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Entreprises

Comptage : le composite conforté par les résultats de la première étude comparative sur les compteurs

31 janvier 2011 Paru dans le N°338 ( mots)

Cycleco, bureau d'études indépendant spécialisé en analyse du cycle de vie et en éco-conception, vient de réaliser, à la demande de Sensus, la première analyse permettant de comparer l'impact environnemental d'un compteur en laiton traditionnel de Sensus avec sa version composite, premier compteur éco-conçu lancé sur le marché en 2006. Les résultats de cette étude confirment les performances du compteur composite Sensus en matière de développement durable, avec un gain environnemental significatif sur l'ensemble des critères étudiés. Rencontre avec Jérôme Payet, Enseignant à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne et fondateur de Cycleco.

Revue L?Eau, l'Industrie, Les Nuisances : Dans quelles conditions avez-vous mené cette analyse du cycle de vie permettant de comparer l'impact d'un compteur en laiton avec celui d'un compteur en composite ? Jérôme Payet : Cycleco a étudié l'impact environnemental des compteurs en laiton et en composite dans toutes les étapes de la vie des produits, c'est-à-dire l'extraction des matières premières, la fabrication, le transport, la livraison, l'installation et l'utilisation jusqu'à la fin de vie des compteurs et tout ceci sur la base des informations détaillées fournies par Sensus ou bien collectées directement par Cycleco. Pour cette étude, Cycleco a suivi les recommandations des normes ISO, de la Commission européenne et de l'UNEP en termes de méthodologie d'application de l'Analyse du Cycle de Vie (ACV). E.I.N. : Comment s'est déroulée cette analyse ? J.P. : Le succès d'une ACV repose largement sur le degré d'engagement du client par rapport au projet. Lorsqu'il s'engage pleinement dans la démarche, c'est qu'il en a compris la finalité. Il fournit alors sans réticence des données de qualité qui sont à la base du succès de l'opération. A l'inverse, lorsque la démarche suscite des interrogations ou des réserves, des freins apparaissent qui pèsent sur la transparence et sur la fiabilité des données fournies. La démarche devient alors plus délicate. Avec Sensus, nous avons eu de la chance car nos interlocuteurs ont immédiatement compris l'intérêt du projet, ce qui nous a permis de disposer de données précises et de qualité. La première étape qui a consisté à collecter les données s'est très bien déroulée : Sensus n?a pas hésité à aller jusqu'à réaliser des mesures directement sur les chaines de production et même à effectuer des arrêts de production pour valider des mesures sur machines. E.I.N. : Quelles sont les données que vous avez étudiées pour procéder à cette étude ? J.P. : Deux catégories de données nous intéressent pour analyser le cycle de vie d'un produit. La première regroupe les données qui concernent le système de production lui-même : ce sont les données relatives aux machines de production que ce soit pour le métal ou pour le plastique. Il s'agit de mesurer leur consommation en énergie, en eau, les composants nécessaires à la fabrication du produit tels que les fibres, les polymères'. etc. Toutes ces données concernent le système de production de l'entreprise concernée. L?autre groupe de données parfois plus ardues à collecter sont celles qui concernent l'approvisionnement du système de production par des composants dont l'origine est extérieure. Il s'agit par exemple des polymères, des additifs voire des métaux utilisés ainsi que toutes les pièces ou composants venant de l'extérieur de l'entreprise. Ces données ne ressortent donc pas de l'industriel lui-même mais de ses fournisseurs ou sous-traitants. Notre rôle consiste, avec l'appui de l'industriel, à aller collecter auprès de ces acteurs extérieurs toutes les informations dont la production concoure de près ou de loin à la fabrication du produit final. Un autre point important doit être pris en considération : c'est ce qui ressort du système de production en aval c'est-à-dire les déchets de production, leur composition qui vont nous permettre de quantifier l'output du système dans l'empreinte environnementale. E.I.N. : Cette étude a-t-elle permis de mettre en relief des anomalies importantes ? J.P. : Oui, c'est même l'une des fonctions principales de l'ACV. En décomposant le système de production, l'ACV associe à chacune des sous-parties de ce système les impacts environnementaux qui lui correspondent. Elle dresse une cartographie du système de production sur la partie amont, la partie qui le concerne, et la partie aval pour savoir ou se logent les plus gros impacts environnementaux, ce qui leur permet d'agir sur ces parties là. On peut alors modifier la formulation d'un polymère, remplacer une machine, effectuer un nouvel investissement pour réduire sa consommation ou même repenser certaines parties du produit s'il s'avère que certains matériaux ne sont pas pertinents ou que leur impact environnemental est trop important. Dans le cas de l'étude menée pour Sensus, la fabrication du laiton génère beaucoup d'émissions dans l'environnement, en particulier des émissions d'oxydes d'azote dont l'impact environnemental est très important. Ces impacts étaient occultés parce que leur origine se situait hors du système de production proprement dit des compteurs. L?ACV a permis de les révéler. E.I.N. : Qu'est-il ressorti de l'ACV menée sur les compteurs fabriqués par Sensus ? J.P. : Le principal enseignement qui est ressorti de cette ACV, c'est l'importance des matériaux utilisés dans l'impact environnemental du produit. La découverte de l'impact réel du laiton a constitué une surprise car ce point était auparavant ignoré et un certain nombre de choix techniques avaient été opérés sans que cette information ne soit disponible. Cet enseignement a souligné le bien-fondé du changement technologique opéré par Sensus : alors que depuis des décennies, on fabriquait des compteurs avec du métal, l'entreprise a décidé de recourir aux polymères et l'ACV a été l'outil adapté pour quantifier le bien fondé de ce choix en démontrant que cette rupture technologique réduisait un certain nombre d'impacts situés en amont de la production et par là même l'empreinte environnementale de l'ensemble du système. Après l'évaluation quantifiée détaillée, l'ACV a permis de planifier l'optimisation la chaine de recyclage et la gestion des déchets de production. Elle a fourni des indications précises sur la nécessité de réexaminer telle ou telle partie du système, indications qui ont été exploitées par Sensus. E.I.N. : En terme de résultats, comment quantifier les gains obtenus en fabriquant un compteur en composite plutôt qu'un compteur en laiton ? J.P. : L?ACV a restitué des résultats très précis. Les gains entre le compteur en composite et le compteur en métal ont été évalués au regard de 4 postes : l'énergie, le changement climatique, la santé humaine et l'impact sur les écosystèmes. Précisons qu'il s'agit des impacts liés au compteur lui-même et non à l'utilisation qui en est faite. L?étude a révélé que le gain pour la partie santé humaine et la partie écosystèmes étaient respectivement de 78 et de 71 %. La surprise est donc venue de la santé humaine parce que sur les parties énergie et changement climatique, les gains sont substantiels, de l'ordre de 30 à 37 %, mais c'est plus fréquent. Le gain de 78% sur la santé humaine s'explique par le changement de technologie : on est passé d'un système de production basé sur l'industrie lourde qui provoque de grosses émissions à un système plus léger travaillant le composite qui génère beaucoup moins d'émissions polluantes. E.I.N. : D?autres enseignements' J.P. : Oui en matière de recyclage, un enjeu essentiel. Des contraintes importantes en matière de recyclage pèsent sur les compteurs en métal qui sont susceptibles de recevoir du plomb et qui, de ce fait, ne peuvent être recyclés en boucle fermée c'est-à-dire pour une même utilisation. C?est un élément qui peut être pénalisant pour le système parce que le bénéfice du recyclage sera toujours moindre sur une boucle ouverte que sur une boucle fermée. Ceci souligne que les contraintes techniques ne sont pas les seules avec lesquelles il faut composer. Certes, il faut que le compteur réponde à un grand nombre de contraintes quant à sa durée de vie, ses fonctionnalités, etc mais il faut également qu'il respecte un certain nombre d'exigences réglementaires qui font partie du système au même titre que les contraintes techniques. E.I.N. : Quel est le coût moyen d'une ACV de ce type ? J.P. : Une ACV coûte en général entre 15.000 et 50.000 euros et la médiane est de l'ordre de 25.000 euros. Pour une entreprise, ce qui est déterminant pour la rentabilité de l'étude, c'est la taille du système sur lequel l'ACV va s'appliquer. Si on l'applique sur un produit que l'on produit peu, cela ne va pas être très intéressant. En revanche, si on l'applique sur des systèmes déjà bien organisés et sur des produits phares, l'effort est bien moins important et le retour souvent fructueux. E.I.N. : Quelle est la valeur d'une étude de ce type ? J.P. : Ce qui fait la valeur de l'ACV, c'est le cadre méthodologique dans lequel on choisit de s'inscrire. Dans le cas présent, nous avons réalisé une ACV qui respecte le standard ISO International ainsi que le standard européen qui est disponible depuis quelques mois seulement. Il s'agit du ILCD Handbook proposé par la Commission Européenne qui est aujourd'hui le standard le plus exigeant en Analyse du cycle de Vie. Dans son rôle d'expert en ACV auprès de la Commission Européenne, Cycleco a développé une maitrise toute particulière de ce standard. Cette compétence de Cycleco correspondait bien aux attentes de Sensus. Sensus était demandeur d'un cadre méthodologique exigeant et rigoureux afin que l'étude bénéficie d'une reconnaissance internationale. E.I.N. : Pensez-vous que les ACV vont se généraliser à l'avenir ? J.P. : Elles se généralisent déjà ! En seulement 12 ans nous avons réussi à stabiliser le standard ISO de l'ACV et les pouvoirs publics sont entrain d'intégrer les ACV dans le cadre réglementaire. Dans le Grenelle de l'Environnement, tous les travaux portant sur l'affichage environnemental des produits de grande consommation sont basés sur l'ACV. Cycleco s'attend donc à ce qu'un très grand nombre d'entreprises intègrent l'ACV dans leur stratégie environnementale dans les deux ou trois prochaines années. Pour répondre à cette évolution, Cycleco a mis en place un système de formation et d'accompagnement à l'ACV et l'éco-conception. Les entreprises peuvent acquérir cette compétence tout en gardant la qualité du service et ce à moindre coût. Nous avons validé ce système avec des grandes entreprises comme Rhodia, Nexans, Suez ou Dassault aviation, et nous l'élargissons maintenant à de des entreprises de taille plus modeste. Propos recueillis par Vincent Johanet