La décennie 1940 a vu le développement des premières résines échangeuses d'ions à base de styrène et de divinylbenzène. Les années 1980 sont marquées par une nouvelle génération d'échangeurs d'ions caractérisés par une remarquable uniformité de la taille des billes de résine : nous les avons appelés Dowex * Monosphère *. Les avantages de ces résines, par rapport aux produits conventionnels, sont tels qu'elles devraient supplanter à court terme ces derniers.
Nous comparerons ci-dessous ces deux générations de produits, au niveau de leurs caractéristiques et dans deux exemples d'application.
Comparaisonavec les résinesconventionnelles
Granulométrie
Les résines de conception classique ont un étalement granulométrique compris entre 0,3 et 1,2 mm (95 % du volume) qui répond à la loi de Gauss. On trouve des produits plus ajustés, mais ceux-ci sont toujours obtenus par tamisage mécanique d'une résine standard.
Les résines Monosphère *, par contre, d'une granulométrie très uniforme, rassemblent 90 à 95 % de leurs billes dans une fourchette de ± 50 microns, autour de leur diamètre nominal, lequel est réglable à volonté, à la fabrication, dans l'échelle 300-1000 microns (0,3 à 1,0 mm). Les figures 1A, 1B et les photographies A et B donnent un aperçu du résultat.
La première conséquence en est une diminution de la perte de charge : en effet, un lit de résine uniforme donne toujours, à diamètre moyen égal, une perte de charge plus faible qu'un lit de résine hétérogène.
Séparation
Pour obtenir de bonnes performances d'un échangeur à lits mélangés ou à lits superposés, il faut réaliser, avant la régénération une parfaite séparation des deux composants. La différence de densité n'est pas suffisante pour obtenir ce résultat : il faut également intervenir sur la taille des billes. Avec des résines conventionnelles, on élimine, par tamisage, les petites billes de la résine la plus lourde, et les grosses billes de la résine la plus légère. Le résultat constitue toujours un compromis entre les impératifs de fabrication et les coûts de production.
L'expérience montre, dans le cas des lits mélangés, que les produits les mieux contrôlés à ce niveau ont nécessairement un échangeur de cations trop gros, d'un diamètre moyen de 800 à 900 microns, qui présente une faible surface de contact, une cinétique médiocre et une plus grande friabilité (les grosses billes sont toujours plus fragiles que les petites). La séparation d'un lit mélangé s'effectue dans un courant d'eau ascendant, appliqué à une vitesse déterminée.
* Marques déposées de The Dow Chemical Company.
Pour obtenir 100 % d'expansion. On peut aisément juger de l'aptitude de deux résines à donner deux lits parfaitement séparés, en mesurant la vitesse limite de chute des billes dans l'eau : les billes ayant la même vitesse de chute restent mélangées, et la séparation est d’autant meilleure que la différence est plus grande.
On voit sur la figure 2 que les résines conventionnelles ont une zone de recouvrement très importante. Par contre, la figure 3 montre que le mélange Dowex Monosphère 650-C et 550-A donne une séparation totale, tout en conservant un diamètre moyen (650 et 550 microns respectivement) parfaitement compatible avec les impératifs de cinétique, de surface de contact et de friabilité.
Dans le cas d'applications de lits mélangés à usage unique, la séparation devient par contre un handicap ; il faut en effet éviter le phénomène de stratification au chargement, qui est préjudiciable à l'obtention de bonnes performances. De plus, il est parfois nécessaire de détasser le lit pour diminuer la perte de charge, ce qui entraîne automatiquement une séparation. Notre technologie nous a permis de mettre au point un lit mélangé non séparable de diamètre moyen 450 microns (Dowex Monosphère MR-450 UPE et MR-450 UPN). La surface de contact et la cinétique sont optimales et les performances obtenues sont excellentes en termes de qualité de l'eau traitée et de rapidité à délivrer une eau de très haute pureté (figure 4).
Vitesse d’échange
Dans une résine de conception classique, les billes les plus grosses peuvent atteindre trois fois la taille des billes les plus petites. Avec une résine Monosphère, la différence ne dépasse pas 20 %. On obtient ainsi une meilleure distribution du flux liquide à travers une couche de résine uniforme.
Le diamètre moyen d’une résine conventionnelle est de l'ordre de 700 microns (0,7 mm). Les résines Monosphère, grâce à leur homogénéité qui génère moins de perte de charge, sont plus petites : 500 microns en général, voire même 350 microns. Cette petite taille améliore considérablement la surface de contact. Quand on sait que la vitesse de diffusion dans une bille de résine est fonction de 1/r² (r étant le rayon de la bille), on voit tout de suite que la diffusion est trois fois plus rapide dans une bille de 400 microns...
La combinaison d'une grande surface de contact et d'une meilleure vitesse de diffusion donne ainsi à ces résines une réponse cinétique incomparable, et donc un avantage prépondérant dans les traitements à grande vitesse de percolation et/ou avec des variations de débit importantes (figure 5).
Efficacité de la régénération
Pour les raisons développées ci-dessus, le réactif de régénération est mieux utilisé, donc plus efficace. Les rendements atteignent facilement 90 à 95 %, soit 105 à 110 % de la stœchiométrie, tout en conservant une fuite ionique extrêmement basse.
La qualité d'eau obtenue est toujours très supérieure à celle fournie par des résines conventionnelles (figure 6) : il n’est pas rare d’obtenir 0,2 à 0,1 µS/cm et 10 ppb de SiO₂ après un couple C-500 et AII-500 mis en œuvre avec le système de régénération à contrecourant UPCORE.
Hauteur d’échange
L'uniformité associée à un diamètre de billes plus petit permet de réduire très sensiblement les hauteurs de résine sans altérer les résultats : ainsi une résine C-400 ou C-425 donne avec 1 m de hauteur de lit des performances, en termes de capacité d'échange et de fuite ionique, très supérieures à celles obtenues avec 2,50 m de résine classique.
Par ailleurs, l'uniformité et la résistance mécanique d'un lit de résine C-500 ou C-650 permettent, le cas échéant, de porter la hauteur du lit à 3,00 m, tout en limitant la perte de charge à une valeur acceptable, même à 60 m/h.
Résistance mécanique
L'examen des photographies ne montre aucune bille fêlée ou cassée. Un examen sous microlecteur ne permet pas non plus de déceler la moindre imperfection, contrairement au cas de beaucoup de résines classiques. Cela se traduit dans les faits en termes de résistance à l’écrasement, de résistance à l'attrition et de résistance aux chocs osmotiques.
La résistance moyenne à l’écrasement des résines C-650 et A-550 est supérieure à 1 kg/cm² de pression (test standard Dow). Le pourcentage de billes intactes après test d’attrition est supérieur à 98 % (test standard Dow). La perte de charge maximum généralement tolérée par une résine conventionnelle est de l'ordre de 150 kPa (1,5 kg/cm²). Les résines C-400 ou C-650 admettent plus de 300 kPa. Les Monosphère C-400, C-500, AII-500 et AII-500 qui, ne l’oublions pas, sont des résines du type gel, soumises au test normalisé DIN (50 cycles avec HCl 8 N, eau, NaOH 8 N) gardent plus de 95 % de billes intactes, résultat comparable à celui des meilleures résines macroporeuses. Dans la pratique, cela signifie moins d’usure de résines, donc moins de problèmes d’exploitation et des coûts de remplacement plus faibles.
Stabilité chimique
L'oxydation est la principale cause de dégradation des résines cationiques : elle se traduit par une attaque du pontage DVB. Pour améliorer la résistance à l'oxydation, il faut augmenter le taux de réticulation du squelette, ce qui, malheureusement, nuit à la régénérabilité de la résine, sauf si la taille des billes compense ce phénomène : les résines C-400 et C-425, plus réticulées que la plupart des autres résines du type gel, présentent une résistance à l'oxydation environ deux fois supérieure, tout en conservant une meilleure régénérabilité. La température est généralement le facteur limitant pour les échangeurs d’anions qui, sous son influence, perdent
Tableau comparatif n° 1
Éléments de comparaison | Unités | Monosphère C-425 | Résine conventionnelle |
---|---|---|---|
Volume de résine par appareil | l | 2025 | 2025 |
Niveau de régénération | g/l | 110 | 160 |
Capacité utile | eq/m³ | 1220 | 1250 |
Diamètre de l’appareil | mm | 1500 | 1500 |
Hauteur de résine | mm | 1150 | 1150 |
Perte de charge à 15 °C | kPa | 110 | 90 |
Vitesse de détassage | m/h | 6 | 13 |
Eau de service | |||
– Détassage | m³ | 1,8 | 3,8 |
– NaCl 10 % | m³ | 2,2 | 3,2 |
– Déplacement | m³ | 3,1 | 3,1 |
– Rinçage | m³ | 3,0 | 10,0 |
– Total (eau brute filtrée) | m³ | 10,2 | 20,1 |
Quantité de NaCl par régénération | kg | 223 | 324 |
Nombre de régénérations par an | — | 1200 | 1200 |
Quantité de NaCl par an | t | 268 | 389 |
Quantité d’eau de service par an | m³ | 12 240 | 24 120 |
Coût NaCl | FF/t | 760 | 760 |
Coût annuel NaCl | FF | 203 680 | 298 640 |
Coût du m³ d’eau filtrée | FF/m³ | 15 | 15 |
Coût annuel de l’eau de service | FF | 18 360 | 36 180 |
Économie de NaCl par an | FF | 91 960 (1) | — |
Économie d’eau par an | FF | 17 820 (2) | — |
Volume total de résine | l | 4050 | 4050 |
Économie sur l’achat des résines | FF | –34 365 (3) | — |
Gain global (1ʳᵉ année) | FF | 75 415 | — |
Tableau comparatif n° 2
Éléments de comparaison | Unités | Monosphère | Conventionnel | ||
---|---|---|---|---|---|
C-500-UG | All UG | CF | AF | ||
Volume de résines | l | 5000 | 3000 | 5000 | 3000 |
Niveau de régénération | — | HCl | NaOH | HCl | NaOH |
Capacité utile | eq/m³ | 42 | 39 | 50 | 50 |
Résine inerte | % | 10 | 7,5 | 10 | 7,5 |
Diamètre de l’appareil | mm | 2600 | 1500 | 1870 | 1600 |
Hauteur résine active | mm | 2300 | 1500 | 1800 | 1600 |
Hauteur cylindrique | mm | 1600 | 1500 | 1800 | 1600 |
Perte de charge à 15 °C | kPa | 250 | 170 | 197 | 150 |
Quantité de réactif par régénération | kg | 3000 | 2250 | 2350 | 2100 |
Eau de service | |||||
– Dilution | m³ | 130 | 120 | 100 | 110 |
– Déplacement | m³ | 210 | 170 | 250 | 150 |
– Total eau déminéralisée | m³ | 25 | 18 | 38 | 20 |
Recyclage jusque 1 µS/cm | m³ | 47 | 36 | 57 | 47 |
Durée régénération | h | 7,5 | 6,0 | 10,0 | 9,0 |
Auto-neutralisation | min | — | — | 26,1 | 35,2 |
Nombre de régénérations par an | — | 15 à 20 | 50 | 8 | 70 |
Quantité de réactifs par an | t | — | — | 15 | 2,5 |
Coût HCl 100 % | FF/t | 1200 | 1200 | 1200 | 1200 |
Coût NaOH 100 % | FF/t | 1200 | 1200 | 1200 | 1200 |
Coût annuel des réactifs | FF | 252 | 140 | 300 | 180 |
Économie de réactifs par an | FF | 17 000 | 17 000 | — | — |
Eau de service par an | m³ | 18 000 | 18 000 | — | — |
Coût du m³ d’eau déminéralisée | FF/m³ | 6,80 | 8,34 | — | — |
Coût annuel de l’eau déminéralisée | FF | 153 600 (1) | — | — | — |
Économie d’eau par an | FF | 31 320 | 42 240 | — | — |
Économie sur l’achat des résines | FF | — | — | 3 | 3 |
Gain global (1ʳᵉ année) | FF | 93 960 | 126 720 | — | — |
32 760 (2) | — | = 100 000 (3) | — | ||
86 360 | — | — | — |
Leurs groupements actifs : une étude effectuée par un laboratoire spécialisé dans l’industrie nucléaire a montré que le meilleur comportement à l’application en continu d’une température de 70 °C était obtenu avec la résine Monosphère A-550 (forme OH⁻).
Matières organiques
Les échangeurs d’anions Monosphère offrent une surface de contact plus importante et retiennent moins de contaminants par unité de surface. En outre, la désorption est plus efficace, grâce à une meilleure régénérabilité apportée par leur faible diamètre. Ceci explique pourquoi ils sont moins sensibles à l’empoisonnement par les matières organiques que leurs homologues conventionnels de type gel.
Exemple d’application à l’adoucissement d’eau
Caractéristiques de l’eau traitée : TH 8 meq/l – Na = 2 meq/l
Qualité demandée : TH maximum 0,2 °f (0,04 meq/l).
Débit moyen à traiter : 2 × 50 m³/h
Débit de pointe : 2 × 100 m³/h
Quantité d’eau à traiter entre deux régénérations : 300 m³
Les résultats obtenus sont portés dans le tableau comparatif n° 1.
Bilan économique. — La première année, le coût supplémentaire d’achat des résines est amorti en quatre mois. L’économie réalisée sur dix ans sera de l’ordre d’un million de francs.
L’utilisation des résines Monosphère permet, dans la plupart des cas, de travailler en régénération à débit courant : c’est la technique la plus simple à réaliser et à exploiter et le matériel nécessaire est peu sophistiqué, donc relativement peu coûteux. Il faut noter que la mise en œuvre d’un procédé de régénération à contre-courant améliore les résultats de la résine conventionnelle et de la résine Monosphère au prix d’un investissement plus lourd. Dans ce cas, la consommation annuelle de NaCl est ramenée à 280 tonnes pour la première (211 800 FF) et à 200 tonnes pour la seconde (152 000 FF).
Exemple d’application à la déminéralisation d’eau
• Analyse de l’eau à déminéraliser
(méq/l) : Ca 4,50 TAC 6,00 Mg 1,50 Cl 2,50 Na 3,38 SO₄ 1,20 K 0,20 NO₃ 0,30 Total = 10,00 Total = 10,00 SiO₂ = 0,16
• Qualité demandée : conductivité maximum 1,0 µS/cm, silice maximum : 0,03 mg/l SiO₂.
• Débit moyen à traiter : 2 × 80 m³/h
• Débit de pointe : 2 × 100 m³/h
• Quantité d’eau à traiter entre deux régénérations : 480 m³
• Schéma de traitement : CF — dégazeur — AF
• Système de régénération : UPCORE (contre-courant)
Dans le cas d’un poste de déminéralisation d’eau, la question ne se pose plus : seul un système de régénération à contre-courant permet de répondre à l’objectif de tout exploitant soucieux de la qualité de l’eau et des coûts d’exploitation, sous réserve que ce système soit performant, fiable et de conduite aisée (ce qui est le cas du système UPCORE).
Les résultats obtenus sont portés dans le tableau comparatif n° 2.
Bilan économique. — La première année, le coût supplémentaire d’achat des résines est amorti en moins de sept mois. L’économie réalisée sur dix ans, avec une installation UPCORE contenant des résines Monosphère, sera de l’ordre de 1,7 million de francs, en tenant compte d’une durée de vie de dix ans pour l’échangeur de cations et de cinq ans pour l’échangeur d’anions.
Le poste Monosphère pourra, si nécessaire, produire plus d’eau déminéralisée grâce à un temps de régénération plus court et à la possibilité d’augmenter le débit de pointe sans altérer ni la productivité ni la qualité.
Conclusion
On peut, bien sûr, tamiser mécaniquement une résine conventionnelle pour obtenir un produit uniforme : cela n’est pas sans poser de multiples problèmes au fabricant qui se lance dans cette opération... La figure 1A montre, par exemple, qu’il faut produire de 8 à 10 m³ de résine conventionnelle pour obtenir 1 m³ de résine uniforme à 500 microns ; il en faut encore plus pour produire 1 m³ de résine à 400 microns. Pour éviter des coûts de production prohibitifs, le fabricant devra recycler les 7 à 9 m³ de résine non utilisée dans des lots qui iront à des utilisateurs moins exigeants (un moyen facile de vérification consiste à tracer la courbe granulométrique : un produit de cette nature donnera une courbe de Gauss dissymétrique).
Bien entendu, la résine uniforme ainsi obtenue gardera les caractéristiques intrinsèques du produit de départ et ce n’est pas le tamisage qui améliorera ni la résistance mécanique, ni la résistance chimique, ni la résistance aux chocs osmotiques : une résine qui éclate à 50 g de pression parce que les billes comportent une multitude de microfêlures ne donnera pas mieux une fois qu’elle sera tamisée...
Les caractéristiques originales de la résine Monosphère sont dues essentiellement au mode de fabrication de la bille de polystyrène mis au point selon un procédé développé par notre centre de recherches de Midland (USA) : la plupart des propriétés concernant la stabilité physico-chimique sont, en effet, apportées à ce stade. C’est ensuite l’application de techniques d’activation parfaitement maîtrisées qui donne la qualité du produit fini.
Nous sommes convaincus que ces résines représentent l’avenir des procédés d’échange d’ions car elles apportent une solution originale et optimisée à chaque cas, contrairement aux résines conventionnelles qui y répondent par une solution de compromis.