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Effluents industriels : trier pour mieux traiter ?

31 mai 2019 Paru dans le N°422 à la page 31 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

Le traitement des effluents industriels, avant rejet, fait appel à des technologies parfois coûteuses. Or la pollution est en général concentrée dans une faible partie des effluents totaux d’une installation industrielle, d’où l’intérêt de séparer les flux pour ne traiter que le nécessaire. Reste à trouver les bons arguments pour convaincre les industriels de modifier, en profondeur, la gestion des flux au sein de leurs procédés.

Pression réglementaire aidant, les industriels doivent mettre en place des solutions de traitements parfois coûteuses pour leurs effluents. Or, la concentration en pollution peut varier avec la production, la saison ou bien d’autres facteurs encore, et les effluents de tous les ateliers d’une usine n’ont pas forcément la même composition. « Aujourd’hui : 10 % des eaux envoyées en stations d’épuration contiennent 90 % de la pollution. Le reste, ce sont des eaux claires ou peu chargées, que l’on peut réutiliser avec un traitement léger, voire rien dans certains cas » constate ainsi Thomas Féron, responsable commercial Industrie chez BWT. Tout envoyer sur un même ouvrage de traitement, nécessairement surdimensionné pour pouvoir tout traiter, pics de pollution compris, n’est pas forcément la solution optimale.
En dehors des avantages liés à un traitement différencié, des effluents ne sont bien souvent valorisables que lorsqu’ils sont captés avant d’être mélangés et envoyés vers  la station d’épuration.

D’où l’intérêt potentiel de séparer les différents flux pour les traiter chacun selon ses spécificités. Dans l’idéal, la séparation se fera dès le procédé industriel, ou, à défaut, en amont de la STEP. « Lorsque l’on s’intéresse à la valorisation des effluents industriels, il faut pouvoir analyser de manière pro-active le continuum unité de production station d’épuration en prenant du recul et progressivement localiser les sources de pollution, les économies possibles etc… Cette démarche n’est efficace qu’en analysant le procédé global depuis la réception des matières premières, des utilités jusqu’au point de rejet en sortie d’usine, explique Christophe Guillaumin, Chargé d’Affaires Séparation chez Alfa Laval, spécialiste dans la fourniture de solutions de séparation centrifuge et évapoconcentration. En effet, bien des effluents sont valorisables lorsqu’ils sont captés avant d’être mélangés et envoyés vers la station d’épuration. Nous sommes donc encore dans le procédé de fabrication, mais dans une zone grise, souvent peu considérée par l’industriel ».


Une connaissance fine des flux est requise

La conception de telles installations repose sur une connaissance fine des flux imputables à chaque procédé, ce qui est le travail de bureaux d’études spécialisés comme Antea Group ou Spec Environnement. Dans le cadre d’une démarche proactive d’anticipation des modifications de la réglementation sur ses rejets d’eau, FORESA France, qui exploite en région bordelaise un site chimique de production de colle pour l’industrie du bois, a souhaité être accompagné dans cette démarche par Spec Environnement. Jean-Marc Pasanau, directeur du site, témoigne : « Dès le début de notre réflexion, nous avons choisi de travailler avec Spec Environnement pour son approche globale intégrant une démarche très « terrain » de cartographie des flux de pollution. Cette démarche a été payante puisque cela a permis d’identifier des flux fortement chargés qui ont pu être recyclés dans notre production. Les bases de dimensionnement de la future station d’épuration ont ainsi pu être réduites, ce qui a permis de diminuer par conséquent les coûts d’investissements et d’exploitation inhérents. Ensuite, Spec Environnement a pu valider à l’échelle laboratoire la pertinence du traitement biologique envisagé sur les effluents résiduels. Enfin, ce cabinet nous a également accompagné dans une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage permettant de consulter les entreprises de travaux, choisir le bon partenaire, et suivre les travaux jusqu’aux opérations de réception. Ce partenariat nous a réellement permis de maîtriser nos dépenses et de nous doter d’un outil pérenne pour le traitement de nos effluents ». Il peut arriver que les cartographies des flux soient menées très en amont, « comme chez un industriel de chimie organique pour lequel nous avons investigué une douzaine de productions différentes et déterminé quels effluents étaient compatibles ou non les uns avec les autres (risques de précipitation, de dégagement gazeux, de réaction exothermique…) » précise Rémi Faucher, expert en traitement d'eau industrielles chez Antea Group.

« La séparation des flux dès le procédé est surtout l’affaire des bureaux d’étude qui répondent aux appels d’offres des industriels, souligne de son côté Maxime Pollet, responsable commercial chez Ovive. Ils analysent et cartographient les flux. Nous, fournisseurs de solutions de retraitement, nous arrivons après ». Ce que confirme Antoine Lemaire, directeur général délégué de CMI Proserpol : « quand nous recevons un appel d’offres, la cartographie des flux et de la pollution est déjà faite. C’est le métier de bureaux d’études qui interviennent aussi pour les bilans de pollution, les autorisations d’exploiter, les études d’impact… L’industriel s’appuie sur leur travail pour s’adresser à l’administration, ou aux fournisseurs d’installations de retraitement ». Quelquefois, les grands groupes industriels possèdent même leur propre expertise quant à leurs effluents. Ce sont souvent les entreprises de taille plus modeste qui doivent faire appel aux bureaux d’étude.

Heliopur Technologies propose des outils permettant un tri à la source des eaux usées, un traitement des eaux usées triées adapté à la récupération et la valorisation des matières qu’elles contiennent, une réutilisation en interne ou en externe des eaux usées traitées selon ce qu’elles contiennent, et une gestion intelligente des flux d’eaux usées.

« Faire appel à un bureau d'études comme Antea Group permet d’obtenir un conseil objectif, pragmatique et indépendant de tout fournisseur ou exploitant. Cela nous arrive de redéfinir un cahier des charges irréaliste, comme ce cas d'un dépôt de carburant qui nous avait sollicité pour traiter 1.200 m³/h d'effluent en mélange avec du pluvial ; nous avons recentré sur la problématique de la DCO sur quelques centaines de mètres cubes dus à des purges de bacs de stockage mal maîtrisées » précise Rémi Faucher.

Plusieurs traiteurs d’eau disposent en interne des compétences nécessaires pour s’investir dans un examen approfondi de tous les procédés susceptibles de générer des flux devant être traités. C’est par exemple le cas des grands tels que Veolia, Suez ou OTV DBI, mais aussi de Waterleau, Chemdoc Water ou encore Nereus.

Il n’est pas toujours facile de convaincre un industriel de l’intérêt de séparer ses flux d’effluents, pour différentes raisons. Beaucoup restent, par principe, réticents à l’idée d’une “intrusion” d’un système tiers au sein de leur procédé.

Il arrive toutefois que les traiteurs d’eau aient leur mot à dire sur la gestion des flux. « Une de nos stations d’épuration, installée chez un industriel, souffrait d’un apport de zinc. Nous avons nous mêmes identifié dans ses chaînes l’unité envoyant le zinc et isolé ce flux, que traitons à part sur un petit procédé physico-chimique » explique par exemple Maxime Pollet. Serep, filiale de Veolia, a de même été amenée à “entrer” dans le procédé d’un client. « Sur une installation récente, nous avons adopté une démarche de partenariat avec un bureau d’étude. L’industriel rejetait 400 m³/jour d’effluents. Or, la cartographie nous a montré qu’un dixième seulement de ce volume était véritablement polluant. Nous avons donc conçu une installation spécifique pour ces 40 m³, le reste étant envoyé sur une station d’épuration classique » se souvient Stéphanie Rossignol, responsable commerciale du département Ingénierie Traitement des Eaux chez Serep.

BWT, qui conçoit des solutions de traitement, plaide depuis plusieurs années pour une gestion différente de l’eau. Intervenant sur toute la chaîne de la conception à l’installation, la société vient de franchir un pas supplémentaire et s’intéresse désormais elle aussi aux procédés des clients. « Nous avons mis sur pieds un service d’“ efficacité hydrique”, qui réalise la cartographie hydrique : voir comment le client utilise l’eau, à quel endroit, identifier eaux perdues… » annonce Thomas Féron.

Des réticences à lever

Reste qu’il n’est pas toujours facile de convaincre un industriel de l’intérêt de séparer ses flux d’effluents, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, beaucoup restent, par principe, réticents à l’idée d’une “intrusion” d’un système tiers au sein de leur procédé. « Le traitement de l'eau ne fait pas partie du process industriel. Dans certains cas, l'installation d'unité de traitement local dans l'usine, peut faire peur, affirme Maelle Willot, ingénieur commercial chez Exocell. L’investissement est supérieur, c’est vrai, mais au final le client y gagne en coût d'exploitation par une réduction des besoins en réactif et en énergie mais aussi il gagne en sérénité car la station d’épuration fonctionne beaucoup mieux ». Pour surmonter le problème, Exocell développe des solutions compactes et autonomes, débarrassées de toute électromécanique immergée jugée exigeante en maintenance, et consommant peu de réactifs.
Ovive pratique la séparation des effluents en fonction de leur charge organique, afin de ne pas se trouver en situation de surdimensionner le process de traitement. Les flux très chargés peuvent soit être dirigés vers une filière propre, soit stockés dans un bassin tampon et relargués progressivement.

Isoler les flux les plus chargés ne signifie pas forcément traiter chaque type d'effluents séparément.« On peut agir sur un process générant des effluents, comme par exemple modifier un dispositif de pousses à l'eau dans les canalisations par des pousses à l'air et récupérer du produit fini » précise Rémi Faucher chez Antea Group.

Poussant la logique de séparation jusqu’au bout, BWT a développé un trieur d’effluents automatisé, capable d’identifier en continu  les eaux réutilisables/recyclables  et celles qui doivent être envoyées sur la station d’épuration.

Mais la principale réticence est d’ordre économique. Il faut prouver que l’investissement initial nécessaire pour séparer les flux est largement compensé par la suite en termes de coûts de retraitement des effluents. « En identifiant la source de pollution, on peut mettre en œuvre une technique ciblée et, du coup, prévoir des installations plus simples pour retraiter le reste. Ce n’est donc pas toujours plus cher, au contraire » plaide ainsi Stéphanie Rossignol chez Serep… tout en soulignant que si l’option de séparer les flux n’est pas prévue dès la conception du procédé, il sera difficile de convaincre l’industriel de réaliser d’importants travaux hydrauliques sur sa chaîne de production. « L’investissement est supérieur, c’est vrai, mais le client y gagne au final car la station d’épuration, en sortie de site, fonctionne beaucoup mieux, d’où un gain d’exploitation » confirme Maelle Willot.

Installation de valorisation du nickel, réalisation CMI Proserpol. L’industrie du traitement de surface représente un défi pour la gestion des effluents. Les solutions de traitement, reposant sur des principes physico-chimiques, supposent une individualisation des flux dès la sortie de chaque bain, qu’il s’agisse d’un bain de traitement (effluents concentrés) ou d’un bain de rinçage (effluents dilués). 

« Pour convaincre l’industriel, nous lui présentons les deux scénarios : soit une grosse station d’épuration avec les coûts d’exploitation afférents, soit des flux isolés en amont et une petite STEP. Tout dépend des flux et des coûts d’externalisation. Certaines pollutions sont valorisables, d’autres évacuables à coût nul, d’autres peuvent coûter cher », explique pour sa part Maxime Pollet chez Ovive. L’industriel peut en effet avoir intérêt à récupérer certaines matières polluantes. « Nous avons réalisé une installation dans une usine pharmaceutique du Morbihan. Nous reconcentrons un flux riche en composés organo-iodés. Or l’iode coûte très cher. L’industriel récupère donc une valeur marchande sur une partie de son effluent » expose Maxime Pollet. Dans le même ordre d’idée, Serep est spécialiste de la séparation des hydrocarbures, qu’elle sait valoriser. Et dans l’agroalimentaire, il devient fréquent de proposer la séparation de tout ce qui est méthanisable.


L’agroalimentaire… et le reste

De nombreuses branches industrielles - papeterie/cartonnerie, cosmétique, pharmacie, textile… – génèrent des effluents chargés en matière organique, et relevant donc d’un traitement final biologique, ou à composante biologique.

L’agroalimentaire représente un cas extrême, avec ses flux riches en graisse ou en sucres, dont les pics peuvent déstabiliser une station de traitement aérobie, voire encrasser les installations. Sans parler du nettoyage de fond de cuve, qui envoie un flux concentré à la fois en graisses et en détergents…

Il peut donc être indiqué de trier les effluents en sortie de procédé. Exocell développe par exemple sa solution Flolibull qui repose sur un système d’écrémage des graisses par flottation. « Il s’agit de récupérer ce qui est très concentré en charge polluante pour le traiter à part de la station d’épuration », explique Maelle Willot. Exocell a par exemple récemment traité ce type de problématique pour le compte de la biscuiterie LU. Avec peu ou prou des enjeux similaires, la société intervient également en industries cosmétiques.
Flolibull d'Exocell repose sur un système d’écrémage des graisses par flottation.

CMI Proserpol propose également d’isoler les flux les plus concentrés afin de les traiter à part. « Nous avons réalisé une installation pour Saint Louis Sucre, près de Caen. Les effluents dilués vont en traitement aérobie, et les plus concentrés sont dirigés vers une filière parallèle, en attendant l’installation d’une méthanisation » explique ainsi Antoine Lemaire. Même problématique chez McCain, qui traite des pommes de terre et génère donc des effluents fortement chargés en amidon. Dans l'usine Mc Cain d'Harnes CMI Proserpol traite les déchets concentrés en amidon, graisses et pelures dans un méthaniseur dont la fraction liquide rejoint une Step aérobie classique traitant aussi les effluents dilués issus du procédé.

De même, Helio Pur Technologies développe des solutions basées sur le tri à la source des eaux usées et le zéro rejet qui permettent aux entreprises, de réaliser des économies sur l’eau achetée ou les traitements avant usage, et de récupérer des matières valorisables en interne ou en externe. « En mettant en place une gestion intelligente des flux d’eaux usées, on se rend rapidement compte que plus de la moitié d’entre-elles n’ont pas besoin d’être traitées avant une réutilisation interne ou externe », explique Laurent Sohier, CEO d’Helio Pur Technologies. Dans une usine de fabrication de Soft-drinks, une séparation à la source des différents effluents a permis de constater que sur un volume de 300 m³/jour d’eaux usées, 20 m³ seulement nécessitaient un traitement avant rejet ou réutilisation.

Nereus a intégré dans son ADN le tri des déchets liquides, et non pas leur traitement : le fractionnement par un procédé innovant des composés constituants les différents effluents municipaux, agricoles et industriels rend leur valorisation plus facile et efficace. Sur une laiterie de l’ouest de la France, la solution Recynov®, développée par Nereus, a été mise en œuvre sur le site (eaux blanches, condensats), démontrant que l’autosuffisance en eau est accessible tout en générant 6,2 GWh/an soit plus de 20 % des besoins annuels en gaz de l’usine.

Atlantique Industrie conçoit et met en œuvre des équipements pour le traitement des eaux et la méthanisation, en particulier dans l’agroalimentaire. « Nous séparons par filtration dégrillage en tête de station, mais n’avons pas vocation à travailler dans les process de l'usine » souligne Jean-François Gautreau, Responsable commercial. Sauf, toutefois, dans les abattoirs. Atlantique Industrie a par exemple installé un système de séparation des matières stercoraires (contenu du tube digestif) dans la chaîne d’abattage des ruminants d’un important abattoir breton. « Ce flux très concentré en charge organique est canalisé séparément et envoyé sur une presse, avant évacuation. Cela évite de surcharger la station d’épuration » explique Jean-François Gautreau.
Atlantique Industrie a installé un système de séparation des matières stercoraires dans la chaîne d’abattage des ruminants d’un abattoir breton. Très concentré en charge organique, ce flux a été canalisé séparément puis envoyé sur une presse avant évacuation pour ne pas surcharger la station d’épuration.

Ovive pratique aussi la séparation des effluents en fonction de leur charge organique, afin de ne pas se trouver en situation de sur-dimensionner la STEP. Les flux très chargés peuvent soit être dirigés vers une filière propre, soit stockés dans un bassin tampon et relargués vers la STEP à un rythme qu’elle peut supporter. « Nous avons mis en place un système de ce type chez un industriel de la pharmacie, dont certaines eaux de premier lavage sont très fortement chargées en matières organiques. Nous avons installé un capteur, un COTmètre, sur le canal d’évacuation de ces unités. En fonction d’une valeur définie en DCO, un automate envoie le flux vers la station ou vers un bassin tampon » explique Maxime Pollet. Ovive met en œuvre le même “COTmètre” chez une société d’embouteillage de boissons sucrées.

Ces flux surchargés en matière organique peuvent même constituer… un réactif pour d’autres stations d’épuration ! C’est ce qu’explique Maxime Pollet : « en tant que traiteurs d’eau, nous sommes aussi consommateurs de pollution. En traitement biologique, pour rééquilibrer le rapport carbone/azote/phosphore, nous sommes parfois amenés à ajouter de la DBO. L’effluent fortement concentré d’un industriel peut ainsi être valorisé en réactif pour une autre installation. Nous le faisons par exemple à partir d’une sucrerie, avec le jus de premier rinçage des cuves, que nous utilisons comme réactif sur d’autres stations ».

« La solution standard n’existe pas, chaque projet doit faire l’objet d’une étude technico-économique spécifique. Pour trouver la meilleure solution, il faut un laboratoire, une plateforme d’essai et une équipe d’ingénieurs dédiés », explique-t-on chez Vivlo qui capitalise 30 ans d’expérience dans le domaine.

Les solutions se développent

BWT propose également des solutions de traitement reposant sur un tri, au moins partiel, des effluents avant la STEP, dans l’optique d’un recyclage de l’eau. « Nous installons un préleveur pendant quelque temps sur les eaux de purge d’une installation, par exemple, pour les analyser et déterminer ce qui est rejeté. En fonction de la pollution, nous proposons ensuite de renvoyer cette eau pour alimenter une chaudière, un circuit refroidissement, le lavage de sol, les toilettes… voire la traiter pour la réinjecter en tête de procédé. Nous pouvons aussi récupérer les calories d’une purge de chaudière pour préchauffer un précédé » énumère Thomas Féron. BWT propose en particulier ce type d’installation auprès d’industriels de la cosmétique.
Elmatec a conçu un système de concentration d’un rejet de Na2SO4, le concentrat est ensuite orienté vers un évaporateur. Le perméat produit est recyclé pour une unité membranaire de production d’eau ultrapure pour le process.

Poussant la logique de séparation jusqu’au bout, BWT développe un trieur d’effluents automatisé, capable d’identifier en continu les eaux réutilisables/recyclables et celles qui doivent être envoyées sur la station d’épuration. « Nous plaçons des capteurs de DCO, ou d’autres paramètres, dans les flux et c’est la corrélation entre différents indicateurs qui permet de faire tri des effluents. Nous collaborons avec Aquassay pour la partie récupération et mise en forme des données » précise Thomas Féron. Un essai industriel de plusieurs mois dans une importante laiterie française vient de montrer que le système est parfaitement capable de trier des condensats de laiterie. Après validation de ces essais, le trieur sera lancé commercialement durant 2019. « Nous avons fait des essais en laboratoire et savons que le système est adaptable en sucrerie, en industrie chimique… En fait, si on a les capteurs, il suffit de choisir les paramètres à suivre et de faire la bonne courbe d’étalonnage. On saura alors trier n’importe quel effluent » affirme Thomas Féron.

Traitement de surfaces : un cas à part…

L’industrie du traitement de surfaces des pièces métalliques représente un défi pour la gestion des effluents. Constitués de chaines de bains actifs et de bains de rinçage, les procédés utilisent en effet des réactifs chimiques nécessitant une prise en charge spéciale, en particulier les dérivés de chrome 6, les sels de cyanure, ainsi que des bains très acides ou alcalins. Il n’est évidemment pas question de rejeter ces produits en rivière, ni même, bien souvent, de les mélanger avant retraitement. Résultat : les solutions de retraitement, utilisant des principes physico-chimiques, supposent une individualisation des flux dès la sortie de chaque bain, qu’il s’agisse d’un bain de traitement (effluents concentrés) ou d’un bain de rinçage (effluents dilués). Les traiteurs d’eau ont ici une position particulière : ils “entrent” nécessairement dans le procédé.

CMI Proserpol, spécialiste historique de ce domaine, collabore de longue date avec la société lyonnaise Sleti (qui a depuis intégré le groupe CMI), laquelle fabrique des chaines de traitement de surfaces. « Quand un industriel créée une nouvelle usine, il n’a pas toujours l’expertise pour savoir quelle pollution en sortira. Or c’est ce qui détermine le dimensionnement de la station de retraitement. CMI Proserpol a cette expertise. Dans ce domaine, c’est donc nous qui calculons les données de base » explique Antoine Lemaire. Les effluents peu concentrés des bains de rinçage peuvent soit être envoyés à la station, soit recyclés. Ils sont alors traités localement, au niveau des ateliers, en passant sur des résines. « La station ne reçoit alors que les éluats de régénération des résines. Cette manière de concentrer localement la pollution avant de l’envoyer vers le traitement final réduit énormément les quantités à traiter, donc la taille de la station » précise Antoine Lemaire. La question du dimensionnement de la station de traitement devient même cruciale avec l’arrivée de projets “zéro rejet”. En effet, au “classique” traitement final physico-chimique se substitue alors une évapo-concentration. « Il faut optimiser les flux pour évaporer le moins possible car l’évaporateur est déterminant dans le coût de la station » souligne Antoine Lemaire. Intervenant beaucoup dans le domaine aéronautique, CMI Proserpol a par exemple récemment dirigé un groupement d’entreprises CMI (Proserpol, Sleti et Europe Environnement) pour définir et réaliser un atelier complet de traitement de surfaces pour Airbus Hélicoptères à Dugny, près du Bourget. Dans cette installation “zéro rejet”, avec recyclage des eaux vers le procédé (après déminéralisation), tous les flux sont séparés dès la source.

Hytec Industrie, aujourd’hui membre du groupe Aquaprox, intervient sur ce marché depuis plusieurs décennies. « La séparation des flux est nécessaire de par la nature chimique et la concentration de ces effluents, mais aussi du fait que ces derniers sont souvent générés à des moments différents dans la journée ou dans la semaine et peuvent varier. Les rinçages, peu concentrés, sont traités classiquement sur une filière physico-chimique adaptée, alors que les bains de traitement doivent être stockés puis soit envoyés à faible débit dans la filière, soit envoyés directement en centre agréé. Ainsi, il n’est pas rare, dans les ateliers de traitements de surfaces, d’avoir plus de 10 réseaux de collecte et autant de stockages qui permettent de mettre en œuvre des prétraitements spécifiques mais aussi d’écrêter les flux à traiter et donc de faciliter l’exploitation des stations », prévient Arnaud Lepoivre, directeur général délégué, chez Hytec Industrie. Le traitement, classiquement mis en œuvre, est constitué de prétraitements spécifiques (cassage acide, déchromatation, décyanuration…) d’une neutralisation, d’une coagulation et d’une floculation, suivies par une séparation liquide-solide par décantation (ouvrage de type lamellaire ou cylindro-conique).

Récent acteur français dans le domaine de l’évapo-concentration, TMW,  avec sa technologie MHD s’impose progressivement dans le traitement 
d’effluents issus du traitement de surfaces.

Les exigences industrielles actuelles imposent aux fournisseurs d’agents de conditionnement, des réactifs apportant toujours plus de performance, dans un environnement toujours plus propre. Dans cet esprit, Lhoist a développé Neutralac® SLS45, la chaux liquide concentrée à 600 g/l associant haute réactivité et facilité de mise en œuvre pour optimiser les étapes de neutralisation – coagulation – floculation – décantation ou flottation. « Grâce à sa facilité de stockage, sa précision de dosage et sa réactivité unique, l’industriel dispose d’une chaux liquide toujours disponible et intégrable dans l’automatisme de son procédé », explique-t-on chez Lhoist. Ce réactif breveté s’impose également comme une véritable alternative à la lessive de soude chez les industriels désireux d’effectuer un ajustement pH. L’effluent peut être rejeté directement. Les boues métalliques sont récupérées et déshydratées. Un effluent contenant encore trop de métaux peut alors subir une finition.

En fonction des normes à respecter, des traitements de finition (filtre à sable, charbon actif ou résines spécifiques) sont mis en œuvre avant rejet des effluents vers le milieu récepteur. Les boues métalliques sont déshydratées et envoyées dans la filière de traitement adaptée.
Avec la montée en régime des préoccupations environnementales, voire de réelles restrictions de pompage, de plus en plus d’industriels sont amenés à réutiliser l’eau. Hytec Industrie – comme ses confrères – propose alors de mettre en place des systèmes permettant le recyclage des rinçages et parfois la valorisation des bains de traitement (laitonnage, brillantage chimique, cuivrage cyanuré, satinage…. Ceux-ci permettent de récupérer de la matière première et évitent ainsi la production de grandes quantités de déchets. « Dans ce cas, le traitement physico-chimique est souvent remplacé par de l’évapo-concentration. Le distillat produit est recyclé vers les chaînes de traitement de surface en eau déminéralisée après éventuellement un passage sur charbon actif et résines échangeuses d’ions en fonction de la qualité d’eau demandée. Le concentrât est envoyé en centre spécialisé. Dans le cas de la valorisation de produits, le concentrât d’évaporation est réinjecté au niveau des bains de traitement. C’est avant tout une bonne connaissance des process industriels, des technologies de traitement des effluents et la collaboration avec le client et/ou le cabinet d’études qui permettent d’envisager le meilleur schéma de collecte des effluents et donc l’optimisation des coûts d’exploitation », précise Arnaud Lepoivre.

Récent acteur français dans le domaine de l’évapo-concentration, TMW, avec sa technologie MHD s’impose progressivement dans le traitement d’effluents issus du traitement de surfaces. Des choix techniques spécifiques et originaux, la différencient des technologies traditionnellement utilisées : une évaporation à pression atmosphérique, dispense cette technologie de tout recours à des pièces sensibles telles que compresseur et pompes à vide ; le recours à des matériaux plastiques, la rend particulièrement résistante aux effluents agressifs. Par ailleurs, la modularité de l’équipement, facilite l’adaptation de la capacité de traitement au besoin du client, dans le temps. « La conséquence globale, est une maintenance très réduite et, par voie de conséquence, un taux d’utilisation de l’équipement maximal. Tout ceci dans un confort opérationnel appréciable du fait de l’absence de nuisances sonores », souligne Thierry Satgé, directeur général de TMW.

Serep intervient également dans le traitement de surfaces, en particulier en installant des unités de déshuilage à la sortie des bains de dégraissage, afin de préserver la filière de traitement en aval. 




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