Sénéo a ouvert les portes de son usine de production d’eau potable du Mont-Valérien à la revue L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances (EIN). À cette occasion, le directeur général Florent Casy a rappelé les efforts mis en œuvre par le deuxième syndicat producteur et distributeur d’eau potable en France pour garantir une eau potable de qualité à tous les habitants.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Chaque année, vous mettez en avant une thématique. Après la gestion patrimoniale, l’adaptation aux changements climatiques, etc., la qualité de l’eau potable est le sujet de l’année 2025.
Florent Casy : En début d’année, l’actualité a été notamment marquée par le projet de loi pour arrêter l’utilisation des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Il nous a donc semblé important de mettre l’accent sur la qualité de l’eau potable. C’était également une manière de rassurer nos usagers, à savoir les consommateurs. Il faut d’emblée rappeler que l’eau potable est une « denrée alimentaire » qui est extrêmement bien surveillée, certainement la plus contrôlée de tout ce qui peut ingérer un organisme vivant. Comme elle est très réglementée, l’eau potable est donc très contrôlée tout au long du processus, depuis le prélèvement de l’eau naturelle dans le milieu naturel jusqu’au compteur chez l’abonné.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Quels sont les paramètres contrôlés ?
Florent Casy : Il y a exactement 54 paramètres analysés et qui vont ainsi permettre de déterminer si l’eau potable est conforme, ou non. On peut regrouper tous ces critères en quatre grandes familles : les paramètres microbiologiques (le vivant de l’eau), les paramètres chimiques (…), les indicateurs de radioactivité – il s’agit d’un héritage du passé, surtout avec la montée en puissance du système productif énergétique nucléaire français – et les indicateurs qui ne sont pas liés à la potabilité mais plutôt à la qualité du procédé industriel.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Combien de contrôles cela représente-t-il sur une année ?
Florent Casy : Nous distinguons deux types de contrôle : les contrôles sanitaires réalisés par notre autorité de tutelle, qui est la délégation départementale des Hauts-de-Seine de l’agence régionale de santé (ARS 92), et ceux que nous menons nous-mêmes via notre opérateur Suez – ce sont les contrôles d’autosurveillance. Pour l’année 2024, l’ARS 92 a fait 30 contrôles sur l’eau brute, 140 sur l’eau traitée en sortie d’usine et 1 530 en eau distribuée (chez des usagers), soit un total de 1 700 contrôles inopinés. De notre côté, nous procédons à une autosurveillance par le biais d’un contrôle continu – des sondes de mesure remontent en temps réel des relevés à une supervision – et d’un contrôle permanent. Des agents effectuent des prélèvements (échantillonnage et flaconnage) pour une analyse en laboratoire. L’usine du Mont-Valérian dispose, depuis l’origine en 1904, d’un laboratoire interne mais nous confions tous les contrôles à un laboratoire certifié extérieur à Suez et à Sénéo, qui nous envoie les résultats des analyses pour les confronter à celles obtenus par l’ARS 92 qui, lui aussi a recours à des laboratoires extérieurs. L’autosurveillance faite sur 700 paramètres (au-delà de ceux demandés par la réglementation) nous assure que le procédé de potabilisation est bon à chaque instant. Les auto-contrôles se répartissent de la façon suivante : 250 sur l’eau brute, 450 sur l’eau traitée et 1 800 sur l’eau distribué, ce qui fait un total, avec les analyses faites par l’ARS 92, entre 4 000 et 4 200 contrôles par an. On peut donc, a priori, avoir une très grande confiance dans la qualité de l’eau potable distribuée. Même si, à Sénéo, l’eau potable est conforme (voir encadré) 100 % du temps, il n’empêche que, qu’un emballement médiatique autour de nouvelles molécules – nouvelles dans le grand public pas forcément pour les acteurs de l’eau – , rend plus difficile d’entretenir cette confiance.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Vous mentionniez précédemment les « polluants éternels » que sont les PFAS. Avez-vous engagé des études, des travaux sur leur détection, leur traitement, etc. ?
Florent Casy : Comme je l’expliquais, nous surveillons bien plus que les 54 paramètres réglementés. Notre agence de tutelle comme d’autres agences de l’Etat d’ailleurs nous demandent de remonter les résultats sur certains types de molécules ; c’est le cas de certains PFAS qui font actuellement l’objet d’études. L’analyse de ces composés nous permet également de mieux connaître l’état de la ressource (l’eau naturelle), l’état du produit manufacturé (l’eau potable vendue à nos usagers) et notre outil industriel. Le jour où la réglementation changera et nous demandera de traiter des molécules qui ne l’étaient pas jusque-là, par exemple, il faut que nous disposions d’un historique de données pour pouvoir dimensionner notre procédé. Autant la turbidité ou la charge organique s’est forcément liée aux saisons et aux épisodes de pluie, autant les PFAS – il y a des PFAS composés de chaînes de 20 carbones et d’autres avec deux carbones seulement – ne réagissent pas de la même manière. Tous les acteurs de l’eau doivent donc réaliser un très gros travail pour accumuler et capitaliser de l’information afin de comprendre les cycles de pollution. Et cela est vrai aussi au niveau des technologies analytiques de laboratoire, qui sont toute récentes : il y a encore un an et demi, il fallait attendre un mois et demi après prélèvement pour obtenir le résultat d’une analyse de PFAS ; aujourd’hui, il ne faut que 48 h.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Comment les PFAS peut avoir une incidence sur le procédé de potabilisation ?
Florent Casy : Ce process repose principalement sur l’utilisation de charbons actifs en grain et en poudre, un matériau qu’il faut régénérer régulièrement. Pour épurer un peu mieux les PFAS, l’une des pistes de réflexion consiste à réduire la durée de vie des charbons actifs sans être obligé de construire une nouvelle usine. Cela s’accompagne alors par un cycle de désaturation plus rapide des charbons actifs saturés. Faut-il, dès lors, les envoyer en Belgique ou en Hollande, ou passer à une gestion plus locale ? Comme chaque usine est adaptée à sa ressource, en présence de milieux naturels plus pollués ou avec d’autres types de pollution, il est possible que les charbons actifs ne suffisent pas.
Nous sommes un producteur de terroir et j’irai même jusqu’à parler de « locaboire » comme on parle souvent de locavore. Nous livrons une eau potable de qualité 24h/24 7j/7 – c’est ce que j’appelle l’exceptionnel anodin – , mais nous faisons partie des services publics du quotidien, qui sont malheureusement méconnus… sauf quand des travaux de voirie gênent les usagers. Nous travaillons sur la transparence auprès des consommateurs via la communication (bulletin mensuel, guide annuel de l’ARS 92).
Eau potable conforme, non conforme et eau non potable
À côté des contrôles réglementaires, il y a encore la notion de conformité. Selon le champ des molécules et de leurs valeurs de concentration, une eau peut être déclarée potable ou non potable. « Avoir une eau non potable est la situation que l’on n’apprécie pas car cela signifie arrêté préfectoral, distribution de palettes de bouteilles en plastique aux usagers… Ce n’est heureusement pas une situation que nous avons connue », rassure Florent Casy, directeur général de Sénéo. Mais une eau potable peut être aussi déclarée conforme ou non conforme. La première est celle qui sera distribuée aux usagers. L’eau potable non conforme ne présente pas de risque sanitaire ni de restriction d’usage – les valeurs sanitaires maximales ne sont pas dépassées, l’eau est toujours potable – mais elle doit faire l’objet de la mise en place de mesures correctrices immédiates pour rectifier immédiatement le tir en accord avec l’agence régionale de santé (ARS) et la préfecture.
Sénéo en quelques chiffres
· 610 000 usagers de dix communes de l'ouest francilien
· 35 millions de mètres cubes d’eau potable distribués chaque année
· 1 000 km de canalisations dont 7 renouvelés chaque année
· 15 réservoirs pour un stockage total de 86 400 m3
· Inauguration en 1906 de l’usine de production du Mont-Valérian
· 64 000 m3 d’eau potable produite en moyenne par jour
· Procédé de décarbonatation pour adoucir l’eau (depuis 2018)
· Travaux de renouvellement de nourrices et de sécurisation du site en cours
· 3 600 t/an de boues récupérées et réutilisées pour l’épandage

