L’Attomip, développé par une équipe de l’Institut de science et des matériaux de Mulhouse (IS2M), met en œuvre des polymères à empreintes moléculaires pour détecter et doser les PFAS en quelques dizaines de secondes. Ce dispositif doit encore passer l’étape de l’industrialisation.
Après des décennies d’utilisation dans des produits aussi variés que des poêles antiadhésives, des vêtements imperméables, des mousses anti-incendie, des cosmétiques, etc., on se rend compte aujourd’hui que les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) se retrouvent partout dans l’eau, les sols et le corps humain. Cela ne serait pas un problème si ces molécules de synthèse ne persistaient pas dans la nature – on parle de substances éternels – et qu’elles ne posaient pas de graves questions environnementales et médicales.
Cette omniprésence demande de disposer de matériel adapté pour une mesure dans différentes gammes de concentration en fonction des milieux à analyser. « Nous avons développé une technologie portable qui permet de détecter et de doser les PFAS dans l’eau, explique Olivier Soppera, directeur de recherche à l’Institut de science et des matériaux de Mulhouse (IS2M, CNRS/Université Haute-Alsace). Il manquait d’une solution suffisamment sensible et pouvant être utilisée sur le terrain, pour une réponse immédiate, sans avoir à envoyer d’échantillons en laboratoire. »
La technologie est issue d’une collaboration entre l’équipe d’Olivier Soppera et celle de Nunzio Cennamo, chercheur italien spécialisé dans l’optique. Ce dernier a développé une plateforme de capteurs basés sur des fibres optiques et une couche métallique. L’équipe de l’IS2M, elle, a conçu la partie permettant de distinguer les molécules. Il s’agit de couches fabriquées en polymères assemblés par de la lumière de sorte qu’elles présentent des sites de reconnaissance fonctionnant comme une empreinte en négatif, selon un principe de clé et de serrure. La molécule ciblée est en effet comme moulée dans la couche, puis retirée pour laisser la place ; cette empreinte moléculaire correspond à la taille et présente les fonctions chimiques voulues.
Vers la création d’une jeune pousse
L’appareil, baptisé Attomip, fournit une mesure en quelques dizaines de secondes, sans préparation complexe de l’échantillon. « Notre appareil est capable de détecter des PFAS à moins de 0,1 picogramme par litre, ce qui est un million de fois plus sensible que les normes à ne pas dépasser aujourd’hui, affirme Olivier Soppera. Nous sommes ainsi compétitifs avec les techniques de référence, sauf qu’il s’agit de méthodes qui demandent d’envoyer l’échantillon en laboratoire pour avoir un résultat plusieurs jours, voire semaines après. »
L’Attomip se présente encore dans une version de laboratoire, mais il tient tout assemblé dans le volume d’une boîte à chaussures. Les chercheurs souhaitent pour l’instant rester sur ce format en incluant l’interface de lecture et la batterie. À terme, il sera utilisable très simplement, de façon automatisée, sans demander de nouvelle compétence à l’usager, et il pourrait même être employé pour des mesures en continu, par exemple dans un cours d’eau.
« Notre appareil fonctionne aussi pour repérer d’autres petites molécules organiques, comme les hormones (la testostérone, par exemple) avec une excellente spécificité permettant même de différencier des molécules chirales », indique Olivier Soppera. L’Attomip pourrait se présenter sous la forme d’une partie matérielle fixe et d’une partie consommable, comportant l’empreinte souhaitée. Un brevet a été déposé par la SATT alsacienne Conectus et le projet de maturation a été officiellement validé pour débuter en septembre. « Nous allons ainsi monter en TRL et chercher des partenaires industriels pour valoriser notre technologie, annonce Olivier Soppera. Nous envisageons également de fonder une start-up. »