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Actualités France

Politique de l'eau : la Cour des comptes pointe un bilan décevant

26 février 2010 Paru dans le N°329 ( mots)

Des pollutions d'origine agricole non maitrisées faute d'une volonté suffisante de l'Etat, une méconnaissance des objectifs communautaires, des dysfonctionnement systémiques révélés par le contentieux sur la directive ERU, des redevances insuffisamment incitatives, une démocratie de l'eau qui se cherche encore, la Cour des comptes dresse un bilan sévère de notre politique de l'eau dans le cadre de son rapport annuel et recommande la mise en place de politiques plus volontaristes, plus sélectives et plus contraignantes.

« La France revendique le caractère exemplaire de la politique de l'eau mise en ?uvre dès les années 1960, mais si ses principes ont bien inspiré d'autres pays, ses résultats sont plutôt décevants, qu'il s'agisse de l'état des ressources en eau ou du respect des échéances communautaires » indique d'emblée le rapport de la Cour des comptes, qui pointe au total un «bilan décevant ». Et d'énumérer plusieurs insuffisances enregistrées ces dernières années. A commencer par une a amélioration trop lente de la qualité des eaux et une méconnaissance par la France des objectifs fixés par des directives communautaires. Pour les magistrats de la rue Cambon, « si d'autres Etats de l'Union européenne ont rencontré des difficultés pour mettre en ?uvre ces directives, la France fait partie des pays les plus condamnés pour ne pas les avoir appliquées ». Pollutions d'origine agricole : une volonté insuffisante de l'Etat La Cour s'arrête longuement sur le problème récurrent des pollutions d'origine agricole et dénonce sans ambages, « les résultats décevants constatés sur les nitrates comme sur les pollutions par les produits phytosanitaires [qui] trouvent en grande partie leur origine dans une insuffisante volonté de l'Etat, aux niveaux communautaire et national, de remettre en cause des pratiques agricoles durablement marquées par l'encouragement au productivisme et le choix d'une agriculture intensive ». « Le levier fiscal est largement inopérant, faute de redevance sur la pollution azotée et de redevances « élevage » et « pollution diffuse » réellement dissuasives », relève la Cour qui cite l'exemple d'autres pays qui ont su mettre en place des politiques plus efficaces : au Danemark, les quotas d'azote imposés aux exploitants assortis d'une taxe sur les pesticides auraient ainsi permis de diminuer l'azote, le phosphore et les pesticides de plus de 30 % en dix ans, alors que la production agricole augmentait dans le même temps de 3 %.. Directive ERU : des dysfonctionnements systémiques dans la politique de l'eau Autre critique formulé par la Cour, le contentieux portant sur la directive ERU qui révèle « des dysfonctionnements systémiques dans la politique de l'eau, dont il convient de tirer les enseignements : une dilution des responsabilités, une mauvaise coordination entre les services de l'Etat, une forme d'attentisme des agences, le caractère insuffisamment répressif de la police de l'eau, une anticipation insuffisante et un suivi déficient des risques contentieux ». Les magistrats de la rue Cambon reviennent également sur une critique formulée en 2003 sur l'efficacité répressive prévue par les textes à l'égard des pollueurs. « Si des progrès ont été accomplis depuis lors dans l'organisation de la police de l'eau (guichet unique et coordination interservices), les sanctions demeurent très faibles et ont même diminué depuis 2004 » relève la Cour. L?action des agences de l'eau dont les interventions sont « restées insuffisamment sélectives » n?échappent pas à là vigilance de la Cour. « Les agences actionnent le levier financier de la politique de l'eau, et disposent à cette fin de puissants moyens d'action. Les 9èmes programmes d'intervention (2007-2012) prévoyaient initialement la collecte sur six ans de 11,4 Md' de redevances, pour des dépenses (principalement des interventions sous forme de subventions d'investissement et de prêts sans intérêt) plafonnées par la loi à 14 Md'. Or la Cour a constaté que ces instruments pourraient être utilisés plus efficacement ». Accomplir rapidement des progrès substantiels Au total, la Cour juge nécessaire d'accomplir rapidement des progrès substantiels pour optimiser les instruments de la politique de l'eau. « Pour les agences, il est nécessaire de renforcer et systématiser l'évaluation des effets de leurs interventions et des redevances, d'accentuer la sélectivité et la conditionnalité des subventions, d'abandonner les aides curatives et/ou sans effet sur l'environnement, de mieux partager les bonnes pratiques sur les nouvelles thématiques et de donner pleinement corps à la logique environnementale des redevances ». L?Etat devrait, quant à lui, « accentuer la répression des infractions en matière de pollution des eaux, améliorer le suivi des procès-verbaux et mettre pleinement en ?uvre ses pouvoirs d'injonction et de substitution ». La Cour estime également que la volonté de l'Etat d'atteindre les objectifs de la directive-cadre sur l'eau (DCE) doit se manifester de façon plus crédible et plus forte. « Cela implique surtout que l'Etat adopte une politique plus volontariste pour atteindre l'objectif de réduction des pollutions diffuses d'origine agricole » précise la Cour. « Les solutions incombent certes pour partie au niveau communautaire, mais l'Etat dispose en propre de plusieurs leviers. Les politiques d'incitation et d'accompagnement restent pertinentes, mais elles doivent être simplifiées et leur attractivité renforcée. Elles ne sauraient suffire à elles seules à changer les pratiques agricoles ». Reste que pour la haute juridiction financière, il n?y a pas de fatalité dans l'échec : « L?histoire récente montre qu'en matière de lutte contre la pollution de l'eau, l'échec n?est pas une fatalité : l'accélération de l'assainissement, pour tardif qu'il ait été, ou les résultats enregistrés dans la maîtrise des pollutions industrielles sont à cet égard porteurs d'espoir. Ils montrent que la conjonction de mesures réglementaires, financières et fiscales ambitieuses, impulsées et fortement soutenues par l'Etat, peuvent être efficaces ». Pour consulter le rapport de la Cour des comptes cliquez ici