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Quels outils pour une économie verte dans le monde de l'eau ?

29 novembre 2013 Paru dans le N°366 ( mots)

L?économie verte est un concept qui s'est imposé progressivement dans les agendas nationaux et internationaux. Elle désigne une vision du développement plus sobre en consommation d'énergie et de ressources naturelles, plus efficace mais aussi plus soucieuse des aspects humains et sociaux. L?eau, par son universalité, est indispensable à la vie et aux activités économiques. Mais comment l'économie verte et l'eau peuvent elles se conjuguer pour définir un nouveau paradigme de développement s'appuyant sur la connaissance scientifique, l'innovation, le plein emploi, qui respecte la finitude des ressources naturelles et intègre les aspirations culturelles et éthiques des sociétés ? Tel était le thème du colloque organisé le 17 octobre dernier par l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse et l'Académie de l'eau.

Cette réflexion avait été initiée lors du 6ème Forum Mondial de l'Eau à Marseille en mars 2012. L?Agence de l'eau RMC et l'Académie de l'Eau ont réuni leurs compétences pour faire le point des rapports entre économie verte et eau. Pour l'Agence de l'eau RMC, ces rapports sont au c'ur de sa stratégie de gestion de l'eau dans les territoires. Pour l'Académie de l'Eau, ils sont un axe fort de réflexion conduite actuellement avec l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et le Partenariat Français pour l'Eau (PFE) avec l'appui des étudiants de Sciences Po Paris. Plus globalement, cette démarche de l'Agence de l'eau RMC et de l'Académie de l'Eau s'inscrit dans le processus de construction d'une pensée spécifique sur l'économie verte appliquée aux domaines de l'eau avec, en toile de fond, les grands rendez-vous nationaux et internationaux parmi lesquels le 7ème Forum Mondial de l'Eau en mars 2015, la Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en décembre 2015, ainsi que l'élaboration des nouveaux Objectifs de Développement Durable des Nations Unies suite aux décisions de Rio + 20. Un thème novateur et fédérateur Le séminaire introduit par Laurent Bouvier, Directeur Général adjoint de l'Agence de l'eau RMC et par Jean-Louis Oliver, Secrétaire Général de l'Académie de l'Eau, s'est déroulé dans les locaux de l'Agence de l'eau RMC. Il a réuni plus d'une soixantaine de chercheurs, économistes, gestionnaires, élus, entrepreneurs, ONG, étudiants. Il a également mobilisé des nombreuses personnalités parmi lesquelles Serge Lepeltier, ancien ministre de l'Ecologie, Président du Comité de Bassin Loire Bretagne, Bernard Chevassus, Inspecteur général de l'Agriculture, membre du CGAAER, Didier Haegel, Président de l'UIE, François Lacroix, Directeur Général adjoint de l'ONEMA, Philippe Puydarrieux du CGDD, Yann Laurans, chercheur associé de l'Iddri ou encore Jean-Luc Redaud de l'association 4D, du PFE et de l'Académie de l'Eau. A noter également les contributions de Pierre-Frédéric Tenière-Buchot, Administrateur de l'Académie de l'Eau, Vice-Président de PSEau, de Philippe Guettier, Directeur Général du Partenariat Français pour l'Eau, de Daniel Loudière, Président de la Société Hydrotechnique de France et de Marc-Antoine Martin, Administrateur de l'Académie de l'Eau et du Fonds d'Adaptation. Les interventions suivies de débats ont permis de faire le point sur l'innovation portée par les gestionnaires de terrain (Agences de l'eau et ONEMA) et sur les filières stratégiques de l'économie verte, en particulier la filière eau. Les débats ont également porté sur l'utilisation du calcul économique par les acteurs de la décision et ses perspectives pour la croissance verte, sur l'évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (projet EFESE). Ont également été abordées les dynamiques de l'action et de l'inaction dans les stratégies de l'eau en France, les défis de la transition vers l'économie verte dans les pays de l'OCDE, les stratégies mondiales de sobriété de l'eau et la préparation du 7ème Forum Mondial de l'Eau. Un défi qui reste à relever Parmi les points qui font consensus, l'importance fondamentale de l'eau pour le développement économique et social, aussi stratégique que l'énergie et les hydrocarbures. « L?eau est indissociable de l'économie verte, du développement durable, notamment dans ses dimensions environnementales et sociales que l'on retrouve dans le concept d'économie circulaire ou plus global, d'économie positive », a ainsi souligné Serge Lepeltier. « Il convient sans doute de mieux faire entendre dans les débats nationaux, européens et internationaux, la dimension cardinale de l'eau. Pour que les entreprises intègrent les dimensions environnementales et sociales dans leurs stratégies de développement et de rentabilité, il importe que les politiques publiques à travers les commandes et les marchés publics soient plus lisibles en faveur des aspects environnementaux et sociétaux, donnent le temps de l'appropriation et s'inscrivent dans la continuité tenant compte du temps long des investissements ». Autre consensus, l'eau est un enjeu de société qui concerne tous les acteurs : élus, chercheurs, administrations, entrepreneurs, syndicats, ONG, étudiants, citoyens, juniors et séniors. Pour Xavier Leflaive, Administrateur principal à la Direction de l'environnement de l'OCDE, il faut mettre en place « une stratégie de développement qui réconcilie croissance et performance environnementale, prenant en compte la biodiversité, l'énergie et l'agriculture, la dimension sociale et les risques liés à l'eau. Allouer l'eau là où elle crée le plus de valeur, favoriser l'adaptation des infrastructures, diffuser les pratiques innovantes, générer des données robustes sur l'hydrologie et les effets redistributifs. L?eau étant un mauvais instrument pour une politique sociale, mieux vaut compenser les problèmes de coût excessif ou sur la compétitivité par des mesures ciblées. Cela suppose une analyse économique et sociale fine ». Le séminaire a également mis en évidence les tensions et limites entre l'innovation technologique consubstantielle à l'économie verte et le principe de précaution. Pour que les entreprises qui créent de la valeur et des emplois intègrent véritablement les dimensions environnementales et sociales dans leurs stratégies de développement et de rentabilité, il importe que les politiques publiques, à travers le Code des marchés publics et les commandes publiques, soient plus lisibles en faveur des aspects environnementaux et sociétaux. « L?UIE regroupe 300 entreprises représentant 30.000 emplois, majoritairement du petit cycle de l'eau à vocation internationale afin d'exporter leur savoir-faire et leur technologie, a notamment expliqué Didier Haegel, Président de l'Union nationale des industries et entreprises de l'eau et de l'environnement. « Ce potentiel technologique est confronté à la difficulté de valoriser une innovation dans le cadre très contraignant des procédures du code des marchés publics qui représente la grande majorité des situations pour les entreprises de l'UIE. Une approche bénéfice-risque, mise en place depuis longtemps dans le domaine de l'évaluation scientifique sanitaire ou environnementale, reste à construire dans le cadre des marchés publics, en incluant les contraintes juridiques et économiques ». Par ailleurs, la connaissance dans le domaine de l'eau apportée par l'évaluation économique et les approches éco systémiques, comme les processus participatifs d'élaboration qui leurs sont associés, restent des instruments et outils pertinents pour éclairer les décisions politiques. La France, par son histoire et son expérience, dispose d'atouts considérables dans le domaine de la construction des concepts modernes, dans celui des technologies, tout comme dans le domaine des dispositifs institutionnels à l'échelle des territoires. « Même si l'économie verte n?est pas totalement effective aujourd'hui, on progresse vers sa mise en place » a notamment observé Laurent Bouvier, Directeur Général Adjoint de l'Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse. « On n?est pas aujourd'hui dans une situation où on internalise totalement les externalités environnementales. Toutefois, on note des progrès et l'Agence de l'eau RMC s'inscrit dans ce mouvement. Lors de l'élaboration de son programme d'action 2013-2018 « Sauvons l'eau », l'Agence de l'eau RMC a placé l'équité entre redevables au c'ur de ses préoccupations ».