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Actualités France

Pollutions d'origine agricole : l'efficacité des instruments réglementaires en question

29 janvier 2016 Paru dans le N°388 ( mots)

Une étude publiée au mois de décembre dernier par le Commissariat général au développement durable recense les externalités liées à l'utilisation de produits phytosanitaires et d'engrais azotés en agriculture, ainsi que les instruments mis en place pour les réduire. Les résultats confirment les chiffres publiés en 2011 et mettent en lumière le coût colossal des pollutions d'origine agricole. Ils posent la question de l'efficacité de l'action publique, trop orientée vers les instruments réglementaires.

En économie de l'environnement, les externalités environnementales expriment les conséquences d'une activité économique sur celui-ci, qu'elles conduisent à une dégradation ou à une amélioration de l'environnement. Les externalités environnementales liées à l'usage agricole des produits phytosanitaires et des engrais azotés sont nombreuses : pollution des eaux et de l'air, pollution des sols (dans le cas des produits phytosanitaires), émission de gaz à effet de serre (dans le cas des engrais azotés) et atteintes à la biodiversité. Ce n?est pas la première fois que le CGEDD cherche à évaluer le coût des pollutions d'origine agricole. En 2011 déjà, un rapport avait indiqué que les excédents azotés entraînaient des dépenses de traitement supplémentaires pour les services d'eau potable et d'assainissement comprises entre 220 et 510 M? par an : 120 à 360 M? pour les traitements de potabilisation, 100 à 150 M? pour les traitements d'épuration. Et encore ces chiffres ne tiennent pas compte du coût des dispositions prises par les services pour remédier au problème des pollutions azotées tels que la protection des captages, soit de 60 à 100 M? par an. Au total, le coût de dépollution par les seuls nitrates d'origine agricoles supportés par les services de l'eau se situent entre 280 M? et 610 M? par an. À ce montant, doivent être ajoutés les coûts indirects pour les ménages tels que les consommations d'eau en bouteille ou encore le coût des contentieux communautaires. Même en ne retenant que les pollutions dues aux pertes de nitrate, d'ammoniac et d'oxyde nitreux par l'agriculture prise dans son ensemble (productions animales et végétales), les coûts des dommages écologiques liés au seuls engrais azotés s'établit entre 0,9 Md' et 2,9 Md', hors coûts liés à la pollution de l'eau par les produits phytosanitaires qui se situent entre 260 et 360 M? par an. Et ces chiffres n?intègrent pas les quelque 2 millions d'euros liés au ramassage des algues vertes ni à leur conséquence sur la conchyliculture ou le tourisme? Comment en est-on arrivé là ? La France est le premier pays consommateurs d'engrais minéraux de l'Union européenne (2,2 Mt d'azote d'engrais minéraux consommés en 2013) et le deuxième en matière de produits phytosanitaires (66,7 Mt de produits phytosanitaires vendus en 2013). Ce niveau de consommation est certes à mettre en regard de la production agricole française (18 % de la production européenne) et de la surface agricole utile (16 % de la surface agricole utile de l'Union européenne). Mais l'étude du CGEDD indique que le bilan de la circulation de l'azote dans l'agriculture fait apparaître des quantités élevées d'azote en excès, près de 1,5 Mt par an, non assimilées par les plantes et rejetées dans l'eau, dans l'air ou stockées dans le sol. Ces excès coûtent très cher et ne sont pas maitrisés. En France, l'encadrement des usages d'engrais azotés et de produits phytosanitaires s'appuie avant tout sur des instruments de nature réglementaire dont l'efficacité est toute relative. Programmes de maitrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA), Plans Ecophyto, plans algues vertes' la liste des échecs est longue, les bilans cruels. Autre explication, les leviers économiques, qui englobent les instruments fiscaux (taxes, subventions fiscales) ainsi que les marchés de permis négociables sont peu développés tout comme les approches volontaires. Même si la France n?a pas le monopole de ce type de problème, c'est toute l'action publique en la matière qui se trouve progressivement remise en cause. L?étude du GGEDD est téléchargeable à l'adresse : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ED136.pdf