Bonne nouvelle pour l'environnement urbain : le traitement des eaux pluviales s'avère de plus en plus efficace et contrôlé grâce au foisonnement de solutions industrielles. L?effort porte actuellement sur la dépollution avant stockage ou infiltration, solution préconisée autant que possible, et sur la régulation des débits rejetés. De plus en plus d'industriels proposent des solutions de prétraitement des eaux pluviales garanties, voire certifiées. Elles pourront bientôt être normalisées.
Par , Technoscope
Bonne nouvelle pour l'environnement urbain : le traitement des eaux pluviales s’avère de plus en plus efficace et contrôlé grâce au foisonnement de solutions industrielles. L’effort porte actuellement sur la dépollution avant stockage ou infiltration, solution préconisée autant que possible, et sur la régulation des débits rejetés. De plus en plus d’industriels proposent des solutions de prétraitement des eaux pluviales garanties, voire certifiées. Elles pourront bientôt être normalisées.
« Le traitement des eaux pluviales est un marché toujours en croissance », rappelle Dominique Anceaux, directeur du département génie civil et infrastructures chez Rehau, l’un des principaux acteurs français et européen du secteur. Il rappelle que cet état de fait est en grande partie dû à la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 dont l'un des objectifs est l’atteinte, en 2015, d’un bon état écologique des eaux selon la directive-cadre sur l'eau (DCE). Force est de constater que, malgré les progrès accomplis, la France n’a pas pu se mettre en conformité avec cet objectif en termes de dépol-
Birco
solution (voir notre dossier sur le sujet dans EIN 382).
Pourtant, les solutions techniques en matière de gestion et de traitement des eaux pluviales se développent à un rythme rapide. Elles démarrent désormais très en amont avec les solutions de drainage de plus en plus élaborées proposées par des acteurs comme ACO, Funke, Hauraton ou Birco qui associent désormais à la collecte des eaux de pluie des phases de filtration et de sédimentation.
Elles se prolongent par une grande variété de solutions de collecte et de stockage développées par Tubao, Tubosider, Amiantit, HOBAS, Chapsol ou Apro qui associent elles aussi de plus en plus souvent au stockage des dispositifs de prétraitement.
De même, les structures alvéolaires ultralégères développées par ACO (Strombrixx®), Nicoll (Waterloc®), Rehau (Rausikko®), Wavin (Q-Bic®), Fränkische (Rigofill®), Nidaplast (AZbox®), Sotra Seperef (Rainbox®), Polypipe (Polystorm®) ou Funke et Simop intègrent des systèmes de prétraitement de l'eau positionnés en amont de l'ouvrage.
Quant aux solutions de dépollution proposées par de nombreux industriels comme Techneau, Saint Dizier Environnement, Fränkische, Wavin, IFB Environnement, Horus, Stradal, ou Simop, elles sont à même de faire la preuve aujourd'hui de leur efficacité. Car un des points clé mis en évidence ces dernières années concerne la dépollution. De nombreuses solutions sont apparues, difficiles à comparer. Mais ce sera bientôt de l'histoire ancienne puisqu’un travail est engagé à l’Afnor sur ce sujet (cf. encadré) et devrait porter ses fruits d'ici deux à trois ans. En attendant, certains industriels ont choisi de faire certifier leurs solutions en Allemagne, référence sur le sujet, par le syndicat des fabricants d’ouvrages préfabriqués pour la dépollution des eaux pluviales (ISGH) ou par le CSTB. Il est avéré que les eaux pluviales en milieu urbain souffrent de pollution chronique, essentiellement particulaire, notamment d'origine automobile ou atmosphérique. Oxydes d’azote, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), PCB, métaux lourds comme le zinc, le plomb ou le cadmium, phtalates, pesticides, etc., la liste est aussi longue que les sources (érosion, trafic routier, industries, apports atmosphériques, matériaux divers...). La majeure partie de ces polluants rejoint les eaux de ruissellement et se fixe sur les matières en suspension (MES) ou dissoutes. Au-delà de la limitation des émissions, la gestion des eaux pluviales doit permettre, autant que possible, de bloquer cette pollution avant qu'elle ne rejoigne les réseaux d’assainissement ou les milieux naturels.
Des solutions certifiées associées à des équipements mieux exploités
Outre les dégrilleurs qui bloquent les déchets de grandes dimensions et les bassins de décantation (enterrés en zone urbaine ou temporaire), les industriels proposent depuis le début des années 1990 différents types de décanteurs, autant de systèmes dans lesquels les MES sédi-
Amiantit lance un concept de dégrillage à l’intérieur du bassin de stockage
Amiantit est spécialisé dans les solutions en composite PRV (polyester renforcé de fibre de verre) comme les canalisations de grand diamètre Flowtite. La société lance cette année un système de stockage, baptisé Amiscreen, permettant un meilleur prétraitement des eaux pluviales avant rejet dans le milieu naturel. À l'intérieur du bassin de stockage, des tubes Flowtite sont en partie recouverts de grilles de retenue, ce qui empêche les matières solides grossières d'y pénétrer. L’eau recueillie dans ces tubes est ainsi prétraitée avant de rejoindre le déversoir d’orage. La grande surface de grille limite les débits, réduisant les risques de colmatage. Par temps sec, les matières solides retombent au fond du bassin de stockage sous l’effet de leur poids. Un maillage de 8 mm × 8 mm retient la totalité des particules de plus de 8 mm, 50 % des particules de 4 mm et 25 % de celles de 2 mm. Le système a été installé à Winterberg, en Allemagne, avec des tubes Flowtite filtrants (crible de 22 mm) dans un espace de stockage de 250 m². Le débit peut aller jusqu'à 700 l/s au niveau du déversoir d’orage. Le débit au niveau de la grille est passé de 0,75 m/s (débit linéaire conventionnel) à 0,03 m/s, en dessous des recommandations DWA (0,05 m/s). La maintenance (rinçage) est très limitée.
Les polluants sont concentrés sous forme de boues à évacuer vers des sites de traitement. Beaucoup d’industriels proposent des décanteurs lamellaires, des systèmes simples, fiables et d’entretien facile (plusieurs fois par an) : des lamelles parallèles inclinées multiplient la décantation avec une moindre emprise au sol comparé à un bassin de décantation. Les boues glissent sur les lamelles et tombent au fond. Le cadre normatif faisait défaut jusqu'en 2011, date à laquelle l’ISGH a défini une charte. Objectif : préciser les caractéristiques techniques des décanteurs. Pour les différencier des décanteurs lamellaires, l’ISGH les a baptisés décanteurs-dépollueurs. « Dans cette charte, le champ d'application, le dimensionnement, l'accessibilité, la stabilité structurelle et le revêtement sont précisés », indique Jean-Yves Viau, directeur opérationnel de Saint Dizier Environnement qui a dirigé cette commission technique. Les fabricants comme Bonna, Saint Dizier Environnement, Stradal ou Techneau ont adapté leur gamme selon cette charte et proposent désormais ces équipements qui garantissent un abattement de 75 % du flux annuel de MES (cf. EIN 382).
Mais d'autres solutions de dépollution se développent. Saint Dizier Environnement commercialise ainsi depuis 2011 le Stoppol, un système qui assure le dégrillage, la décantation et la filtration des eaux de ruissellement en retenant la pollution particulaire et la pollution dissoute à l'aval des avaloirs pour des rejets en milieu naturel et pour des bassins-versants inférieurs à 1 000 m². Le système est certifié par le NRW en Allemagne, suite aux mesures réalisées pendant un an par l’IKT sur un Stoppol recueillant les eaux de ruissellement d'une rocade à Müschedel (Allemagne) : 80 % des MES sont interceptées avec un seuil de coupure de diamètre médian de 28 µm.
Autres équipements dont l’exploitation s'est nettement améliorée : les séparateurs d’hydrocarbures (parfois appelés déshuileurs), développés par des sociétés telles que ACO, Saint Dizier Environnement, Stradal, Techneau, Purostar, MSE, Remosa, Ecoxper, Simop ou Sahler. Bien qu'ils soient soumis à des normes (NF EN 858-1 et NF EN 858-2) quant à leur fabrication, leur dimensionnement, leur installation et leur entretien, ils ont, dans le passé, été parfois utilisés à mauvais escient ou insuffisamment entretenus, et ont contribué à brouiller les messages. Les choses sont aujourd’hui plus claires, comme l'a conclu le Sétra (Service d'études techniques des routes et autoroutes) en 2008 : ces équipements, dès lors qu’ils sont bien surveillés et correctement entretenus, sont efficaces pour intercepter des pollutions massives comme celles des stations-services, des aires de lavage, des aéroports ou lors de déversements accidentels, dès lors que les hydrocarbures sont libres et en abondance. En revanche, ils ne sont pas conçus pour traiter des eaux de ruissellement dont la concentration en hydrocarbures ne dépasse pas en général 5 mg/l. Surtout, les séparateurs d’hydrocarbures ne per-
mettent pas de piéger les MES auxquelles sont fixés la plupart des polluants des eaux de ruissellement.
Soigner les dimensionnements
La gestion des eaux pluviales à la parcelle est désormais la règle en Europe : on cherche à les infiltrer au plus près possible de leur chute au lieu de les évacuer via un réseau d’assainissement au plus loin et au plus vite (politique du tout-tuyau).
On évite ainsi de saturer les réseaux, les ouvrages de traitement, on limite les inondations, les flux de polluants et on accroît le rechargement des nappes phréatiques.
Fossés, noues, massifs filtrants, bandes enherbées, puisards, bassins de stockage (bassins de rétention, d’orages, de récupération d’eaux de pluie), Saul (Structures alvéolaires ultralégères), etc. sont autant de techniques dites alternatives au réseau d’assainissement. Ces ouvrages de stockage, de filtration et d’infiltration, utilisables aussi bien pour les eaux de ruissellement provenant
des toitures que celles des espaces publics (voiries ou parking), sont utilisés en fonction des contraintes locales et des objectifs poursuivis. Le transport reste notamment nécessaire lorsque la nappe phréatique est subaffleurante ou lorsque le plafond de la nappe est à un mètre (ou deux mètres selon les règlements) du fond de l’ouvrage.
Le dimensionnement des solutions de stockage reste un point critique comme on le rappelle chez Tubao qui développe des canalisations en acier galvanisé de grands diamètres. Il doit être calculé en fonction des surfaces de collecte de pluie (si possible sur la base de pluies réelles mesurées sur le site ou un site voisin) et des coefficients de ruissellement selon la méthode de référence préconisée par la collectivité ou l’organisme gestionnaire. Quelle qu’elle soit, elle tiendra compte de la période de retour (événement pluvieux de référence) selon les enjeux en aval et du débit de fuite admissible, l'infiltration totale étant désormais privilégiée (le débit de fuite est alors la capacité d’infiltration du sol).
Largement utilisés, les ouvrages d’infiltration doivent également être correctement dimensionnés et surveillés pour assurer leur rôle de façon efficace et pérenne, sans être colmatés, notamment selon les règles de bonne pratique de l'OTHU (cf. encadré). « Selon les règles de l'OTHU, des décanteurs sont nécessaires en amont de ces ouvrages lorsque la surface d'infiltration de la noue est inférieure à 5 % de la surface de récupération totale du bassin-versant, précise Benoit Daval, ingénieur chez Techneau. Par ailleurs, en présence d'un décanteur installé en amont, l’ouvrage d’infiltration bénéficie de critères de conception favorisant son intégration (dimensions réduites), en assurant sa pérennité. La protection d’un décanteur est également requise lorsque l’ouvrage d'infiltration est végétalisé et donc particulièrement vulnérable à un éventuel déversement accidentel de polluants liquides. Le décanteur dépollueur représente un complément idéal aux solutions alternatives de gestion des eaux pluviales urbaines ». Le prétraitement avant infiltra-
Le prétraitement avant infiltration ou stockage devient la règle
« Lorsqu’une solution de stockage enterré est mise en place, un ouvrage de traitement primaire doit être prescrit, en amont de celui-ci, pour le protéger, souligne Stéphane Moncomble, directeur commercial chez Cimentub. Selon le projet, cet ouvrage doit avoir pour fonction de dégriller les flottants, de retenir les hydrocarbures, de dessabler, d’isoler la pollution accidentelle, de bloquer les MES, etc. Les fonctions de régulation et de surverse sont traitées à l’aval du bassin par un autre ouvrage hydraulique ».
« Nous intervenons de plus en plus souvent pour remplacer par des Sedi-pipe des puisards d’infiltration en matériaux granulaires, notamment lorsqu’ils se colmatent et débordent, confirme Julien Péry, responsable technique et développement chez Fränkische France. Pour favoriser la pérennité de l’ouvrage, nous proposons d’installer nos systèmes de prétraitement Sedi-pipe ». Les systèmes de Fränkische sont un peu à part dans le monde des décanteurs : « Même si le principe est le même, basé sur la gravité, leur comportement hydraulique ne suit pas les mêmes lois que les décanteurs-dépollueurs définis par l’ISGH, explique Julien Péry. Au lieu de compartiments rectangulaires, les Sedi-pipe sont des tubes en contrepente dans lesquels les MES sont ralenties ».
L’entreprise a privilégié, comme à son habitude, une démarche de certification, en France avec le CSTB. « Après trois années de discussion, toute notre gamme (7 produits) est certifiée selon l’avis technique 17/15-291, se félicite Julien Péry. C’est la première certification d’un système de traitement en France. Elle a été établie sur la base de prélèvements et analyses menées par le CSTB à Moulins-Lès-Metz (Moselle) dans un lotissement de maisons.
individuelles selon un référentiel en partie inspiré de la notice allemande DWA-M 153 reconnue au niveau européen pour le dimensionnement des ouvrages de pré-traitement des eaux pluviales.
D’autres industriels pourraient qualifier leurs systèmes selon ce référentiel, mais la plupart attendront probablement la normalisation. En une dizaine d’années, Fränkische a fait la preuve de la qualité de ses solutions. « Depuis 2009, nous avons installé 150 Sedi-pipe en milieu urbain, à Strasbourg, Lille, Lyon, etc., certains couplés à des SAUL Rigofill-Inspect pour dépolluer, collecter et infiltrer l’eau, précise Julien Péry. Notre première installation de ce type est en fonctionnement à La Rochelle depuis 2010, et reste une référence : 7 systèmes Sedi-pipe DN600 de 18 mètres et un stockage Rigofill traitent et collectent 7 ha d’eaux pluviales. L’entretien n’est nécessaire qu’une fois par an. Trois tonnes de boues ont été récupérées au lieu des 2,5 tonnes prévues, preuve que l’ampleur de la pollution avait été sous-estimée. » L’industriel passe à la vitesse supérieure avec le dernier projet en cours, dans le canton de Genève (Suisse), à Meyrin (cf. encadré) ou encore la dépollution d’une partie des eaux pluviales de Lausanne (Suisse), avant de rejoindre le lac Léman.
« Nos plus petits projets concernent des bassins-versants de moins d’un hectare, explique Julien Péry (Fränkische), comme ce rejet en milieu naturel près de Rennes où un Sedi-pipe Level de 6 m a été intercalé sur la canalisation après coupure. »
de part et d’autre ». Même son de cloche chez Techneau qui installe des décanteurs-dépollueurs en amont d’ouvrages d’infiltration ou du milieu récepteur pour traiter les eaux de pluie de petits parkings ou d’aires de carénage de 400 m² jusqu’à des sites de 5 ha. La plupart des installations sont de petite taille comme des lotissements confirme Dominique Anceaux chez Rehau : « Depuis quelques mois, nous installons plusieurs petits bassins de 20 à 30 m² de Saul pour traiter 4 à 5 maisons chacun. À côté de cela, nous avons conçu un bassin de 5600 m² à Marseille ou de 1500 m² pour un supermarché dans le Nord ». Rehau commercialise une gamme complète de pré-traitements, du décanteur Rausikko SediClean jusqu’au système complet Rausikko Hydromaxx qui peuvent être associés à un stockage en Saul Rausikko Box. « Nos solutions sont testées par le laboratoire allemand IKT selon le référentiel DWA-M 153 du DIBT et par le SKZ (autre organisme de certification allemand) », rappelle Dominique Anceaux.
Débits autorisés : la régulation est essentielle
Outre la canalisation, le traitement, le stockage des eaux pluviales, un autre aspect essentiel concerne le respect des débits autorisés rejetés dans les réseaux ou dans le milieu naturel via un déversoir d’orage ou infiltrées dans le sous-sol via un bassin d’infiltration.
C’est fondamental pour éviter de saturer l’exutoire, notamment là où l’infiltration est techniquement difficile comme en zone urbanisée ou dans des régions argileuses ou rocheuses. Saint Dizier Environnement (Regard PVX, adaptés à des débits de 1 à 8 l/s), Techneau, UFT France, Sotra Seperef ou encore Rehau proposent des solutions qui reposent sur le principe du vortex : l’augmentation de la vitesse de rotation dans le cône crée une perte de charge entraînant une réduction de la section hydraulique.
Ces régulateurs peuvent être intégrés en aval des ouvrages de stockage ou directement dans ces derniers. « Nous commercialisons des régulateurs et des contrôleurs de débit depuis 20 ans, rappelle Benoit Daval. Notre dernier système repose sur une chambre de régulation à seuil calibré de type labyrinthe, sans élément mécanique, avec un débit nominal et de pointe adapté aux décanteurs-dépollueurs. Conçue pour maîtriser les hauteurs d’eaux maximales en période d’orage, elle permet une parfaite répartition du flux entrant et évite toute surcharge hydraulique dans l’appareil de traitement ».
Grâce à cette sensibilisation croissante au pré-traitement et à la régulation, la gestion et le traitement des eaux pluviales progresse.
Et même si les objectifs de la DCE n’ont pas été atteints, ils ont assurément contribué à structurer le marché autour de solutions industrielles désormais encadrées, voire certifiées, et bientôt normalisées.