Les appareils de mesure tirent partie des possibilités offertes par les bus de terrain pour proposer des solutions innovantes adaptées aux installations existantes. Ils sont conçus pour simplifier la mise en ?uvre des bus, fiabiliser les mesures, centraliser la maintenance et autoriser l'accès à distance aux capteurs.
Les constructeurs proposent de plus en plus de dispositifs d’analyse en ligne qui réduisent les câblages nécessaires à leur mise en œuvre tout en offrant de nouvelles fonctionnalités. Ces innovations exploitent notamment les possibilités offertes par les bus de terrain qui relient les capteurs aux transmetteurs et ces derniers à l’automate.
Toute une variété de bus ont été développés ainsi que des protocoles, publics ou propriétaires, assurant la communication sur ces bus. On peut citer, parmi les protocoles les plus courants, Modbus RTU, Profibus ou Profinet. « La nouveauté la plus marquante ces dernières années est le développement sur le marché du réseau Ethernet avec le monde lié au protocole Ethernet IP (Schneider Electric, Rockwell Automation, Omron) et celui lié à Profinet (Siemens), explique Eric Miegeville, spécialiste communication chez Endress+Hauser. Schnei-
Modbus TCP
Modbus TCP est une adaptation du protocole développé par Schneider Electric pour le dialogue instrument-automate sur le réseau physique RS 485 mais également récemment Ethernet IP. En France, on observe la présence de Rockwell Automation, Schneider Electric et Siemens dans la plupart des industries comme l’agroalimentaire, alors que Rockwell Automation est peu présent dans le domaine de l’eau.
Le bus Ethernet présente l'avantage de fonctionner sur un câble très commun, le RJ45, moins cher que le câble Modbus ou Profibus par exemple. Il permet de surcroît d'homogénéiser le câblage utilisé sur un site puisque le même câble sert de support au réseau bureautique. Il est ainsi théoriquement possible d'utiliser le même bus pour la bureautique. Il est toutefois nécessaire de tenir compte du fait que le temps réel est essentiel pour de nombreux procédés et qu'il est nécessaire d’ajouter des switchs assurant la priorité aux messages transmis en Ethernet IP ou en Profinet. Mais en pratique, cette solution présente le double inconvénient d’induire un surcoût du fait des switchs parfois nombreux qu'il faut greffer sur le réseau et, surtout, elle génère de gros risques en termes de sécurité (voir dossier Cybersécurité EIN n° 380). Même avec Ethernet, on privilégiera plutôt des réseaux séparés pour la bureautique et les procédés industriels.
Le bus Ethernet rencontre cependant de plus en plus de succès car il est simple à utiliser et facile à programmer. « Ce mode de communication est très en vogue mais il est surtout répandu dans le domaine de l'agroalimentaire qui utilise des machines toutes prêtes (skid), avec des longueurs de câble assez faibles et ne présente pas de zones avec risque d'explosion (zones Atex), tempère Eric Miegevile. En effet, la limite entre deux connexions Ethernet est de 100 m, le câble ne peut pas alimenter l’instrument et il n'est pas conçu pour les zones Atex contrairement à d'autres bus de terrain comme Profibus PA ou le Field Bus Foundation. »
Des matériels compatibles, faciles à configurer
L'utilisation de tel ou tel bus de terrain ou de protocoles dépend surtout des habitudes et de la nécessité d’être compatible avec les modes acceptés par les marques d'automates. Dans le domaine de l'analyse en ligne, les constructeurs tels Anael, Bürkert, Dili, Hach-Lange, Endress+Hauser, Krohne, Mettler Toledo, Shimadzu, S::can, Acta Mesures, nke instrumentation ou WTW ont aujourd'hui tendance à intégrer les principaux protocoles du marché. Le groupe Aqualabo propose les capteurs numériques de sa filiale Ponsel qui communiquent en protocole Modbus, compatibles avec la plupart des marques d’automates. Les technologies de communication utilisées par l’automate de télégestion P400XI de son autre filiale Perax vont de la radio privée aux liaisons satellites en passant par celles des opérateurs de télécommunication. Outre Modbus, Hart, Mbus, Unitelway ou Sysway, le P400XI dispose d'un serveur web embarqué permettant son exploitation sur PC ou PDA avec un navigateur internet. Chez Krohne, des interfaces ouvertes et normalisées telles que Hart, Profibus et Foundation Fieldbus ouvrent la voie à des concepts d’installation qui permettent l’interaction harmonieuse de produits de différentes marques. Tethys Instrument a adopté pour sa part les liaisons RS232 avec protocole Modbus pour ses analyseurs et des liaisons GSM et GRPS pour ses stations de mesure ou l'alerte. Des constructeurs comme Hach-Lange ou Endress+Hauser proposent des transmetteurs modulables qui permettent de les configurer aisément en fonction des marques de capteurs utilisés et des technologies de communication existant sur le site. « Nous pouvons intégrer à notre transmetteur SC1000 les cartes de communication adaptées aux usages des différents marchés », explique Jean-Pierre
Réaliser des analyses combinées en simultané
Le Futura Duo développé par AMS Alliance est un analyseur flux continu de dernière génération capable d’analyser en simultané plusieurs paramètres différents grâce à deux voies intégrées.
La technologie flux continu est particulièrement adaptée pour l’analyse des phénols, cyanures, détergents, azote total (TN), phosphore total (TP), SO₂ libre et total, acidité volatile, formaldéhyde,... Encore améliorée par AMS, elle permet d’effectuer des analyses de façon totalement automatisée, y compris avec des accessoires associés. Elle permet aussi une grande modularité tout en fournissant des résultats accrédités.
Les deux voies permettent d’effectuer en simultané des analyses combinées, par exemple phénols + cyanures, ou TN + P. Outre le démarrage et l'arrêt, toutes les opérations sont automatisées : dialyse, distillation, digestion UV, injection, dilution, mélange, incubation, extraction des liquides. L’autre innovation du Futura Duo réside en l’intégration complète de l’informatique : le logiciel dédié, convivial et intuitif, autorise un pilotage des analyses du bout des doigts grâce à un grand écran tactile. Il simplifie les opérations de routine, contrôle tous les éléments (y compris les accessoires) et se veut compatible avec tout LIMS.
Molinier, spécialiste produit chez Hach-Lange. Le SC1000 est configuré soit pour bus Profibus ou Modbus RTU, soit pour un câble réseau type Ethernet. Ce transmetteur a aussi une option de communication SMS par liaison GPRS ou GSM sur téléphone portable pour envoyer des alertes par exemple, en ajoutant une carte SIM avec un abonnement à un réseau téléphonique. « Dans le domaine de l’eau, les exploitants sont intéressés par des mesures en continu reliées sur automates, précise Jean-Pierre Molinier. La fonction SMS est surtout utilisée pour l’aide à la maintenance ou pour alerter en cas d’erreur sur le matériel. Mais dans certains cas, par exemple pour des sondes placées sur ponts tournants, il est intéressant d'utiliser les modules de communication radio ».
Une autre particularité du transmetteur SC1000 est que les sondes et les transmetteurs communiquent également en bus de terrain. Cela permet de brancher n’importe quelle sonde sur le transmetteur (pH, chlore, turbidité, oxygène dissous,...), alors que dans le cas des sondes analogiques, chaque capteur doit être relié à un transmetteur particulier car les signaux sont spécifiques. « La conception de la communication par bus entre sondes et transmetteurs et entre ces derniers et les automates permet de construire des réseaux multivoies et multiparamètres, de simplifier l’installation et de réduire les câblages, poursuit Jean-Pierre Molinier. La partie afficheur et l’interface utilisateur étant communs, il est possible de piloter un réseau de transmetteurs par un seul écran et un seul boîtier d'affichage ».
Endress+Hauser a développé de son côté le transmetteur Liquiline CM44x, multi-
voies (jusqu'à 10) et multiparamètres, et de nombreuses sondes numériques associées (turbidité, pH, Redox, oxygène dissous, conductivité, etc.). Conçu sous forme modulaire, le CM44x offre une configuration aisée et permet de passer à moindre coût du mode analogique à un bus de terrain par un simple changement d'une carte électronique alors que la plupart des autres transmetteurs ont des configurations figées. « Nos transmetteurs CM44x peuvent communiquer sur le mode analogique classique, mais aussi avec différents protocoles de bus de terrain : notamment Modbus TCP ou RTU et Profibus, explique Eric Miegeville chez Endress+Hauser. Nous avons ajouté dernièrement le protocole Ethernet IP et donc la possibilité de se brancher sur un réseau Ethernet standard ». Le transmetteur CM44x intègre également un serveur web qui permet d'accéder à distance, via un navigateur sur son téléphone portable, son PC ou sa tablette, aux fonctionnalités du transmetteur. Il est ainsi possible de paramétrer ce transmetteur à distance sans avoir besoin de logiciel de maintenance spécifique. « Cette possibilité est déjà utilisée par les prestataires de services qui programment les systèmes, développe Eric Miegeville. Cela nécessite cependant un accès Internet sur le réseau industriel, ce qui peut causer des problèmes de sécurité. La passerelle qui permet de relier le réseau Ethernet industriel doit faire l'objet d'une utilisation réfléchie, par exemple n'être branchée que la durée de l'opération envisagée. Il faut une stratégie de maintenance et de sécurité ».
Le système d'analyse en ligne type 8905 de Bürkert est un nouveau concept d'analyse permettant de surveiller les paramètres essentiels de la qualité de l'eau. Il intègre des fonctions d'analyse en ligne grâce à la combinaison de différents capteurs de mesure sur une seule plateforme utilisant les nanotechnologies (MEMS). La transmission des données se fait grâce à un large choix de sorties (0-10 V, 4-20 mA, bus, Ethernet, GPRS). Le système est composé de cubes de mesure (capteurs), permettant, en plus de la mesure, la sauvegarde, le renvoi d'information d'état, de paramétrage et de maintenance. Les cubes sont interconnectés entre eux et communiquent rapidement avec l'interface électronique mère dans un langage de type numérique appelé BUS (BUS interne Bürkert). Cette communication fait partie de la nouvelle plateforme EDIP (Efficient Device Integration Platform). Les fonctionnalités de communication autorisées par ce protocole interne ne sont pas limitées. La plateforme EDIP va pouvoir en effet utiliser la plupart des bus externes existants sur le marché, en passant aussi par des standards analogique ou HART. L'intégration de la microtechnologie au sein de ce système d'analyses en ligne permet de réduire la taille des capteurs à celle d'une puce électronique. La taille d'un système d'analyses complet, pour six paramètres, occupe ainsi un format voisin de l'A3. Cette
La compacité permet également de travailler avec des échantillons plus petits.
Des fonctionnalités plus riches
Un autre avantage associé à l’utilisation des bus de terrain est d’autoriser la remontée d’informations de meilleure qualité et en plus grand nombre sur un même câble, là où l’analogique nécessite d’ajouter des sorties binaires. « Au niveau de la conduite des procédés, le numérique a l’avantage de pouvoir remonter simultanément et en temps réel de multiples informations, indique Eric Miegeville, Endress+Hauser. Par exemple, il est possible de compenser les données d’un capteur de pression par la mesure de température. Pour un débitmètre électromagnétique, on pourra remonter simultanément des informations sur le débit volumique, le comptage et opérer les reset ».
Ainsi, les instruments numériques permettent de remonter des informations sur le déroulement du procédé (mesures : débit, température, densité, etc.) mais aussi sur l'état des capteurs. Le transmetteur CM44x de Endress+Hauser peut ainsi être programmé pour générer des alarmes ou des diagnostics en cas de détection d'une anomalie, ou pour gérer la maintenance de façon centralisée.
Hach-Lange propose de son côté Prognosys, un logiciel d’aide à la maintenance et au diagnostic intégré récemment dans le transmetteur SC1000. Ce logiciel permet de mieux exploiter la grande richesse d’informations qui peuvent être récupérées grâce aux bus de terrain : les signaux de mesures mais aussi, par exemple, la température, les derniers étalonnages, les derniers remplacements de consommables, les données fournies par des petits capteurs d’humidité pour s’assurer qu’il n’y a pas de problèmes d’entrée d’eau, etc. « La compilation des signaux des capteurs et des informations témoignant de l'état du capteur (température, renouvellement des réactifs, la maintenance…) permettent de définir un degré de fiabilité de la mesure en pourcent et non plus binaire, explique Jean-Pierre Molinier. Ces informations peuvent également servir à identifier les étapes de maintenance ». L’écran d’affichage du SC1000 indique pour cela trois niveaux d’échéance de maintenance : retard (rouge), à faire dans les 15 jours (jaune), plus de 15 jours (vert) ainsi que le tableau des maintenances et leur suivi. « La plupart du temps dans notre domaine, les opérations de maintenance demandent des interventions sur place, pour remplacer une électrode ou un consommable par exemple, poursuit Jean-Pierre Molinier. L’avantage du bus est de permettre aussi des actions à distance, ce qui peut être intéressant, par exemple, pour déclencher un nettoyage par racleur de la sonde de turbidité ou pour recaler à distance un appareil d’analyse en ligne dont on constate une dérive par rapport aux analyses de référence faites en laboratoire ».
Une carte mémoire SD intégrée au module d’affichage du SC1000 permet de sauvegarder la configuration ou récupérer les mesures s'il y a eu une perte de communication au niveau de l’automate. « C’est également une manière commode de réaliser des mises à jour du logiciel ou d’introduire de nouvelles fonctionnalités sans avoir besoin d’introduire son PC dans des milieux humides ou contenant des gaz corrosifs susceptibles d’endommager le matériel », indique Jean-Pierre Molinier.
Shimadzu
Proanatec
Des solutions encore peu déployées
Malgré les avantages offerts par les bus de terrain, « la plupart des usines fonctionnent avec des communications analogiques », regrette Aurélia Genet, chef de marché environnement chez Endress+Hauser. Même dans le cas des usines en construction actuellement, le bus de terrain n'est pas nécessairement adopté car les agents sont habitués à travailler avec de l'analogique. La grande souplesse de ces technologies permet toutefois de s’adapter aux contraintes du site et d’accroître les performances des installations en combinant les types de réseaux en fonction des zones et de l’évolution du renouvellement des capteurs. « Cela change la manière de travailler, décrit Jean-Pierre Molinier de Hach-Lange. Avant, si l'on voulait mesurer l'oxygène dissous et le pH, on comptait deux sondes, deux transmetteurs, deux sorties analogiques, etc. Aujourd’hui, on va plus loin dans la description du matériel, son mode de communication et son implantation pour diminuer les coûts et offrir une solution adaptée au besoin. On veut savoir où sont situés ces capteurs et si l'on peut utiliser le même transmetteur, s’il est possible de fonctionner sur différents réseaux selon les zones du site, etc. »
En tout état de cause, opter pour une évolution vers un système numérique doit répondre à un besoin, comme l’amélioration de la qualité ou la centralisation de la maintenance, et concerne des installations de tailles suffisantes. « Un système numérique induit un surcoût qui n'est pas toujours supportable pour les petites installations ne disposant que de peu d’instruments, conclut Éric Miegeville. Il faut en effet prendre en compte le câblage et les instruments mais aussi le coût des études, de la connectique, des composants, de l’intégration dans le système, etc. En revanche, dès que l’installation devient conséquente et comporte plusieurs équipements d'analyse en ligne, le choix du système numérique s’impose. »