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Actualités France

Politique de l'eau : la Cour des comptes dresse un réquisitoire sévère

28 février 2015 Paru dans le N°379 ( mots)

Des instances insuffisamment représentatives, une transparence qui fait défaut, une application du principe pollueur-payeur en recul... Le constat dressé par la Cour des comptes dans le cadre de son rapport annuel 2015 est particulièrement sévère. Il concerne aussi bien la gouvernance des agences de l'eau, que les modalités de leur action.

Les agences de l'eau, en tant qu'établissements publics de l'Etat, sont soumises aux dispositions qui régissent l'ensemble de ces établissements : contrôle financier, régime comptable, règles de passation des marchés publics. Pas étonnant donc que la Cour des comptes d'intéresse de près à ces établissements d'autant qu'ils sont, avec 14,9 milliards d'euros d'aides accordées entre 2007 et 2012, les principaux financeurs de la politique de l'eau. Bien que gérés de manière autonome, la Cour se montre sévère sur la gestion de chacune des six agences, mettant en cause par la même, et bien au delà des agences elles-mêmes, la tutelle et les orientations des politiques publiques conduites dans le domaine de l'eau. Pour autant, la Cour ne se prive pas de pointer des incohérences, des dysfonctionnements, voire certaines dérives, mêmes si certaines d'entre?elles sont connues depuis longtemps. Une gouvernance contestée S?attaquant à la gouvernance des agences de l'eau, la Cour indique d'emblée que « La gouvernance de ces instances, dans lesquelles l'État est minoritaire, ne permet pas de garantir l'adéquation des programmes d'intervention des agences aux objectifs de la politique nationale de l'eau ». Le ton est donné. Pour les magistrats, le fait que les modalités d'attribution des aides et de perception des redevances soient définies par des instances dans lesquelles l'Etat est minoritaire alors même qu'il assume seul la responsabilité de la politique de l'eau, conduit parfois à faire prédominer des intérêts catégoriels. Par ailleurs, la représentativité de différentes instances est également mise en cause. Pour les magistrats de la rue Cambon, la réforme de la composition des comités de bassin, intervenue en 2014, n?a amélioré qu'à la marge la représentativité du collège des usagers, qui se caractérise encore par une proportion élevée d'usagers professionnels notamment industriels et agricoles. Quant aux conseils d'administration, la Cour juge nécessaire une représentation plus équilibrée des différentes catégories d'usagers, « notamment par la création de sous-collèges ». Au delà de la gouvernance, la Cour des comptes dresse également un constat sévère sur l'action des agences. Le principe pollueur-payeur en recul Pour la Cour, les redevances perçues par les agences, « se sont éloignées du principe pollueur-payeur depuis 2007 » du fait des évolutions contenues dans la LEMA. En 2013, 87 % des redevances perçues par les agences étaient supportées par les usagers, 6 % par les agriculteurs et 7 % par l'industrie. La faiblesse des redevances acquittées par l'agriculture est soulignée. Prenant exemple du bassin Loire-Bretagne, « le plus concerné par la pollution due aux nitrates, les redevances à la charge des agriculteurs ne représentent en 2013 que 10 % du montant total des redevances, dont 0,6 % seulement au titre de l'élevage » soulignent les magistrats. « Entre 2007 et 2013, le montant de la redevance acquittée par les éleveurs a diminué de 84 % dans les bassins Rhône-Méditerranée et Corse et de 58 % dans le bassin Loire-Bretagne. Le montant total de cette redevance, pour toutes les agences, n?était que de 3 M? en 2013 alors que le seul coût du nettoyage des algues vertes sur le littoral est estimé au minimum à 30 M? par an » indique la Cour dans son rapport. Le secteur industriel n?échappe pas aux foudres des magistrats financiers qui relèvent que les redevances acquittées par l'industrie ont diminué en moyenne de 15 % entre 2007 et 2013. « Dans le bassin Rhin-Meuse, historiquement marqué par les pollutions industrielles, les redevances pour pollution et pour modernisation des réseaux de collecte non domestiques ont baissé de 40 % au cours de la même période du fait des nouvelles règles issues de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques » soulignent les magistrats financiers. « Les redevances acquittées par l'industrie ne représentaient plus que 11 % du montant total émis en 2013 contre 22 % en 2007. Dans les bassins Rhône-Méditerranée et Corse, les redevances pour pollution et pour modernisation des réseaux de collecte non domestiques ont diminué de plus d'un tiers entre 2007 et 2013, soit une baisse d'environ 10 M? ». Cette baisse est essentiellement imputable à la réforme de la redevance pour pollution d'origine industrielle : cette redevance est calculée sur la base des rejets dans les cours d'eau après traitement par la station d'épuration, alors qu'ils étaient auparavant évalués à la sortie du site industriel. Ce changement a pour effet de masquer la pollution réelle des petits sites industriels dont une partie n?est plus assujettie à cette redevance. Une sélectivité insuffisante Au delà de leur action proprement die la Cour des comptes se montre également très sévère sur leur gestion. Transparence insuffisante, règles d'attributions pas toujours respectées, absence de contrôles, voire possibles conflits d'intérêts sont dénoncés par la Cour qui renouvelle sa recommandation formulée en 2010 de renforcer la sélectivité d'attribution de leurs aides et de systématiser leur évaluation. Les dépenses de communication et de coopération son également pointées. Ainsi de la loi « Oudin-Santini » qui permet aux agences de consacrer jusqu'à 1 % de leurs ressources à l'action internationale dont la Cour se dit « pas convaincue de la pertinence de ces actions internationales qui mobilisent des ressources au détriment d'actions plus prioritaires ». Réagissant à ce rapport, Ségolène Royal a souhaité que « soit réalisé un état des lieux par grands types d'acteurs (industriels, agriculteurs et particuliers) pour s'assurer du respect du principe pollueur-payeur ». La publication sur internet des aides attribuées dans le programme actuel des agences de l'eau devrait par ailleurs être effective dès la fin février. Le rapport public annuel de la Cour des comptes est téléchargeable à l'adresse : https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2015