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Traitement des eaux usées : passer en mode circulaire, le graal des traitements couplés

30 avril 2016 Paru dans le N°391 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Frédéric HENIN

Les industriels comme les collectivités territoriales visent désormais la triple performance économique, industrielle et environnementale. En jeu, la compétitivité, l'attractivité et la crédibilité de la structure dont ils ont la charge. L?évolution des traitements des effluents industriels et urbains et la performance des procédés utilisés s'inscrivent totalement dans cette dynamique. De plus en plus complexes et performants, leur passage progressif en mode circulaire tend à structurer les activités de production.

Produire « propre et sobre » est l'un des grands enjeux de la stratégie des industriels français et plus largement européens.

Dans l’ouest de la France, ce grand groupe spécialisé dans la filière légumes va se doter de sa propre station d’épuration en recyclant un tiers de l'eau consommée.

Cette réalisation, signée Enprotech, qui a nécessité un investissement de 8,5 M€ permettra de limiter les prélèvements dans la rivière.

« Ce type d’initiative motive les industriels du traitement de l’eau à investir dans la recherche-développement pour trouver des solutions innovantes, souligne Fabien Garin, ingénieur en traitement des eaux chez Atlantique Industrie, d'autant que les stratégies parfois moins offensives adoptées par la

majorité des industriels ne les empêchent pas de profiter des innovations et des progrès réalisés en se dotant d’installations très performantes », ajoute-t-il.

La réglementation en matière de traitement des eaux résulte le plus souvent de directives votées par le Parlement européen ou de règlements rédigés par la Commission européenne, appliqués directement ou après transposition dans le droit national. Les entreprises spécialisées en traitement d’effluents industriels ou urbains sont parfois même victimes de phénomènes de « surtransposition », à l’origine de distorsions de compétitivité supplémentaires lorsque des collectivités territoriales imposent par exemple une réglementation plus restrictive. « En revanche, les nouvelles normes européennes sont souvent adoptées immédiatement par nos voisins européens si bien que le marché français accuse trop fréquemment une longueur de retard », ajoute Luc Schoemaeker.

Complexité accrue des processus

Les méthodes de traitement couramment utilisées reposent sur des procédés physiques, biologiques et chimiques connus : filtration, floculation, flottation, adsorption, évaporation et concentration, etc.

[Photo : Vivlo a développé un traitement couplé en 4 phases : à l’arrivée du camion, les effluents passent d’abord dans un décanteur/déshuileur/neutralisation. Ils passent ensuite dans un évaporateur pour enlever l’eau. Le distillat transite ensuite dans un réacteur biologique pour abattre la DCO. L’eau sortie du réacteur biologique est épandue dans un jardin de phyto-remédiation qui, par évapo-transpiration des plantes, ne rejette aucun liquide.]

Elles sont mises en œuvre par de grands groupes tels que Veolia, Suez, GE Water Process & Technologies distribué en France par Elmatec, Dow Water Process & Solutions mais aussi par de nombreux traiteurs d’eau, dont la taille, plus modeste, n'est pas corrélée à l’expertise développée. C’est par exemple le cas de CMI Proserpol, Serep, Exonia, Corelec, Tecnofil, Helio Pur Technologies, I.C.E., Hytec Industrie, Afigeo, Ovive, Horus Environnement ou encore Actibio et Vivlo.

Mais les technologies actuellement disponibles ont rendu ces procédés de plus en plus performants en même temps que le durcissement des normes a conduit, depuis des années, à associer plusieurs méthodes de traitement pour obtenir les résultats escomptés.

Ainsi, disposer d’une gamme importante de procédés pour s’adapter à une large palette d’effluents et mettre au point des traitements couplés est devenu facteur de réussite et de compétitivité. C’est l’une des conditions requises pour développer une offre la plus large possible et satisfaire les besoins des industriels tout en prenant en compte les évolutions régulières de leurs process. Même si au final, chaque projet appelle une solution particulière, ce qui induit une sorte de complexification des processus. Le procédé Biomembrat, utilisé en pharmacie, dans l’industrie agroalimentaire ou en cosmétique, développé par Ovive illustre bien cette tendance. « Adapté aux traitements de fortes charges polluantes difficilement biodégradables, il associe traitement biologique (culture bactérienne avec ensemencement) et ultrafiltration, explique Amaury Bierent, avec, en troisième étape, une osmose inverse ou une nanofiltration pour éliminer les acides fulviques, humiques et les molécules organiques. Cette troisième phase de traitement apporte la garantie du respect des normes basses en sels ou en DCO. Une adsorption sur charbon actif permet de recycler le concentrat en fixant les pollutions réfractaires au traitement biologique ».

[Photo : Le Biomembrat d’Ovive permet de traiter de fortes charges polluantes difficilement biodégradables. Ce procédé de traitement associe une biologie, des membranes d’ultrafiltration externes et une finition, si nécessaire, par adsorption sur charbon actif.]

Prendre en compte l’ensemble des contraintes

Pour gagner en efficacité, mettre au point de nouvelles solutions de traitements de moins en moins consommatrices d’éner-

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[Encart : texte : L’oxydation hydrothermale supercritique : les unités de traitement se multiplient Cette technologie repose sur l'exploitation des propriétés de l'eau contenue dans les effluents en situation supercritique (plus de 250 bars, 400 °C). En injectant de l'oxygène à cette température et à cette pression dans des quantités bien précises, les matières organiques sont détruites en moins d'une minute par oxydation. L'injection d'O₂ est proportionnelle à la quantité de matière organique (DCO de 50 à 8 500 g/L). - Matière organique (C,H,O) + O₂ → H₂O + CO₂ + énergie - Matière organique (C,H,O) + Composants métalliques + O₂ → H₂O + CO₂ + métaux oxydés + énergie L’oxydation de la matière organique sous pression produit de l'eau, du CO₂, des matériaux oxydés et de l’énergie liée à la destruction de 99,9 % de la matière organique. L’eau en sortie de procédé ne contient plus de micropolluants. Quant à l'énergie, elle peut être réutilisée sur le site. Innoveox a reçu le prix PEXE 2015 de l'éco-entreprise innovante dans la catégorie déchets et économie circulaire, et a été présenté dans la galerie des solutions sur le site du Bourget pendant la COP21. Des unités de traitement sont entrées en service dans les Pyrénées-Atlantiques, sur l'île de La Réunion et bientôt en Nouvelle-Calédonie et au sein du Bassin Parisien. Innoveox a par ailleurs signé un partenariat stratégique avec le troisième acteur pétrolier en Chine qui vise à déployer la technologie basée sur l'Oxydation Hydrothermale Supercritique à énergie positive (OHTS) sur les secteurs du pétrole, de la pétrochimie et du raffinage, la Chine étant le premier importateur mondial d’hydrocarbures.]

…gie, fait désormais systématiquement partie des pistes étudiées.

Dans ce contexte, même si tous les procédés progressent, certains gagnent du terrain. C’est par exemple le cas des techniques membranaires. La technologie X-Flow Helix™ de Pentair permet ainsi de prévenir l’encrassement des membranes et de réduire de 20 à 50 % la consommation d’énergie (voir EIN n° 390).

Autre innovation, les membranes fibres creuses composées du nouveau polymère fluoré nanostructuré PVDF Kynar® mises au point par Arkema et Polymem ouvrent la voie à une hydrophilie durable des membranes d’ultrafiltration, qui permet, avec une qualité d’eau stable en sortie et indépendante de la qualité d’eau en entrée, d’augmenter les débits d'eau filtrée à consommation énergétique constante. Cette innovation, couplée à la mise en œuvre de ces fibres dans les modules Gigamem® offrant une compacité et des coûts d’investissement et d’exploitation optimisés, permet à Polymem de positionner l'ultrafiltration en traitement d’eau de procédés pour le recyclage et/ou la réutilisation dans des usines de différents secteurs d'activité.

[Photo : Vue de l’unité Gigamem chez Circuit Foil Luxembourg (fabricant de feuilles de cuivre pour les industries de haute technologie) pour la recirculation des eaux de procédé.]

« L’osmose, moins énergivore, remplace peu à peu la distillation, et l’eau rejetée pourra même souvent être récupérée et être réintégrée dans le circuit industriel de l’entreprise », illustre Philippe Caurier chez Exonia. Mais le contexte et l’échelle sur lesquels s'exercent les procédés jouent leur rôle. « Les progrès réalisés en évaporation sont tels qu’ils consomment de moins en moins d’énergie, voire plus du tout en utilisant la cogénération, indique ainsi Luc Schoemaeker chez Vivo. Ce principe est déjà mis en œuvre sur quatre installations en France ».

Les gains potentiels peuvent être très importants et concernent tous les procédés, des plus innovants aux plus basiques. Dans l'Orne, Atlantique Industrie a équipé l’acidrerie CSR d’une presse de déshydratation Amcon autonettoyante pour les boues biologiques en remplacement d’une presse à bandes. La technologie permet de diviser la consommation d’énergie par dix par rapport aux traditionnelles centrifugeuses…

En Haute-Savoie (74), la Société Tréfilerie Perillat est équipée depuis six ans d’une filière de recyclage et de revalorisation des déchets. « Lors de l'étude du projet, plusieurs types de traitement ont été abordés comme les filières physico-chimiques conventionnelles, les traitements membranaires et les évapo-concentrateurs, explique Luc Schoemaeker chez Vivo. Les objectifs qualitatifs, à savoir obtenir une eau déminéralisée < 20 µS/cm sans matières organiques, pouvaient être atteints par plusieurs technologies. »

[Photo : La technologie X-Flow Helix™ de Pentair permet de prévenir l’encrassement des membranes et de réduire de 20 à 50 % de la consommation d’énergie.]
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Le comparatif s’est donc naturellement basé sur les coûts de fonctionnement des installations et sur leur coût d’investissement. Seule la filière intégrant un évapo-concentrateur sous vide basse température a permis une rentabilité rapide de l’installation. En effet, la concentration en phase acide de sels de chlorures et de fer revalorise le concentrat (usuellement un déchet final) de l’évaporateur en tant que coagulant de station d’épuration communale.

[Photo : Unité de distillation et de fabrication de nitrate d’ammonium commercial à base d’ammoniaque issu du traitement du lisier de porc. Réalisation Exonia.]

Les contraintes externes jouent également leur rôle. C’est par exemple le cas de l’emprise occupée par le dispositif de traitement considéré. Alléger les contraintes associées au génie civil peut faire pencher la balance en faveur de tel ou tel procédé. Et ce qui prévaut ici ne vaudra pas forcément là. Aux Pays-Bas, par exemple, les contraintes foncières imposent l’intégration des unités de traitement des eaux très compactes sous les serres d’horticulteurs pour ne pas consommer de foncier. Des procédés compacts se développent tels que le système de filtres développé par Salsnes Filter, capable de remplacer un traitement primaire conventionnel en utilisant seulement 1/10ᵉ de l’espace précédemment nécessaire.

Le facteur « Zéro pollution atmosphérique » est aussi un objectif de plus en plus fréquent que se fixent certaines entreprises de traitements en élaborant leurs processus. Les seules émissions de gaz d’Evap’Ovive, le protocole d’Ovive qui combine traitement biologique et évaporation, reposent sur de la seule vapeur d’eau. Aucune pollution atmosphérique n’est émise et le matériel employé ne s’encrasse pas. Après un prétraitement biologique, les substrats sont chauffés et concentrés à l’extrême. Le concentrat est ensuite prélevé pour être incinéré. C’est le même souci qui a animé TMW en développant une solution de ses évapo-concentrateurs Ecostill avec une version « boucle fermée sur l’air » éliminant tout rejet atmosphérique.

Co-construire pour associer les savoirs et les compétences

Les traiteurs d’eau consacrent entre 5 % et 15 % de leur chiffre d’affaires à la recherche et au développement. Mais si la recherche fondamentale a encore cours au sein des centres de recherches des sociétés de taille importante, de nombreux acteurs, plus spécialisés ou de taille plus modeste, privilégient désormais la veille technologique ciblée et surtout les partenariats industriels. Cette tendance concerne également les grands groupes. « Il n’est pas nécessaire de disposer en interne de tous les savoirs pour produire, expliquait récemment Antoine Frérot, PDG de Veolia à propos de la co-construction. Certains d’entre eux peuvent avoir été développés ailleurs. Ce qui est important, c’est de pouvoir associer ces savoirs et les combiner pour les commercialiser ». L’intérêt de la co-construction repose sur un réservoir d’idées plus large, des coûts moins élevés, une mise sur le marché plus rapide et des process moins risqués. « Il est indispensable, pour des sociétés comme TMW, de collaborer avec les grands acteurs du traitement, approuve Thierry Satgé, DG de TMW. Non seulement, ils sont les mieux à même de valider l’intérêt des concepts que nous développons, mais ils sont potentiellement nos clients et de futurs exploitants de nos équipements ».

[Photo : Comap a développé un important dispositif de recherche pour le traitement des micropolluants, basé sur un procédé d’oxydation avancée : UVc + peroxyde d’hydrogène (UVc/H₂O₂). Cette solution vise spécifiquement les Step de petite ou moyenne taille, de moins de 10 000 EH et peut aussi être utilisée pour le traitement des effluents industriels.]

Les projets de recherche sont conditionnés par les besoins des industriels ou des collectivités confrontés à des problèmes de plus en plus complexes. L’évolution des technologies disponibles et des réglementations en vigueur est aussi détermi

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[Photo : Unité de traitement industriel 100 l/h, située à Arthez-de-Béarn, en service depuis 2011. L'oxydation hydrothermale supercritique (OHTS) développée par Innoveox permet de transformer les déchets liquides organiques des industries de la chimie, du pétrole, de la santé et du nucléaire, en eau, en gaz et en énergie.]

Les industriels n’hésitent pas à tester de nouvelles combinaisons de traitements couplés qui associent des procédés physiques, chimiques et biologiques pour mieux traiter des composés particulièrement résistants. Comap a ainsi engagé un important programme de recherches sur le traitement des micropolluants par AOP (UV/C + Peroxyde d’hydrogène). La photolyse du peroxyde d’hydrogène (UV/H2O2) permet de créer des radicaux libres hydroxyles (HO) capables d’éliminer certaines familles de micropolluants. Le programme, qui a donné des résultats satisfaisants dans le cadre d’un pilote en laboratoire, vient d’être implémenté sur une station d'épuration de type FPR dans le Jura (Voir reportage page 4).

Proposer de nouvelles prestations fait aussi partie des enjeux de la recherche de nouveaux traitements. Citons par exemple le procédé de captage de l’arsenic par précipitation en fin de développement d’Ovive. Parfois, certains industriels adoptent de nouvelles technologies en les détournant de leur utilisation originelle. C’est par exemple le cas de l’extraction sous vide d’huile soluble puis élevée à forte température avant passage en osmose, avec une membrane spécifique développée par Vivlo. C'est aussi le cas du procédé DiaClean® de Waterdiam qui met en œuvre des électrodes en diamant artificiel pour traiter les eaux sans produit chimique. Les systèmes DiaClean® sont utilisés pour la désinfection des eaux puisqu’ils permettent d’inactiver les virus, champignons et bactéries, mais aussi dans le traitement d’effluents industriels en oxydant les molécules organiques, huiles et graisses grâce à la production de radicaux hydroxyles OH* sur le diamant. « Le procédé répond à différents besoins du particulier, eaux de baignades ou de pluie, mais aussi des industriels par exemple, en favorisant le recyclage des eaux dans l'agroalimentaire ou d’eaux de procédés dans tout autre domaine d’activité grâce à l’élimination de polluants organiques », souligne Laurent Pupunat, Président de WaterDiam. WaterDiam propose tous types d’unités, du pilote compact pour des études de faisabilités, jusqu’aux unités industrielles de plusieurs m² d'électrodes.

Mais l'essentiel de la crédibilité des travaux de recherche conduits par les industriels du traitement des eaux usées repose sur les installations pilotes et la mise au point de prototypes de matériels, dotés d’équipements « dernier cri », juste avant leur phase de commercialisation. Certains industriels s’en sont fait une spécialité. C’est par exemple le cas de Firmus, capable de réaliser, à la demande, des pilotes sur mesure à destination des centres de recherche, des laboratoires ou des industriels, pour qu’ils puissent réaliser en interne leurs propres essais de faisabilité ou de développement. Firmus réalise également des études de diagnostic et des expertises pour le compte d’exploitants soucieux d’optimiser leurs procédés. Atlantique Industrie équipe le bassin biologique de l'industrie fromagère Bel, où sont collectées toutes les eaux, avec un nouveau modèle de turbine haut rendement importée d’Allemagne. Ce type de partenariat industriel est d’une grande importance et décide bien souvent du devenir d'un développement. Si les résultats attendus sont au rendez-vous, il sera possible de développer ce type de configuration sur des process analogues puis de l’adapter pour le transposer dans de nouvelles applications. De là peut naître le développement d'une expertise. Ovive noue également de nombreux partenariats. L'entreprise travaille ainsi avec Nanostone, en Allemagne, qui conçoit des modules d’osmose inverse à plusieurs étages avec double circulation après élimination des matières en suspension.

Passer en mode circulaire, bientôt la norme ?

Mais l’évolution majeure des traitements des effluents, couplés ou non, reste le passage en mode circulaire.

« Le traitement des effluents et des concentrats s’inscrit dorénavant dans une logique de production et de création de valeur ajoutée », explique Philippe Caurier, directeur d’Exonia.

[Photo : Vue d'une unité industrielle de traitement d’effluents industriels, procédé DiaClean® de Waterdiam (WWT 1 m² d’électrode BDD Diamant).]
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[Photo : Firmus réalise, à la demande, des pilotes sur mesure à destination des centres de recherche, des laboratoires ou des industriels, pour qu'ils puissent réaliser en interne leurs propres essais de faisabilité ou de développement.]
[Encart : Réutilisation des eaux usées traitées : mettre en place une approche intégrée et multifactorielle Ecofilae a développé un savoir-faire particulier permettant aux professionnels de mettre en place des projets durables et rentables de réutilisation des eaux usées afin de rentrer de plein pied dans l’économie circulaire. Ecofilae apporte son expertise auprès des industriels des secteurs de l’agro-alimentaire, de la chimie ou du pétrole. Elle accompagne les exploitants vers la mise en place de systèmes contrôlés et maîtrisés de valorisation d’effluents à grande échelle (production de plante biomasse énergie à partir d’effluents agro-industriels (voir photo), production de plantes halophytes à forte valeur ajoutée avec des effluents salés). Pour Ecofilae, la réussite de ce type de projet, qu’il soit localisé en France ou à l’international, dépend de plusieurs facteurs incluant la sécurité, la rentabilité, la faisabilité, l’acceptabilité et l’efficience organisationnelle. Seule la prise en compte de l’ensemble de ces facteurs permet d’arriver à une filière rentable du point de vue économique tout en préservant les risques sur la santé et l’environnement. Pour favoriser cette approche, Ecofilae développe une plateforme web collaborative de connaissances et d’outils d’aide à la décision accessible en ligne : HotspotREUSE®. « À terme, nous souhaitons que chaque utilisateur puisse s’afficher et renseigner lui-même ses projets, et que toute la communauté impliquée dans le Reuse puisse accéder à cette base de données personnalisable », explique Nicolas Condom, fondateur d’Ecofilae. Produire des plantes biomasse-énergie à partir d’effluents industriels.]

rejetées, des concentrats et des énergies produites. Les objectifs sont désormais globaux et s’inscrivent souvent dans le long terme. Avec Danone, Veolia a ainsi conclu un accord portant sur un périmètre mondial (170 sites dans le monde) avec pour objectif la réduction, à horizon 2020, de 60 % de sa consommation d’eau, le recyclage de 25 % de sa consommation de polyéthylène, la réduction de 50 % de ses émissions de carbone avec une suppression totale à horizon 2050.

En mode circulaire, les concentrats sont assimilés à des matières premières valorisables et non plus des déchets onéreux à détruire. « Les projets industriels de séparation de l’eau des effluents industriels intègrent de plus en plus un volet recyclage et aujourd’hui, 20 % des concentrats produits sont recyclés, explique Luc Schoemaeker. Dans trois ans, le seuil de 50 % pourrait être franchi ».

Au final, le passage progressif des traitements en mode circulaire structure les activités de production. Les processus de traitement s’intègrent complètement dans les circuits de production, ce qui renforce leurs rentabilités économique et financière en abaissant le volume des charges et en générant de nouvelles recettes. Aucun secteur industriel n’échappe à cette mutation.

Dans beaucoup de sucreries, la cogénération et la production d’électricité issue de la transformation des cannes est déjà intégrée dans les circuits de production. Dans l’ouest de la France, le projet de construction de la nouvelle station d’épuration de ce groupe spécialisé dans la filière légumes vise à réutiliser 30 % des eaux usées, limitant ainsi les prélèvements dans la rivière. Quant aux déchets de légumes, ils seront méthanisés et séchés sous forme de granulés fertilisants qui pourront être exportés hors de …

[Photo : En Espagne, dans le cadre du projet Demoware financé par la Commission européenne, les eaux usées traitées par l’usine du complexe pétrochimique de Tarragone par association des éléments d’osmose inverse DOW FILMTEC® de Dow Water & Process Solutions et du procédé Actiflo® de Veolia, sont ensuite redirigées vers différentes usines du complexe afin d’être réutilisées dans les process industriels.]

Combattre la perte de charge des lits filtrants

On utilise souvent, en amont des techniques membranaires, une filtration sur média filtrant granulaire, qui assure une protection vis-à-vis de la pollution particulaire et organique. Toutefois, ces filtres à sable colmatent rapidement, nécessitant un contre-lavage quotidien, voire encore plus fréquent. Le Garo® filtre, média filtrant à base de granulés de verre recyclé développé et produit par Gaches Chimie Spécialités, est aujourd'hui utilisé en remplacement du sable sur du prétraitement de lixiviat, en traitement tertiaire d’eaux usées industrielles, et également pour la production d’eau de process. Il permet, à efficacité de filtration supérieure, de limiter l’exploitation en divisant par deux la fréquence de contre-lavage de par la réduction du colmatage biologique.

Avec une granulométrie équivalente à celle du sable et une densité légèrement inférieure (1,4 contre 1,5-1,6 pour le sable), le Garo® filtre remplace le sable sans modification de l’installation. En revanche, la surface sans micro-cavité et la forme anguleuse des grains, l’uniformité de la taille des grains, la porosité supérieure du média, la présence d’oxydes métalliques dans la composition du verre utilisé confèrent au Garo® filtre les atouts observés sur les installations équipées :

  • - Maintien du principe de filtration dans la masse d’où l’efficacité accrue, et moindre renardage,
  • - Moindre colmatage biologique au sein du filtre, espaçant les lavages et limitant la perte de charge du média,
  • - In fine, fréquence de remplacement du média diminuée.

En termes de fonctionnement, ce matériau intervient sur les recherches de performance énergétique, lorsqu’on travaille sur des filtres en pression. En effet, la perte de charge du lit filtrant est réduite car le procédé constitue un média plus perméable que le sable. Sur un matériau neuf, à granulométrie égale, la perte de charge est 40 % inférieure à celle du sable. La perte de charge en fonctionnement est également réduite, car la filtration s’effectue sur la masse, et moins en surface par rapport au sable. Le corollaire de cette moindre perte de charge est une baisse de la consommation énergétique pour la ligne de pompage.

Bretagne ou mis à disposition des agriculteurs du secteur qui le souhaiteront pour servir de fertilisants. Résultat, en passant en mode circulaire, il est dorénavant possible d’allier performance économique et performance écologique. Avec des gains de productivité substantiels compensant partiellement, voire en totalité, les coûts des travaux de mise aux normes des installations industrielles.

Cette réalisation illustre bien le changement de paradigme qui prévaut désormais au sein de nombreux secteurs industriels. « Il y a quelques années, le traitement des eaux usées et l’élimination des flux de déchets industriels étaient vécues comme un mal nécessaire, souligne Hans Van Soest chez Enprotech. Ils étaient souvent associés à des coûts élevés, jugés inutiles, et le but recherché se limitait au respect des normes et des objectifs imposés par les autorités, afin d’éviter des taxes ou des pénalités. Aujourd’hui, l’analyse est très différente. À l’obligation légale se sont ajoutées des opportunités économiques ; l’installation de traitement des eaux usées “end-of-pipe” est devenue un centre utilitaire de récupération d’eau, de production d’énergie, et de valorisation de déchets, souvent accompagné d’un retour sur investissement rapide, de 2 à 6 ans. Et ceci vaut dans les industries agroalimentaires comme dans la chimie et chimie fine ou dans le secteur pharmaceutique ». Enprotech privilégie désormais les projets “clé en mains” avec des objectifs de réutilisation des eaux usées et d’exploitation du biogaz produit pour répondre aux besoins du site en électricité et énergie.

Des concentrats à forte valeur ajoutée

L’équilibre économique qui guide les industriels ou les collectivités à opter pour le passage en mode circulaire est simple : il vise à rapporter les charges générées par le traitement des eaux usées, par le transport du concentrat et par sa destruction, aux coûts du recyclage complet des effluents. Philippe Caurier chez Exonia cite ainsi la concentration des lisiers de porc sur les évaporateurs qui permet de diviser par 20 le nombre de rotations associées au transport et assure une valorisation plus importante du potassium et de l’azote contenus dans les lisiers. Un modèle économique alternatif a même vu le jour, suite à la construction d’une plateforme de traitement d’une capacité de 27 m³/h de lisier.

Mais le passage en mode circulaire suppose de revoir les méthodes de séparation eau/substrat. Elles ne doivent pas être trop agressives avec notamment des températures trop élevées pour ne pas dénaturer le concentrat pour extraire, par exemple, les pellicules d’argent des radiographies usagées et fabriquer ensuite des lingots.

Pour les déchets “lourds”, le recyclage prend une autre dimension. Une alternative à l’incinération ou à l’enfouissement des concentrats après traitements couplés est l’oxydation hydrothermale supercritique (OHTS) développée par Innoveox. La stratégie de cette société créée par Jean-Christophe Lépine en 2008 repose sur l’exploitation et la commercialisation d’une technologie de rupture brevetée par le CNRS qui permet de transformer les déchets liquides.

[Photo : Enprotech privilégie désormais les projets “clé en mains” avec des objectifs de réutilisation des eaux usées et d’exploitation du biogaz produit pour répondre aux besoins du site en électricité et énergie.]

organiques des industries de la chimie, du pétrole, de la santé et du nucléaire en eau, en gaz et en énergie par oxydation hydro-thermale supercritique (OHTS). L’exploitation commerciale a été entreprise dès qu’il a été possible de rendre ce procédé exothermique et donc économiquement compétitif. C’est en cela que l'OHTS constitue une réelle innovation pour l'industrie du traitement des effluents. « C’est un procédé de traitement à zéro déchet car il n’en produit pas. Il constitue donc une réelle alternative à l'enfouissement et à l'incinération, mais aussi une solution complémentaire au traitement biologique », souligne Lorette Haffner chez Innoveox. Les fortes températures auxquelles sont soumis les déchets détruisent la matière organique et oxydent les composés métalliques. L'OHTS traite la toxicité des substrats (cf. encadré). Purifiée, l'eau produite par oxydation hydrothermale supercritique peut être valorisée industriellement et la chaleur produite, être employée sous forme de vapeur par exemple.

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Quand les normes font barrage

Reste que, paradoxalement, la réglementation entrave parfois le potentiel de recyclage des effluents et le passage à l’économie circulaire. C’est le cas dans le domaine de la réutilisation des eaux usées traitées. Au plan technique, de nombreux traitements permettent d’envisager sereinement une réutilisation de l’eau traitée. D’ailleurs, une eau traitée s’avère dans bien des cas, de meilleure qualité qu'une eau brute prélevée... Le problème est d’ordre réglementaire, puisque la réglementation, en France, ne permet qu’un tout petit nombre d’usages, rendant de fait, la réutilisation sans intérêt (analyse coûts/avantages). L'arrêté du 2 août 2010 relatif à la REUT a fait l’objet d'une première révision en date du 25 juin 2014 parue au Journal officiel le 4 juillet. Mais les obstacles demeurent. Beaucoup de professionnels estiment même que nombre de projets autorisés avant 2010 ne pourront pas se mettre en conformité avec les dispositions de ce texte.

Une nouvelle évolution est donc attendue. Lors de la réunion du comité de filière des éco-industries (COSEI) en avril 2015, Ségolène Royal et Emmanuel Macron ont annoncé comme une de leurs priorités « la révision des règles de réutilisation des eaux usées après traitement ». La réglementation française a d’ailleurs été pointée du doigt par le récent rapport d’évaluation diligenté par la Commission européenne : « non seulement cette réglementation est le principal facteur bloquant pour le développement du “Reuse”, mais aussi, elle risque de mettre en péril le maintien d’installations, comme celui emblématique de la Limagne noire (700 ha de grandes cultures irriguées avec des eaux usées traitées depuis 15 ans) ».

« Et quand vous essayez d’apporter une solution innovante tant dans son principe que dans sa réalisation comme nous le faisons avec la techno MHD, il vaut mieux que vos actionnaires ne soient pas pressés, confirme Thierry Satgé chez TMW. Bien des PME innovantes peuvent être contraintes de jeter l'éponge ».

[Encart : Gaz industriels : une solution à bien des problèmes L'oxygène, l'ozone ou le CO₂ sont susceptibles d’intervenir avantageusement au sein de nombreux procédés de traitement d'effluents urbains ou industriels. Ainsi, pour répondre aux besoins de stations d'épuration biologiques ponctuellement ou régulièrement surchargées, la capacité des bassins d’aération peut être notablement augmentée sans modification des ouvrages, par l'emploi d'oxygène pur via bullage ou système venturi. « En effet, pour assurer une épuration optimale, il faut maintenir une concentration minimale d’oxygène dissous dans le bassin, explique Florian Follut, Ingénieur traitement des eaux chez Messer. Dans des conditions de température et de pression données, la limite de saturation de l'oxygène pur dans l'eau est environ cinq fois plus élevée que celle de l’oxygène de l'air où la concentration est d’environ 21 %. La différence entre la concentration de saturation en oxygène et la concentration en oxygène désirée est donc sensiblement augmentée par l'emploi d'oxygène pur. Il devient alors possible d’assurer une oxygénation adéquate tout en réduisant notablement les consommations d'énergie. » Lorsque les effluents sont peu biodégradables, il faut envisager d'autres moyens de traitement, comme, par exemple, l'oxydation chimique. L’oxygène est alors employé dans des procédés d’oxydation par voie humide. L’ozone peut également être utilisé pour traiter ces effluents difficilement dégradables. Cette molécule très oxydante est générée sur place à partir d’oxygène pur. « Son utilisation permet de désinfecter tout en éliminant la matière organique résiduelle ou une coloration indésirable », explique Florian Follut. L'ozone est couramment utilisé afin de casser la DCO dure et augmenter la biodégradabilité de l’effluent. Mais sa réactivité, notamment avec la matière organique, permet également son utilisation en traitement de l’air (désinfection ou désodorisation). L’ozone permet aussi de détruire les cyanures issus d’un process chimique. Afin de répondre à la demande de production de papier sans chlore, le blanchiment de la pâte à papier peut être réalisé au moyen d’ozone. Quant au CO₂, il est couramment utilisé pour réguler le pH ou neutraliser des effluents alcalins. « Le traitement des eaux usées à l'aide d'oxygène et d’ozone peut représenter une alternative économique aux techniques d’épuration conventionnelles, souligne Florian Follut. Le savoir-faire de Messer nous permet de proposer des solutions clefs en main permettant de tirer le meilleur parti possible de ces gaz, de la consultation à la conception de l’équipement, sans oublier l'installation, l'assistance et la maintenance. »]

Les normes doivent donc évoluer mais le cadre doit aussi se stabiliser. « Car la course aux normes est dangereuse, souligne Philippe Tarting, directeur et fondateur de Purostar, spécialisée dans la coagulation, la flottation, la décantation et la floculation. Caler ses prestations de traitement sur le rythme de l'évolution de la réglementation conduit à prendre des risques disproportionnés », affirme-t-il. Philippe Tarting souligne la nécessité de savoir s'adapter à un contexte réglementaire et normatif strict tel que celui qui prévaut au sein de l'Union, aussi bien qu'à l'export, hors de l'Union, lorsque la réglementation, parfois moins stricte, ouvre la voie à une créativité et des expérimentations plus ouvertes.

D’autant que hors de France, les réalisations se multiplient. En Espagne, par exemple, les eaux usées traitées par l'usine du complexe pétrochimique de Tarragone, par association des éléments d'osmose inverse DOW FILMTEC™ de Dow Water & Process Solutions et du procédé Actiflo™ de Veolia, sont ensuite redirigées vers différentes usines du complexe afin d’être réutilisées dans les process industriels. Les prélèvements dans l'Ebre ne représentent plus que 10 % des volumes utilisés dans le craqueur d'éthylène de Dow Chemical (voir EIN n° 390), avec l'objectif de réduire cette quantité à 10 % avant la fin 2016.

L'évolution du prix des matières premières est un autre facteur important. De nombreuses entreprises anticipent ainsi un retour des prix des marchés des matières premières à un niveau nettement plus élevé.

Elles font d'ores et déjà évoluer leurs processus de traitement en intégrant le recyclage des concentrats alors même que le prix de l'énergie est au plus bas. Aux Pays-Bas, Exonia a ainsi développé un procédé permettant le traitement des substrats des méthaniseurs et de l'ammoniac émis. Ils sont dorénavant assimilés à une production d'engrais minéraux (NPK). Leur commercialisation permet de réduire la dépendance des agriculteurs néerlandais vis-à-vis des importations. Dans l'industrie agroalimentaire, le dégraissage des carcasses suivi d'un traitement par évaporation permet de produire des graisses de qualité alimentaire.

Les industriels ont pris conscience du fait que l'avenir de leur production repose sur la préservation des ressources naturelles en limitant les consommations et en intégrant le recyclage dans les processus de traitements. La pérennité de leurs activités en dépend. La transition vers le mode circulaire ne fait que commencer...

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