Jadis considérées comme une fatalité, les nuisances odorantes sont de moins en moins bien tolérées. Sur les nouveaux projets de stations d'épuration, ce sujet est désormais pris en compte dès le stade des études. En revanche, pour les ouvrages de traitement existants, le problème reste complexe et requiert de la part des exploitants une combinaison d'actions préventives et curatives. Les solutions existent, elles sont nombreuses et efficaces pour autant qu'elles soient adaptées au cas considéré.
Les odeurs constituent une pollution atmosphérique si elles provoquent des nuisances olfactives excessives, suivant l'article L. 220-2 du Code de l'Environnement. Elles sont dues aux composés chimiques odorants, individuels ou en mélange complexe. Ces composés sont classés en trois familles : les soufrés (sulfure d’hydrogène, mercaptans, ...), les azotés (ammoniac, amines, ...) et les composés oxygénés (acides organiques, alcools, éthers, ...).
Bien souvent, notre système olfactif ne suffit pas pour caractériser une odeur, car le
psychologique et la mémoire jouent un rôle prépondérant. C’est ce que l'on appelle le caractère hédonique d'une odeur.
En effet, bien qu'une odeur soit, dans une certaine mesure, liée à une concentration de substances odorantes dans l'air respiré, la qualité (assimilation à une odeur connue), l’acceptabilité (caractère agréable ou désagréable) et l’intensité des odeurs rendent inégales les perceptions de leur hédonisme par chaque individu rendant difficile toute évaluation d’une gêne olfactive.
Mieux exploiter pour éviter de générer des odeurs
Une bonne gestion des équipements permet d’éviter bien des désagréments. L’oxygénation via des aérateurs de surface tels que ceux proposés par Isma, Faivre ou Aquago peut par exemple permettre d’éviter les odeurs dégagées par les bassins d’eaux résiduaires chargées en matière organique. La méthode ne nécessite aucun réactif chimique et ne forme pas de sous-produits nocifs pour l'environnement. Faivre l’a par exemple mise en œuvre sur deux bassins de la sucrerie Saint Louis Sucre de Cagny (14). La charge organique des eaux résiduaires a été diminuée de 98 % et les nuisances odorantes ont disparu (voir EIN n° 368).
Aquago, avec son aérateur solaire Sungo® l’a aussi mise en œuvre sur des bassins d’évaporation d’effluents viticoles dans l'Hérault, ainsi que sur du lixiviat de compostage et des lagunages naturels (Audresselles (62) ou industriels (usine Stora à Corbehem), avec des résultats immédiats sur l’abattement des odeurs.
Tous les ouvrages sont concernés. En réseaux d’assainissement, certaines sociétés comme Atheo Solutions réalisent des contrôles indépendants permettant de connaître le niveau d’efficacité des unités de traitement anti-H2S et les optimisations possibles. « La problématique de l’H2S et des odeurs est maintenant bien connue des acteurs de l'eau et ne peut plus être ignorée lorsqu'elle se manifeste, souligne Vincent Charbau chez Atheo Solutions. Les techniques de traitement ont évolué et se sont multipliées. Les procédés peuvent être préventifs, inhibiteurs ou curatifs, traiter les eaux usées ou filtrer l’air vicié. Leur coût de fonctionne-
ment et leur simplicité de mise en œuvre varient et leur efficience dépend de la situation. Des aménagements d’ouvrages et des optimisations de fonctionnement peuvent également être efficaces. Afin de mettre en œuvre des solutions efficaces et adaptées, il est indispensable d’identifier et maîtriser au préalable la problématique existante. Atheo Solutions, bureau d’études et d’analyses indépendant spécialisé dans l’H₂S, accompagne les collectivités, exploitants et industriels dans les démarches de lutte contre l’H₂S et les nuisances olfactives. Son expertise, son savoir-faire analytique et ses connaissances techniques permettent d’identifier précisément chaque problématique et d’opter pour des solutions répondant scrupuleusement aux besoins.
Ainsi, les études diagnostiques permettent aux maîtres d’ouvrage et exploitants d’identifier précisément les dysfonctionnements et d’opter pour un scénario d’aménagement adapté. « Nous proposons parallèlement des formations professionnelles destinées à améliorer les conditions de sécurité du personnel intervenant et intégrer la problématique H₂S dans l’exploitation et les projets d’assainissement », souligne Vincent Charbau. Toujours en réseaux d’assainissement, Yara propose le procédé Nutriox® incluant les contrôleurs de dosage et l’accompagnement technique et analytique permettant de doser la quantité strictement nécessaire de réactif permettant d’atteindre les objectifs d’abattement des odeurs fixés par les clients. Klearios propose de son côté la ThioBox, un système communicant et ouvert permettant d’optimiser au mieux la consommation de réactifs anti-H₂S permettant de faire chuter les consommations de plus de 30 % par rapport aux systèmes de dosage actuellement sur le marché tout en garantissant plus de 90 % d’abattement.
Purostar, spécialisé dans le traitement des eaux usées, propose un produit qui détruit les mauvaises odeurs. L’investissement est quasiment nul puisqu’un simple poste de dosage suffit. L’efficacité du réactif est telle, poursuit-il, qu’il parvient à désodoriser totalement les effluents fermentés de caves vinicoles ce qui rend l’épandage possible, sans aucune nuisance olfactive.
tif est réelle puisqu’il parvient à désodoriser totalement des effluents fermentés de caves vinicoles, ce qui rend l’épandage possible sans aucune nuisance olfactive. Une période d’essai peut même être proposée.
« Avant de lutter contre les odeurs dégagées par les ouvrages de traitement, il faut mieux gérer les eaux usées dans leur cheminement car ce qui se passe en amont d’une unité de traitement est fondamental. Un bon entretien des réseaux peut éviter en grande partie la génération d’odeurs en éradiquant les zones de stagnation tout en oxygénant les effluents et en y associant des nitrates de calcium ou en injectant du chlorure ferrique », explique Lionel Pourtier, spécialiste reconnu du secteur et directeur d’Environnement Air.
« De plus, ces traitements doivent être adaptés aux flux massiques dans la mesure où les émissions fluctuent en fonction des saisons, des heures et des conditions climatiques. Des valeurs à ne pas dépasser doivent être prédéfinies pour une absence totale de gêne vis-à-vis des riverains et la possibilité pour le personnel de travailler dans de bonnes conditions. Ces précautions préventives sont importantes car captation et traitement en continu des émanations coûtent
Avant de couvrir des installations et de traiter l'atmosphère, il s’agit avant tout de caractériser les sources par des mesures d’olfactométrie avec méthodologie car on n’a pas besoin de tout traiter » poursuit Lionel Pourtier.
Installé à Nogent-sur-Marne (94), Cap Air, bureau d'études spécialisé en environnement atmosphérique, met en œuvre des campagnes de mesures servant à relever des états initiaux avant toute opération industrielle ou pour évaluer certains impacts sur la qualité de l'air. « Le domaine de l’olfactométrie est complexe comme en témoignent les différentes définitions du mot “odeur” variant selon que l'on en considère la cause et les composés émis ou l'effet, à savoir, sa perception », explique François Cape, Directeur Technique chez Cap Air. « Afin de constater les nuisances olfactives, nous faisons appel à des moyens à la fois humains et techniques, de manière à déterminer si l'odeur est fugace ou persistante, à mesurer son seuil de détection et son débit ou encore à évaluer sa dispersion » poursuit-il.
Un Jury de nez formé et certifié suivant les intensités selon la norme NFX 43-103 se déplace selon un parcours défini afin d’évaluer l'intensité des odeurs sur la base d’une échelle de référence puis établit des cartographies d’odeurs dans l’environnement immédiat d'un site. Airpoll, Egis Environnement, Aroma Consult (Groupe Odour-
net) ou IAP-Sentic développent également une expertise particulière dans le domaine de l'olfactométrie.
Détecter très tôt les nuisances odorantes
Les capteurs physico-chimiques comme les nez électroniques permettent également de détecter très tôt les nuisances odorantes. Alpha MOS propose la solution RQ BOX, intégrant notamment des nez électroniques postés à l'émission pour assurer le suivi continu 24 h/24 des variations de process et de l'intensité odorante des installations. L'ensemble des données est géolocalisé et l'historique d’enregistrement est consultable à tout moment pour identifier, confirmer ou infirmer un événement olfactif. Pour assurer un suivi continu à l'environnement, ces nez sont couplés à un outil de modélisation 2D ou 3D en fonction de la typologie du site, permettant d’apprécier immédiatement le ressenti au voisinage.
Ainsi, Alpha MOS s'est associé avec Numtech, société experte en modélisation, pour proposer la première plate-forme logicielle PLUMAIR intégrant données d’émissions continues des nez électroniques et station météo, données sensorielles (olfactométrie) et relevés automatisés des riverains (outil Airpoll). Sur fond de carte interactif Google Earth, cet outil de surveillance déployé notamment au CVO de Lille Sequedin (Communauté Urbaine de Lille Métropole) alerte l’exploitant en cas de dérive process. Des points de couleurs géolocalisés représentant émissions et zones d’habitations informent simplement les exploitants ou riverains dès qu'un dépassement de seuil est observé. Des mails d’alerte sont envoyés si besoin. « Cette solution a été d’un grand appui pour valider avec les riverains l’action des traitements curatifs mis en place sur le site. Aujourd’hui, il est possible d’anticiper jusqu’à 72 h avec l’option de prévision, les émissions et leurs impacts (H2S, NH3, Odeur, COV ou Mercaptans) », souligne Louis Vivola chez Alpha MOS.
Démarche similaire chez Odotech qui assure suivi et gestion des odeurs sur site en utilisant des réseaux de nez électroniques, outils qui assurent un suivi des émissions d'odeurs environnementales en temps réel. Odeur, qualité de l’air, météorologie et climatologie sont intimement liés. Le système OdoWatch®, mis en œuvre sur la station d’épuration de Marquette-Lez-Lille, comprend un ou plusieurs nez électroniques (NE) déployés sur un site, à proximité des sources d’odeurs, de façon à caractériser (identifier et quantifier) les émissions. En fusionnant les données météorologiques reçues de la station météo avec celles recueillies par les nez électroniques, le système modélise la dispersion atmosphérique des odeurs et affiche le panache odeur (codé couleur selon la concentration) en superposition à la carte aérienne du site. Les mesures sont effectuées à la norme européenne EN 13725.
Moins coûteux, les capteurs physico-chimiques se concentrent sur une
seule famille de gaz (soufrés, ammoniaqués...) mais sont capables de fonctionner en réseau pour surveiller la qualité de l’air au sein ou à proximité d'un site. Cairpol a par exemple développé des capteurs miniaturisés permettant de surveiller en temps réel des polluants à faible concentration. Cette technologie ouvre ainsi le champ de la surveillance industrielle des gaz odorants ou polluants spécifiques par des réseaux de capteurs autonomes permettant, de par la finesse du maillage, de contrôler les émissions diffuses, de la mesure de l’exposition chronique des travailleurs, et de manière plus large du contrôle de la qualité de l'air ambiant (en intérieur ou extérieur) sur n’importe quel site, et à des coûts avantageux. « En se basant sur les avantages de nos capteurs (pas de recalibration ni maintenance pendant 1 an, coût économique, facilité d’utilisation, miniature), nous avons développé une solution de suivi en temps réel des gaz odorants, puissante mais simple d'utilisation : elle consiste en un maillage du site par de nombreux points de mesure, permettant aux exploitants
« La problématique des odeurs est des plus actuelles et cela fait appel à plusieurs technologies de l’amont à l’aval, que ce soit au niveau de la gestion des réseaux d’acheminement, de l’optimisation des procédés et gestion des fuites sur site ou encore du traitement des sources », précise Brice Hellio. « Cairpol se positionne avec sa solution comme un outil permettant aux exploitants de suivre l’impact de ses différentes actions et de communiquer en connaissance de cause. Parmi nos clients, nous avons effectivement de nombreuses STEP, que ce soit en France ou à l’étranger (USA, Moyen-Orient, Corée, Chili... etc.). »
Gérer les flux pour mieux traiter les odeurs
Un lieu commun qu’il n’est toutefois pas inutile de rappeler : les odeurs susceptibles d’être traitées sont celles qui sont acheminées vers les différents dispositifs de traitement.
Couvrir, capter et collecter constituent donc le préalable indispensable de tout traitement. Les couvertures de certains ouvrages odorants comme par exemple les bassins se sont banalisées ces dernières années. Ciffa Systèmes, Prat, Trioplast, Domafos ou Apro Industrie proposent des systèmes de couvertures flottantes ou non, souples ou rigides, résistantes au ciel gazeux, permettant de confiner et collecter les odeurs en vue de leur traitement. Les possibilités sont quasi illimitées. Ciffa Systèmes a ainsi récemment assuré à Tunis le confinement intégral d’une lagune de stockage des lixiviats d’une surface de 2 400 m² à l’aide d’une couverture en polypropylène de type Covergaz (voir EIN n° 361). « Bien que tous les ouvrages ne sentent pas systématiquement mauvais, lorsqu’un volume est fermé, l’organisation d’une bonne ventilation devient prépondérante avec filtration des rejets », explique Frédéric Vacheron, directeur commercial d’Airepur Industries. L’aéraulique de chaque bâtiment abritant des process odorants devra faire l’objet d’une attention particulière en fonction de la filière de traitement choisie qui dépend elle-même de nombreux paramètres : nature des polluants à éliminer, débit et concentration des flux à traiter sans oublier le bilan carbone et le coût global du traitement mis en œuvre. Les techniques de traitement les plus courantes permettent d’atteindre des niveaux satisfaisants sur les quatre polluants que sont l’hydrogène sulfuré, les mercaptans, l’ammoniaque et les amines et, sous certaines réserves, les organo-volatils. Airepur Industries comme Veolia Environnement, Degrémont, CMI Europe Environnement, Klearios ou Algotec International développent des laveurs physico-chimiques, des biofiltres et des process de filtration par charbon actif susceptibles de neutraliser ces familles de polluants.
Le lavage physico-chimique repose sur la captation d’un polluant gazeux par une solution neutralisante. Appliquée dans de nombreux cas de figure, cette technique est éprouvée. Efficace, elle nécessite cependant un savoir-faire spécifique pour déterminer le nombre et le type de laveurs et la nature des solutions de lavage.
Les filtres biologiques à partir de biomasse présentent des performances techniques et économiques intéressantes. Modulaires, extensibles, économiques en maintenance, ils ont gagné en compacité ces dernières années et sont complémentaires des laveurs physico-chimiques. En revanche, le processus est plus lent et demande un volume important. Les filtres biologiques sont effectivement intéressants techniquement et économiquement, mais leur bon
Un outil collaboratif de gestion des nuisances olfactives
La gestion des incidents requiert de plus en plus de transparence, de réactivité et de responsabilités. Dans une société connectée, mobile, les citoyens s’attendent à pouvoir transmettre leurs plaintes ou leurs observations instantanément « online ». Ils veulent aussi pouvoir suivre leur plainte et disposer rapidement d'un retour. D’où l'intérêt d'Odourmap créée par Aroma Consult (Groupe Odournet) qui permet à l'ensemble des participants d’une communauté de passer d’une ancienne forme de communication unilatérale à un mode de communication bilatéral et multilatéral. Cela transforme le mode de transmission de plaintes à sens unique en un mode d’échange avec le citoyen qui l'implique dans la protection de l'environnement grâce au mode collaboratif « crowdsourcing ».
Odourmap est une application internet qui montre les informations importantes pour la bonne gestion des relations entre membres d'une communauté, confrontés à une problématique d'impacts olfactifs ou sonores. Odourmap collecte, archive, montre, établit des rapports et communique différents types de données selon une carte.
Une de ses caractéristiques essentielles est sa barre chronologique configurable qui permet un affichage de la situation présente, passée et future quand il y a un risque d’impact. Les utilisateurs peuvent voyager dans le temps et voir comment les situations évoluent. Elle permet également de voir et d’analyser la progression d'un incident et la façon dont il évolue avec les conditions météorologiques. Enfin, elle permet de disposer de vues statistiques des paramètres renseignés par les citoyens, sur les sources d'odeur, leur niveau d'intensité, leur nature, leur fréquence d’apparition, mais aussi sur les données météo, les données issues des grilles d’inspections. Ces données statistiques sont générées de façon automatique, selon une version standardisée. Les utilisateurs peuvent aussi recevoir des notifications, des alertes sur des événements, des incidents selon des seuils préalablement définis.
Le fonctionnement dépend de très nombreux critères : humidité, température, bonne identification des polluants et de leur variabilité. « Pour cela l'expérience des fournisseurs est primordiale », insiste Cédric Debuchy, directeur commercial de CMI Europe Environnement. « Cette expérience s'acquiert avec le temps : nos 200 installations de traitement biologique en service et notre laboratoire de recherche et mesure sur les odeurs, unique dans la profession, nous permettent de développer une expertise particulière en ce domaine ».
Adaptés aux faibles concentrations, l'adsorption sur charbon actif est une solution simple, fiable, efficace et sûre pour de longues durées. Dans bien des cas, les principes de traitement du type synergique associent lavage physico-chimique, biofiltration, et filtres à charbon actif pour un traitement optimal.
Pour Christian Coste, expert odeur chez Egis, « Au final, et afin de répondre de façon globale à la problématique du traitement des odeurs émises et de leurs impacts environnementaux, il est important de mettre en place une démarche intégrée, adaptée au site, à ses problématiques, à ses obligations, tout en impliquant les riverains. Cette démarche est indispensable pour pouvoir proposer un protocole de mesures et d’améliorations visant à diminuer le plus possible voire supprimer les nuisances olfactives dans l’environnement ». Pour ce faire, le recours à des bureaux d’études disposant à la fois des compétences humaines reconnues, et de l'ensemble des matériels de mesures, de calculs et de communications est indispensable. C’est le cas du pôle odeurs d’Egis, qui propose une démarche intégrant l’ensemble des techniques disponibles (nez électroniques à l’émission, capteurs dans l'environnement, modèles de dispersions 2D et 3D évolués, laboratoire d'olfactométrie accrédité Cofrac, olfactomètres portables, laboratoire mobile, stations météorologiques, jurys de nez, plateforme d'information WebSIG...) dans une analyse adaptable et globale où le dialogue avec le public est renforcé par une expertise dans le diagnostic, la métrologie et dans le choix/dimensionnement des solutions de réduction des émissions olfactives afin d’aboutir à des solutions optimales satisfaisant les attentes de l'ensemble des parties prenantes : l’exploitant, l’administration, les collectivités locales, les riverains.