Your browser does not support JavaScript!

Analyse des eaux de chaudière. Signification des titres : Ta, Tac, Ta OH

30 octobre 1986 Paru dans le N°104 à la page 67 ( mots)
Rédigé par : F MORAN

Le traitement de l’eau alimentaire des eaux des générateurs de vapeur doit être déterminé en tenant compte des caractéristiques analytiques admissibles pour l’eau au sein du générateur et de celles de l’eau d’appoint disponible. Il faut souvent tenir compte également du niveau de pureté exigé pour la vapeur. Or, depuis quelques années, par suite de l’installation de chaudières à haut transfert thermique, on constate une évolution considérable du traitement des eaux. C’est ainsi que l’utilisation d’eau déminéralisée pour alimenter les chaudières devient rapidement intéressante, comparée à celle de l’eau adoucie. De plus, la récupération optimum des condensats, pour des raisons évidentes d’économie, impose une vigilance constante de la qualité des eaux ; en particulier, un certain nombre de paramètres analytiques doivent être pris en considération car ils déterminent l’apparition de phénomènes gênants tels que la séquestration des sels au plan de vaporisation et leur décomposition partielle ou totale (mécanisme encore appelé « hide-out »), favorisant des problèmes de corrosions fissurantes sous tension et de surchauffes locales. Pour cette raison, l’emploi des phosphates pour le traitement des eaux des chaudières haute pression est de plus en plus abandonné au profit de traitements dits « volatils ».

Citons encore les risques importants d’entraînement d’eau et des sels avec la vapeur et les inconvénients que l’on connaît : encrassement et corrosion des surchauffeurs, encrassement et déstabilisation des systèmes tournants (turbines à vapeur) et des systèmes de purges et de détentes.

* Journées Information Eaux, Poitiers, 1986.

Ainsi, l’évolution parallèle du traitement chimique de l’eau alimentaire vers l’utilisation de réactifs volatils ou bien utilisant des quantités de phosphates de plus en plus réduites nous amène à prendre en considération la justification des titres habituellement contrôlés en chaudière et, en particulier, les TA, TAC, TA(OH) et l’influence des produits de traitement sur ces titres. Ceci est l’objet de notre exposé.

Définition des titres TA, TAC, TA(OH)

Le TA représente le titre alcalimétrique.

Il est déterminé par neutralisation à l’aide d’un acide fort, de l’alcalinité partielle de l’eau jusqu’au virage d’un indicateur coloré : la phénolphtaléine, du rose vers l’incolore. Ce virage se situe aux environs de pH 8,3.

Le TAC représente le titre alcalimétrique complet.

Il est déterminé également par neutralisation acide jusqu’au virage de l’héliantine (ou méthyl-orange) du jaune au rose-orangé, vers pH 4,4. Le TA est encore appelé alcalinité p et le TAC, alcalinité m.

La détermination du TA et du TAC peut se faire colorimétriquement mais aussi dans certains cas par pH-métrie et par conductimétrie. Nous exploiterons les résultats obtenus par ces méthodes chaque fois que cela sera possible.

Le TA(OH) représente l’alcalinité caustique obtenue par mesure du TA après réaction des bases avec un excès de chlorure de baryum.

Les bases caustiques sont théoriquement transformées en baryte, que l’on va doser jusqu’au virage de la phénolphtaléine. En particulier, les carbonates et les phosphates sont censés précipiter sous forme de sels de barium et ne pas interférer sur la mesure.

Les réactions acide-base mises en jeu durant ces analyses, dans le cas des eaux simplement carbonatées, sont les suivantes :

Mesure du TA et du TAC :

OH⁻ + H₂O* → 2 H₂O  
CO₃²⁻ + H₂O* → HCO₃⁻ + H₂O  
HCO₃⁻ + H₂O* → H₂CO₃ + H₂O  

avec :

TA = (OH⁻) + ½ (CO₃²⁻)  
TAC = (OH⁻) + (CO₃²⁻) + (HCO₃⁻)  

Mesure du TA(OH) :

TA(OH) = (OH⁻)  

L’étude sur l’influence de produits de traitement sur ces titres a été réalisée par ajout contrôlé des réactifs suivants :

  • — soude caustique : NaOH
  • — phosphate trisodique : Na₃PO₄
  • — hydrate d’hydrazine : N₂H₄ · H₂O
  • — ammoniaque : NH₄OH
  • — cyclohexylamine : CHA
  • — amino-méthyl-propanol : AMP
  • — oléil-amino-propylène amine : AG

Mesures sur les produits purs

Les TA et TAC sont déterminés selon la méthode des indicateurs

colorés avec suivi du pH (pH-métrie) et par conductimétrie quand cela est possible.

Le TA (OH) est toujours déterminé par colorimétrie selon la méthode décrite précédemment. Les résultats de ces mesures sont portés sur le tableau 1.

Tableau 1 : Résultat des mesures

RéactifQuantité introduite (°f)Quantité introduite (mg/l)Indicateurs colorés TAIndicateurs colorés TACConductivité TAConductivité TAC
Soude (NaOH)5,0405,05,05,05,0
NH₄OH5,0405,76,36,3
CO₃⁻⁻8,030024,550,025,549,5
PO₄⁻15,751005,510,950198
NaH₂PO₄·H₂O0272719
AMP110,511,510
CHA10,31,00,9
AG00,50,5

Quelques courbes de pH-métrie et conductimétrie sont données sur les figures 1 à 6 comme complément d’information.

[Photo : Figure 1]
[Photo : Figure 2]
[Photo : Figure 3]
[Photo : Figure 4]
[Photo : Figure 5]
[Photo : Figure 6]

— N₂H₄ :   20 mg/l donne 2,0 °f de TAC   (au lieu de 15,75 °f)

— AMP :   20 mg/l donne 1,15 °f de TAC   (au lieu de 15,75 °f)

— CHA :   20 mg/l donne 1,0 °f de TAC   (au lieu de 15,75 °f)

— AG :   10 mg/l donne 0,5 °f de TAC   (au lieu de 15,75 °f)

Mesure du TA (OH) : Elle est indiquée sur le tableau 2.

Tableau 2 : Mesure du TA (OH)

RéactifQuantité introduite (°f)Quantité introduite (mg/l)TA (OH) (°f)
Soude (NaOH)5,0405
NH₄OH23,3620030
CO₃⁻⁻5,03000,5
PO₄⁻15,751000,5
NaH₂PO₄·H₂O1006
AMP1005
CHA1002,1
AG100

Les interférences :

On constate principalement les interférences des amines et du phosphate trisodique sur le TAC :

— PO₄⁻ :   100 mg/l donne 10,9 °f de TAC   (au lieu de 15,75 °f)

Elles sont portées sur le tableau 3.

Mesures sur les mélanges de produits

Les TA, TAC et TA (OH) sont déterminés par les méthodes déjà présentées.

Tableau 3 : Interférences

Interférences

RéactifTATACTA (OH)
Soudenonnonnon
NH₄OHnonnonnon
CO₃²⁻nonnonléger
PO₄³⁻ouioui
NaHCO₃ouioui
AMPouiouioui
CHAouiouioui
AGnonlégèrementnon

Les interférences des réactifs entre eux (AG, NH₄, CHA, AMP avec NaOH, CO₃²⁻ et PO₄³⁻) figurent sur le tableau 4.

Les cases grisées y montrent les mélanges qui interfèrent sur les valeurs des TA, TAC, TA (OH) et qui ne permettent pas d’interprétation en accord avec les définitions de ces titres ; par exemple, avec l’ion PO₄³⁻, la simple mesure des TA et TAC montre que TAC = 2 TA, ce qui pourrait faire penser que l’eau ne contient que des carbonates. Il sera donc nécessaire de rechercher les phosphates par une autre méthode. On remarque également que CO₃²⁻ et PO₄³⁻ donnent une légère interférence sur le TA (OH). À notre avis, cela provient du fait que les phosphates et les carbonates de baryum ne sont pas totalement insolubles (pKs à 16 °C pour BaCO₃ = 8,15).

On peut donc constater que dans l’étude d’un cas concret, il ne sera pas possible d’interpréter les TA, TAC et TA (OH) sans effectuer d’analyses complémentaires. Nous envisageons donc, à ce stade de l’étude, d’effectuer des mesures par chromatographie liquide haute pression (ou H.P.L.C.) pour déterminer respectivement les teneurs en carbonates et phosphates, aucune mesure directe des carbonates n’étant possible autrement, ainsi que les dérivés aminés.

hauteur des pics (cm)

20  
15  
10  
5  
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 PO₄ cm  
[Photo : Dosage de PO₄³⁻ par HPLC. Courbe d'étalonnage.]

Tableau 4 : Interférences des réactifs entre eux

RéactifsDosages*TATACTA (OH)
AG10 ppm NaOH 5 °f5,05,45,0
NH₄₂H₂I₃20 ppm NaOH 13,43 °f6,07,15,8
AMP10 ppm NaOH5,35,75,5
CHA10 ppm NaOH2,52,82,05
NH₄OH20 ppm NaOH 27,5 °f5,25,75,5
AG10 ppm CO₃²⁻ 27,5 °f13,528,015,0
AMP10 ppm CO₃²⁻ 45 °f2,54,55,5
CHA10 ppm CO₃²⁻ 45 °f22,545,011,25
NH₄OH20 ppm CO₃²⁻ 15,01 °f6,515,57,0

* Mélanges réalisés pour obtenir pH 11 sauf avec CO₃ : 50 °f maxi en CO₃²⁻

Surface du pic 10⁷

Gain = 4

Éluant : 50 % eau – 25 % tétrahydrofurane – 25 % méthanol

Volume injecté : 10 microlitres

Débit : 1 ml/min

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 NH₃ en ppm  
[Photo : Dosage de NH₃ par HPLC. Courbe d'étalonnage.]

Analyses par H.P.L.C.

a) Dosage des phosphates et des carbonates

Ce dosage est réalisé sur une colonne échangeuse d’anions (type IC-PAK A) éluée par une phase mobile constituée par un mélange d’acétonitrile et de glycérine dans l’eau distillée, tamponnée à pH 8,5 par du gluconate et du borate de sodium. Un étalonnage est effectué à l’aide de solutions contenant des quantités connues de carbonate et phosphate de sodium.

Pour un débit de 0,9 ml/min, les temps de rétention sont les suivants :

CO₃²⁻ : 2 min 30 s

PO₄³⁻ : 9 min 15 s

SO₄²⁻ : 13 min

Nous reproduisons, sur la figure 7, à titre d’exemple, la courbe d’étalonnage obtenue pour les phosphates.

b) Dosage des dérivés aminés

On fait réagir une solution d’orthophtaldialdéhyde et de mercaptoéthanol avec la solution à analyser. Cette méthode permet ainsi de doser les amines primaires selon la réaction :

Na  
CH₂-CH₂CH₂-OH + R-NH₂

S-CH₂-CH₂-OH

N-R

Les différents composés obtenus sont séparés par chromatographie liquide haute pression sur colonne type Bondapak C18 et analysés par détecteur de fluorescence.

Cette méthode, après étalonnage, a permis de doser séparément : l’ammoniaque, la cyclohexyl amine, la butanol amine et l’oléil aminopropylène amine.

À titre d’exemple, nous reproduisons sur la figure 8 la courbe d’étalonnage de l’ammoniaque.

c) Détermination des cations et de la silice

Il est ainsi possible, par H.P.L.C., d’effectuer une recherche et une détermination précises des anions et des dérivés aminés contenus dans une eau de chaudière. Il sera également utile de déterminer les cations présents et la silice. Ceci sera réalisé par absorption atomique.

Nous reproduisons sur le tableau 5 quelques résultats obtenus.

Étude d’un cas concret

Il s’agit d’une chaudière alimentée en eau partiellement déminéralisée.

Le traitement est de type traditionnel : mélange de phosphates, hydrate d’hydrazine et amines alcalinisantes.

Observations

On constate des différences notables entre les deux méthodes d’analyse du phosphate (H.P.L.C. et colorimétrie) sans qu’il soit possible de préciser, au moment de notre étude, quelle est la bonne.

En ce qui concerne le TA (OH), les 1 °f mesurés ne sont vraisemblablement pas dus à la présence de OH⁻ uniquement puisque les teneurs en phosphates et en carbonates décelées peuvent, à elles seules, expliquer cette valeur.

Les teneurs en amines de l’eau de chaudière sont inférieures à 0,5 ppm.

Tableau 5 : Résultats des analyses

AnalysesUnitéEau déminéraliséeBâche aliment.ChaudièreMéthode
pH88,310,9pH-mètre
TH°f000complexon
TA°f004,2colorimétrie
TAC°f< 0,1< 0,11colorimétrie
TA (OH)°f1colorimétrie
Na°f7,3Abs. At.
K°f8,3Abs. At.
RésistivitéΩ·cm²/cm²390 000225 0003 225Résistivimètre
PO₄³⁻°f13H.P.L.C.
14,2Colorimétrie
CO₃²⁻°f0,4H.P.L.C.
TAF°f< 0,5Colorimétrie
SiO₂ppm4,6Abs. At.

Bilan ionique de l’eau de chaudière en °f

Cat⁺°f
Mg²⁺0,3
Na⁺7,3
K⁺8,3
NH₄⁺0,2
An⁻°f
CO₃²⁻0,4
HCO₃⁻
Cl⁻
SO₄²⁻0,2
PO₄³⁻14,2

Σ cat⁺ : 15,6 °f  Σ an⁻ : 15,3 °f

REMERCÎEMENTS

Nous tenons à remercier M. le Professeur Legube de la Faculté des sciences de Poitiers, sans le concours duquel cette étude n’aurait pas été possible, ainsi que les stagiaires-étudiants dont Mlle Patricia Daguet, M. Christophe Gaudin et M. Jean-Christophe Chauveau, qui ont contribué à son élaboration.

[Publicité : L’Eau, l’Industrie, les Nuisances]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements