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Actualités France

Pour une vision spatiale et prospective de la vulnérabilité des infrastructures

20 octobre 2020 Paru dans le N°435 à la page 6 ( mots)

Le Cerema développe depuis une dizaine d’années une méthodologie d’analyse des risques liés aux événements climatiques extrêmes sur les infrastructures, systèmes et services de transport. Ces résultats sont très utiles pour accompagner les maitres d’ouvrage dans la priorisation des budgets de maintenance et d’investissement. Mais dans quelle mesure l’analyse des risques prépare-t-elle à la survenue d’un phénomène au caractère aussi exceptionnel que la tempête Alex ?

Dans la nuit du 2 au 3 octobre, le passage de la Tempête Alex, a coupé du monde les habitants des vallées de la Tinée, de la Roya et de la Vésubie, à l’est des Alpes-Maritimes. Des records de cumuls  de pluie tous mois confondus en 24, 48 ou 72 heures à l'échelle départementale ont été enregistrés entrainant des débits de crues qui avec des sols plus ou moins perméables, et les caractéristiques hydrologiques des bassins ont généré des inondations torrentielles. 5 personnes ont trouvé la mort au cours de ce phénomène orageux violent. Au moins six usines d’eau potable, trois réservoirs, quatre stations d’épurations et des kilomètres de réseaux secs et humides sont à reconstruire. Le réseau routier, deux ouvrages d’art, les ponts de la Roya à Breil n’ont pas davantage résisté à l’assaut du phénomène. 

Depuis le 3 octobre, le Cerema est chargé de coordonner une expertise hydrologique sur les bassins versants du Var et de la Roya, dans le cadre d'un retour d'expérience (RETEX) technique piloté par la DDTM 06 pour le compte du préfet des Alpes maritimes. Les estimations des précipitations pluviométriques, des débits de crues et des périodes de retour associées sont particulièrement attendues. Le Cerema bénéficie du soutien des organismes experts ou gestionnaires des réseaux de mesures hydrométéorologiques et hydrométriques partenaires que sont l’Université Gustave Eiffel (UGE),dans le cadre du projet de recherche HyMeX, INRAe, le service RTM 06 de l'ONF, chargé de coordonner une expertise torrentielle (morphologique et hydrosédimentaire), l’Université Nice Côte d’Azur, la DDTM 06, la DREAL PACA, le SPC Méditerranée Est, la Direction Interrégionale Sud-Est de Météo-France, EDF-DTG, le SMIAGE (Syndicat Mixte pour les Inondations, l’Aménagement et la Gestion de l’Eau maralpin), la MNCA (Métropole Nice Côte d'Azur)et la CARF (Communauté d'Agglomération de la Riviera Française). Les équipes ont démarré le recueil de données. Les premières visites de terrain et les analyses hydrologiques se poursuivront jusqu'en décembre 2020.

Evaluer la dynamique de résilience d’une infrastructure

Les infrastructures de transport d’une collectivité, d’une région ou encore d’un pays sont indispensables à la circulation des biens et des personnes et essentielles à l’activité économique. En 2011, la France s’est dotée d’un Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) dans lequel les infrastructures et services de transport sont au cœur des réflexions car leur exploitation et leur gestion à moyen et long terme est « climato-dépendante ». Le volet infrastructures et systèmes de transport du PNACC comprend un objectif de construction d’une méthodologie d’analyse de vulnérabilité des infrastructures face aux impacts du changement climatique. 

Dans le cadre de sa mission d’appui scientifique aux pouvoirs publics, le Cerema a élaboré cette méthodologie et publié le guide (1) « Vulnérabilités et risques : les infrastructures de transport face au climat ». Il teste le dispositif sur plusieurs réseaux de transports français et commence à accompagner certains gestionnaires de réseaux d’eaux. « On part du principe qu’une infrastructure, qu’elle soit routière, de transport ferroviaire ou de transport de réseau d’eau potable, ne sera pas résiliente si elle ne prend pas en compte la dégradation chronique, l’adaptation à la fois aux aléas climatiques actuels et aux aléas projetés auxquels on rajoute l’adaptation à un futur complexe et incertain, ce qui se traduit concrètement par des évolutions sociodémographique, technologique, d’usage auxquelles il faut s’adapter » explique Fabien Palhol, directeur de la recherche, du développement, et de l'innovation au sein de la Direction Technique Infrastructures de Transport et Matériaux (DTecITM) du Cerema. L’analyse menée croise ainsi les niveaux de vulnérabilités physiques et fonctionnelles des infrastructures aux horizons 2021-2050 et 2071-2100 pour 3 scenarios du GIEC et aboutit à des cartes prospectives pour plusieurs événements climatiques de la région concernée. « Ces informations sont très utiles pour partager une vision spatiale du niveau de risque à la fois sur les infrastructures et sur les fonctions du réseau, et pour dimensionner en conséquence les budgets d’entretien et d’investissement à l’échelle locale ».

Si elle est destinée à apporter aux maitres d’ouvrage les évolutions à moyen et long-terme des vulnérabilités des infrastructures, l’approche par les risques ne permet toutefois pas d’éviter des drames dont les conséquences humaines, financières et environnementales sont considérables. « Ce qui est compliqué actuellement dans nos approches, reconnait Fabien Palhol, c’est qu’on ne sait pas à quelle fréquence et à quelle intensité les prochaines catastrophes vont se réaliser. Sur un milieu rural, de montagne, où l’impact d’une tempête comme Alex peut être très différent d’une vallée à l’autre, les enjeux en termes d’investissements résilients et de travaux qu’il faudrait faire pour éviter ou réduire les conséquences d’un épisode similaire dans le futur, sont tels que je doute qu’une étude de vulnérabilité ne débouche sur une approche autre que binaire : soit reconstruire a minima et accepter de nouvelles destructions potentielles, soit renforcer considérablement les réseaux. Mais à quel coût, et pour certains réseaux, avec quelle garantie face à la force de certains évènements ? ».

(1) https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/vulnerabilites-risques-infrastructures-transport-face-au)

Pascale Meeschaert



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