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Edito

Sec, l’été sera sec

11 juillet 2022 Paru dans le N°453 à la page 3 ( mots)
© Eaufrance

Les signes avant-coureurs s’accumulaient depuis quelque temps déjà. Ici une rivière prématurément à sec, là un lac qui diminue, ailleurs des vignes rongées par les remontées de sel…

Mi-juin, plusieurs acteurs nationaux faisaient les comptes et en tiraient une conclusion sans appel : en ce début d’été, les réserves d’eau ont d’ores et déjà atteint un niveau préoccupant en France, et il semble illusoire d’attendre un miracle venu du ciel. Autrement dit, une sécheresse estivale devient de plus en plus probable. Non pas une absence de pluies, phénomène plutôt habituel en cette saison, mais bel et bien un problème hydrogéologique : l’eau viendra à manquer dans certaines régions.

Le 14 juin, l’OIEau publiait ainsi le Bulletin national de situation hydrologique du 13 juin 2022. Ce travail rassemble les contributions de Météo France (précipitations, état des sols, manteau neigeux), des Dreal et du Schapi (cours d’eau, remplissage des barrages), du BRGM (nappes souterraines) et de l’OFB (étiages). Résultat : ces derniers mois, les précipitations efficaces ont été déficitaires sur la quasi-totalité du pays. Sans surprise, les sols étaient donc plus secs que la normale début juin. Au même moment, le niveau des nappes, au mieux « moyen » dans certaines régions, et dans la plupart « modérément bas » à « très bas », était en baisse quasiment partout. De même, en mai, le débit était inférieur à la moyenne dans la quasi-totalité des cours d’eau, avec une situation « particulièrement critique en Auvergne-Rhône-Alpes, le long de la Loire ainsi que dans le sud de la région PACA » selon l’OIEau.

Le même jour, à l’occasion d’un point presse, le BRGM enfonçait le clou, soulignant un niveau des nappes « historiquement bas » tout en en détaillant le paysage car toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne. Les aquifères à recharge lente, comme par exemple certaines nappes du Nord de la France, sont à l’évidence moins touchés par le déficit de précipitations. En revanche, la situation est d’ores et déjà critique dans certaines régions, où la sécheresse semble désormais inévitable. Même l’arrivée de pluies inhabituelles – peu probable selon Météo France qui prévoit plutôt le contraire – ne pourrait plus recharger ces nappes. C’est le cas en Provence (nappes karstiques) et sur la Côte d’Azur (nappes alluviales et formations tertiaires) mais cela concerne aussi, plus au nord, les nappes calcaires jurassiques des Charentes, de la Brenne et du Poitou, les sables cénomaniens du Perche et du Maine ainsi que la nappe de craie tourangelle.

Dans son communiqué de presse du 13 juin, la FP2E appelait de son côté tous les usagers à la « sobriété ». Rappelant la sécheresse de l’été 2019, au cours duquel 88 départements ont été soumis à des restrictions d’usage, elle insistait sur la nécessité d’anticiper le retour de tels évènements par « une volonté politique nationale affirmée encourageant les indispensables investissements locaux dans les territoires à risques».

Le 27 juin, alors que nous mettions sous presse, on recensait déjà 142 arrêtés de restriction de prélèvements d’eau concernant 56 départements. Des chiffes en hausse rapide, à suivre sur le site national Propluvia[1]. Ces restrictions visent à préserver un accès à l'eau pour les usages prioritaires - santé, sécurité civile, eau potable, salubrité - au détriment des usages récréatifs mais aussi industriels et agricoles, ce qui n’augure rien de bon pour les récoltes 2022.

Si les modes de consommation de l’eau ne sont pas rapidement repensés et l’aménagement du territoire revu à l’aune du changement climatique, cette situation aujourd’hui qualifiée d’historique risque de devenir habituelle dans un pays pourtant gâté par la géographie en termes de ressources…

 Patrick Philipon



[1] http://propluvia.developpement-durable.gouv.fr/propluvia/faces/index.jsp