Traitements physico-chimiques en vue de leur élimination
A) PRÉSENTATION DE L'ÉTUDE ET DE SON CONTEXTE
Au cours de l'été 1976 les usines traitant de l'eau brute de la Seine ont été confrontées à un problème de pollution organoleptique. Les conditions climatiques exceptionnelles de cette période auraient en effet entraîné une prolifération des micro-organismes dans l'eau brute et c'est à leurs métabolites (en particulier géosmine et méthyl-2 isobornéol) que l'on a attribué la dégradation passagère de la qualité des eaux.
Le SYNDICAT des COMMUNES de la BANLIEUE de PARIS a donc engagé deux études, complémentaires, subventionnées par l'AGENCE FINANCIÈRE de BASSIN SEINE-NORMANDIE. La première étude, consacrée à la recherche de traitements utilisables à court terme à l'usine de Choisy-le-Roi, visait à déterminer les moyens à mettre en œuvre face à une pollution organoleptique. Elle a tenté de répondre à la question : comment éliminer les métabolites responsables des saveurs, lors de l'épuration de l'eau dans les ouvrages de l'usine ?
— La seconde étude se fixait un objectif différent puisqu’elle cherchait à résoudre le problème d'élimination des micro-organismes qui pourraient être présents dans les réseaux de distribution.
Les causes naturelles de pollution organoleptique sont en effet multiples. Citons principalement :
— les végétaux en décomposition, — les algues : une soixantaine d’espèces métabolisent des substances saporigènes, — les actinomycètes.
Ces derniers ayant été particulièrement incriminés au cours de l’été 1976, il convenait de centrer cette étude sur leur élimination.
Il est en effet acquis que l'efficacité d'une usine de traitement d'eau ne saurait être totale et les quelques actinomycètes passant dans le réseau éventuellement sous forme de spore et en nombre, si faible soit-il, risquaient d'y proliférer et de remettre en cause la qualité des résultats obtenus lors des traitements à l'usine. Bien plus, l'on pouvait craindre que les réseaux n’aient d’ores et déjà été colonisés par ces micro-organismes, et le fait de disposer en usine de parades contre leurs métabolites n'aurait apporté alors qu'une solution partielle au problème des saveurs. Il importait de vérifier la présence éventuelle d'actinomycètes dans le réseau et, le cas échéant, de mettre au point des procédures de décontamination des réseaux.
La présente étude a été menée au Centre d’Essais de l'exploitation de la Banlieue de Paris, à Choisy-le-Roi, par la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX, Régisseur du SYNDICAT des COMMUNES de la BANLIEUE de PARIS pour les EAUX avec le concours du laboratoire central de la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX de Paris. Commencée à la mi-juillet 1976, cette étude a été achevée le 1ᵉʳ septembre 1977,
par , Ingénieur, COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX
Compte tenu du contexte de cette opération et afin d'être en possession des principaux résultats pour l'été 1977 au cas où de nouvelles pollutions surviendraient, les diverses actions exposées ci-dessous ont dû être menées de front :
— recherche bibliographique, détermination des caractéristiques du groupe des actinomycètes ; — suivi des numérations sur les différents réseaux de la Banlieue de Paris, en portant une attention particulière aux éventuels phénomènes de prolifération ; — isolation des souches présentes dans l'eau brute et identification ; vérification de leur caractère non pathogène ; — tentatives d'ensemencement sur les réseaux-pilotes de Choisy-le-Roi, afin de disposer d'un banc d'essai pour les techniques de désinfection du réseau ; — étude des traitements d'élimination pour faire face à une pollution massive dans l'eau brute ou sur le réseau.
Cette dernière partie de l'étude nous a amenés en particulier à examiner l'efficacité de chacune des phases du traitement appliqué dans les usines du SYNDICAT des COMMUNES vis-à-vis de l'élimination des actinomycètes.
Le présent rapport réalise la synthèse de ces diverses recherches.
B) LES ACTINOMYCÈTES
1. GÉNÉRALITÉS
Les actinomycètes appartiennent : — au sous-embranchement des mycobactéries, — à la classe des actinomycétales, proche parente des champignons. C'est un groupe confus qu'on connaît surtout par ses nuisances.
I. — Morphologie :
Ils se présentent sous forme de bâtonnets < 1 > de diamètre, ayant tendance à donner des ramifications.
Leurs spores sont extrêmement résistantes et suffisamment petites pour traverser les filtres à sable.
Sur gélose nutritive, les colonies apparaissent sèches, poudreuses et comme frangées par des hyphes en houpette.
II. — Physiologie :
Ce sont des organismes aérobies, seules quelques espèces pathogènes pour l'homme et les animaux sont anaérobies. Ils peuvent cependant, dans la toute première phase de leur croissance, se contenter de très faibles quantités d'oxygène.
Leurs spores sont résistantes à la chaleur, à la dessiccation et aux agents chimiques.
Le pH optimum de culture se situe entre pH 6,5 et 8. En milieu acide, les cultures sont inhibées. Cette caractéristique bien connue fait que l'on recouvre de sable acide le fond des retenues pour limiter leur prolifération.
Ils se développent très bien en l'absence de lumière.
Ils peuvent utiliser comme source d'énergie une grande variété de composés organiques et certaines espèces attaquent même le caoutchouc.
Dans l'eau, la sporulation se produit près du fond. Lorsque la température atteindra 15°, les spores donneront des formes végétatives. Elles deviendront planctoniques lors des stratifications thermiques et pourront alors sécréter dans certaines conditions des substances odorantes qui seront entraînées à la surface.
III. — Écologie :
Ces micro-organismes d'origine tellurique sont universellement répandus en raison de leur survie considérable, de leurs faibles besoins nutritifs et de leur grande variété enzymatique.
En dehors de quelques espèces parasites de l'homme, des animaux ou des plantes, on les rencontre :
- — dans le sol, bien entendu,
- — dans les fumiers et le compost,
- — dans l'atmosphère,
- — à la surface des végétaux,
- — dans les eaux. Ils y sont présents toute l'année avec un pic en octobre et novembre.
Quelques auteurs n'hésitent pas à considérer certaines espèces comme typiquement aquatiques. Le milieu ne leur est pourtant pas très favorable, car la flore microbienne prépondérante utilise avant eux les substances biodégradables. Dans les sédiments, par contre, ils représentent un quart de la flore microbienne totale et leurs conditions de vie sont meilleures.
Leur important pouvoir enzymatique leur permet de contribuer aux dernières phases des processus d'auto-épuration, après les bactéries et les algues.
IV. — Métabolisme :
Dans certaines conditions, les actinomycètes peuvent métaboliser :
- — des substances antibiotiques ; c'est même le groupe le plus prolifique des producteurs d'antibiotiques. Dans l'eau, cette fonction apparaît peu en raison de la dilution ;
- — des substances organiques huileuses susceptibles de communiquer à l'eau une forte odeur de terre. On a pu isoler parmi ces substances la géosmine, le méthylisobornéol, la mucidone, mais également des aldéhydes, des cétones, des acides gras et des amines. Ces goûts passent dans le lait, les œufs et la chair des animaux consommant une telle eau.
TABLEAU I
Présence d’actinomycètes dans le réseau Seine (année 1976).
A | B | C | D | E | F |
Les points A, B, C, D, E, F, A' et B' sont respectivement situés à 9, 12, 10, 13, 17, 20, 14 et 16 km de l’usine de production.
TABLEAU II
Présence d’actinomycètes dans le réseau Seine (année 1977).
A | B | C | D | E | F |
Les points A, B, C, D, E, F, A' et B' sont respectivement situés à 9, 12, 10, 13, 17, 20, 14 et 16 km de l’usine de production.
Milieu liquide :
Bacto Actinomyces Broth de Difco Bacto Heart Infusion Broth ........ 25 g Bacto Yeast Extract ................ 5 g Bacto Casitone ..................... 4 g Cysteine Chloride .................. 1 g Bacto dextrose ..................... 5 g Soluble starch ..................... 1 g Monopotassium Phosphate ............ 15 g Ammonium sulfate ................... 1 g Magnésium sulfate .................. 0,2 g Calcium chloride ................... 0,02 g Eau ................................ 1000 ml pH 7,2 à 25 °.
Milieu solide :
Actinomyces Isolation Agar de Difco (milieu d’Olson) Sodium Caséinate ................... 2 g Asparagine ......................... 0,1 g Sodium Propionate .................. 4 g Dipotassium phosphate .............. 0,05 g Magnésium sulfate .................. 0,1 g Ferrous sulfate .................... 0,01 g Agar ............................... 15 g Eau ................................ 1000 ml pH 8,1 à 25 °.
Milieu de Pridham pour conservation des souches :
Bacto Yeast Extract ............... 4 g Bacto Malt Extract ................ 10 g Bacto Dextrose .................... 4 g Bacto Agar ........................ 20 g Eau distillée ..................... 1000 ml pH 7,3.
La technique d’ensemencement utilisée est la suivante :
- — concentrer l’échantillon en filtrant 500 ml d’eau sur membrane 0,45 μ ;
- — placer la membrane dans un flacon contenant 15 g de billes de verre et 10 ml de Ringer stérile dilué 1/4 ;
- — agiter vigoureusement de manière à casser la membrane et disperser les germes dans l’eau ;
- — faire des dilutions décimales ;
- — étaler 3 fois 1 ml de dilution sur Actinomyces Isolation Agar coulé en boîtes de Pétri à 9 ° ; ensemencer ainsi 3 boîtes par dilution ;
- — pour les eaux brutes ou chargées, ensemencer dans les mêmes conditions jusqu’à la dilution 10-5 ;
- — sécher les boîtes 45 mn à 44 ° ;
- — incuber à 30 ° pendant 3 semaines ;
- — compter les colonies poudreuses, sèches, dont les couleurs varient de blanc à gris et dont la taille est comprise entre 1 et 4 mm ;
- — examiner pour un premier contrôle chaque colonie au microscope.
2. RECHERCHE ET DÉNOMBREMENT
Nous avons testé de nombreux milieux de culture tant solides que liquides, qui offraient des sources de carbone et d’azote différentes comme le glucose, l’albumine, l’asparagine, le glycérol, la peptone, la caséine et la fécule de pomme de terre. Nous en avons éliminé plusieurs en raison : — de leur manque de sélectivité ; — du temps trop long de préparation ; — du prix de revient élevé.
Nous avons sélectionné un milieu liquide nous permettant des cultures abondantes pour ensemencer des eaux brutes ou un réseau expérimental et un milieu solide nécessaire à nos dénombrements quotidiens.
TABLEAU III
Présence d’actinomycètes dans le réseau Marne (année 1977).
CARACTÉRISTIQUE – DATE | |||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Température (°C) | O₂ dissous (mg L⁻¹) | Actinomycètes/100 mL | Nitrites (mg L⁻¹) | Nitrates (mg L⁻¹) | pH | ||||
14,3 | 0,04 | 0 | 0 | 2 | 10 | 4 | 1 | ||
12,5 | 14,6 | 0,00 | 0 | 0 | 2 | 0 | 1 | 1 | |
15,4 | 0,00 | 2 | 2 | 2 | 1 | ||||
18,3 | 0,03 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | ||
17,9 | 0,05 | 2 | 2 | 2 | 2 | 0 | 5 | ||
18,5 | 0,04 | 2 | 2 | 0 | 0 | 1 | 1 | ||
23,6 | 0,02 | 0 | 0 | 0 | 2 | 1 | |||
30,6 | 18,7 | 0,04 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | |
22,3 | 0,09 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | |||
20,7 | 21,0 | 0,05 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | |
28,7 | 19,5 | 0,05 | 0 | 0 | 0 | 2 | 0 | 2 | 1 |
19,2 | 0,09 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | |||
21,1 | 0,02 | 0 | 0 | 0 | 2 | 1 | |||
19,3 | 0,17 | 0 | 0 | 2 | 0 | 1 | 1 | ||
19,4 | 0,26 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | |||
19,7 | 0,08 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | ||
Moyenne : | 0,07 | 1 | 0 | 10 | 1 |
Les points A, B et C sont situés respectivement à 25, 10 et 17 km de l’usine de production.
TABLEAU IV
Présence d’actinomycètes dans le réseau Oise (année 1977).
CARACTÉRISTIQUE – DATE | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Température (°C) | O₂ dissous (mg L⁻¹) | Actinomycètes/100 mL | Nitrites (mg L⁻¹) | Nitrates (mg L⁻¹) | |||
14,5 | 0,03 | 0 | 0 | 0 | 4 | 1 | |
15,2 | 0,09 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | |
19,4 | 0,00 | 0 | 0 | 2 | 2 | 1 | |
1,7 | 0,07 | 0 | 0 | 0 | 0 | ||
18,4 | 0,09 | 0 | 0 | 0 | 0 | ||
20,1 | 0,06 | 0 | 0 | 0 | 0 | ||
18,6 | 0,06 | 0 | 0 | 0 | 2 | 1 | |
2,0 | 0,00 | 0 | 0 | 0 | 2 | 1 | |
23,4 | 0,04 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | |
20,0 | 0,12 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | |
19,7 | 0,00 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 | 1 |
20,9 | 0,00 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | |
21,3 | 0,04 | 0 | 0 | 0 | 2 | 1 | |
19,1 | 0,05 | 0 | 0 | 0 | 0 | ||
19,7 | 0,00 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
Les points A, B et C sont situés respectivement à 4, 9 et 16 km de l’usine de production.
— Repiquer plusieurs fois sur Actinomyces Isolation Agar de façon à avoir des colonies fines et bien isolées ; — Les conserver sur tranche de Yeast extract malt extract agar pour identification ultérieure.
TABLEAU V
Établissement d’une corrélation entre la saveur de l’eau et la présence d’actinomycètes.
14/10 | 22/10 | 28/10 | 4/11 | 12/11 | 18/11 | 24/11 | 3/12 | |||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
A | 0 | 0 | 1 | 0 | 1(1) | 0(3) | ||||
C | 0 | 0 | 1(3) | 0 | 1(1) | |||||
B | 0 | 0 | 0 | 0(6) | 0 | 1(2) | ||||
A′ | 5 | 0 | 0 | 0(3) | 0 | 2(3) | 1(1) | 0(6) | 0 | 2(1) |
B′ | 0 | 0 | ||||||||
0 | 1 | |||||||||
0 | 0 | 0 | ||||||||
0 | 0 | 1(1) | 0 | 2(1) |
Le seuil de goût est à 6.
Les points A, C, D, B, F, A′ et B′ sont situés respectivement à 9, 13, 17, 20, 14 et 16 km de l’usine de production.
3. IDENTIFICATION
Cinq souches isolées à partir du réseau de Seine ont été soumises à identification à l’Université de New Jersey dans le service du Professeur Lechevalier. Ses conclusions sont les suivantes :
— souche 1 : Streptomyces griseus — souche 2 : Nocardiopsis dassonvillei — souche 3 : Streptomyces griseus — souche 4 : Streptomyces griseocarnatus — souche 5 : Streptomyces griseus
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que ces souches ne sont pas pathogènes.
C) PRÉSENCE D’ACTINOMYCÈTES DANS LES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION
Des prélèvements systématiques ont été faits en différents points des réseaux ; ces points correspondent à des communes alimentées directement en première élévation et à d’autres alimentées après repompage en deuxième élévation.
Pour le réseau « Seine », les résultats des analyses sont consignés, par année, dans les tableaux I et II.
En ce qui concerne les réseaux « Marne » et « Oise », les résultats figurent respectivement dans les tableaux III et IV.
Une tentative de corrélation « saveur – présence d’actinomycètes » n’a pas donné de résultats exploitables. Le tableau V présente les résultats obtenus sur le réseau « Seine ».
Commentaires. Le point de prélèvement repéré A conduit à des numérations notablement différentes de celles enregistrées partout ailleurs sur les réseaux : aucune explication particulière n’a pu être donnée de ce phénomène. Notons simplement que cela ne s’est
pas traduit par une dégradation particulière des qualités organoleptiques de l'eau en ce point.
Il apparaît ainsi que partout ailleurs les actinomycètes sont sur le réseau en nombre sensiblement égal, ce qui correspond aux « lâchures » des stations de traitement.
Ces « lâchures » s'observent d'ailleurs sur des réseaux alimentés par des filières de traitement parfois différentes, et d'autres distributeurs d'eau ont confirmé sur leurs propres réseaux la présence de tels micro-organismes.
Il semblerait donc bien qu'il s'agit là d'un problème général et qui n'est pas lié, comme on avait pu l'avancer, à l'été 1976, à la Seine ou à l’âge du réseau de distribution. Enfin, les quelques pointes de numération enregistrées ne semblent guère durables et les basses températures hivernales réalisent naturellement une stérilisation partielle des actinomycètes.
D) TENTATIVES D'ENSEMENCEMENT
L'examen des tableaux précédents permet d’affirmer que l'on n'assiste pas à une prolifération des actinomycètes analogue à celle qui peut être mise en évidence pour les germes totaux cultivés à 20 °C et à 37 °C.
Des essais effectués en laboratoire et sur pilote confirment ce résultat.
Les ensemencements nécessaires pour cette étude ont été faits avec les cinq souches isolées à partir des eaux brutes de Seine et fournies par le Service de Contrôle de la Ville de Paris.
Pour avoir des résultats cohérents, tous les essais n'ont fait intervenir que ces cinq souches.
1. Incidence du pH :
Les actinomycètes ont un pH optimum de culture compris entre pH 6,5 et pH 8,5. Dans la bibliographie, aucun article ne précise si les actinomycètes se développent ou non pour des pH supérieurs à 9. Ces valeurs de pH correspondent cependant à celles mesurées dans les dépôts et il convenait d'examiner l'incidence de ce paramètre dont on pouvait penser a priori qu'il constituait l’explication de la stabilité des numérations observées.
Les résultats suivants ont été obtenus :
N° de souche | Numération à l'origine pH 7 | Les solutions sont ramenées à pH 3 | Temps de contact 10 h à 20 °C | Temps de contact 24 h |
---|---|---|---|---|
002 | 1,3 10⁵ | 2,5 10⁵ | 2 10⁵ | |
005 | 1,4 10⁵ | 1,3 10⁵ | 0,6 10⁵ | |
011 | 1,2 10⁴ | 10⁴ | 0,26 10⁴ | |
040 | 1,1 10⁴ | 10⁴ | 0,4 10⁴ | |
061 | 2 10⁴ | 1,8 10⁴ | 1,2 10⁴ |
En conséquence, les souches tests résistent bien à une élévation du pH de leur milieu.
Il a été vérifié pour mémoire que l'acidification du milieu n'est pas favorable à leur développement.
2. Les essais d’ensemencement :
Deux manipulations ont été conduites parallèlement : la première en statique sur un tuyau de réseau déposé, d'une longueur de quatre mètres environ ; la seconde a été faite sur une maquette de réseau de distribution d'une longueur de 200 mètres de tuyaux de 100 mm de diamètre.
L'eau ensemencée a été, dans ce cas, recyclée et maintenue à des températures favorables de façon à accentuer le phénomène.
Pour réaliser ces deux essais, nous avons choisi parmi les cinq souches d'origine, la souche la plus résistante aux traitements chimiques, c'est-à-dire la souche 011, ainsi qu'il est indiqué ci-dessous au chapitre E.
Les résultats obtenus sont les suivants :
a) Sur le tuyau déposé où l'eau est maintenue à une température constante de 30 °C.
Evolution des actinomycètes/100 ml en fonction du temps de séjour (heures)
0 | 6 | 13 | 17 | 24 | 34 | 41 | 48 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1 | 300 | 40 | 10 | 10 | 10 | 10 | ||
2 | 80 | — | — | 60 | ||||
3 | 2 10⁴ | 4,5 10⁴ | 4,6 10⁴ | 1,9 10⁴ | 6 10⁴ | |||
4 | 4 10⁴ | 42 10⁴ | 1 10² | 3 10⁴ | 10⁴ | 5 10⁴ | 8 10⁴ | 1,5 10⁴ |
b) Sur la maquette d'un réseau de distribution où l'eau est recyclée et maintenue à une température supérieure à 20 °C.
Evolution des actinomycètes/100 ml en fonction du temps de séjour (jours)
0 | 5 | 13 | 15 | 26 | 33 | 40 |
---|---|---|---|---|---|---|
4,3 10⁴ | 0,85 10⁴ | 1,4 10⁴ | 0,16 10⁴ | 0,17 10⁴ | 0,4 10⁴ | 0,3 10⁴ |
47 | 54 | 62 | 68 | |||
0,17 10⁴ | 0,08 10⁴ | 0,06 10⁴ | 0,16 10⁴ |
Les résultats observés sur les réseaux de distribution sont confirmés par ces essais de laboratoire. Il n’y a pas « évolution », mais « stagnation ».
Dans l’hypothèse, fort improbable, d’une prolifération accidentelle dans les eaux de rivière ou en un point localisé d’un réseau de distribution, quelles seraient les mesures à prendre pour traiter rapidement une telle pollution ?
Ceci fait l’objet du paragraphe suivant.
—) TRAITEMENTS D’ÉLIMINATION DES ACTINOMYCÈTES
1. Au niveau de l’usine en cas de prolifération accidentelle des actinomycètes dans les eaux brutes.
Des séries de prélèvements ont été effectuées aux différents stades du traitement de l’eau à l’usine de Choisy-le-Roi.
Les résultats des analyses sont présentés dans les tableaux VI et VII.
Des résultats obtenus, il ressort : 1° l’efficacité incontestée de la floculation-décantation ; 2° la nécessité d’une excellente filtration ; 3° l’intérêt d’un traitement d’affinage obtenu par l’ozonation.
1° Traitement physico-chimique :
La floculation-décantation participe pour plus de soixante-quinze pour cent à l’élimination des actinomycètes présents dans les eaux brutes.
Il ne semble pas, d’après les résultats obtenus par les traitements chimiques et développés dans le paragraphe suivant, que le prétraitement chimique soit efficace et participe de façon déterminante à l’élimination des actinomycètes.
Les doses de stérilisant à mettre en œuvre pour neutraliser les formes végétatives sont sans commune mesure avec les doses appliquées en prétraitement chimique.
En conséquence, nous pensons que ce sont la floculation et la décantation qui constituent le moyen essentiel d’élimination des actinomycètes.
2° La filtration complète cette élimination pour ne laisser subsister que 5 à 10 actinomycètes pour 100 ml en moyenne.
Il n’apparaît pas que les actinomycètes retenus dans les filtres y trouvent un milieu favorable à leur développement. En effet, après une période de forte rétention par les filtres, aucun relargage ne se manifeste. On peut se demander dans quelle mesure ce « blocage » au niveau du filtre n’est pas assuré par le maintien d’un résiduel de chlore sur l’eau décantée.
Bien que la rétention opérée par le filtre ne corresponde pas exactement à un effet de « tamis », un essai en laboratoire a précisé la corrélation entre le taux de réduction obtenu sur
TABLEAU VI
Résultats observés à l’usine (année 1976).
[03.09.76 | 38 | 20 | 0 | 0 | ||||
10.09.76 | 45 | 24 | 190 | 20 | 6 | |||
25 | 2.9 | 200 | 60 | 20 | 2 | |||
30 | 3.8 | 140 | 160 | 50 | 6 | |||
20 | 2.9 | 20 | 260 | 2 | 3° | |||
25 | 25 | 9 | 2 | 2 | 2 | |||
25 | 29 | 180 | 12 | 0 | 0 | |||
20 | 3.2 | 20 | 60 | 70 | 2 | |||
25 | 28 | 60 | 4 | 0 | 0 | |||
20 | 20 | 20 | 6 | 4 | ||||
25 | 27 | 4 | 10 | 40 | ||||
25 | 3.3 | 20 | 0 | 0 | 0 | |||
25 | 3.0 | 8 | 2 | 0 | 0 | |||
20 | 46 | 50 | 2 | 2 | 0 | |||
40 | 246 | 100 | 0 | 0 | 0 | |||
40 | 2.2 | 600 | 2 | 0 | 0 | |||
Moyenne | 1.88 | 8.47 | 26.56 | 2.68 | 12.9 | 43 | 9 | 5] |
TABLEAU VII
Résultats observés à l’usine (année 1977).
TABLEAU VIII
NUMÉRATION EN ACTINOMYCÈTES/100 ml (formes végétatives)
Eau de rivière dopée filtrée sur membrane de porosité
8 µm | 3 µm | 1,2 µm | 0,8 µm | 0,45 µm | |
2,8 10⁶ | 1,4 10⁵ | 8 10⁴ | 1,4 10⁴ | 2,8 10³ | 0 |
1,6 10² | 80 | 8 | 2 | 0 | 0 |
(225) | (29) | (10) | (8) | (5) |
( ) turbidité mesurée en gouttes de mastic.
TABLEAU IX
Résultats observés à l’usine après ozonation.
Actinomycètes/100 ml
Année | Moyenne du taux d’ozone g/m³ | Eau filtrée non ozonée | Eau filtrée ozonée |
---|---|---|---|
1976 | 2.68 | 4 | 3 |
1977 | 1.9 | 9 | 5 |
membrane filtrante et la porosité de la membrane. Les résultats sont indiqués dans le tableau VIII.
Les mesures de la turbidité effectuées lors de l’un de ces essais laissent penser qu’en exploitation d’usine de traitement, l’obtention d’une turbidité inférieure à 5 gouttes de mastic sur l’eau filtrée assure une élimination quasi-totale des actinomycètes.
3 Traitement d’affinage à l’ozone :
L’analyse des tableaux précédents montre que l’ozonation, pour sa part, assure une dernière réduction de la numération des actinomycètes restants. Cette analyse confirme celle qui a été faite par la COMPAGNIE INTERCOMMUNALE BRUXELLOISE DES EAUX.
Le tableau IX présente les résultats moyens observés pendant les années 1976 et 1977 à l’usine de Choisy-le-Roi.
2. Prolifération accidentelle des actinomycètes en un point du réseau.
Dans l’hypothèse d’une prolifération accidentelle en un point très localisé sur un réseau de distribution, des essais de traitements chimiques ont été effectués en laboratoire.
Les souches testées sont celles qui nous ont été fournies par le Service de Contrôle de la Ville de Paris.
Pour s’assurer d’une efficacité totale du traitement, les teneurs initiales en actinomycètes ont été volontairement exagérées. Elles atteignent et parfois dépassent 10⁶ actinomycètes pour 100 ml.
Les résultats obtenus sont présentés dans les tableaux X et XI.
TABLEAU X
Décontamination de réseaux. Application de dérivés chlorés.
TABLEAU XI
Décontamination de réseaux. Application d’oxydants divers.
Les agents d’oxydation employés dans cet essai peuvent être classés en deux groupes.
Un premier, le plus efficace, est constitué par le permanganate de potassium, l’ozone, le bioxyde de chlore, l’hypochlorite de calcium (HTH) et l’hypochlorite de soude.
Le second, moins efficace, regroupe l’eau oxygénée et le chlorite de soude.
Pour des raisons de mise en œuvre, de transport et de facilité d’emploi, seuls ont été retenus les deux agents de chloration : l’hypochlorite de calcium et l’hypochlorite de soude.
Avec ces deux agents de chloration, de bons résultats ont été obtenus dans les conditions suivantes :
- — dose de 400 mg/l exprimés en chlore, appliquée pendant quatre heures ;
- — ou dose de 200 mg/l exprimés en chlore, appliquée pendant vingt-quatre heures.
F) CONCLUSIONS
Elles tiennent en plusieurs points.
1. Efficacité des filières de traitement actuelles :
Les filières de traitement actuelles sont capables de faire face à une pollution accidentelle des eaux de rivière par les actinomycètes.
Dans le cas d’une pollution localisée en un point d’un réseau (réservoir ou canalisation) un nettoyage suivi d’une stérilisation permet de résoudre le problème.
2. Numération en actinomycètes sur les réseaux et seuil de saveur :
Les actinomycètes sont présents dans les réseaux de distribution. Ils ne semblent pas s’y développer, car il est possible que les conditions d’environnement favorables ne soient pas réunies, à savoir :
- — conditions du milieu (alcalin et substances nutritives) ;
- — présence d’espèce sous forme végétative ;
- — température.
Il est très important de constater que, d’une part, les actinomycètes qui sont présents dans les eaux distribuées ne prolifèrent pas comme les bactéries saprophytes et que, d’autre part, cette présence d’actinomycètes ne semble pas induire de mauvais goûts.
3. Numération des actinomycètes dans l’eau brute :
L’eau brute de Seine est aussi riche en actinomycètes en 1977 qu’en 1976. Et pourtant, nous n’avons pas eu connaissance de nuisances. Il est donc fort probable que les problèmes de l’année 1976 avaient d’autres origines telles que les algues bleues ou autres micro-organismes.
Des études, complémentaires à celle-ci, pourraient être entreprises si nous voulons mieux préciser les origines des goûts dits « naturels ».
4. Décontamination de réseaux :
Il a été établi que l’utilisation d’agents chlorants à des doses de 400 mg/l (en chlore) appliqués pendant quatre heures (ou 200 mg/l pendant vingt-quatre heures) conduisait à de bons résultats.
Cependant, et c’est sans doute une conclusion fondamentale de cette étude, les actinomycètes ne prolifèrent pas sur les réseaux ; bien plus, ils subissent une stérilisation partielle du fait des basses températures hivernales. Il est donc fort peu probable qu’un problème de décontamination se pose réellement.
Il apparaît donc que les problèmes posés par les actinomycètes ont été quelque peu surévalués et qu’à tout le moins, sur les réseaux de distribution du Syndicat des Communes, qui, il convient de le rappeler, font l’objet d’un programme de nettoyage périodique des canalisations et des réservoirs, ils ne peuvent guère constituer une gêne.
L’intérêt principal de cette étude est sans doute d’avoir pu l’établir.
J. VIGOURET.