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Dépollution des sols : adapter les filières de traitement aux contraintes économiques

28 février 2014 Paru dans le N°369 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : Alain VERGNE

Le marché de la dépollution des sols n?échappe pas à la morosité qui pèse sur le contexte économique. Des budgets plus contraints, une demande atone et une réglementation très stricte, à l'image de celle qui pèse sur la gestion des terres excavées, pèsent sur le nombre de mises en chantier. Du coup, la prévalence trop systématique du « moins disant » nuit à l'émergence et à l'expérimentation de nouvelles techniques de traitement. Les procédés de traitement, arrivés à maturité, s'affinent encore un peu plus.

Après avoir connu une décennie florissante, le marché de la dépollution des sols semble marquer le pas. L’activité, qui aurait progressé à un rythme voisin de 6,6 % par an entre 2005 et 2013 selon l’institut Xerfi, ne progresse plus, ou dans le meilleur des cas à un rythme bien inférieur à celui qui prévalait au milieu des années 2000. Les causes de cette dégradation sont connues. Les aménageurs publics, soumis à des contraintes budgétaires toujours plus importantes, réduisent leur volume de commandes. Les industriels temporisent dans l’attente d’une

[Photo : Le délai imparti aux opérations est un paramètre essentiel sur lequel il est largement possible d’influer. D’où le succès croissant remporté par les plateformes multimodales de traitement qui traitent à elles seules plus de la moitié des tonnages excavés, selon une étude réalisée par l’Ademe en 2012.]

hypothétique reprise, tandis que les promoteurs immobiliers, aux prises avec un marché apathique, retardent de nombreux projets, réduisant d’autant le nombre de mises en chantiers.

La morosité ambiante n’est cependant pas partagée par tous les acteurs. « Plusieurs membres de l'OCEP (Organisation des Consultants en Environnement et Pollutions) sont en nette progression et ont enregistré ces deux ou trois dernières années une croissance à deux chiffres », souligne par exemple son Président, Hubert Bonin.

Cette situation pourrait cependant ne pas durer. Selon l'étude réalisée par Xerfi, l’activité pourrait repartir et progresser de 4 à 7 % entre 2015 et 2020. À l’appui de cette prévision, trois arguments. Un “effet crise” tout d’abord qui provoquerait une accélération de la fermeture de sites industriels, alimentant d’autant les besoins en prestations de dépollution des sols. Les industriels, soucieux de se regrouper pour mutualiser leurs coûts, seraient par ailleurs de plus en plus nombreux à envisager de transférer leurs activités au sein de pôles centralisés.

Deuxième argument, l'évolution réglementaire attendue prochainement qui pourrait faire entrer le principe “pollueur-payeur” et le concept du “tiers payeur” dans la réglementation relative à la dépollution des sols, incitant les industriels à faire réhabiliter leurs anciennes installations par des acteurs intégrés. Enfin, les collectivités locales, à la recherche d'un foncier de plus en plus rare et séduites par des concepts de dépollution plus “verts”, pourraient être tentées de reconvertir leurs friches industrielles.

Une chose est certaine : la reconquête de ce foncier incontournable, car souvent situé en centre-ville et donc proche des principales infrastructures et équipements publics, est un enjeu majeur pour toutes les collectivités locales concernées. Mais pour que le marché se redynamise, les coûts de dépollution doivent s'intégrer dans l’économie des projets et ne pas impacter trop lourdement les bilans financiers.

Intégrer les coûts de dépollution dans l’économie des projets

Les coûts de dépollution d’un site ou d'une nappe sont fonction de nombreux paramètres : des caractéristiques géologiques du sol et du site, de la nature et de la concentration en polluants, des objectifs de réhabilitation, de la taille du chantier (surface et profondeur) et des délais impartis à la réalisation des opérations de dépollution. Certains de ces critères influent sur la filière de traitement choisie. Les objectifs de réhabilitation sont ainsi fonction de la destination future des terrains. Le délai imparti aux opérations est un autre paramètre essentiel sur lequel il est largement possible d’influer. D'où le succès croissant remporté par les plateformes multimodales de traitement exploitées en France par Biogénie, GRS Valtech, Ikos Sol Meix, Envisan ou encore Sita Remédiation qui traitent à elles seules plus de la moitié des tonnages excavés, selon une étude réalisée par l’Ademe en 2012. Les avantages de ces plateformes sont bien connus : la rapidité, le transfert de la responsabilité des terres excavées et la fixité d’un prix connu à l’avance sont les principaux. Le coût, bien supérieur à un traitement équivalent réalisé in situ, en est l'une des contreparties : de 45 à 135 €/tonne selon les filières de traitement contre 10 à 40 €/tonne pour les traitements similaires sur site et in situ selon l’étude Ademe 2012. Un bilan carbone moins favorable est une autre contrepartie, même si les exploitants réalisent de gros efforts. Sita Remédiation et GRS Val…

[Encart : L’Ademe et le BRGM, en collaboration avec l’UPDS, proposent un outil interactif de présélection des techniques de dépollution. En fonction des différents paramètres opérationnels choisis (polluants en présence, matrice à dépolluer, mode d’application des techniques – in situ, hors site, sur site – et la perméabilité du site si elle est connue), l’outil a pour objectif de guider la maîtrise d’œuvre vers les techniques de dépollution disponibles, reconnues ou émergentes, les plus adaptées à son cas. Il est ensuite possible de comparer ces techniques selon leur maturité, leur taux d’utilisation ou la profondeur de traitement accessible. Enfin, l’outil permet d’accéder à des supports décrivant les différentes techniques de dépollution et pointant les paramètres susceptibles de limiter la faisabilité et les performances des techniques. Des liens permettent de consulter la liste des centres de traitement hors site, des exemples d’utilisation ou encore les cahiers des charges pour la réalisation des essais de traitement. http://www.selecdepoll.fr/]
[Photo : GRC, leader en traitement des sols sur le marché belge, dispose par exemple de trois sites de traitement à Kallo, Bruges et Zolder sur lesquels la plupart des techniques de traitement sont mises en œuvre.]

Les sociétés qui exploitent plusieurs plateformes en France mettent par exemple en œuvre toutes les techniques de pré-traitement sur site, du criblage à la désorption thermique en passant par le lavage des terres pour traiter les terres polluées et les valoriser en les réutilisant sur le site. Une valorisation ou réutilisation conforme au « Guide de réutilisation hors site des terres excavées en technique routière et dans des projets d’aménagement » rédigé par le BRGM et l’Ineris. Une démarche positive, mais trop limitée et jugée sévèrement par de nombreux professionnels. « Les seuils de pollution définis sont bien trop bas, à tel point que nombre d’entre eux ne peuvent même pas être atteints par les professionnels de la dépollution, ce qui nuit à la réutilisation des terres, souligne Thierry Blondel du Cabinet Blondel qui pointe par ailleurs des contraintes phénoménales, y compris pour des terres peu, voire pas polluées. »

Autre problème, l’offre, abondante, ne rencontre presqu’aucune demande. « Il faut augmenter le nombre de plateformes de regroupement et surtout organiser des filières dotées de vrais débouchés, souligne Thierry Blondel. Pour ceci, il faut simplifier les procédures et faire preuve de bon sens : si l’on veut que la valorisation des terres devienne une réalité. »

[Schéma : Efficacité des principales techniques de dépollution sur les principaux polluants rencontrés. Doc GRC.]

Des polluants bien identifiés

La nature des pollutions qui affectent les sites répertoriés dans la base de données Basol est bien identifiée. Si leur présence est relevée dans les sols et dans les nappes, ce sont les sols qui sont les plus touchés : 2 488 sites (soit 60 %), contre seulement 1 445 pour les nappes (soit 35 %). Une pollution du sol ou d’une nappe d’eau souterraine est constatée dans deux tiers des cas (soit 2 726 sites), mais la pollution de ces deux milieux est concomitante pour seulement un tiers des sites (soit 1 207 sites). En effet, les pollutions des sols impactant ensuite les eaux souterraines sont plutôt courantes.

[Photo]

L’analyse des polluants identifiés individuellement sur chaque site pollué d’une part, dans les sols et d’autre part, dans les nappes des sites pollués met en exergue deux familles de polluants : les hydrocarbures et les métaux et métalloïdes. La pollution par les hydrocarbures affecte 61 % des sols des sites pollués et 64 % des nappes situées dans les sites. Dans des proportions moindres, les métaux et métalloïdes sont également souvent responsables de la pollution des milieux : respectivement 48 % des sols des sites pollués et 44 % des eaux (nappes, rivières, etc.).

De manière générale, les familles d’hydrocarbures (minérales, chlorés, HAP) sont impliquées dans 65 % de l’ensemble des pollutions des sols ou des nappes. Quant aux cyanures, aux BTEX (Benzène, Toluène, Éthylbenzène et Xylène) et aux autres contaminants (Ammonium, Chlorures, Pesticides, Solvants non halogénés, Sulfates), ils représentent chacun moins de 7 % des pollutions des sols ou des nappes des sites pollués.

[Encart : Pour faire face à l’accroissement des besoins analytiques, Alcontrol a développé une plateforme internet qui permet aux donneurs d’ordres de passer leur commande directement en ligne en définissant la nature des analyses souhaitées. Ils peuvent ensuite consulter les résultats mais aussi extraire les fichiers dont ils ont besoin pour les exploiter avec leurs propres outils sans qu’il soit nécessaire de les ressaisir.]

Pour que cette filière fonctionne, il faut travailler sur les notions d’offres et de demandes. Du coup, l’appétence de certains maîtres d’ouvrage, notamment des promoteurs, pour les filières hors site s’est orientée ces dernières années vers l’envoi de tonnages de plus en plus importants vers des filières de traitement situées en Belgique, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne où les coûts de traitement sont plus bas du fait d’une réglementation plus favorable au recyclage. « Le contexte réglementaire français, trop rigide et finalement déconnecté des réalités du marché, incite à recourir à ces filières » souligne Thierry Blondel.

GRC, leader en traitement des sols sur le marché belge, dispose par exemple de trois sites de traitement à Kallo, Bruges et Zolder sur lesquels la plupart des techniques de traitement sont mises en œuvre. « Dans le cas des terres provenant de France, c’est la réglementation européenne qui s’applique. Elle nécessite la réalisation d’un dossier de transfert transfrontalier de déchets. Il s’agit d’une procédure administrative courante que GRC maîtrise depuis plusieurs années » explique-t-on chez GRC.

Philippe Duchesne, ingénieur d’affaires chez GRC, insiste sur l’importance du diagnostic initial avant excavation, donc dans l’organisation des excavations sélectives et le choix des filières qui en découle. « Pour pouvoir déterminer le plus précisément possible le plan d’excavation et les filières d’évacuation (CET et/ou filières traitement), les analyses doivent être, idéalement, réalisées de façon complète avant le démarrage des terrassements, d’où l’importance du diagnostic initial et du plan de gestion », explique-t-il. « Quand les analyses sont réalisées après les excavations, la répartition des terres et des filières devient plus aléatoire, avec un risque important de sur ou de sous-représentation des pollutions et des volumes ».

Les méthodes d’analyses varient d’un pays à l’autre. Le choix des polluants à analyser (normés et non-normés) devra être fait en tenant compte des contraintes des filières nationales et export (traitement & recy-

[Photo : Le logiciel Oreos™ de Burgeap calcule la répartition des polluants dans les différentes phases d’un échantillon de sol (eau, air, solide, phase organique) à partir des concentrations de polluants dans les sols, des propriétés pétrophysiques des sols (porosité, teneur en eau et en carbone organique) et des propriétés physico-chimiques des polluants en présence (masse molaire, densité liquide, solubilité, pression de vapeur, coefficient de partage eau/carbone organique).]
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Envisol propose une approche innovante dans la prise de décision pour le diagnostic en sites et sols pollués qui exploite activement de nouveaux outils de caractérisation.

[Photo : Modélisation 3D d'une pollution aux hydrocarbures]

La situation pourrait cependant évoluer. Certains acteurs qui maîtrisent des sites producteurs et des sites receveurs, comme par exemple Solvalor Seine, sont d’ores et déjà engagés dans la mise en place de plateformes de regroupement de terres dans le but de les valoriser. « Nous ouvrons au mois de février 2014, après deux années de travail et d’investissements soutenus par la BPI, le premier centre fluvial de traitement de terres polluées par lavage physico-chimique afin de recycler 70 % des terres entrantes », explique ainsi Fabrice Beraud chez Solvalor Seine. Ce centre, installé à Sotteville-lès-Rouen, est alimenté par voie fluviale depuis une plateforme de regroupement située à Gennevilliers. Il entre dans le cadre de l'économie circulaire. Les fractions valorisables contenues dans les terres (sables, granulats) sont réutilisées comme matériaux.

Une autre solution, pour réduire les coûts, consiste à pousser les opérations de tri pour différencier les traitements et les valorisations. Par exemple, envoyer les sols impactés en désorption thermique et installations de stockage des déchets dangereux ou non dangereux et confiner ou réutiliser sous voirie et espaces verts les terres impactées aux métaux lourds après vérification de leur innocuité par une Analyse des Risques Résiduels (ARR).

Lors d’opérations de réhabilitation de terrains menées par GRS Valtech dans le cadre d'un projet immobilier dans le Sud de la France, 30 % de la quantité totale de sols non inertes excavés sur le chantier ont pu être déclassés en matériaux inertes. Cette optimisation des matériaux à traiter a été rendue possible grâce à des opérations de criblage et des opérations de tri analytique plus fines réalisées à l'avancement des travaux.

En alternative à une évacuation en décharge d’un sol pollué, la technique de lavage des sols consiste à effectuer un tri sous eau des sols pour isoler les fractions granulométriques propres réutilisables. « Pour 1 000 tonnes de terres polluées, nous pouvons récupérer environ 750 tonnes de matériaux propres utilisables en voiries et réseaux » explique-t-on chez Brézillon. Les fractions polluées sont par la suite concentrées dans des boues qui sont déshydratées sur un tube en géotextile. Puis un coulis auto-compactant et ré-excavable est réalisé avec ces boues polluées afin de les confiner dans un endroit où elles ne présentent pas de danger. Cette technique a fait l'objet d’un pilote technique et est actuellement en cours de mise en œuvre sur un chantier en région parisienne. Sur ce chantier, Brézillon est titulaire du marché de la dépollution et des assainissements, voirie et réseaux divers, ce qui permet la réutilisation directe des matériaux sains. Le procédé permet tout à la fois de réduire les coûts, les impacts environnementaux liés au transport des sols (carbone et nuisances liées au trafic), le recours aux décharges (limitation des déchets) et les emprunts de matériaux naturels (ressources naturelles). L'exploitation conjointe des filières françaises avec celles de pays limitrophes est une autre manière d’approcher l’optimum économique en minimisant les coûts de dépollution.

Le temps est donc un atout essentiel pour les traitements hors-site mais ça n’est pas le seul.

Une autre solution permet de raccourcir la durée des chantiers tout en minimisant les coûts : affiner le choix des traitements en les panachant.

Affiner le choix des traitements en les panachant

Le contexte économique pèse sur la nature des traitements mis en œuvre. « Le moins disant l'emporte trop souvent au détriment de technologies novatrices qui perdent ainsi l'occasion de démontrer leur efficacité ou leur spécificité par rapport à certains types de polluants » déplore Thierry Blondel. Pour comprimer les coûts et améliorer leur compétitivité, les entreprises tendent à se spécialiser sur quelques techniques qu’elles ont parfois tendance à décliner sur un large spectre de chantiers et/ou sur de longues durées, là où il faudrait plutôt combiner différents traitements pour exploiter les spécificités de chacun. Même si chaque site et chaque contexte sont fondamentalement différents, un traitement optimal nécessite bien souvent de recourir à une succession.

[Photo : Geovariances a développé en partenariat avec le CEA, Kartotrak, un logiciel dédié à la caractérisation des sites et sols pollués qui fête cette année ses 3 ans d’existence. Ce logiciel permet de localiser et estimer avec précision les volumes de sols contaminés et ainsi, de mieux anticiper la gestion de ces volumes pour mieux maîtriser les budgets.]
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[Photo : La technique de biostimulation in situ (IRZ) d'Arcadis a été choisie comme solution durable de réhabilitation d'un terril de chrome dans le nord de la France. Une approche “pas à pas”, du laboratoire au terrain, a été nécessaire pour convaincre toutes les parties prenantes.]

ou à une combinaison de techniques de traitement mises en œuvre sur l'ensemble d'un site ou sur certaines zones présentant des spécificités particulières. Il est ainsi possible de combiner les procédés physico-chimiques, thermiques et biologiques autant que leur mode de mise en œuvre qui peut indifféremment se faire hors site, sur site ou in situ. Sur une opération de bioventing in situ à grande profondeur sur un ancien site industriel situé en plein cœur de Paris (Voir EIN n° 344), Biogénie a par exemple pu mettre en place une stratégie de traitement différenciée reposant sur la définition de zones de contaminations distinctes permettant la mise en place de techniques et d’objectifs de traitement différenciés tout en minimisant les volumes à évacuer en filières agréées.

Les entreprises de dépollution usent de ces possibilités pour optimiser leurs résultats. Soleo Services, GRS Valtech, ICF Environnement, ATI-Services ou encore Colas Environnement ont chacun développé leurs propres unités mobiles permettant de sélectionner une ou plusieurs techniques de traitement, puis de les tester avant de prolonger l’étude via l’implantation de pilotes qui permettront de valider les traitements et de recueillir les données nécessaires au dimensionnement des équipements. Züblin Umwelttechnik Gmbh a également développé une station d’essai qui offre la possibilité d’effectuer rapidement et de manière ciblée des essais pilote d’oxydation chimique in situ pour déterminer quel sera l’oxydant le plus adapté à la problématique considérée.

Pour déterminer la nature et la séquence des traitements, des essais préalables en laboratoire sur des échantillons ou à l'aide de pilotes sur sites deviennent indispensables. Le BRGM travaille d’ailleurs depuis plusieurs années dans le domaine des changements d’échelle permettant de passer des essais de faisabilité (laboratoire), aux essais de traitabilité (pilote à échelle réduite) puis aux essais terrains (prototype à grandeur réelle). Le procédé Geotex, issu d'une collaboration avec Sita Remediation, RMIS et Gutzwiller (projet ANR Eco-Industries), a par exemple permis de mettre au point un procédé de stabilisation de terres faiblement polluées par certains types de métaux/métalloïdes. Ce procédé est basé sur l’ajout de certains additifs issus de sous-produits industriels. Le choix des additifs a été réalisé sur la base d’essais au laboratoire validés par des modélisations. Par la suite, l'homogénéisation des additifs avec les terres a fait l'objet d’études poussées (essais de traçage afin de régler le pilote). Ces essais ont permis de fournir des recommandations pour la fabrication d'un prototype.

Ces travaux profitent directement des progrès enregistrés en matière de caractérisation qui progressent et s’affinent.

Les outils de caractérisation progressent et s’affinent

La qualité des études préalables est un paramètre essentiel en matière d’optimisation des coûts. Recenser, identifier, quantifier précisément les polluants de présence, retracer leurs implantations, permet de sélectionner les traitements les plus appropriés et de raccourcir la durée du chantier. Les besoins analytiques évoluent. « Nos clients nous demandent avant tout d’être en mesure de traiter des volumes importants dans des délais maîtrisés », explique Nicolas Gros, Country Manager France chez ALcontrol Laboratories, leader en matière d’analyses des sols pollués en France comme dans plusieurs pays.

[Photo : Certaines techniques se développent sous l’effet de formulation de nouveaux réactifs ou par le biais d’un contact plus efficace entre les réactifs et le sol. L'ISOC, diffusé en France par PLM Équipements permet de dissoudre avec un fort rendement de l’oxygène ou d’autres gaz dans les nappes souterraines afin d’assurer la biodégradation des polluants en aérobie ou anaérobie (selon les gaz injectés).]
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d’Europe tels que les Pays-Bas, l’Angleterre ou encore la Suède. « Mais la nature des besoins évolue également. On observe par exemple un intérêt plus marqué pour les émanations, les gaz qui s’échappent des sols. De même, on a tendance à caractériser un spectre de composés de plus en plus large. Les besoins en termes de traçabilité sont également plus importants et nous proposons une solution permettant de tracer les flacons dès l’enregistrement chez nos clients ». Pour faire face à cette évolution, ALcontrol a développé une plateforme internet baptisée @mis® qui permet aux donneurs d’ordres de passer leur commande directement en ligne en définissant la nature des analyses souhaitées. « Ils peuvent ensuite consulter les résultats en ligne mais aussi et surtout extraire les fichiers dont ils ont besoin pour les exploiter avec leurs propres outils sans qu’il soit nécessaire de les ressaisir. Cette plateforme permet également de commander des analyses. »

[Photo : légende : Avec Biocatalyser® F, Sita Remediation a développé un procédé permettant de réduire les polluants chlorés au contact de fer, un réducteur puissant. Sa mise en œuvre repose sur une poudre ou des granules de fer métallique qui se déclinent en grades selon la granulométrie pour injection, soil mixing ou pour une barrière perméable réactive (PRB) en tranchée en mélange avec du sable.]

« en urgence de 24 h à 72 h », explique Nicolas Gros.

Les outils permettant d’affiner les interventions se développent également.

Le logiciel Oreos™, développé par Burgeap, est capable de calculer la répartition des polluants dans les différentes phases d'un échantillon de sol (eau, air, solide, phase organique) à partir des concentrations de polluants dans les sols, des propriétés pétrophysiques des sols (porosité, teneur en eau et en carbone organique) et des propriétés physico-chimiques des polluants en présence (masse molaire, densité liquide, solubilité, pression de vapeur, coefficient de partage eau/carbone organique). Pour chaque échantillon, il permet ainsi de déterminer si l’échantillon est situé dans une zone source ou non (présence de phase organique ou non), de savoir si la phase organique est présente et de calculer son volume, sa

[Photo : légende : Workflow de SoilRemediation Data Analysis qui conduit l’utilisateur pour charger des données, construire une colonne stratigraphique à partir de coupes de sondage, identifier les polluants potentiellement critiques et les sols affectés, construire un modèle structural adapté à la complexité de la pollution. Ce modèle peut aussi servir d’entrée à un second workflow, SoilRemediation Modeling, pour construire un modèle géostatistique de la pollution, quantifier l’incertitude sur les volumes de sols pollués et en déduire des coûts de dépollution.]
[Encart : texte : Combiner des techniques de dépollution par voie thermique adaptées à la zone saturée et non saturée GRS Valtech a mis en œuvre sur un site industriel, un pilote de traitement thermique in situ type S.V.T.E. afin de valider l'applicabilité du traitement thermique in situ sur des contaminants persistants type chlorobenzène et pesticides organochlorés. Le pilote a été l'occasion de collecter un maximum d’informations pour évaluer à l'échelle industrielle la solution de traitement en zone non saturée et initier la recherche d'un dimensionnement de traitement de la zone saturée. Avec plus de 1000 kg de polluants récupérés, il a été observé une réduction notable de la source primaire de contamination. Technique adaptée au milieu industriel et ses exigences d'exploitation, le SVTE a mis en évidence sa capacité à traiter des polluants à hauts poids moléculaires et/ou persistants difficilement extractables avec des techniques classiques tout en conservant les caractéristiques géotechniques. Les premiers résultats obtenus laissent présager pour la suite de réelles opportunités de recherche et développement en combinant deux techniques de dépollution par voie thermique adaptées à la zone saturée et non saturée. De plus, l'application sur des molécules récalcitrantes est un motif supplémentaire pour prolonger ce travail de recherche et développement.]
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[Publicité : Cabinet-Conseil Blondel]
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[Photo : Valgo expérimente à Graulhet (81) son Phytotertre, un procédé de phytoremédiation qui utilise le géranium odorant (Pelargonium sp.) pour capter les métaux lourds du sol et les concentrer dans les feuilles et les tiges des plantes. Ces dernières sont ensuite récoltées et traitées dans un centre adapté.]

Masse et sa composition, de déterminer la proportion de chaque phase (eau, air, solide, phase organique) dans l’échantillon et de quantifier les concentrations de chaque polluant dans les matrices eau et air des sols ainsi que la masse adsorbée. Des informations précieuses aussi bien pour les diagnostics que pour les plans de gestion, les EQRS. Elles permettent aussi d’orienter le choix des meilleures techniques de dépollution.

À l'initiative de Kidova, Geovariances et Mines Paristech, précurseurs en France dès les années 90 dans l'application de la géostatistique aux sites et sols pollués, l’association et groupe de travail GeoSiPol a été créé pour promouvoir ce domaine d'application (voir www.geosipol.org). Intégrant les aspects d'incertitudes spatiales dans l'interprétation et l’évaluation de pollutions de sols, la géostatistique vise à ce que de meilleures décisions soient prises sur le type et le dimensionnement de solutions de dépollution. En collaboration avec des bureaux d'étude et en bénéficiant de financements de l'Ademe et de l'Ineris, plusieurs projets ont été menés par GeoSiPol. Ils ont conduit à la rédaction d’un manuel méthodologique et à la réalisation d'études de démonstration sur des cas d’étude réels. Le manuel méthodologique décrit et illustre des approches géostatistiques adaptées à différentes problématiques. Les études de démonstration ont permis de vérifier les prédictions de modèles géostatistiques par rapport à

[Encart : Dépollution des sols: bien analyser les risques d’exposition ou d’impacts « Dans de nombreuses configurations, il faut faire attention à ne pas déplacer les pollutions d'un milieu à un autre », souligne Etienne de Vanssay, Directeur Général de Cap Air Rincent Environnement. « Ceci est particulièrement vrai pour les émissions dans l’atmosphère pour lesquelles on se retrouve confrontés à deux cas de figures ». Le premier cas porte sur l'exposition des opérateurs qui, en contact direct avec les sols pollués, peuvent être exposés à des fortes concentrations de polluants en phase gazeuse ou particulaire. « Ceci est d’autant plus vrai que le chantier est réalisé en sous-sol où les risques d’exposition sont décuplés et auxquels on peut ajouter le risque d’explosion », précise Etienne de Vanssay. L’autre volet de cette thématique concerne l'impact environnemental atmosphérique qui devient un élément clé lorsque les chantiers se trouvent en zones sensibles comme les centres-villes. Il faut alors non seulement prendre en compte le bruit et les émissions de polluants gazeux et particulaires mais aussi intégrer une dimension de communication avec les riverains des sites qui s’inquiètent sur les risques qu'ils encourent et les nuisances qu'ils subissent. ]

Cap Air Rincent Environnement, confronté depuis plusieurs années à ces problématiques, a élaboré une offre qui convient aux autorités de surveillance (Cram, ARS, Dreal...), et propose un accompagnement adapté pour analyser les risques d’exposition ou d'impacts à partir des données sols et eaux disponibles, puis préconiser et mettre en œuvre des stratégies de surveillance permettant de répondre aux exigences liées à la protection des opérateurs et aux questions que se posent les riverains.

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[Photo : Le procédé Thermopile®, développé par Deep Green repose à la fois sur l’utilisation d’un circuit fermé de gaz pour chauffer les terres de façon statique, réduisant les émissions atmosphériques et éliminant la production de poussières mais aussi sur l’utilisation des polluants comme source d’énergie dans la combustion, réduisant la consommation énergétique. Il peut être mis en œuvre in situ (même sous un bâtiment) ou ex situ.]

des données de dépollution ou de validation, de comparer la qualité et la précision de modèles géostatistiques en fonction du nombre de données disponibles et d’aborder des questions de mise en œuvre de la géostatistique.

Des outils logiciels adaptés à l’application de la géostatistique aux sites et sols existent à présent. Geovariances a par exemple développé en partenariat avec le CEA, Kartotrak, un logiciel entièrement dédié à la caractérisation des sites et sols pollués qui fête cette année ses 3 ans d’existence. Ce logiciel, utilisé par des bureaux d’études et par des industriels des secteurs chimiques et radiologiques, permet de localiser et estimer avec précision les volumes de sols contaminés et ainsi, de mieux anticiper la gestion de ces volumes pour mieux maîtriser les budgets.

[Encart : texte : Dresser un diagnostic immédiat sur site Libios a développé des kits permettant de réaliser des analyses de terrain performantes, rapides, qualitatives ou quantitatives si besoin, permettant une véritable autonomie et un diagnostic immédiat sur site. En matière d’hydrocarbures, la mallette Petroflag comprenant un turbidimètre (lecteur), une balance, un chronomètre et des réactifs permet une analyse rapide, immédiate et précise sur site (lecture quantitative) des échantillons de sol et de la présence d’hydrocarbures dans ceux-ci. Ce kit permet d’analyser les hydrocarbures totaux (HCT) (de l'essence jusqu'au fuel lourd) dans les échantillons de sol. Une mallette portative autonome comprenant tous les accessoires ainsi qu'un kit de consommables permet de réaliser le dosage des hydrocarbures totaux (HCT) dans les sols. L’échelle de mesure est de 10 à 2000 ppm ou plus après simple dilution. Le principe du test Petroflag est basé sur une mesure turbidimétrique facile à mettre en œuvre sur les chantiers de remédiation ou dépollution des sols. L’analyse est peu sensible aux interférences comme cela peut se produire, par exemple, avec les tests immunologiques. Pour ce qui concerne les PCB, deux technologies sont disponibles selon le souhait de l'utilisateur. Le Kit de terrain pour la détection rapide de la pollution en PCB permet d’analyser la pollution en PCB des échantillons de sol directement sur site en l’espace de 10 minutes (> 50 ppm). Il peut être utilisé pour pratiquement tous les types de sols, y compris le sable, le sol glaiseux et les sédiments. Autre solution, l’analyseur chlorures L2000 DX, un appareil portatif, qui permet de déterminer directement sur site la concentration en PCB dans les huiles, les sols et l'eau à une échelle de 2 à 2000 ppm - huile et sols -, 10 ppb (0,01 ppm) à 2000 ppm - eau. Le 2000 DX mesure la teneur absolue en chlorures d'un échantillon, le convertit dans la valeur correspondante en PCB et affiche le résultat directement en mg/kg. Cet appareil est simple à manier et n’exige ni laboratoire ni technicien expérimenté pour obtenir des résultats précis. Grâce à cet analyseur, on réduit considérablement les délais d’attente des rapports de laboratoires, puisqu’on peut l’utiliser sur le lieu même de l'analyse (alimentation réseau ou batterie). Une analyse dure 5 minutes par échantillon d'huile et 10 minutes pour les sols. ]

Kidova développe également un ensemble de logiciels dédiés aux sites et sols pollués. Ces logiciels constituent la SoilRemediation® Suite et sont liés au modeleur géologique GOCAD® qui fait office de système d'information géographique tridimensionnel (SIG 3D). Ils permettent de gérer l'ensemble des données d’un site dans toute leur multiplicité : cartes et photos géoréférencées, coupes de sondage, mesures physico-chimiques sur échantillons (sols, eau ou air) ou in situ, données piézométriques, données géophysiques de surface, etc. Ils intègrent de nombreux outils d’analyse exploratoire de données ainsi que statistiques et géostatistiques. Ils reposent aussi sur des workflows qui permettent à des utilisateurs, spécialisés en environnement, de réaliser facilement et rapidement une succession de tâches (traitement, analyse ou modélisation) par rapport à un objectif donné.

L'expertise dans ce domaine se développe rapidement. Envisol applique ainsi la géostatistique aux sites et sols pollués pour interpoler les données recueillies et donc affiner les volumes en fonction de la variabilité spatiale de la pollution et du terrain, ce qui ne peut pas être réalisé sur la base d’un simple maillage. Cette méthode permet de modéliser et cartographier en 3D les volumes de terres polluées, de calculer des probabilités de risques de dépassement des seuils de dépollution, d’estimer l'incertitude associée au calcul des volumes de terres polluées et donc d’évaluer le risque financier. Envisol a par exemple participé à la réalisation d’une modélisation en 3D du sous-sol sur le site de Lac-Mégantic au Québec, suite au déraillement et à l’explosion en plein centre-ville d’un train de 72 wagons-citernes en juillet 2013. Par l’intermédiaire de son pôle R&D et de son implantation en Amérique du Nord, Envisol s'intéresse de près aux nouvelles méthodes de caractérisations sur site. L’EPA (Environmental Protection Agency) appelle cela l’approche Triad. Envisol propose donc

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[Encart : Vers une meilleure valorisation des terres excavées Valtex, projet coordonné par Sita Remédiation et accompagné par l'Ademe dans le cadre du Programme Economie circulaire des Investissements d’Avenir, a pour objectif de faire émerger des filières de valorisation des terres excavées issues de sites pollués. Pour ceci, le projet s’attache à démontrer la pertinence technico-économique du traitement et de la valorisation des terres excavées via les filières de travaux publics routiers, de travaux d'aménagement et de production de granulats pour la fabrication de béton ainsi que l'acceptabilité sociale et sociétale de la valorisation hors site des terres excavées. D'une durée de 4 ans, le programme Valtex devrait permettre de définir puis développer des modes de gestion et de valorisation des terres excavées pour produire des matériaux valorisables.]

Une approche innovante dans la prise de décision pour le diagnostic en sites et sols pollués qui exploite activement de nouveaux outils de caractérisation.

Elle comporte trois parties :

• La planification systématique, un processus de planification qui établit une base scientifiquement défendable pour les activités proposées dans le projet. Cette étape comprend généralement le développement d’un modèle conceptuel du site pour appuyer les prises de décisions et une approche de la gestion de l'incertitude.

• Les stratégies de travail dynamique, des stratégies de travail qui intègrent la possibilité de modifier ou de s'adapter à l'information produite par les technologies de mesure en temps réel.

• Et les technologies de mesure en temps réel qui se réfèrent à un mécanisme de génération de données qui prend en charge en temps réel la prise de décision. Les technologies de mesure en temps réel produisent des résultats assez rapidement pour influer sur le cours des activités de collecte de données sur le terrain.

L'approche met l’accent sur la gestion globale des incertitudes, plutôt que simplement l'incertitude analytique. « Le couplage de la géostatistique et des mesures sur site (telles que l'utilisation de la fluorescence X, les kits colorimétriques, les sondes LIF et MIP, le PID) offre la perspective de pouvoir quantifier les incertitudes liées à l’estimation des teneurs en polluants et de la diminuer par l'ajout d’informations complémentaires via ces mesures sur site », indique Gaël Plassart, co-gérant d’Envisol. Envisol a pu expérimenter notamment l'utilisation de kits colorimétriques et de sonde LIF (laser induced fluorescence) sur des sites industriels à Montréal et dans le Lot (France).

Les bio-technologies progressent également et complètent l’approche physico-chimique. Par leur présence et leur abondance, les organismes bio-indicateurs reflètent la présence des contaminants et leur biodisponibilité, et constituent une donnée complémentaire à la quantification des composés chimiques. Elisol Environnement a par exemple développé des outils de surveillance de l'état biologique du sol à travers la mise au point de bio-indicateurs de la qualité des sols, basés sur des analyses nématologiques (NF ISO 23611-4).

Ces analyses, qui évaluent l'impact effectif des contaminations sur la vie du sol in situ, peuvent être couplées à des tests écotoxicologiques (sur le nématode modèle C. elegans NF ISO 10872) qui permettent de quantifier la toxicité des terres pour les organismes qui y vivent, premiers maillons des chaînes alimentaires.

Enoveo développe de son côté des technologies permettant de suivre et contrôler les stratégies de bioremédiation mises en place. La qPCR (quantitative Polymerase Chain Reaction) permet par exemple d'identifier et de quantifier les microorganismes responsables de la dégradation des polluants présents sur un site. Elle ouvre la voie à un diagnostic précis et à la mise en place de stratégies ciblées donc plus rapides, plus performantes et moins onéreuses.

Tous ces outils permettent de sélectionner les meilleures techniques de dépollution et d'en tirer le meilleur parti.

Tirer le meilleur parti des techniques de dépollution

Beaucoup des techniques de traitement développées au cours des décennies 1990-2000 sont aujourd'hui arrivées à maturité. L'essentiel des progrès enregistrés ces derniers temps touche à leur optimisation, c’est-à-dire à l'amélioration de leur rendement.

La désorption thermique, telle qu'elle est mise en œuvre par Deep Green, GRS Valtech, ICF Environnement, Valgo, Sita Remediation, Brézillon, TPS Tech, Ikos Environnement, ATI Services, Colas ou Serpol, sur site, hors site ou in situ, n'a plus grand-chose à voir avec ce qu'elle était il y a seulement 10 ans. Son rendement s’est accru en même temps que son spectre d’application s'est élargi et que son bilan carbone s'est amélioré. Le procédé Thermopile®, développé par Deep Green repose à

[Photo : Unité mobile de traitement de nappe contaminée par des solvants chlorés développée par Extract Ecoterres]

Conjuguer techniques et filières pour dépolluer une ancienne usine de goudrons

En vue de la rétrocession à RFF d'une usine de fabrication d’émulsion à Saulgé (86), arrêtée en 1996, celle-ci a fait l'objet de travaux de réhabilitation en 2010, par le groupement STPG/Valgo, suite aux diagnostics réalisés par le LRPC de Saint-Brieuc en 2006 et 2008, et sous la maîtrise d'œuvre de Iddea.

Les travaux de décontamination des bâtis ont consisté à désamianter et déplomber l'ensemble des structures du site puis les évacuer en centres agréés. Ont suivi la déconstruction intérieure et la démolition mécanique des bâtiments, le dégazage des cuves et l’évacuation en centres agréés, puis la remise en état de la plateforme. Une partie des gravats de béton a été concassée et réutilisée sur le site, le reste a été évacué en centre agréé, comme béton pollué.

Les travaux de dépollution ont consisté en l’excavation des sols de 2 zones impactées, au tri des terres et à leur envoi vers des filières spécialisées : biocentre et désorption thermique. Ces secteurs correspondaient à d'anciens stockages de carburants et à un déversement de fluxant.

Un contrôle des sols a été réalisé, lors de la déconstruction, au droit des installations les plus sensibles d'un point de vue environnemental, et 2 piézomètres ont été mis en place en aval de l’ancienne. Des concentrations élevées en HCT et HAP sont mesurées sur les piézomètres implantés sur le site ; à l'issue des travaux, un seul conserve des concentrations en HCT et HAP anormalement élevées. Tout au long des travaux de terrassement des terres polluées, un suivi a été effectué mettant en évidence la présence de concentrations résiduelles faibles sur l’ensemble du site. En conséquence de quoi, l'analyse des risques résiduels finale effectuée par le maître d'œuvre intègre ces concentrations résiduelles. À l’issue des travaux de terrassement, seule l’imprégnation des sols au droit de l’ancien talus de l’usine n’a pu être complètement résorbée en raison de sa profondeur dépassant les 7 m. Ainsi, les limites techniques d’excavation ont été atteintes, compte tenu de la profondeur de terrassement, du faciès sableux et d’un mur de soutènement de l’usine. En l’absence de moyens lourds de confortement de parois, il a été décidé de stopper les travaux de terrassement et d’envisager une solution alternative permettant de traiter en place les sols résiduels ainsi que les eaux souterraines au droit du site.

Au regard de la faible productivité de l’aquifère et des délais alloués au traitement, une solution par oxydation semblait plus appropriée qu’un pompage/traitement.

Afin de garantir un usage industriel et une bonne qualité des eaux souterraines en aval du site, Valgo a proposé la mise en place de traitements in situ, combinant un venting pour le traitement résiduel des sols et l’injection d’un oxydant chimique pour le traitement des eaux souterraines.

La mise en place du venting a consisté en la réalisation d'une série d’aiguilles de 7,5 m de profondeur, forées dans la zone non saturée et d’un réseau d’aspiration des gaz du sol. Des prélèvements mensuels d’échantillons d'air du sol soumis à des mesures de terrain permettent de suivre l’évolution du traitement par PID, analyseur multigaz et laboratoire extérieur. De plus, des mesures de concentrations en COV sont réalisées, dans le flux d'air à l'aval du filtre à charbon actif, pour contrôler l'état de saturation du charbon actif.

Les travaux de dépollution des eaux souterraines ont consisté à injecter dans le sous-sol une suspension d’un oxydant, qui favorise les processus de biodégradation des hydrocarbures par les microorganismes. La substance injectée, à base de peroxyde de calcium, stimule l’activité catabolique de la microflore endogène capable de dégrader les composés hydrocarbonés. Les solutions ont été injectées directement dans le sous-sol en 24 points et entre 7,4 m et 8,6 m de profondeur. Ces points sont localisés directement au droit de la zone source et dans le panache de pollution, suivant le sens d’écoulement des eaux souterraines.

9 236 litres de solution, soit 1 925 kg de peroxyde ont été injectés (soit 385 l par aiguille).

Le suivi de la dépollution des eaux souterraines s’effectue à partir des échantillons collectés au sein des piézomètres de contrôle sur le site et des puits privés en aval, tout au long de la période de vigilance (toute l’année 2011).

Laurent ThannbergerValgo

Les procédés biologiques progressent également. Des entreprises comme Biobasic, Biogénie, Soleo Services ou Ortec travaillent sur la sélection des souches de microorganismes endogènes (déjà présents dans le sol) les plus efficaces et sur leur réintroduction dans le sol à traiter dans les conditions les plus appropriées à la dégradation. GRS Valtech travaille à la sélection de bactéries pour la biodégradation des PCB dans le cadre d’un programme de recherches.

Les techniques d’oxydation de polluants dans les sols sont également en cours d’optimisation par ICF Environnement.

Les techniques se diversifient également. La technique de biostimulation in situ (IRZ - In Situ Reactive Zone) anaérobie, développée par Arcadis, a été choisie pour la réhabilitation d’un terril constitué de résidus de traitement de minerai de chrome, situé à Wattrelos. Jusqu’en 2011 et après plusieurs phases de réhabilitation, ce terril générait encore quotidiennement entre 15 et 20 m³ d’un lixiviat alcalin contenant des concentrations élevées en Cr6+ (200 à 1 200 mg/l) et qui était pompé pour confiner les eaux polluées dans l’emprise du site avant d’être traité dans une installation de traitement externe (5 camions par semaine).

semaine). Le temps nécessaire pour éliminer totalement le chrome VI du terril par pompage et traitement de ces eaux a été estimé entre 100 et 300 ans, une durée peu compatible avec les principes du développement durable.

En 2011, l'ensemble du site a été équipé avec différents systèmes d'injection afin de mettre en œuvre le traitement de la totalité du site : puits et tranchées d'injection pour traiter à la fois la zone non saturée et la zone saturée. Après 18 mois de traitement, les zones où la mélasse a été injectée ont montré de bonnes réponses dans près de 60 % des puits de contrôle où les concentrations de chrome ont baissé significativement. Plus de 80 % du chrome VI contenu dans le terril a déjà été précipité sous forme de CrIII insoluble. Le traitement devrait être achevé en quelques années.

D'autres types de techniques se développent également, soit sous l’effet de formulation de nouveaux réactifs, soit par le biais d’un contact plus efficace entre les réactifs et le sol, quelles que soient ses hétérogénéités. Avec Biocatalyser® F, Sita Remediation a développé un procédé permettant de réduire les polluants chlorés au contact du fer, un réducteur puissant. « Sa mise en œuvre repose sur une poudre ou des granules de fer métallique qui se déclinent en grades selon la granulométrie pour injection, soil mixing ou pour une barrière perméable réactive (PRB) en tranchée en mélange avec du sable, explique Franck Leclerc chez Sita Remediation. Le taux d’abattement des polluants au contact du fer zéro dépend du temps de contact, de la quantité et de la finesse du fer ». Les barrières perméables classiques, réalisées en tranchées dans le sol sur une largeur d’un mètre, sont destinées préférentiellement aux écoulements lents (< 0,1 m/jour) dans les sols relativement peu perméables et de faible profondeur. La mise en œuvre par injection permet de traiter les nappes rapides dans les sols perméables. Injectées au travers de tubes à manchettes, l’injection répétitive et sélective permet de traiter finement des sols de perméabilité variée. « Cette réduction peut également s’appliquer aux POC (Polluants Organiques Chlorés) solubles ou pour la stabilisation par réduction de métaux comme le mercure, l’arsenic, l’antimoine, le chrome VI ou le cuivre », souligne Franck Leclerc. GRS Valtech n’est pas en reste sur ces technologies in situ et précise toutefois l’impérative nécessité de maîtriser la diffusion et le devenir des sous-produits dans la nappe.

Le procédé Mixis® de dépollution de sols par réduction avec le fer zérovalent de Soleo Services peut traiter des zones saturées et insaturées à grandes profondeurs. Soleo Services revendique un abattement des concentrations de 99,9 % en un mois en partant de la présence de TCE en phase pure (DNAPL). Sol Environment développe de son côté des techniques de Soil Mixing permettant de mélanger de façon mécanique le sol en place avec un matériau d’apport (liant ou réactif). Les domaines d'application sont multiples : amélioration de sols compressibles, réalisation d’écran d’étanchéité et traitement in-situ.

En revanche, la phytoremédiation qui a pourtant fait ses preuves aux États-Unis, au Canada et dans les pays du Nord peine à décoller en France. Thierry Blondel pointe un contexte réglementaire et normatif qui freine la mise en œuvre de techniques innovantes, une cinétique plus lente que les procédés classiques et surtout un déficit de formation. « En France, les entreprises de dépollution sont majoritairement dirigées par des ingénieurs issus du génie civil ou des travaux publics. Ils ne sont pas formés aux phytotechnologies et inclinent naturellement vers la mise en œuvre de procédés plus rémunérateurs ». Les recherches se poursuivent malgré tout, autant que les expérimentations. Dans la lignée des traitements qu’elle a mis en œuvre sur le site de Salsigne, la société ICF Environnement étoffe ainsi son offre de techniques de phytoremédiation adaptées aux terrains sans valeur immobilière, par le biais de deux programmes de recherche auxquels elle participe : Phytoperf et Physafimm.

IDDEA, bureau d’étude et d'ingénierie spécialisé dans la gestion des sites et sols pollués, travaille par exemple sur un programme de recherches portant sur les sols pollués par les éléments azotés, notamment les cyanures, des polluants susceptibles d’être métabolisés par les plantes sans poser le problème de leur élimination. Des résultats encourageants ont été obtenus au Canada. Ils trouvent certains prolongements sur le terrain. La communauté de l'agglomération creilloise et l’Ineris expérimentent ainsi à Montataire, dans l’Oise, en conditions réelles et sur une durée de 4 ans, une phytostabilisation et une phytoextraction sur deux parcelles de 300 et 500 m² ayant accueilli plusieurs industries par le passé.

Valgo expérimente de son côté à Graulhet (81) son Phytotertre®, un procédé de phytoremédiation qui utilise le géranium odorant (Pelargonium sp.) pour favoriser la solubilisation des métaux lourds assistée par un chélatant ou une solution déminéralisante. Ces dernières sont ensuite récoltées et traitées dans un centre adapté. « Notre procédé est fondé sur un principe de lixiviation sous l’influence combinée des exsudats racinaires des plantes et d'une solution déminéralisante, explique Laurent Thannberger chez Valgo. Les métaux lourds sont récupérés, par extraction spécifique, essentiellement dans les lixiviats, ce qui est beaucoup plus rapide que l'accumulation dans les seules plantes. Le dispositif d’étanchéité et de drainage est là pour prévenir toute contamination du sous-sol par ces lixiviats ainsi chargés ». D'un budget total de 570 k€, ce projet baptisé Déplassmetaux, a reçu le soutien financier de la DGCIS, via son appel à projets Eco-Industrie 2012.

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