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Actualités France

Trop d'optimisme nuit à l'environnement

30 avril 2014 Paru dans le N°371 ( mots)
Sa publication est passée quasiment inaperçue. Pourtant, ce document d'une quinzaine de pages publié au mois d'avril par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), a le mérite de traiter brièvement et simplement, une question lancinante, toute entière résumée dans son titre : « Controverse documentée à propos de quelques idées reçues sur l'agriculture, l'alimentation et la forêt1 ». S?agissait-il de redorer l'image des agriculteurs en luttant contre l'idée selon laquelle leurs activités portent atteinte à l'environnement et plus particulièrement aux ressources en eau, quantitativement du fait de l'irrigation, qualitativement à cause des pollutions diffuses, notamment celles liées aux engrais et aux pesticides ? De minorer les impacts de ces activités sur la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique, ou encore l'effet de l'agriculture industrielle sur les paysages traditionnels et la biodiversité ? Ou bien encore fallait-il promouvoir la notion d'agro-écologie chère à Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, comme l'une des solutions censées permettre à l'agriculture de remplir son contrat écologique tout en maintenant ses performances économiques ? Il y a probablement un peut de tout cela dans ce document qui se veut tout à la fois réaliste mais aussi très, très optimiste? Réaliste, car l'impact de l'agriculture sur les ressources en eau, par exemple, n?est pas éludé même s'il fait l'objet d'un habillage pas toujours très habile. Sur l'aspect quantitatif par exemple : les auteurs soulignent ainsi que l'agriculture irriguée ne consomme qu'un milliard de mètres-cube par an, ce qui ne représente qu'une faible proportion des 476 milliards de mètres-cube de précipitations annuelles dont bénéficie notre pays. Exact, si l'on s'affranchit du caractère fragmentaire des informations dont on dispose en matière d'irrigation et surtout des saisons et des contextes régionaux qui sont indissociablement liés à cette problématique. Il suffit de sillonner le sud-ouest durant les mois d'été pour se rendre compte du non-sens absolu de ce type d'argument. Mêmes failles sur les pressions qualitatives qui pèsent sur la ressource. Le problème n?est pas nié et les auteurs prennent soin de rappeler le constat effectué en 2011 par le Commissariat général au développement durable qui chiffrait les dépenses additionnelles des ménages générées par les pollutions diffuses entre 7 et 12 % de la facture d'eau. Mais pour rappeler aussitôt que « les nitrates et les phosphates sont indispensables à la croissance des plantes », que « les quatre milliards de mètres cube d'eau potable distribués annuellement en France respectent les normes strictes de potabilité », que « l'excédent azoté baisse régulièrement », etc, etc. Suivent, traités de la même façon, les impacts en matière de pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique, ou encore les effets de l'agriculture industrielle sur les paysages traditionnels et la biodiversité. Sur chacun de ces thèmes, la dialectique est la même et la conclusion identique. Elle est d'ailleurs mise en exergue en dernière page : « On ne peut pas nier aujourd'hui que certaines pratiques agricoles ont porté atteinte à l'environnement. Mais ces atteintes sont rarement irréversibles sous nos climats tempérés et on observe une réelle prise de conscience parmi les agriculteurs que performance économique et performance écologique sont liées ». On notera bien évidement la restriction (certaines pratiques), l'usage du passé (ont porté atteinte), et surtout cette curieuse notion de « réversibilité » censée relativiser la gravité du problème. A ce compte là, aucun des problèmes économiques et sociaux dont souffre notre pays n?étant non plus véritablement irréversible, on se sent gagné par l'optimisme débordant des auteurs de ce document, tout en se félicitant qu'ils ne soient pas chargés de leur résolution. Pas sûr en tout cas que ce plaidoyer atteigne son objectif et mette fin à des controverses qui n?en sont d'ailleurs plus depuis que le Commissariat général au développement durable a chiffré le coût colossal (entre 1 et 1,5 milliard d'euros par an) des dépenses liées aux pollutions d'origine agricole. 1 : Controverse documentée à propos de quelques idées reçues sur l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Épisode n° 3 : « Les agriculteurs portent atteinte à l'environnement » - http://agriculture.gouv.fr/rapports