Si l'origine de la contamination du réseau interne de la crèche municipale de Chamalières par la bactérie Pseudomonas aeruginosa est restée indéterminée, son éradication a pu être obtenue uniquement par mise en ?uvre de chocs thermiques réalisés robinet par robinet en maintenant une température minimale de 60 °C en sortie pendant 1 heure. Les chocs chlorés, quelles que soient leur durée et la concentration en oxydant, se sont révélés totalement inefficaces. À des fins préventives, une attention particulière doit être apportée aux températures qui règnent tant sur le réseau d'eau froide que sur le réseau d'eau chaude.
Les chocs chlorés, quelles que soient leur durée et la concentration en oxydant, se sont révélés totalement inefficaces.
À des fins préventives, une attention particulière doit être apportée aux températures qui règnent tant sur le réseau d’eau froide que sur le réseau d'eau chaude.
Le 10 juin 2004, la DDASS 63 nous informe de la présence de Pseudomonas aeruginosa, à hauteur de 54 UFC/100 ml au robinet de la cuisine de la crèche municipale « les petits montagnards » de Chamalières. L’ensemble des résultats d’analyses de ce prélèvement est donné dans le présent tableau ci-dessous.
Ces analyses mettent en évidence la présence de chlore résiduel au robinet de la cuisine.
Les articles R.1321-1 et suivants du code de la santé publique ne fixent ni de limite ni de référence de qualité concernant le paramètre microbiologique Pseudomonas aeruginosa.
La DDASS nous demande de purger, voire de désinfecter le réseau. En concertation avec les Services Techniques (ST) de Chamalières nous procédons aux actions suivantes :
- information du risque sanitaire auprès du personnel de la crèche
- augmentation de la consigne chlore de 0,2 à 0,25 mg/l
- purge du réseau communal en extrémité d’antenne proche de la crèche
- réalisation de deux nouveaux prélèvements le 15 juin 2004 : l'un au robinet de la cuisine de la crèche, l’autre chez un abonné (point A) proche de la crèche. Les résultats d’analyses de ces deux prélèvements sont communiqués par le laboratoire Central de SAUR et révèlent : 12 UFC/100 ml au robinet de la crèche et 60 UFC/100 ml au point A.
Un plan d’urgence est alors mis en œuvre en concertation étroite avec l’en-
* La température nous apparaît comme anormalement basse eu égard aux valeurs habituellement mesurées entre 17 et 20 °C.
L’ensemble des acteurs concernés : DDASS, ST de Chamalières et SAUR.
Gestion de la situation de crise
La mise en évidence de Pseudomonas aeruginosa en un point différent de la crèche nous amène à penser à une possible contamination générale du réseau de la ville de Chamalières. Cela étant, à cette date, le laboratoire agréé Louise Blanquet n’a pas signalé de résultat non conforme sur les autres points du réseau contrôlés le même jour. En effet, ce laboratoire réalise de façon systématique la recherche de bactéries du genre Pseudomonas lors des analyses bactériologiques de type B2.
Pour autant, le plan d’action suivant est mis en place le 18 juin 2004 :
- Définition de 17 points de prélèvement sur le réseau de Chamalières :
- 3 sur des ressources avant traitement ;
- 5 à différents réservoirs ;
- 9 en distribution dont plusieurs sites sensibles (clinique, centre de dialyse, autre crèche, maison de retraite...).
- Définition de la procédure et du matériel nécessaire en vue d’une chloration choc sur le réseau communal en cas de résultats positifs.
Le 21 juin, le laboratoire Louise Blanquet nous confirme toujours la présence de Pseudomonas aeruginosa au robinet de la cuisine de la crèche à hauteur de 10 UFC/100 ml. Absence de cette bactérie pour les autres points contrôlés. Il semble donc que la contamination soit circonscrite à la crèche municipale uniquement. Le résultat d’analyse au point A s’avère cette fois-ci négatif et le restera lors des prélèvements ultérieurs.
Nous procédons alors le 22 juin 2004 aux opérations suivantes sur le réseau intérieur de la crèche :
- Purge et chloration choc réalisées par SAUR + ST : durée 19 h, résiduel Cl₂ > 20 mg/l ;
- Nouvelle campagne de 4 prélèvements analysés par le laboratoire Central SAUR après le choc chloré : point A, aval crèche, robinet cuisine crèche, en face de la crèche.
Cette fois-ci tous les résultats sont négatifs. La DDASS réalise un prélèvement de confirmation le 25 juin 2004 sur quatre établissements publics de la commune : robinet cuisine de la crèche municipale, piscine, maison de retraite et crèche des Hautes Roches. Le prélèvement officiel réalisé à la crèche « Les Petits Montagnards » s’avère à nouveau positif à hauteur de 17 UFC/100 ml. Absence de contamination sur les autres points.
La première chloration choc réalisée sur les réseaux d’eau froide (EF) et d’eau chaude (EC) s’est donc révélée inefficace.
Un courrier de la DDASS en date du 30 juin 2004 nous demande de procéder aux actions suivantes :
- Nouvelles purges et chloration choc du réseau intérieur de la crèche ;
- Établir un diagnostic du réseau de la crèche en vue de supprimer les bras morts et les possibles retours d’eau, de détartrer et désinfecter les éléments de robinetterie, de poser un disconnecteur sur le réseau d’eau alimentant la chaudière au gaz et de calorifuger le réseau EF proche du circuit de chauffage.
Par ailleurs, les consignes sanitaires à destination du personnel de la crèche sont réitérées, à savoir :
- Ne pas consommer l’eau pour la boisson ;
- Précautions à prendre pour le lavage des mains.
enfants présentant notamment des plaies ou brûlures ;
- - Faire bouillir l'eau durant au moins 20 minutes pour la préparation des repas.
Nous procédons au diagnostic du réseau de la crèche, qui conduit dans un premier temps au changement du robinet de la cuisine, à la mise en place d'une purge automatique avec compteur d’eau sur l’antenne alimentant la crèche et à un second choc chloré.
Une nouvelle série de prélèvements réalisés cette fois-ci en cinq points du réseau interne de la crèche confirme toujours la présence de Pseudomonas aeruginosa à hauteur de 37 UFC/100 ml au robinet de la cuisine et ce malgré le changement de ce dernier. Ceci laisse à penser que le circuit d'eau froide est contaminé.
La fermeture de la crèche en période estivale permet aux services techniques de la ville de procéder à différentes opérations dont le changement d'une partie du réseau interne (celui à proximité de la chaudière) et la pose d’un disconnecteur, etc.
Premier choc thermique
Les chocs chlorés s'étant révélés inefficaces dans la durée, nous décidons de réaliser un choc thermique. Les 17, 18 et 19 septembre, les services techniques procèdent à cette opération en augmentant la consigne de température de la chaudière de 40/45 °C à 70 °C (valeur maximale avec la sécurité) et en alimentant le réseau EF par le réseau EC sur les deux antennes du réseau l'une après l'autre.
De façon pratique, tous les robinets d'une même antenne ont été ouverts simultanément. La température en sortie était comprise entre 50 et 55 °C. Les résultats d’analyses réalisées en huit points de l’établissement sur le réseau EF sont tous positifs. Les valeurs oscillent entre 15 et 200 UFC/100 ml au robinet de la cuisine pour cette dernière valeur. L’analyse, après coup, de cette opération a montré selon toute vraisemblance que la température aux robinets avait été insuffisante pour permettre l’éradication de ces germes et, bien au contraire, avait dû favoriser leur prolifération.
Poursuite d’actions sur le réseau de la crèche
De septembre 2004 à mi-août 2005, différentes actions sont entreprises par SAUR et les services techniques, dont :
- - Recherche d'une génératrice d'eau chaude pour atteindre des températures voisines de 70 °C aux robinets ;
- - Recherche vaine de produits de stérilisation agréés eau potable susceptibles d’éradiquer P. aeruginosa ;
- - Changement du ballon d'eau chaude et de 4 robinets sur 11 ;
- - Nombreux chocs chlorés à des doses allant jusqu’à 150 mg/l pendant plusieurs heures ;
- - Purges des zones mortes du réseau toutes les semaines ;
- - Augmentation de la température de chauffe de la chaudière à 70 °C avec pose de sécurité sur les robinets enfants (voir photo).
Pendant toute cette période nous observons des répits durant quelques semaines tout au plus, avec des résultats complètement aléatoires. La température lors des prélèvements sur le réseau d'eau chaude n’a pas été relevée de façon systématique. Cette dernière variait de 37 à 64 °C. 166 prélèvements ont été réalisés. 24 % se sont révélés positifs sur EF contre 18 % sur EC.
L’ensemble du réseau de l’établissement, de la chaufferie au second étage, est contaminé. Seul le réseau EC du robinet de la cuisine n’a jamais présenté de contamination. Sa température moyenne était de 59,9 °C pour une température minimale de 57,6 °C.
Le plus fort niveau de contamination est observé sur le robinet de la salle de bains du 2ᵉ étage : 900 UFC/100 ml (EF) pour 1 700 UFC/100 ml (EC). L’analyse montre que la contamination est plus forte aux points les plus éloignés de la chaudière. D'autre part, le fait d'avoir augmenté la température de consigne de la chaudière sans avoir procédé au calorifugeage des circuits a sans doute favorisé la prolifération des germes sur le circuit d'eau froide. Enfin, la température de consigne de la chaudière fixée à 40/45 °C initialement a sans doute contribué à favoriser le développement des Pseudomonas.
Seconde série de chocs thermiques
Devant l'impossibilité de pouvoir disposer d'une génératrice de chaleur, nous décidons de shunter la sécurité de la chaudière (nous sommes montés à 80 °C en sortie de la chaudière) et de procéder au choc thermique robinet par robinet et non antenne par antenne, en alimentant le réseau EF par le réseau EC. La durée de chaque choc thermique était au minimum de une heure pour une température de 60 °C aux robinets. Nous avons dû répéter deux fois cette opération car, à l'issue du premier choc thermique, il restait encore une contamination importante dans la salle de bains du 2ᵉ étage sur le réseau EF, pièce la plus éloignée de la chaudière.
C’est à l’issue de cette seconde série de chocs thermiques que tous les prélèvements réalisés depuis se sont enfin révélés négatifs.
Quels enseignements en tirer ?
L’origine de la présence de cette bactérie dans le réseau de la crèche reste imprécise. Cependant, on peut penser que des mains contaminées en sont à l’origine, soit par le personnel de la crèche (adultes comme enfants), soit lors des travaux effectués en janvier 2004 lors du changement du branchement.
Une autre hypothèse serait celle d’une contamination directe des matériels utilisés lors de ces travaux suite à de mauvaises conditions de stockage. En effet, pour le département du Puy-de-Dôme, le laboratoire Louise Blanquet observe depuis six mois la présence de cette bactérie lors de travaux neufs, à une fréquence accrue.
Une information auprès des fournisseurs sur les conditions de stockage des équipements de réseaux apparaît comme une action préventive à envisager.
Cette bactérie étant très résistante aux oxydants, de par sa capacité à secréter une zooglée, les chocs chlorés sont inefficaces. Ils sont mêmes à proscrire car ils contribuent à sélectionner davantage encore Pseudomonas aeruginosa en supprimant toute compétition avec d’autres germes.
Une attention particulière doit être apportée aux températures qui règnent tant sur le réseau EF que sur le réseau EC.
Si généralement le réseau EF est le réseau contaminant, dans le cas présent la température de la chaudière fixée à environ 40 °C, pour des raisons évidentes de sécurité vis-à-vis des enfants, a sans doute contribué aussi à cette prolifération bactérienne.
Le réseau EF peut être réchauffé par les locaux, par le réseau d’eau chaude passant à proximité ou par une arrivée d’eau chaude dans l’eau froide au niveau des mitigeurs.
Il convient donc, dans la mesure du possible, de calorifuger le réseau EF séparément du réseau EC et, idéalement, de remplacer les mitigeurs et robinets mélangeurs par des robinets séparés.
Les chocs thermiques réalisés selon un protocole ad hoc avec un suivi rigoureux de la température pendant toute la durée de l’opération constituent une garantie d’éradiquer durablement Pseudomonas aeruginosa. Nous pensons qu’il faut procéder robinet par robinet en s’assurant d’avoir au minimum 60 °C en sortie pendant une heure.
Par ailleurs, SAUR a toujours tenu informé le personnel de la crèche des actions en cours et de leurs résultats. Un climat de confiance a ainsi pu s’établir grâce à notre présence régulière sur le terrain, à notre engagement et à notre sincérité. Enfin, nous tenons à saluer ici l’ensemble du personnel de la crèche qui a su faire preuve durant cette période de crise de beaucoup de patience, de compréhension et d’adaptation.