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Actualités France

Prix de l'eau : tenir compte des réalités locales

27 decembre 2013 Paru dans le N°367 ( mots)
Les Français ne sont pas égaux en matière de prix de l'eau. C?est l'une des conclusions formulée par la Confédération Générale du Logement (CGL) qui vient de publier une enquête sur la disparité des prix de l'eau sur le territoire national. La CGL a ainsi collecté les prix de 6.200 communes réparties dans tous les départements avec un minimum d'au moins 10 prix par département. Elle a comparé les tarifs obtenus avec, et sans, la part assainissement. Il en ressort une forte disparité des prix - près de 500 tarifs différents pratiqués - et quelques dysfonctionnements. Ainsi, le prix du mètre cube d'eau incluant l'assainissement s'élèverait à 4,15 euros en moyenne nationale avec un écart de l'ordre de 1 à 2 entre départements pour les tarifs avec assainissement, et de 1 à 3 en excluant la part assainissement. Pour enfoncer le clou, la CGL souligne que les écarts constatés peuvent être encore plus importants, parfois même entre des communes d'un même département. Et de citer des extrêmes qui vont ainsi de 9,86 euros le mètre cube avec assainissement dans une commune de Seine-et-Marne contre 1,21 euro dans une commune des Pyrénées-Orientales. Jugeant que la tarification de l'eau en France est devenue « une véritable jungle », et qu'un « trop grand nombre d'usagers reste pénalisé par l'injustice des prix de l'eau », la CGL plaide pour la création d'un monopole public « qui seul permettra une mutualisation des coûts et un prix unique de l'eau à l'échelle nationale ». La question du mode de tarification de l'eau est certes bien légitime. Mais elle ne peut pas être posée de façon objective sans que les enjeux qui y sont associés, majeurs, soient rappelés. Il faut d'abord souligner que ce sont les communes qui décident de la tarification applicable aux usagers même si elles n?en maîtrisent qu'une partie. Au delà du montant de la facture, les collectivités disposent également de la faculté d'adopter le mode de tarification le plus adapté à leurs particularités : binôme, progressif, dégressif, saisonnier, social etc. Nationaliser le prix de l'eau revient donc à priver les collectivités de cette liberté. Il faut ensuite rappeler que la politique de tarification des services d'eau et d'assainissement repose, en Europe, sur l'article 9 de la directive cadre sur l'eau lequel réaffirme deux principes fondateurs de notre politique de l'eau : celui de la récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau (l'eau paie l'eau), et celui du principe pollueur payeur. Au-delà même de la notion de responsabilité sur laquelle reposent les principes « l'eau paie l'eau » et « pollueur payeur », il faut enfin souligner que les services d'eau constituent un service public local qui donne lieu à une tarification locale, laquelle dépend de réalités locales, bien plus que pour la fourniture de gaz ou d'électricité, par exemple. Car les facteurs qui génèrent des différences d'un service à l'autre sont nombreux. Il sont d'ordres géographiques (nature de la ressource, topographie des lieux, densité de l'habitat), techniques (qualité de la ressource, sensibilité du milieu récepteur, performance des réseaux, taux de raccordement au réseau d'assainissement, niveau de sécurisation de la ressource), sociologiques (consommation des clients, saisonnalité de la population). Ils dépendent aussi de la gouvernance (politique patrimoniale de la collectivité, mode de planification des investissements, niveau de conformité des installations). Il ne faut pas non plus négliger le niveau de qualité du service : accueil, assistance téléphonique, modes de facturation, continuité du service en cas d'incident par exemple, etc. Un prix unique de l'eau sur l'ensemble du territoire, en plus d'être contraire aux principes fondateurs de notre politique de l'eau, ferait abstraction de ses réalités tout en générant le risque de voir se développer une forme d'irresponsabilité collective (élus, opérateurs, usagers), les collectivités les plus performantes étant finalement pénalisées. Il pourrait également faire naitre un risque d'irresponsabilité individuelle, en ne permettant pas de différencier les comportements vertueux des autres, en fonction de la localisation, du type d'habitat ou encore des usages.