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Actualités France

Une réalisation exemplaire : l'usine de dépollution de Capo Lauroso

29 février 2012 Paru dans le N°349 ( mots)

Comment implanter en milieu littoral une station d'épuration compacte, invisible, silencieuse, en minimisant ses impacts sur l'environnement tout en atteignant une qualité de traitement compatible avec les exigences d'une zone naturelle sensible ? Exemple avec le projet phare de la communauté de communes du Sartenais-Valinco, la nouvelle station d'épuration de Capo Lauroso à Propriano.

Tout commence par une décision de la Communauté de communes du Sartenais-Valinco (CCSV) qui était confrontée à un défi tout à la fois économique, technologique et écologique. La capacité de l'ancienne station physico-chimique construite en 1974 qui traitait les eaux usées du Sartenais-Valinco, une région située en bordure de l'un des plus beaux golfes de Corse sur la rive occidentale de l'Ile de Beauté, au sud d'Ajaccio et au nord de Bonifacio, était devenue insuffisante et ne respectait plus les exigences de la directive ERU. « Très vite, la nécessité de mettre en chantier une nouvelle station d'épuration alimentée par un nouveau réseau de transfert des eaux usées s'est imposé » explique Paul-Marie Bartoli, Président de la CCSV, Maire de Propriano et Membre du Conseil exécutif de la Corse.. Avec une particularité toutefois : cette nouvelle unité de traitement des eaux usées devait répondre à des contraintes particulièrement importantes. Des contraintes technico-économiques tout d'abord, puisque la nouvelle usine devrait être capable, via la construction d'un réseau de transfert approprié, d'assurer dans un premier temps le traitement des eaux usées de Propriano et de Sartène, puis dans un second temps de Viggianello et d'Olmeto-sud, tout en étant en mesure de faire face à d'importantes variations de charges en période estivale. Des contraintes en terme de performances épuratoires ensuite, puisque cette nouvelle usine devait pouvoir garantir un traitement optimal des effluents sans aucun impact sur le milieu marin ni sur les activités nautiques, le rejet des eaux usées épurées devant s'effectuer dans le golfe de Valinco à environ 1.000 mètres de la côte via la construction d'un émissaire en mer. Enfin, le défi était également d'ordre écologique puisque le projet, situé en zone littorale, devait également prendre en compte la proximité d'un site classé Natura 2000 et s'intégrer harmonieusement à l'environnement en ne présentant qu'une visibilité minimale à la construction. Malgré un contexte économique difficile, la Communauté de communes de Sartenais-Valinco décide en 2006 de donner suite aux études entreprises dès 1995 en initiant un projet ambitieux et charge le maitre d'?uvre, le bureau d'études Pozzo Di Borgo et son partenaire Egis-Eau, de mener à bien un projet constitué de quatre phases : la construction d'un poste de relèvement destiné à collecter les eaux usées de Propriano, la réalisation d'un réseau de transfert des effluents vers la future station d'épuration, point central du projet, et la pose d'un émissaire de rejet en mer. Quatre phases caractérisées par un niveau de contraintes particulièrement élevé. Le poste de relèvement des eaux usées : collecter les eaux usées de Propriano Implanté au point bas de Propriano, aux abords du port de commerce et de plaisance, la construction de ce poste de relèvement devait permettre de refouler les effluents jusqu'à la nouvelle station d'épuration sur une distance de 2.200 mètres avec une HMT voisine de 38 mètres. Le groupement Saur-CDTP Delovo, chargé du projet, a du faire face à des contraintes d'espace mais aussi d'ordre géotechniques tout en assurant la continuité de l'assainissement. « Le lieu d'implantation, exigu, situé à proximité du port et de nombreux commerces, excluait par exemple toute activité en période estivale » explique David Cadenet, Saur France. « Mais surtout, une instabilité du terrain due à la présence de sable et d'eau de mer ont contraint l'entreprise à construire la bâche de stockage de 45 m3 en utilisant la technique du havage, un procédé qui consiste à construire au sol une série d'ouvrages en forme d'anneaux rectangulaires en béton armé d'environ 10 m² de section, puis à creuser le sol à l'intérieur pour faire descendre chaque anneau progressivement jusqu'à une profondeur d'environ 5 mètres ». A cette zone de collecte ont été adjoints un bâtiment technique d'environ 50 m² regroupant l'instrumentation, la télésurveillance, les équipements de contrôle-commande, un groupe électrogène de secours ainsi que les dispositifs hydrauliques de protection des réseaux, notamment un dispositif de désodorisation de 250 m3 /h et une unité de traitement au nitrate de calcium pour éviter la formation d'H2S dans le poste de relèvement et au sein de la canalisation de transfert. « Deux pompes Flygt de dernière génération équipées de roues N, de moteurs à haut rendement, et d'un variateur de fréquence permettent d'asservir la vitesse des pompes au débit réel en refoulant chacune jusqu'à 175 m3/h soit plus de 300 m3/h ensemble, ce qui permet de faire face aux pointes liées à la période estivale » explique David Cadenet. « Un troisième emplacement a été réservé pour accueillir une pompe supplémentaire lorsque l'ensemble des communes desservies seront raccordées ». L?ouvrage constitue ainsi le point de départ d'un réseau de transfert long de 2200 mètres construit lui-aussi dans un contexte particulièrement difficile. Un réseau de transfert long de 2200 mètres Habituellement, la réalisation d'un réseau de transfert d'effluents ne pose pas de problème particulier sauf lorsque sa localisation ou des considérations d'ordre topographiques ou géotechniques interfèrent sur le projet, ce qui était le cas en l'espèce. Situé en zone littorale, en terrain acide et hautement corrosif, la réalisation de ce réseau nécessitait de recourir à des canalisations très résistantes et à des techniques de pose particulières, notamment pour protéger les emboitements. La gamme de tuyaux « Intégral Tous-Terrains » de Saint-Gobain PAM, spécialement conçue pour répondre aux risques liés au milieu marin, a finalement été retenue par le cabinet Pozzo di Borgo et la société d'ingénierie Egis Eau. « Les tuyaux en fonte ductile sont revêtus en usine par du polyéthylène co-extrudé à chaud et les jonctions sont protégées à la pose par des manchettes en polyéthylène » explique Jérémy Casta, Saint Gobain PAM. « Ces protections assurent la longévité des conduites en milieu agressif en agissent comme un écran protecteur entre la fonte et le milieu environnant ». Pour minimiser l'impact du transport des canalisations sur le chantier, une solution multimodale a été privilégiée : les tuyaux fabriqués à Pont-à-Mousson dans l'Est de la France ont été acheminés par train jusqu'à Beaucaire, puis par ferry jusqu'au port de Propriano. Cinq mois de travaux ont été nécessaires pour mener le chantier à son terme, au cours desquels un linéaire de 2.100 mètres de canalisations en fonte ductile DN 300 ont été enterrés en bord de mer. « Les équipes technico-commerciales de Saint-Gobain PAM sont intervenues en assistance et conseils à la pose, chaque élément de conduite nécessitant une mise en ?uvre particulière, principalement pour la protection des emboitements » souligne Bertrand l'Héritier, Chef de projet au Bureau d'Etudes Pozzo Di Borgo. Ainsi constitué, le réseau est à même d'acheminer les effluents sur la station d'épuration de Capo Lauroso, c'ur du projet. La station d'épuration de Capo Lauroso, c'ur du projet La station d'épuration de Capo Lauroso est destinée à traiter dans sa première phase les eaux usées de Propriano (fin 2011) puis dans second temps celles de Sartène (fin 2012) et enfin de Vigginaello et Olmeto. Pour ceci, un réseau de 14 km émaillé de 5 postes de relèvement sera construit. La capacité initiale de la station de 17.500 EH sera donc portée à terme à plus de 25.000 EH. Pour faire face à cette contrainte et pour atteindre un niveau de qualité « eau de baignade » des eaux traitées conformes aux exigences en zones sensibles, le procédé membranaire Aqua-RM® de Stereau, filiale ingénierie du Groupe Saur, a été choisi. Ce procédé associe un traitement biologique par boues activées à une séparation des matières en suspension par membranes plaques immergées. « L'installation à membranes réunit les avantages d'une grande compacité et d'une excellente qualité d'eau traitée » explique Serge Ménard, directeur régional région sud chez Stéreau. « La compacité est assurée par une plus grande concentration de boues compatible avec la filtration. Ainsi, les membranes mises en ?uvre admettent des concentrations en boues biologiques de 8 à 15 g/l, d'où un gain significatif en terme d'encombrement ce qui rend le procédé très attractif dans les zones côtières. Celles-ci, du fait de la loi littoral, sont souvent limitées dans la construction de nouveaux ouvrages et nécessitent une qualité de rejet très poussée». L?autre atout du procédé Aqua-RM® repose sur une épuration poussée. L?aération prolongée associée à une filtration membranaire performante permet d'atteindre une très haute qualité d'eau épurée. « Les abattements sur les principaux paramètres polluants (DBO5, DCO, MES, bactériologie?) sont excellents et ne nécessitent pas de traitement tertiaire type filtres à sable ou UV. Le phosphore total est ainsi éliminé par le couple ou le trio, déphosphatation physico-chimique et/ou déphosphatation biologique, et filtration membranaire » souligne Lucien Andrieu, Stereau. Il en est de même pour la gestion de la nitrification et dénitrification. Les bioréacteurs à membranes permettent d'atteindre une nitrification complète, puis la dénitrification est obtenue par la mise en ?uvre de bassins anoxiques et/ou séquençage dans un bassin d'aération associé à la filtration membranaire. Stereau a été pionnier dans l'implantation de la technologie membranaire en eaux usées. En France, tandis que les applications industrielles du procédé Aqua-RM® datent de 2002 (usine de la Quercynoise), la première station d'épuration de type urbain proposant le procédé Aqua-RM® a été mise en service en 2004 au Guilvinec (Voir E.I.N. N° 296). Depuis, une quarantaine de références ont été réalisées, dont trois dans le domaine des eaux usées industrielles. Ces références traduisent un large éventail de capacité allant de 1.000 EH jusqu'à 200.000 EH (station d'épuration de Vathia Gonia à Chypre). A Capo Lauroso, le prétraitement des eaux usées reste traditionnel : dégrillage, dessablage par décantation et tamisage avant d'atteindre le bassin d'aération boues activées classiques. Seuls les clarificateurs circulaires traditionnels ont laissé la place au traitement de filtration membranaire avec 5800 m² de membranes plaques en racks de chez Kubota, premier constructeur mondial de membranes dédiées aux eaux usées, qui garantissent la fiabilité de la filtration. «>I> Conçue avec l'objectif de fondre la station au sein de son environnement, une architecture sobre et parfaitement intégrée à la topographie du site a été privilégiée et la rend presque invisible de la route, de la plage comme de la zone classée Natura 2000, souligne Bertrand l'Héritier du Bureau d'Etudes Pozzo Di Borgo. Ses abords ont été végétalisés par plusieurs variétés d'essences locales ». Du coup, sa présence comme son fonctionnement sont imperceptibles tout comme le rejet des eaux traitées grâce à la réalisation d'un émissaire en mer éco-conçu respectant la faune et la flore locale. Un émissaire en mer éco-conçu respectant la faune et la flore locale Tout comme les autres infrastructures composant ce projet, la construction de l'émissaire en mer, assurée par l'entreprise Corse Travaux Maritimes a nécessité la prise en compte de contraintes environnementales et hydrodynamiques fortes tout en intégrant les dernières avancées enregistrées en matière d'éco-conception. Depuis la plage et en mer jusqu'à la profondeur de 23 mètres sur un linéaire de 1.000 mètres, la canalisation ? une conduite en fonte de diamètre 400 mm fournie par Saint-Gobain PAM revêtue de polyéthylène sur la moitié du linéaire ? a été ensouillée pour être protégée des effets de la houle. « la totalité du tronçon en fonte n?a pas été revêtu de polyéthylène, l'absence d'oxygène empêchant tout phénomène de corrosion » précise Jérémy Casta, Saint-Gobain PAM. Au-delà, et sur tout le linéaire restant, la canalisation en PEHD de 500 mm de diamètre a été directement posée sur le fond marin mais lestée par 45 « éco-cavaliers » pour assurer sa stabilité. Ces cavaliers, constitués de deux galettes en béton fibré assemblés autour de la conduite, ont aussi pour mission de favoriser leur colonisation en servant d'habitat à la flore et à la faune sous-marine. «Pour ceci, le béton fibré a reçu des agrégats de coquillages destinés à faciliter la colonisation par des espèces sous-marines » souligne Thierry Monier de la société d'ingénierie Egis Eau. A l'extrémité de l'émissaire, à 35 mètres de profondeur, un diffuseur, long de 150 mètres et doté de 10 orifices assure la diffusion et la dilution rapide des effluents en mer. Pour le protéger contre le risque éventuel de chalutage sauvage, des récifs artificiels recréant les conditions d'un habitat naturel susceptible d'accueillir les espèces locales (loups et dorades) ont été implantés. Comme pour les autres infrastructures composant ce projet, tous les choix techniques opérés ont été bien au-delà des besoins fonctionnels. « Tout a été fait pour rechercher systématiquement les moyens de minimiser leurs impacts sur l'environnement, voire même, comme dans le cas de l'émissaire en mer, à en faire des ouvrages proactifs pour la biodiversité » souligne Thierry Monier. Le coût total de la réalisation de la station d'épuration de Capo Lauroso et de l'ensemble des réseaux de transfert avoisine les 15 M? HT dont 73% sont pris en charge par des financements publics, le solde étant financé par la CCSV.