Afin de prévenir les problèmes de reviviscence bactérienne dans les réseaux de distribution, des filières de production d’eau potable ont été développées au cours des dernières années pour permettre d’éliminer au maximum les matières organiques ; le carbone organique est en effet présent en concentration importante dans l’eau brute des cours d’eau alimentant les usines du Syndicat des Eaux d'Ile de France (Seine, Oise, Marne) et notamment sous sa forme biodégradable.
Dans la filière de traitement de l'usine de Neuilly-sur-Marne, l'eau brute est pompée dans la Marne et
- 1 - Pompage – Dégrillage
- 2 - Prétraitement
- 3 - Floculation – Décantation
- 4 - Filtration sur sable
- 5 - Pont siphon
- 6 - Ozonation (+ Péroxyde)
- 7 - Filtration biologique sur C.A.G.
- 8 - Postchloration
- 9 - Bassin d'effacement
- 10 - Traitement des boues.
[Photo : Fig. 1 – Filière de traitement de l'usine de Neuilly-sur-Marne.]
[Photo : Fig. 2 : Élimination des matières organiques.]
[Photo : Fig. 3 : Élimination des matières organiques.]
subit deux dégrillages successifs
avant de transiter dans une cuve de
pré-traitement où s’effectuent une
correction de pH, si nécessaire, un
ajout de coagulant, dans tous les cas,
des injections de sulfate ferreux et de
charbon actif en poudre pour traiter, le
cas échéant, les pollutions acciden-
telles (figure 1).
L'eau coagulée se répartit alors entre
quatre décanteurs-couloirs d’une
capacité unitaire de 150 000 m3/j et
trois décanteurs lamellaires à floc
lesté (Actiflo) d'une capacité unitaire
de 70 000 m3/j.
L'eau décantée est ensuite filtrée sur
42 filtres à sable et six filtres bicouche
sable à charbon actif en grains. L’eau
filtrée subit enfin un traitement ozone
+ peroxyde d’hydrogène avant d’être
chlorée puis injectée dans le réseau de
distribution.
Une installation de filtration sur
charbon actif en grains, qui s’in-
tercalera entre l’ozonation et la chlo-
ration, est en cours de réalisation.
L'élimination de la matière organique
biodégradable débute dès l’étape de
floculation-décantation puis se
poursuit lors de la filtration sur sable.
Il s’avère cependant nécessaire
d'affiner cette élimination par filtration
biologique sur charbon actif en grains
(CAG).
C’est pourquoi dans l'attente de sa
mise en service, l’impact sur la qualité
de l’eau produite d’un traitement par
le charbon actif en poudre (CAP)
injecté en tête de filière, a été étudié,
notamment vis-à-vis de l’élimination
de la matière organique, de la de-
mande en chlore et du carbone
organique.
Les essais se sont déroulés sur trois
semaines :
- – la première semaine, sans traitement
spécifique, a permis de déterminer un
point de référence,
- – durant la deuxième et la troisième
[Photo : Fig. 4 : Évolution de la demande en chlore.]
semaine, il a été respectivement
appliqué un taux de traitement de 30
puis 15 g/m3 en CAP de type PCO
super (à base de noix de coco) injecté
dans la cuve de prétraitement.
La mesure des paramètres tout au
long de la filière a été effectuée par les
mêmes opérateurs et la fréquence
analytique est restée identique
pendant les trois semaines d’essais.
Les résultats, synthétisés sous forme
de courbes, représentent des
moyennes effectuées sur dix analyses
hebdomadaires.
Les paramètres dont la variation
pendant les essais n’est pas
significative sont la turbidité, l'alu-
minium, les matières en suspension, le
pouvoir colmatant de type Beaudrey
et le Fouling Index.
Les paramètres analytiques tels que la
matière organique, la demande en
chlore et le carbone organique sous
ses différentes formes, font l'objet de
chapitres ci-après.
La matière organique
L’évolution du pourcentage d’élimi-
nation de la matière organique (MO)
aux différentes étapes de la filière, par
rapport à la valeur sur l’eau brute, est
représentée sur la figure 2.
Pour interpréter les résultats, il nous a
paru plus significatif de rapporter les
valeurs absolues d’élimination des
MO de la période considérée par
rapport à celles de référence (figure
3).
Il n’est pas constaté d’amélioration de
l'élimination de la matière organique
avec un traitement au CAP à un taux
de 30 ou 15 g/m3. Il est à noter en
particulier que les teneurs en MO sur
les eaux décantées sont plus élevées
qu’au moment de la période de
référence, ce qui s’explique par le fait
qu’une partie du CAP n’est pas
éliminée lors de l’étape de décantation
et entre dans la mesure des MO
(désorption de la MO contenue dans le
CAP au moment de l’oxydation et
adsorption du KMnO4 utilisé pour la
mesure). Enfin, on remarque que les
teneurs en MO de l’eau issue du
décanteur-couloir sont supérieures à
celles de l’eau traitée par le décanteur
Actiflo. L'explication réside dans le fait
que le décanteur Actiflo élimine mieux
le CAP (effet du polyélectrolyte et de
l'énergie d’agitation qui diminuent la
couche limite au niveau du CAP).
Après filtration sur monocouche ou
bicouche, les teneurs en MO sont
comparables à la période de référence
bien que pendant le traitement au CAP
à 15 g/m3 la concentration en MO sur
l’eau brute ait diminué de 0,9 mg/l
d'O2.
Demandes en chlore
Les demandes en chlore (DCL) ont été
mesurées à toutes les étapes de la
filière avec un taux de chloration initial
de 5 mg/l. L’interprétation des ré-
sultats portera uniquement sur les
eaux filtrées, ozonées, et produites. En
effet la DCL des eaux brutes et
décantées est très importante et très
rapidement satisfaite (inférieure à
quatre heures) : elle est liée principa-
lement aux fortes teneurs en MO et à
l'ammoniaque présents à ces étapes
du traitement (moyennes en
[Photo : Fig. 5 – Évolution de la demande en chlore.]
[Photo : Fig. 6 – Évolution de la demande en chlore.]
[Photo : Fig. 7 – Évolution de la demande en chlore.]
Novembre 1992 de 4,9 et 2,6 mg/l d’O₂ en MO pour l’eau brute et l’eau décantée respectivement ; 0,23 mg/l en NH₄⁺. Les demandes en chlore exprimées en pourcentage de chlore consommé sont représentées sur les figures 4 à 7.
D’une manière générale, le résultat de la DCL sur l’eau produite par rapport à la période de référence semble meilleur pour un traitement à 15 g/m³ (-9 % à 48 h) que pour 30 g/m³ (-2 % à 48 h). Ces gains de la consommation de chlore sont obtenus entre 0 et 4 h (-0,6 mg/l Cl₂ pour 15 g/m³ et ‑0,2 mg/l Cl₂ pour 30 g/m³) alors qu’entre 4 et 24 h la DCL sur les eaux traitées au CAP est légèrement supérieure (+0,1 à 0,15 mg/l Cl₂).
L’interprétation des graphiques de la DCL des eaux filtrées et ozonées est difficile ; néanmoins, il semble que les eaux filtrées en bicouche soient moins sensibles au traitement CAP (pas d’amélioration de l’élimination de la demande en chlore). Le remplacement du CAG des filtres bicouches au mois de septembre 1992 peut expliquer cette différence ; ses capacités d’adsorption sont quasi intactes et il élimine les éléments générateurs de la demande en chlore.
Le carbone organique
La teneur en matière organique peut être déterminée par la mesure du carbone organique total ou COT. Dans ce COT on distingue :
- • le carbone organique dissous (COD),
- • le carbone organique particulaire (COP), lequel est éliminé lors des étapes de décantation-filtration.
On considère généralement que le COD se présente sous deux formes :
- • le carbone organique dissous biodégradable (CODB), qui correspond au COD assimilable par une population bactérienne,
- • le carbone organique réfractaire (COR), dont la structure empêche son utilisation directe par les bactéries, mais qui, sous l’action de l’ozone, se transforme en partie en CODB.
L’évolution des pourcentages d’élimination du carbone organique sous ses différentes formes (COD, COR et CODB), par rapport aux valeurs sur l’eau brute, est représentée sur les figures 8, 9 et 10.
On observe d’une façon très nette que le traitement au CAP à des taux de 30 et 15 g/m³ procure une amélioration d’environ 10 % sur les abattements en COD dès l’étape de décantation. Ce gain s’effectue à la fois sur le CODB et sur le COR, comme le montrent les graphiques ; en effet l’adsorption élimine indifféremment la matière biodégradable et non biodégradable.
La filière sans traitement spécifique élimine :
- – 55 % de CODB et 8 % de COR entre l’eau brute et l’eau filtrée,
- – 10 % de CODB et 29 % de COR entre l’eau brute et l’eau ozonée : la diminution de l’abattement en CODB et l’augmentation de l’abattement en COR proviennent de la transformation d’une fraction de COR en CODB au moment de l’ozonation.
L’application d’un traitement au CAP (à 15 ou 30 g/m³) conduit à l’élimination de :
- – 61 % en moyenne de CODB et 16 % en COR entre l’eau brute et l’eau filtrée,
- – 31 % en moyenne de CODB et 36 % en COR entre l’eau brute et l’eau ozonée.
Ainsi, l’application d’un taux de traitement au CAP (indifféremment à 15 ou 30 g/m³) permet d’améliorer la
[Photo : Fig. 8 – Abattement du COD.]
[Photo : Fig. 9 – Abattement du COR.]
[Photo : Fig. 10 - Abattement du CODB.]
Qualité de l'eau ozonée et par voie de conséquence celle de l'eau produite ; l’abattement est accru de 21 % en CODB et de 7 % en COR.
En admettant que les gains d’élimination restent les mêmes en période chaude, où le CODB et le COR en sortie d’usine sont respectivement de l’ordre de 0,6 – 0,7 et 1 – 1,1 mg/l, le traitement au CAP permettrait donc d’abaisser ces valeurs autour de 0,5 mg/l en CODB et 0,9 mg/l en COR.
Conclusion
L’injection de CAP (PCO Super) au niveau de la cuve de prétraitement ne permet pas de conclure en ce qui concerne les demandes en chlore ; la présence de CAP résiduel à toutes les étapes de la filière (coloration noire des membranes après filtration d’un volume important d’eau) peut, par son effet réducteur et l’adsorption de matières organiques, gêner l’interprétation de ces résultats.
Cette injection améliore la qualité de l'eau produite : l’abattement est accru de 21 % en CODB et de 7 % en COR.
Les conclusions de cette étude ont amené les exploitants à injecter du CAP en tête de la filière à un taux de 15 g/m³ en PCO Super pendant la période comprise entre le 28 avril et le 6 juillet, qui correspond à l’élévation de la température de l’eau brute, et donc à un risque plus important de reviviscence bactérienne sur le réseau de distribution.
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