,9 °f de TAC
(au lieu de 15,75 °f)
Elles sont portées sur le tableau 3.
Mesures sur les mélanges de produits
Les TA, TAC et TA (OH) sont déterminés par les méthodes déjà présentées.
Tableau 3 : Interférences
Interférences
Réactif | TA | TAC | TA (OH) |
Soude | non | non | non |
NH₄OH | non | non | non |
CO₃²⁻ | non | non | léger |
PO₄³⁻ | oui | oui | |
NaHCO₃ | oui | oui | |
AMP | oui | oui | oui |
CHA | oui | oui | oui |
AG | non | légèrement | non |
Les interférences des réactifs entre eux (AG, NH₄, CHA, AMP avec NaOH, CO₃²⁻ et PO₄³⁻) figurent sur le tableau 4.
Les cases grisées y montrent les mélanges qui interfèrent sur les valeurs des TA, TAC, TA (OH) et qui ne permettent pas d’interprétation en accord avec les définitions de ces titres ; par exemple, avec l’ion PO₄³⁻, la simple mesure des TA et TAC montre que TAC = 2 TA, ce qui pourrait faire penser que l’eau ne contient que des carbonates. Il sera donc nécessaire de rechercher les phosphates par une autre méthode. On remarque également que CO₃²⁻ et PO₄³⁻ donnent une légère interférence sur le TA (OH). À notre avis, cela provient du fait que les phosphates et les carbonates de baryum ne sont pas totalement insolubles (pKs à 16 °C pour BaCO₃ = 8,15).
On peut donc constater que dans l’étude d’un cas concret, il ne sera pas possible d’interpréter les TA, TAC et TA (OH) sans effectuer d’analyses complémentaires. Nous envisageons donc, à ce stade de l’étude, d’effectuer des mesures par chromatographie liquide haute pression (ou H.P.L.C.) pour déterminer respectivement les teneurs en carbonates et phosphates, aucune mesure directe des carbonates n’étant possible autrement, ainsi que les dérivés aminés.
hauteur des pics (cm)
20
15
10
5
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 PO₄ cm
[Photo : Dosage de PO₄³⁻ par HPLC. Courbe d'étalonnage.]
Tableau 4 : Interférences des réactifs entre eux
Réactifs | Dosages* | TA | TAC | TA (OH) |
AG | 10 ppm NaOH 5 °f | 5,0 | 5,4 | 5,0 |
NH₄₂H₂I₃ | 20 ppm NaOH 13,43 °f | 6,0 | 7,1 | 5,8 |
AMP | 10 ppm NaOH | 5,3 | 5,7 | 5,5 |
CHA | 10 ppm NaOH | 2,5 | 2,8 | 2,05 |
NH₄OH | 20 ppm NaOH 27,5 °f | 5,2 | 5,7 | 5,5 |
AG | 10 ppm CO₃²⁻ 27,5 °f | 13,5 | 28,0 | 15,0 |
AMP | 10 ppm CO₃²⁻ 45 °f | 2,5 | 4,5 | 5,5 |
CHA | 10 ppm CO₃²⁻ 45 °f | 22,5 | 45,0 | 11,25 |
NH₄OH | 20 ppm CO₃²⁻ 15,01 °f | 6,5 | 15,5 | 7,0 |
* Mélanges réalisés pour obtenir pH 11 sauf avec CO₃ : 50 °f maxi en CO₃²⁻
Surface du pic 10⁷
Gain = 4
Éluant : 50 % eau – 25 % tétrahydrofurane – 25 % méthanol
Volume injecté : 10 microlitres
Débit : 1 ml/min
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 NH₃ en ppm
[Photo : Dosage de NH₃ par HPLC. Courbe d'étalonnage.]
Analyses par H.P.L.C.
a) Dosage des phosphates et des carbonates
Ce dosage est réalisé sur une colonne échangeuse d’anions (type IC-PAK A) éluée par une phase mobile constituée par un mélange d’acétonitrile et de glycérine dans l’eau distillée, tamponnée à pH 8,5 par du gluconate et du borate de sodium. Un étalonnage est effectué à l’aide de solutions contenant des quantités connues de carbonate et phosphate de sodium.
Pour un débit de 0,9 ml/min, les temps de rétention sont les suivants :
CO₃²⁻ : 2 min 30 s
PO₄³⁻ : 9 min 15 s
SO₄²⁻ : 13 min
Nous reproduisons, sur la figure 7, à titre d’exemple, la courbe d’étalonnage obtenue pour les phosphates.
b) Dosage des dérivés aminés
On fait réagir une solution d’orthophtaldialdéhyde et de mercaptoéthanol avec la solution à analyser. Cette méthode permet ainsi de doser les amines primaires selon la réaction :
Na
CH₂-CH₂CH₂-OH + R-NH₂
S-CH₂-CH₂-OH
N-R
Les différents composés obtenus sont séparés par chromatographie liquide haute pression sur colonne type Bondapak C18 et analysés par détecteur de fluorescence.
Cette méthode, après étalonnage, a permis de doser séparément : l’ammoniaque, la cyclohexyl amine, la butanol amine et l’oléil aminopropylène amine.
À titre d’exemple, nous reproduisons sur la figure 8 la courbe d’étalonnage de l’ammoniaque.
c) Détermination des cations et de la silice
Il est ainsi possible, par H.P.L.C., d’effectuer une recherche et une détermination précises des anions et des dérivés aminés contenus dans une eau de chaudière. Il sera également utile de déterminer les cations présents et la silice. Ceci sera réalisé par absorption atomique.
Nous reproduisons sur le tableau 5 quelques résultats obtenus.
Étude d’un cas concret
Il s’agit d’une chaudière alimentée en eau partiellement déminéralisée.
Le traitement est de type traditionnel : mélange de phosphates, hydrate d’hydrazine et amines alcalinisantes.
Observations
On constate des différences notables entre les deux méthodes d’analyse du phosphate (H.P.L.C. et colorimétrie) sans qu’il soit possible de préciser, au moment de notre étude, quelle est la bonne.
En ce qui concerne le TA (OH), les 1 °f mesurés ne sont vraisemblablement pas dus à la présence de OH⁻ uniquement puisque les teneurs en phosphates et en carbonates décelées peuvent, à elles seules, expliquer cette valeur.
Les teneurs en amines de l’eau de chaudière sont inférieures à 0,5 ppm.
Tableau 5 : Résultats des analyses
Analyses | Unité | Eau déminéralisée | Bâche aliment. | Chaudière | Méthode |
pH | — | 8 | 8,3 | 10,9 | pH-mètre |
TH | °f | 0 | 0 | 0 | complexon |
TA | °f | 0 | 0 | 4,2 | colorimétrie |
TAC | °f | < 0,1 | < 0,1 | 1 | colorimétrie |
TA (OH) | °f | — | — | 1 | colorimétrie |
Na | °f | — | — | 7,3 | Abs. At. |
K | °f | — | — | 8,3 | Abs. At. |
Résistivité | Ω·cm²/cm² | 390 000 | 225 000 | 3 225 | Résistivimètre |
PO₄³⁻ | °f | — | — | 13 | H.P.L.C. |
| | — | — | 14,2 | Colorimétrie |
CO₃²⁻ | °f | — | — | 0,4 | H.P.L.C. |
TAF | °f | — | — | < 0,5 | Colorimétrie |
SiO₂ | ppm | — | — | 4,6 | Abs. At. |
Bilan ionique de l’eau de chaudière en °f
Cat⁺ | °f |
Mg²⁺ | 0,3 |
Na⁺ | 7,3 |
K⁺ | 8,3 |
NH₄⁺ | 0,2 |
An⁻ | °f |
CO₃²⁻ | 0,4 |
HCO₃⁻ | — |
Cl⁻ | — |
SO₄²⁻ | 0,2 |
PO₄³⁻ | 14,2 |
Σ cat⁺ : 15,6 °f Σ an⁻ : 15,3 °f
REMERCÎEMENTS
Nous tenons à remercier M. le Professeur Legube de la Faculté des sciences de Poitiers, sans le concours duquel cette étude n’aurait pas été possible, ainsi que les stagiaires-étudiants dont Mlle Patricia Daguet, M. Christophe Gaudin et M. Jean-Christophe Chauveau, qui ont contribué à son élaboration.
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