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Actualités France

Algues vertes : vers la fin d'un déni ?

30 mai 2012 Paru dans le N°352 ( mots)
La publication à la fin de ce mois de mai d'un rapport réalisé conjointement par les ministères de l'écologie et de l'agriculture sur le problème des algues vertes en Bretagne marque-t-elle le début du commencement de la fin d'un grossier déni ? On peut l'espérer, même si sur ce dossier, l'irrationnel et le pire ont trop souvent prédominé. Petit retour en arrière. On sait que la prolifération des algues vertes est un problème récurrent sur certaines plages bretonnes depuis la fin des années 60. Depuis, été après été, le nombre de baies et de plages touchées n?a cessé d'augmenter, tout comme le volume de ces ulves dopées par le phosphore et surtout l'azote, jusqu'à ce que le phénomène n?atteigne une ampleur telle qu'il est devenu délicat, voire impossible de continuer à l'ignorer. Au cours de l'été 2009, le décès d'un cheval et le malaise de son cavalier, tous deux consécutifs à des émanations d'H2S dues à la décomposition d'algues vertes sur une plage de Saint-Michel-en-Grève, dans les Côtes-d'Armor, a contraint le gouvernement à se saisir du problème. Un plan « algues vertes », relativement bien accueilli par le monde agricole, a donc été dévoilé en Conseil des ministres au mois de février 2010. Les plus optimistes ont alors pu penser que s'ouvrait une nouvelle phase de l'action publique, susceptible de définir et conduire une politique de résorption progressive du phénomène. Mais c'était sans compter les faibles moyens alloués à ce plan et surtout l'émergence d'une politique de remise en cause systématique par certains syndicats agricoles des fondements scientifiques expliquant la prolifération de ces ulves, sur lesquels est fondée l'action de l'Etat. L?objectif de cette remise en cause ? Contester le lien de causalité entre les excédents d'azote et la prolifération des algues vertes pour empêcher - ou au moins retarder - la mise en application du plan pourtant très consensuel élaboré par le gouvernement. En 2011, la mort d'une trentaine de sangliers dans la baie de Saint-Brieuc ravive-t-elle les inquiétudes sur les marées vertes et leurs conséquences sur la santé ? Certains syndicats agricoles montent au créneau et mettent en doute l'origine du phénomène. Objectif : instiller le doute, passer l'été en rassurant l'estivant, et surtout gagner du temps. Bien menée, l'opération réussit : ce n?est qu'au mois de septembre, dans l'indifférence générale, que la préfecture des Côtes-d'Armor est en mesure de confirmer que le coupable était bien le sulfure d'hydrogène dégagé par les algues vertes' Mais cette position, navrante, fondée sur le déni, défendue par une petite fraction du monde agricole, sera désormais bien plus difficile à tenir. Car le rapport interministériel qui vient d'être publié* est le fruit d'un état des lieux très approfondi des connaissances disponibles sur les proliférations d'ulves et d'observations toutes aussi précises sur les expérimentations et les modélisations conduites en Bretagne bien sûr, mais aussi sur les lagunes italiennes, en mer du Nord, sur la côte Est des USA, en Chine et au Japon. La conclusion ne surprendra personne mais elle a l'immense mérite d'être désormais étayée : « C?est l'action sur les apports d'azote qui est la plus efficace et la plus efficiente pour éradiquer le phénomène du «bloom» algal en zone côtière (?). L?examen des axes de recherche complémentaires qui pourraient être définis montre que le corpus actuel des connaissances permettant de fonder l'action de l'État est suffisant et que ces aspects ne serviront qu'à conforter, en les détaillant, les acquis scientifiques actuels ». Difficile d'être plus clair? Ce déni levé, on en revient au point de départ : la diminution visible du phénomène des marées vertes ne passera que par un changement radical des pratiques agricoles sur les secteurs concernés. La profession agricole est-elle prête à l'accepter ? Et surtout, en a-t-elle les moyens ? Comment l'aider à bâtir un nouveau modèle économique ? Ce sont désormais les seules questions qui vaillent pour commencer à réduire un phénomène aux dimensions à la fois environnementales, économiques, touristiques et maintenant sanitaires dont l'impact financier global pourrait bien s'exprimer en milliards d'euros' *Ce rapport est téléchargeable à l'adresse : http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/007942-01_rapport_cle2e3e51.pdf