Your browser does not support JavaScript!

Solaire, hydroélectricité, biomasse, éolien, turbinage : exploiter les énergies renouvelables

28 decembre 2015 Paru dans le N°387 à la page 82 ( mots)
Rédigé par : Christophe BOUCHET

Après des décennies de croissance alimentée par la consommation de quantités toujours plus importantes d'énergies fossiles, l'énergie décarbonée pointe le bout de son nez : d'ici 2030, c'est à dire demain, 32 % de la consommation d'énergie, dont 40% d'électricité, devra être assurée par les énergies renouvelables. Les professionnels de l'eau sont d'autant plus concernés qu'ils peuvent exploiter plusieurs sources d'énergies renouvelables issues de leurs propres process. Revue de détail.

Solaire, éolien, biomasse… les énergies renouvelables montent en puissance en France. Dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), Ségolène Royal, la ministre de l’Écologie, a fixé, à la mi-novembre 2015, des objectifs très ambitieux en la matière. Qu’on en juge : un triplement des capacités installées pour le solaire et l’éolien terrestre, une augmentation de près de 40 % de la production de chaleur issue de la biomasse, un dévelop-

[Publicité : CIFFA SYSTEMES]
[Photo : Véritable vitrine de la Métropole européenne de Lille, Ovilléo, la station d’épuration de Marquette-lez-Lille (620000 EH), couvre 90 % de ses besoins en énergie thermique grâce au biogaz produit.]

…pement exponentiel du biométhane pour atteindre 6 TWh, et plus de 60 MW de nouvelles capacités en matière d’hydroélectricité !

Vœux pieux ? Voire... Pour de nombreux professionnels de la filière renouvelable, même si les objectifs fixés pour les différentes filières ne sont pas tous atteints au seuil des échéances fixées, nous sommes bel et bien sur la trajectoire requise pour satisfaire aux exigences de la loi sur la transition énergétique. Mais l’effort devra être soutenu car, selon le panorama de l’électricité renouvelable publié par RTE (Réseau de transport d’électricité), les énergies renouvelables n’ont couvert, en France, que 19,3 % de la consommation électrique entre le 1ᵉʳ juillet 2014 et le 30 juin 2015.

Après avoir, durant des années, incité à maîtriser les consommations d’énergie, voici donc venu le temps de développer le recours aux énergies renouvelables. L'objectif ? Assurer la sécurité d’approvisionnement en diminuant notre dépendance vis-à-vis des énergies primaires, notamment du gaz et du pétrole, mais aussi lutter contre l’effet de serre, améliorer la qualité de l’air tout en progressant dans l’élaboration d'une stratégie bas-carbone.

Les professionnels de l’eau sont bien évidemment concernés. D'abord parce que le traitement de l'eau, sa gestion et sa distribution sont, à certaines étapes, fortement consommateurs d’énergie. Ces consommations peuvent, dans certains cas, faire l'objet d'une substitution d’une énergie à une autre en fonction de leur facteur d’émission de gaz à effet de serre. Mais aussi parce que plusieurs procédés de traitement permettent également de produire de l'énergie dont une partie peut être réutilisée au sein du process ou de l'exploitation, mise à la disposition d'usages locaux, ou encore injectée au réseau. C’est par exemple le cas des stations d’épuration dont le potentiel, en termes de production d'énergie, ne cesse d’être réévalué.

Stations d’épuration : un potentiel énergétique sans cesse réévalué

En France même, plusieurs usines telles Ovilléo à Marquette-lez-Lille ou Aquaviva à Cannes, respectivement construites et exploitées par Veolia et Suez, revendiquent déjà une quasi-autosuffisance en énergie associée à un bilan carbone neutre. La station lyonnaise d’Aqualyon-la Feyssine, construite par SUEZ en 2011 pour desservir l'équivalent de 300 000 habitants, comble 75 % de sa consommation d’énergie grâce au seul biogaz qui alimente ses chaudières. Ovilléo, la station d’épuration de Marquette-lez-Lille, couvre 90 % de ses besoins en énergie thermique. Le SIAAP produit déjà 50 % de la consommation énergétique totale de l'ensemble de son réseau et de ses six usines (9 M habitants), grâce au biogaz produit par ses stations Seine Aval, Valenton et Seine Grésillons.

C’est que la méthanisation des boues, procédé historique, a été, ces dernières années, la voie royale d’amélioration de l’efficacité énergétique des usines. Elle présente de nombreux avantages : elle élimine de 5 à 10 fois plus de pollution par volume de réacteur et par unité de temps sans consommer d’énergie, notamment celle utilisée pour transférer l’oxygène en aérobiose. Elle génère moins de boues : 5 % de la DCO consommée en boues biologiques contre 20 à 40 % en boues activées, ce qui n'est pas négligeable lorsque l'on sait que 1 m³ d’eaux usées produit de 350 à 400 g de boues. Enfin, elle peut produire de l’énergie : en théorie, et par kg de DCO éliminée, 760 l de biogaz (50 % CH₄ et 50 % CO₂) qui peut être valorisé in situ, sous forme d’électricité, de chaleur, et de biocarburant après transformation en biométhane, ou ex-situ dans le réseau de gaz naturel.

Le procédé permet également à la station d’épuration d’accueillir des déchets fermentescibles susceptibles d’être co-méthanisés avec les boues.

Du coup, alors que la méthanisation était

[Photo : Gasco construit et exploite des unités d’épuration du biogaz quelle qu’en soit l’origine : décharge, station d’épuration, méthaniseur.]
[Publicité : WaterDiam]
[Photo : En industrie fromagère, Valbio a mis en service une unité de méthanisation du lactosérum baptisée Savoie lactée, à Albertville, pour l’Union des Producteurs de Beaufort. Le traitement de 50 millions de litres de lactosérum par an permet de produire du biogaz qui génère 8 millions de kWh d’énergie verte.]

Initialement privilégiée en traitement d’effluents fortement chargés en matières organiques, notamment en industries agroalimentaires (typiquement de 10 kg à 50 kg de DCO par mètre cube), elle n’a cessé de voir son champ d’application s’élargir, boostée par le développement de réacteurs souples, tolérants, simples à exploiter.

Associés ou non à une étape de finition aérobie, les systèmes UASB (Upflow Anaerobic Sludge Blanket), compacts, stables et adaptés au traitement de grands volumes d’effluents ont été déclinés en de multiples variantes par différents acteurs tels que Enprotech, Paques, Exonia, Proserpol, Methaneo, Ovive, Aeroe, Finaxo Environnement ou encore Valbio. Ils permettent d’abattre jusqu’à 95 % de la DCO tout en permettant de produire un biogaz valorisable en cogénération ou, depuis l’an dernier, en biométhane.

Cet élargissement des modes de valorisation susceptibles de répondre à un large spectre de contraintes a permis de multiplier les projets de méthanisation. Les producteurs de biogaz ne sont plus contraints de choisir l’une ou l’autre forme de valorisation. La cogénération, éprouvée, permet de fournir localement électricité et chaleur en adaptant la production aux besoins et coexiste désormais avec la filière biométhane qui s’est structurée autour de différents bureaux d’études comme Solagro ou Erep ou acteurs comme Arol Energy, CEFT, Gaseo, Prodeval ou Naskeo Environnement qui se chargent de l’épuration préalable du biogaz et de sa mise aux normes en exploitant, selon les cas, cinq familles de technologies : les technologies de lavage à l’eau ou bien aux amines, qui absorbent le CO₂, l’adsorption à pression alternée (PSA) qui nécessite le stockage du gaz sous pression, les technologies membranaires et, enfin, la cryo-condensation, notamment développée par la société Cryo Pur, qui consiste à descendre la température pour séparer les gaz, et qui permet d’être intégrée à la liquéfaction du biométhane.

Pour un même type de valorisation, le choix s’opère en premier

[Photo : Firmus France et Belectric France se sont associées pour proposer une solution de traitement par nanofiltration, d’une eau de forage contenant des nitrates, couplée aux énergies photovoltaïques et éoliennes. Le débit de production de 500 L/h permet d’alimenter en eau potable le lycée Al Annour de Sidi Taïbi. Les panneaux solaires et l’éolienne fournissent l’énergie nécessaire pour l’unité de traitement et une partie des besoins électriques de l’établissement.]
[Photo : Energido, le procédé développé par Veolia, a été implanté sur plusieurs sites aquatiques parmi lesquels le centre Aquala à Aix-les-Bains ou encore le Centre aquatique de la Communauté urbaine d’Arras (cf. ci-dessous) où il couvre plus de 50 % des besoins annuels en chauffage, auparavant assurés par des chaudières à gaz.]
[Publicité : CREA TEST]
[Photo : La performance et le coût des micro-turbines développées par Turbiwatt ouvrent la voie à une rentabilité économique rapide sur de nombreuses applications, notamment en traitement et distribution de l’eau.]

lieu selon la taille de l’installation et la qualité du biogaz produit.

Arol Energy propose les gammes d’épuration AE-Amine, AE-Membrane et AE-Compact basées sur les technologies de lavage aux amines et membranaire avec des gains opérationnels importants pour les utilisateurs. L’entreprise réalise actuellement une unité AE-Amine en France avec à la clé des gains opérationnels pour le client. Ces aspects opérationnels doivent être au cœur du choix des technologies par les utilisateurs.

Certains acteurs ont développé des offres globales pour accompagner les exploitants dans leurs démarches, maîtriser les risques financiers et sécuriser sur le long terme les engagements des différents partenaires. C’est par exemple le cas de Prodeval qui propose des solutions globales et clé en main pour l’ingénierie, la fourniture et la maintenance de lignes complètes de traitement, d’Arol Energy avec ses partenaires en ingénierie et en maintenance, ou encore d’Eneria qui propose des installations clés en main depuis quelques dizaines de KWe pour des méthaniseurs agricoles jusqu’à plusieurs MWe pour des projets territoriaux. Eneria intervient depuis les études, la maîtrise d’œuvre et d’ouvrage jusqu’au contrat d’exploitation et garantit les performances et la disponibilité durant toute la durée du contrat.

Le contexte de soutien au biogaz s’est lui aussi amélioré. Un arrêté en date du 30 octobre 2015 a en effet modifié les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations qui valorisent le biogaz. Il permet aux installations de méthanisation existantes ou en phase avancée de développement de bénéficier, sous conditions, de tarifs d’achat revalorisés à hauteur de 10 %. Un deuxième arrêté est attendu pour les nouvelles installations dont la puissance est située entre 100 et 500 kW. « Pour la filière biogaz, cette revalorisation devrait permettre de sauvegarder des sites en fonctionnement, dont certains sont en très grande difficulté, estime le Syndicat des énergies renouvelables. Cette nouvelle filière a besoin d’un soutien particulier des pouvoirs publics ». Parallèlement, de nouveaux mécanismes sont annoncés pour janvier 2016 parmi lesquels un tarif d’achat pour les futurs sites de méthanisation, stations d’épuration et installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) de moins de 500 kWe ainsi qu’un complément de rémunération pour les STEP et ISDND (en guichet ouvert) et pour les sites de méthanisation (en appels d’offres) de plus de 500 kWe.

Les conditions d’un développement plus soutenu de la filière semblent donc réunies. Mais d’ores et déjà, la station de Strasbourg-la Wantzenau, 4ᵉ plus importante station de France, a été la première à injecter son biométhane directement dans le réseau de gaz naturel dans le cadre du projet BIOVALSAN pour lequel SUEZ est partie prenante. 16 GWh/an de biogaz devraient y être produits chaque année, de quoi alimenter l’équivalent de 5000 logements ou 1500 véhicules roulant au gaz naturel. De même, la station Aquapôle à Grenoble, qui a confié la réalisation et l’exploitation d’une unité de valorisation du biogaz excédentaire à SUEZ et Gaz Électricité de Grenoble, injectera également son biométhane au réseau, tout comme la station d’épuration d’Élancourt (40 000 EH) à partir du 1ᵉʳ trimestre 2017. Et les projets se diversifient. Un démonstrateur industriel d’épuration et de liquéfaction pour la production de BioGNL, mené dans le cadre des investissements d’avenir de l’ADEME, est en cours de tests par SUEZ et Cryo Pur sur la station d’épuration Seine Amont du SIAAP à Valenton.

[Photo : Eneria, qui propose des installations clés en main depuis quelques dizaines de KWe pour des méthaniseurs agricoles jusqu’à plusieurs MWe pour des projets territoriaux, intervient depuis les études, la maîtrise d’œuvre et d’ouvrage jusqu’au contrat d’exploitation et garantit les performances et la disponibilité durant toute la durée du contrat.]
[Publicité : Adeunis RF]
[Encart : La pico-turbine, développée par Save Innovations, peut être insérée dans une canalisation d’eau potable pour générer une puissance électrique suffisante pour alimenter des capteurs et transmetteurs. Elle a été sélectionnée par la Ville de Paris au titre des solutions durables d’avenir présentées au grand public dans le cadre de la COP21.]
[Photo : L’hydrolienne : Il y a de l’électricité dans l’eau]

Exploiter les matières organiquescontenues dans les effluents

Au-delà des boues, les effluents et jus industriels fortement concentrés en matières organiques et minérales (effluents agroalimentaires, viticoles, d’élevage... etc) peuvent également faire l'objet d'une valorisation énergétique. Ainsi, les jus de choux traités par la station de traitement des eaux usées de Meistratzheim construite et exploitée par SUEZ dans le bassin de l'Ill (67), d'une capacité de 200 000 EH, sont traités avec les eaux usées via une filière de traitement biologique renforcée par un dispositif de filtration finale avant d'être méthanisés. Le biogaz produit est valorisé en chaleur et énergie grâce à deux moteurs de cogénération de 90 kW chacun (EIN n° 360).

En industrie fromagère, Valbio a mis en service une unité de transformation du lactosérum baptisée Savoie lactée à Albertville. Le traitement mis en œuvre repose sur deux brevets Methacore® et GSBR®, et permet, sur la base d'un traitement biologique par méthanisation, d’obtenir un rendement épuratoire de 99 %, permettant ainsi un rejet de l'eau traitée au milieu naturel. La solution permet de consommer 10 fois moins d’électricité et de produire 5 fois moins de boue et la production d’énergie est estimée à 8 000 000 kWh par an.

Exonia, de son côté, réalise actuellement une unité de traitement des digestats d'une capacité de 27 m³/h avec revalorisation de l'ammoniaque extrait de l’effluent puis raffiné.

Les eaux usées urbaines représentent également une source potentielle d’énergie grâce aux substances organiques qu’elles contiennent, potentiellement porteuses de suffisamment d’énergie chimique pour compenser la quantité d’énergie nécessaire à leur traitement et même de générer un surplus. Ce potentiel a été démontré par Veolia et la Régie de l’eau de Berlin via le projet CARISMO (CARbone IS MOney). Le concept repose sur une séparation des substances organiques de l'eau en amont du traitement pour les transférer directement dans les installations de digestion et de traitement des boues. Une grande partie de la matière organique peut alors être filtrée et utilisée comme “boues primaires” synthétisant du biogaz, lui-même utilisé sur place pour produire de l’électricité. Cette méthode de filtration des eaux usées, testée pendant 18 mois sur une installation pilote à la station d’épuration de Stahnsdorf, a permis de constater que les tamis à tambour pouvaient être exploités de manière stable sur la durée et avec un faible entretien. Grâce à ce prétraitement, 70 à 80 % des substances organiques et 80 % de la substance fluorescente ont pu être séparées en amont. La boue organique récupérée après épaississement mécanique a permis de produire 80 % de biogaz en plus que dans le cas d'un système de traitement en aval. Dans le même temps, la consommation d’énergie diminue de 50 % pour le traitement des eaux usées. Le bilan énergétique du processus de traitement des eaux usées devient ainsi positif.

D’autres solutions existent qui permettent d’améliorer le bilan énergétique d’un site en ne modifiant les process qu’à la marge. C'est le cas de la récupération de chaleur qui offre de multiples débouchés.

La récupération de chaleur : de multiples débouchés

Les eaux usées collectées transitent vers les installations de traitement à des tem-

[Photo : Le procédé E.R.S. (Energy Recycling System) de Bioludres, qui permet la récupération et la valorisation de la chaleur des eaux usées grises, enregistre un Coefficient de Performance (COP) supérieur à 4. Ainsi, si le système E.R.S. utilise 1 kWh d'énergie pour son fonctionnement complet (compresseurs, circulateurs, armoire d'automatisme et de régulation, compteurs, nettoyage automatique), il restitue au moins 4 kWh.]
[Photo : Sur l'usine Marne Aval du SIAAP la toiture des 18 bassins de biofiltration est recouverte de 950 panneaux photovoltaïques permettant d’alimenter l'ensemble des installations nécessaires aux bâtiments : éclairage, réseau informatique, ventilation,... etc.]

Températures relativement stables, généralement comprises entre 13 et 20 °C. Ces eaux peuvent ainsi constituer des sources d’énergie thermique alternative pour diverses applications en lieu et place d’énergies fossiles. Des procédés ont été développés qui reposent sur la mise en œuvre de pompes à chaleur eau/eau capables de valoriser l’énergie fatale perdue contenue dans les eaux usées. Degrés bleus® de Suez, Energido de Veolia, ERS® de Biofluides Environnement, ou encore FWGRS® de Firmus reposent peu ou prou sur ce principe, « qui nécessite cependant une certaine maîtrise technique tant du côté de la récupération des calories que du côté de leur réutilisation », comme le souligne Alain Mouré, Président de Biofluides Environnement. Cette entreprise développe depuis 2009 un procédé baptisé ERS permettant de récupérer les eaux usées issues des douches, baignoires, lave-linge ou lave-vaisselle, ou bien les eaux industrielles (condensats de vapeur, eaux de lavage, eaux chaudes de process...) à des températures variant entre 18 et 33 °C pour en récupérer les calories après les avoir fait circuler dans un échangeur et avant de les rejeter au réseau à une température comprise entre 8 ° et 9 °. « En tertiaire, le procédé séduit les bailleurs à la recherche d'une performance ou soucieux d'atteindre les normes thermiques imposées par le législateur, explique Alain Mouré. En restauration ou en industrie, les performances obtenues permettent dans bien des cas, et sans qu’il soit nécessaire de re-engineerer le process eau, de réduire le montant des factures énergétiques tout en facilitant l’atteinte des objectifs imposés par la réglementation ».

Firmus a développé de son côté un procédé dans le cadre d’un consortium avec EDF Optimal Solutions, Sherpa Engineering et MRI, associant un recyclage des eaux grises avec une récupération énergétique des calories qu’elles contiennent. « Nous disposons d’un applicatif unique permettant de simuler le fonctionnement du procédé et d’en estimer le temps de retour en fonction du prix de l’eau et de celui du kWh électrique » souligne Jean-Christophe Lasserre, Responsable Technique chez Firmus France. La technologie, implantée sur la station Concordia en Antarctique, est largement éprouvée puisque plus d’un millier de personnes ont utilisé ces eaux grises recyclées depuis 2005.

Sur le terrain, les réalisations font la preuve de leur efficience dès lors qu’elles reposent sur un débit d’eaux usées et une température suffisantes. À Belleville-en-Rhône-Alpes (69), un projet a été mis en place afin de récupérer la chaleur des effluents traités dans la station d’épuration pour produire de l'eau chaude sanitaire qui servira à alimenter les 9000 m² de bâtiments d’un projet immobilier et d'autres sites sur la commune. Le projet (480 kW) doit couvrir 80 % des besoins.

Degré Bleus®, le procédé développé par Suez, compte de son côté 11 références ce qui représente un linéaire total d’échangeurs installés de 1254 ml.

Energido®, le procédé développé par Veolia a été implanté sur plusieurs sites aquatiques parmi lesquels le centre Aqualac d’Aix-les-Bains ou encore le Centre aquatique de la Communauté urbaine d’Arras (Voir EIN n° 383) où il couvre plus de 50 % des besoins annuels en chauffage, auparavant assurés par des chaudières à gaz. À Berlin, un magasin IKEA d’une surface de 42000 m² est chauffé et climatisé par les eaux usées du réseau d'une filiale locale de Veolia. L’installation d’une pompe à chaleur et d'un échangeur de chaleur sur une dérivation du réseau d’eaux usées permet de récupérer des calories et fournit 70 % de l’énergie nécessaire au chauffage des locaux et la totalité de l’énergie utilisée pour leur climatisation. Les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 770 tonnes équivalent carbone par an et la récupération de chaleur équivaut à 1100 kW et celle de froid à 1700 kW. Sur l'usine de dépollution des eaux usées Ginestous-Garonne de Toulouse, il sert également à chauffer une plateforme de compostage des boues de 15000 m² et permet d’économiser 650000 kWh/an d’électricité.

L'affectation des calories récupérées au séchage des boues se développe. Aqualter l'a par exemple intégrée à son procédé de séchage solaire des boues Tersolair® : une pompe à chaleur récupère, via un échangeur, une partie des calories de l’effluent de sortie de station, pour chauffer à 45 °C l’eau qui va circuler dans le plancher chauffant de la serre, complétant ainsi le séchage solaire en particulier durant les périodes hivernales, permettant de garantir une siccité élevée, quelle que soit la saison. Le procédé doit être mis en œuvre sur les six serres solaires de la station d’épuration de Chartres Métropole, la plus importante en France à utiliser un tel procédé en France. Huber, Solairgies et Thermo System affectent également les calories récupérées sur leurs procédés de séchage solaire. Le bilan calorique du procédé repose là encore sur l'intégration du process et sur la disponibilité de flux à température suffisamment élevée.

À noter également que la récupération de calories peut également concerner des flux d'air qu'il peut être intéressant de récupérer pour limiter les consommations d’énergie fossiles. Ainsi, la conception de réseaux de dérivation d’air chaud pour une réin-

jection en un autre point de la ligne de traitement est capitale pour optimiser les consommations d'un site. Il est notamment en cours de mise en place sur la ligne d’incinération des boues de la station d'épuration Seine-Centre pour le SIAAP, en dérivant l'air chaud de fluidisation et en l’injectant en tête du réacteur catalytique, affichant une réduction de 30 % des apports d’énergie d’appoint initialement nécessaires pour préchauffer l’air.

En station d’épuration, usine de production d'eau potable ou réseau de distribution, l'exploitation des courants d’eau à faible vitesse peut également constituer une autre source d’énergie. C’est tout l’intérêt de la micro-hydroélectricité de proximité, exploitable dans de nombreux ouvrages.

La micro-hydroélectricité de proximité : exploitable dans de nombreux ouvrages

Quelle que soit son échelle, l’énergie hydroélectrique doit associer un débit d’eau et une hauteur de chute pour produire de l’énergie. La dénivellation, c’est-à-dire la hauteur de chute, est donc indispensable pour produire une énergie hydraulique. Un débit seul, même important, ne générera pas suffisamment d’énergie pour permettre une production significative. De plus, et jusqu’à assez récemment, les performances des turbines n’étaient pas suffisantes sur des basses chutes à faible débit. Du coup, et faute de rentabilité, cette ressource avait été délaissée.

Mais le développement récent de nouvelles micro-turbines a ouvert de nouveaux horizons. Turbiwatt a ainsi développé un nouveau concept technologique sur une base de turbines Kaplan (Axial) dédiées aux très basses chutes à partir de 1,20 m et 90 litres/sec.

La performance et le coût des micro-turbines issues de cette technologie permettent une rentabilité économique rapide sur de nombreuses applications, notamment en traitement et distribution de l’eau. Le concept repose sur un générateur basse vitesse, ultra-compact et à très haut rendement.

Sa petite taille permet de le loger dans la turbine, ce qui évite le recours à un arbre de transmission et augmente encore la performance. Cette conception permet également de réduire au nombre de deux les pièces d’usure (palier et roulement) et de standardiser la fabrication pour réduire le coût des micro-turbines. Car la rentabilité de l’exploitation repose sur un faible coût à l'achat qui s’échelonne, selon les puissances, de 1 200 € à 2 950 € du kW nominal. « À titre d’exemple, une turbine Lion de 36 kVA produira plus de 300 000 kWh par an, soit l’équivalent de 3 000 m² de panneaux solaires pour un investissement (hors génie civil) 20 fois plus faible » souligne-t-on chez Turbiwatt. Fin 2015, l’entreprise a déjà équipé une vingtaine de moulins et microcentrales, premier marché visé par l’entreprise lors de la phase initiale de commercialisation.

Lorsque le débit des eaux usées traitées et la hauteur de chute nette à la sortie d'une installation de traitement sont suffisants, il est donc désormais possible d’installer une turbine pour récupérer l’énergie hydraulique et produire de l’électricité. Veolia en exploite plusieurs à Bruxelles (640 kW), Madrid (180 kW) et Bucarest (426 kW). Suez assure de son côté un turbinage des eaux usées en amont et en aval de la station d'épuration d’As Samra en Jordanie.

De même, des micro-turbines peuvent être installées dans un réseau de production d'eau potable dès lors que le débit hydraulique est régulier et que la réduction de pression dans le réseau est possible. À Nice, la micro-turbine du site de Cap de Croix, exploitée par Veolia, d'une puissance de 180 kW, produit environ 850 000 kWh/an. Le débit de la turbine est de 150 l/s à 490 l/s. Trois autres turbines équipent le réservoir de Rimiez, qui est alimenté par l'usine de Super Rimiez. À terme, ces quatre turbines devraient représenter une puissance installée de 1,9 MW, équivalente à la consommation du tramway niçois.

Des techniques différentes peuvent être mises en œuvre pour exploiter des courants d’eau ou de fluides à faible vitesse et produire de l’énergie directement sur le lieu de consommation, pour alimenter un instrument ou un capteur, par exemple. Ainsi, Save Innovations développe une gamme de pico-turbines susceptibles d’être insérées dans les canalisations d’eau potable de diamètre compris entre 80 et 600 mm pour générer de l’électricité de faible puissance (de 20 à 200 W), suffisante pour alimenter des capteurs et transmetteurs. Ces pico-turbines génèrent très peu de turbulences dans l’écoulement et n’entraînent qu'une très faible perte de charge. La pression du réseau reste ainsi suffisamment élevée pour acheminer l’eau sans requérir d’équipement complémentaire. Save Innovations a été sélectionnée par la Ville de Paris au titre des solutions durables d'avenir présentées au grand public dans le cadre de la COP 21.

À noter que certains fabricants, comme par exemple Cla-Val avec son e-Power MP, un générateur d’énergie électrique fonctionnant à partir de l’énergie hydraulique, proposent également des solutions permettant de rendre autonome différents appareils placés dans l'environnement immédiat de leur équipement, tels que des systèmes de communication de type GSM/GPRS, des capteurs etc.

Solaire et éolien : un appoint non négligeable

Le solaire photovoltaïque et dans une moindre mesure thermique, et l’éolien peuvent constituer un apport non négligeable. Sur l’usine Marne Aval du SIAAP, la toiture des 18 bassins de biofiltration est recouverte de 950 panneaux photovoltaïques permettant d’alimenter l’ensemble des installations nécessaires aux bâtiments : éclairage, réseau informatique, ventilation, etc. Les 1 230 m² de panneaux solaires permettent de produire jusqu’à 150 000 kWh/an.

Au nord de Bruxelles, la station d’épuration Aquiris a équipé les 25 000 m² de toiture du site d'une dizaine de milliers de panneaux solaires disposant ainsi d’une capacité de production d’électricité renouvelable de 5 MW, ce qui équivaut à un quart de sa consommation énergétique annuelle. À Cannes, les 1 630 m² implantés sur la station d’épuration Aquaviva, construite par le groupement Suez/Triverio/GTM, produisent 280 000 kWh/an, soit l’équivalent de la consommation moyenne d'une centaine de foyers.

Plus exceptionnellement, le recours à l’énergie éolienne peut également constituer une réponse à l’autonomie des infrastructures. L’usine de dessalement de Perth, conçue, construite et exploitée par Suez et capable de produire jusqu’à 144 000 m³ d’eau par jour, tire ainsi 100 % de ses besoins énergétiques d’un champ d’éoliennes situé à 200 km.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements
Entreprises liées
Contenus liés