La télérelève des compteurs d'eau, aujourd'hui en plein développement, profite aux consommateurs comme aux distributeurs et aux collectivités. Walk-by, drive-by ou réseau fixe, chacun de ses modes de relève a fait ses preuves dès lors qu'il correspond aux besoins et aux contraintes de la collectivité concernée. L?interopérabilité des systèmes progresse également. La télérelève, brique essentielle des réseaux intelligents, tend à devenir une évidence.
Par , Technoscope
La télérelève des compteurs d’eau, aujourd'hui en plein développement, profite aux consommateurs comme aux distributeurs et aux collectivités. Walk-by, drive-by ou réseau fixe, chacun de ses modes de relève a fait ses preuves dès lors qu’il correspond aux besoins et aux contraintes de la collectivité concernée. L’interopérabilité des systèmes progresse également. tend à devenir une évidence.
« La télérelève des compteurs d'eau a fait son apparition à Paris en 2005. Le marché est maintenant mature : nous sommes passés à l’échelle industrielle », affirme Camille Loth chez m2ocity, qui se présente comme un « opérateur de télécommunications pour l’Internet des objets ». La télérelève présente pour le consommateur l’avantage d’une facture basée sur sa consommation réelle plutôt que sur une estimation. De son côté, et outre une gestion automatisée des factures, le distributeur y gagne la possibilité de détecter les fuites, les retours d'eau ou les tentatives de fraude, et surtout, la pos-
Walk-by, drive-by ou réseau fixe, chacun de ces modes de relève a fait ses preuves dès lors qu’il correspond aux besoins et aux contraintes de la collectivité concernée.
À pied, en voiture… ou en réseau
Au plan technique, la collecte de l'index repose sur trois modes de relève. La radio-relève mobile suppose le passage d’un agent muni d’un récepteur radio à proximité des compteurs émettant leurs données à courte distance. Cela se fait à pied ou, plus souvent, en voiture. Une variante, dite « passive drive-by », consiste à installer des boîtiers récepteurs sur des bennes à ordures, des balayeuses municipales ou tout véhicule parcourant régulièrement les rues de la ville. « Le boîtier récepteur est alors muni d'une carte SIM pour envoyer automatiquement les données au distributeur d’eau », explique Pascal Perrière, directeur commercial chez Diehl Metering.
Troisième possibilité, pertinente pour les zones densément urbanisées, le réseau fixe. Il suppose l’installation d’un réseau de concentrateurs à longue portée et d’antennes – à moins que l’on choisisse un réseau filaire, mais c’est une option en perte de vitesse.
Combien de compteurs sont radio-relevés ou télérelevés aujourd’hui ? Difficile de le savoir. La FP2E, qui rassemble la quasi-totalité des délégataires, revendique cependant dans la 6ᵉ étude BIPE/FP2E parue en octobre 2015, 16 millions de compteurs gérés en 2013, dont 10 % étaient télé-relevés et 9 % radio-relevés.
Dans tous les cas, il faut pouvoir s’appuyer, d’une part, sur des compteurs communicants (ou de modules radio adaptables sur des compteurs classiques), d’autre part sur des récepteurs mobiles ou, éventuellement, des concentrateurs associés à un réseau de télécommunications à longue portée, et enfin sur un système d'information (serveurs et logiciels) pour la réception, l’analyse et l’exploitation des données. Autant de niches technologiques ou de services, autant d’acteurs économiques différents.
Certains se spécialisent sur un maillon de la chaîne, d’autres proposent des solutions globales, que ce soit sur la base de matériels propres ou en tant qu’intégrateurs. C’est le cas de Itron, Sensus, Diehl Metering ou Elster Water Metering, qui étaient à l’origine fabricants de compteurs et qui développent désormais leurs propres solutions globales de comptage et de télérelève.
D’autres acteurs comme Adeunis RF, Jidélec, Dioptase, eWON, FluxiTech, Mios, Ixel ou Nogema développent des systèmes de relève multi-protocoles, permettant aux exploitants de compléter ou de s’affranchir des systèmes propriétaires.
« Nous considérons qu’il n’y a pas de technologie dominante dans les applications LPWA mais des technologies adaptées aux cas d’usages. C'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix d’intégrer différents types de connectivités à nos produits (Wireless MBus, Sigfox, LoRa, …). Résultats : nous sommes en mesure aujourd’hui de guider nos clients vers les technologies et les réseaux les plus adaptés à leurs applications et modèles économiques », indique Frank Fischer, Directeur Général Délégué d’Adeunis RF.
La disparité des protocoles de communication radio constituant un frein au développement.
Développement de la télérelève, des tentatives de standardisation sont en cours (voir encadré).
Dans un réseau fixe, faire remonter l’information des compteurs (ou des capteurs) vers le système d’information est l'affaire d’électroniciens comme IP Systèmes, Kerlink ou Webdyn, qui proposent des solutions adaptées. Ces appareils doivent d’abord récupérer, donc “interpréter”, les données locales, puis les filtrer, les trier et éventuellement les stocker, et enfin les envoyer à longue distance au système d'information. « Chaque projet de télérelève de compteurs d'eau possède ses propres contraintes et peut donc utiliser différents protocoles radio. Même si le Wireless M-Bus est très utilisé, l'arrivée de nouveaux protocoles longue distance et bas débit comme LoRa ou Sigfox permet de couvrir de nouveaux cas d’usages. Afin de répondre au besoin des intervenants du marché de l'eau, nous devons proposer des gammes de modules et de concentrateurs multi-protocoles », précise Hervé Bibollet, directeur commercial de Webdyn. Les sociétés comme Webdyn travaillent avec des fabricants de compteurs ou des fournisseurs de solutions globales.
De son côté, Mios développe des communications et des sous-systèmes de communications filaire ou radio allant du compteur ou du capteur (quel que soit son protocole et son mode communication radio ou filaire) au serveur de collecte de données pour toute application de télérelève simple ou de télérelève multi-fluides. L’entreprise propose une solution éprouvée de télérelève multi-énergie (multi-fluides) générique en radio ou en filaire qui effectue la télérelève électrique, eau, eau chaude sanitaire (ECS), gaz. « Cette solution est très différenciante car elle a la particularité d’être interopérable en prenant en compte la diversité des protocoles (M-Bus, Wireless M-Bus) des équipements terrain et des modems radio associés (LoRa par exemple) pour la communication entre les compteurs ou capteurs et le concentrateur, explique Xavier Bon, président de Mios. La transmission des données vers le serveur est généralement réalisée en IP, soit par le réseau Ethernet, soit par GPRS ou GSM 2/3/4G. Elle permet de réaliser avec un seul boîtier le bilan énergétique d’un bâtiment ou d’une infrastructure (par module plus de 500 compteurs peuvent être traités avec une remontée quasi temps réel des données) et de prendre en compte l'hétérogénéité du terrain ». Au-delà de sa gamme de sous-systèmes de communication, Mios propose le serveur de collecte des données correspondant qui permet de garantir la qualité de la donnée. Ce critère est essentiel pour l'exploitation des données de consommation collectées surtout si ces dernières servent à la facturation des clients. Mios a donc défini une offre pour contrôler et permettre à l’exploitant de vérifier la cohérence de la donnée. Cette offre intègre également la supervision de l'état de fonctionnement des équipements.
Jean-François Courteheuse, directeur général de la société Ixel, considère de son
Côté que la généralisation de la télérelève dans le secteur de l'eau va jusqu’à la télérelève des compteurs électriques alimentant les stations de pompage, de relevage, les surpresseurs etc. Le suivi de la consommation électrique permet non seulement de dénicher d’éventuelles sources d’économie dans une démarche écoresponsable, mais aussi de détecter les signes avant-coureurs de pannes. Par exemple, la sur-consommation électrique d’un moteur peut être due à un problème de roulement de la pompe qu'il entraîne. Ixel développe donc toutes sortes de passerelles pour télérelever les compteurs électriques, en Modbus, Ethernet, GSM, 3G, SMS, LoRa.
Viennent enfin les systèmes informatiques et les outils d’analyses, terrain de prédilection des éditeurs de logiciels et/ou fournisseurs de services d’hébergement, comme par exemple Vertical M2M dont la plateforme logicielle CommonSense permet aux collectivités locales de gérer à distance leurs actifs et ressources techniques même lorsqu’elles sont constituées d’une multitude de réseaux de capteurs avec des protocoles et des technologies hétérogènes ou réputés non interopérables.
Des solutions globales matures
Pure player, Kamstrup développe des compteurs à ultrasons (FlowIQ™ 3100 et Multical® 21) utilisant le protocole radio Wireless M-bus.
Elster Water Metering, un des grands mondiaux du comptage avec Sensus et Itron, propose ses compteurs communicants V200 et HTR. « En 2007, Elster a racheté Coronis, une start-up de Montpellier qui avait développé Wavenis, un protocole radio avant-gardiste » précise Philippe Crolais, directeur opérationnel chez Elster France. Elster a vendu trois millions de compteurs communicants dans le monde, équipés selon les marchés des protocoles Wavenis, Wireless M-bus ou HomeRider (lorsqu’Elster participe à une “solution” Veolia). « À l'avenir, nous devrons ajouter Sigfox ou LoRa pour pouvoir répondre à n’importe quel appel d’offres » estime Philippe Crolais. Elster a récemment participé à une étude menée par l’opérateur britannique Anglian Water dans la ville de Colchester. Quelque 8 500 compteurs Elster V200 étaient “lus” par un véhicule équipé d'une antenne, un boîtier Bluetooth et un ordinateur portable. L'opération a mis en lumière un rythme de relève élevé et un taux de détection de fuites très significatifs.
Itron, qui revendique le statut de premier fournisseur mondial de compteurs d'eau et de modules de communication, développe l'une des offres les plus complètes du marché, parmi lesquelles des solutions en réseau fixe (EverBlu), de radiorelève (AnyQuest) ainsi que des solutions de télérelève pour des applications industrielles (WaterMind).
Sensus propose un système de communication développé avec le compteur intelligent iPERL et étendu à l'ensemble de sa gamme, qui permet de rapatrier des données simples et faciles à mettre en œuvre et à exploiter, quel que soit le mode de relève, mobile ou réseau fixe. « Historiquement spécialisés dans la métrologie, notre expertise métier évolue vers le transfert et le traitement des données pour offrir une solution globale de communication intelligente », précise Michel Jacquet, directeur commercial de Sensus France. Un an après le lancement de sa commercialisation, plusieurs dizaines de milliers d'iPERL devraient être déployés en France dans les trois ans à venir, dans le cadre de contrats en cours d’exécution et de projets déjà bien engagés. « Le déploiement d’iPERL vient conforter notre positionnement, avec une innovation qui va au-delà du simple compteur pour proposer une solution globale permettant de »
construire un véritable réseau d'eau intelligent, souligne Michel Jacquet, Directeur Commercial de Sensus France. Forts de ces succès commerciaux, et au regard de la croissance attendue de ce marché dans les années à venir, Sensus travaille par ailleurs sur la dimension data et sur l'interopérabilité des données, qui seront, à terme, clés pour permettre aux collectivités de bâtir une solution totalement intégrée de gestion de leurs réseaux d'eau.
Les solutions développées par Diehl Metering reposent sur IZAR Plus, un ensemble comportant des compteurs à ultrasons (Altair V4 et Hydrus), des émetteurs, des centrales de relevés, et le logiciel Izar@net. « Récemment encore, chacun avait son protocole radio propriétaire. Nous proposons maintenant une gamme en wireless M-bus. Lorsque la norme AFNOR, dérivée du wireless M-bus avec des éléments de sécurité en plus, sortira, nous proposerons une gamme adaptée » souligne Pascal Perrière. Diehl a récemment équipé la United Utility Water de Manchester (UUW, Grande-Bretagne) d’un système de type passive drive-by. Aujourd’hui, 550 bennes à ordures relèvent plus de 100 000 compteurs d’eau à Manchester. Outre l’avantage de la facturation automatique, UUW détecte ainsi une cinquantaine de fuites par semaine.
Mutualiser les réseaux de communication
La conception et la gestion d’un système de télérelevé n’étant pas à la portée de petites collectivités, ce sont les fournisseurs de solutions globales ou des opérateurs spécialisés qui fournissent ce service.
Mais installer un réseau fixe pour l’eau seule n'est pas forcément sensé économiquement, d'où l’émergence de concepts comme la “ville intelligente” (smart city) qui consistent à gérer tous les fluides (gaz, électricité, chauffage), voire les déchets, les transports, les places de parking, etc. L'intérêt est de mutualiser le réseau de communication, ce qui suppose un proto-
…à une augmentation massive des projets de télérelève et des services associés, avec des exigences de plus en plus prononcées en matière de retour sur investissement, tant pour les collectivités que pour les citoyens.
Une collectivité a-t-elle intérêt à se lancer dans un réseau fixe tant qu’un protocole de communication standard n’a pas émergé ? Le débat reste ouvert…
Vers des réseaux d’eau “intelligents”
Au-delà de la télérelève proprement dite, d'autres axes permettent de converger vers les réseaux intelligents : l’instrumentation du réseau de distribution d’eau lui-même, qui devient ainsi “intelligent” en est un. Il s'agit alors, à l'aide de sondes, de capteurs et de dataloggers, de surveiller les débits, détecter les fuites, suivre la qualité de l’eau, piloter le fonctionnement du réseau pour l’optimiser.
Selon Camille Loth, de m2ocity qui développe également une offre dans ce domaine, « on n’emporte plus aujourd'hui de contrat sans ce type de développement. Les nouvelles contraintes réglementaires sur le rendement des réseaux impliquent une extrême réactivité sur les fuites ».
Afin d’épargner la ressource, la loi Grenelle 2 exige des opérateurs d’atteindre des rendements de 85 %.
Un marché s'est développé pour mettre à disposition des exploitants de nouveaux outils permettant d’améliorer leurs rendements. Ijinus, qui fabrique des capteurs de niveau, de surveillance de la qualité de l'eau ou de paramètres physico-chimiques depuis 2006, s'est développé sur ce marché en travaillant avec des bureaux d'études ou de grands opérateurs (Veolia et Suez) qui répondent à des appels d’offres de grandes villes.
Si les premiers capteurs ont été plutôt dédiés à l’assainissement, la gamme actuelle et surtout les loggers communicants se déclinent également sur l’eau potable. L’instrumentation connectée d'Ijinus se traduit par un condensé de technologie logé dans un même outil : capteur, énergie, logger, calcul mathématique et communication, tout cela sans fil. Ces instruments connectés doivent pouvoir utiliser les réseaux existants.
Ainsi, les équipements intègrent déjà, en plus des protocoles classiques, ceux de Veolia et Suez mais aussi SigFox. « Nous commençons à être connus et directement contactés par des distributeurs d'eau locaux ayant des…»
Choisir le bon dispositif et la bonne technologie
Les collectivités ont besoin de mesurer financièrement et techniquement l'apport de chaque approche de relève à distance des compteurs d'eau. Un projet de télérelevé des compteurs d'eau est important pour une collectivité pour plusieurs raisons : financières (les investissements sont conséquents), techniques, organisationnelles et politiques.
Il existe aujourd'hui, d'une part, une multitude de technologies développées par les fabricants de compteurs, les opérateurs de l'eau et d’autres acteurs tels que Sigfox et Bouygues Télécom (LoRa) et, d'autre part, différents modes de relève à distance (walk-by, drive-by et réseau fixe sur le modèle fournisseur ou opérateur). Il n'est pas toujours évident de choisir le dispositif le plus adapté à son territoire. « C’est pourquoi il nous paraît essentiel de mener en amont de la consultation une réflexion (en interne ou via un bureau d'études spécialisé) sur les besoins en métrologie. Tous les distributeurs du monde ont en effet les mêmes contraintes et utilisent les mêmes processus », explique Olivier Le Strat, PDG d'Ijinus. Après Chicago en 2014, la société installe actuellement une filiale en Asie. Elle annonce trois capteurs « technologiquement nouveaux » pour le marché de l'eau en 2016. Lacroix Sofrel, Perax, Hydreka ou encore Primayer développent également de nombreux outils permettant d’optimiser les rendements, en détectant les fuites, en gérant les pressions ou en améliorant la connaissance du fonctionnement du réseau.
« Instrumenter et informatiser les réseaux d'eau », c'est aussi le leitmotiv de Smarteo Water, une société intégratrice fournissant à la fois les éléments – compteurs (Arad, G2 Misuratori ou Janz), capteurs, modules de connectivité (Connit ou nke Watteco), protocoles (LoRa ou Sigfox) et solutions logicielles maison – et les services dont un distributeur peut avoir besoin pour gérer son réseau. Pour Loïc Charron, directeur commercial de Smarteo Water, « l'informatisation répond à des problématiques dépassant la relève, comme par exemple le renouvellement des canalisations, qui n'est pas assez rapide en France. Il faut un outil pour cibler et optimiser les investissements en ce domaine ».
Smarteo réalise actuellement le premier réseau Sigfox en France, plus précisément au Pays de Gex, qui rassemble 27 communes (80 000 habitants) de l’Ain. Les smart water networks séduisent car ils sont le moyen de respecter les exigences réglementaires et les politiques engagées sur la qualité et la préservation de la ressource, tout en fournissant aux consommateurs les informations et les outils dont ils ont besoin pour prendre des décisions motivées sur leurs comportements de consommation et sur leurs usages de l'eau.