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Eaux usées urbaines : Traiter les micropolluants sans faire exploser les coûts : un défi à la portée des stations d'épuration

30 septembre 2020 Paru dans le N°434 à la page 65 ( mots)
Rédigé par : Pascale MEESCHAERT de EDITIONS JOHANET et Fanny COSTES

A ce jour, aucune réglementation en France n’impose d’aménagement pour le traitement des micropolluants dans les eaux usées urbaines. Les stations d’épuration n’ont pas été conçues pour traiter ces substances présentes à faible concentration et à l’heure actuelle, la réglementation ne le leur impose pas. Des technologies de traitement tertiaire ont bien été mises au point. Mais leur caractère non obligatoire ou leur coût freinent aujourd’hui leur adoption. Faut-il miser plutôt sur la réduction à la source et une optimisation des traitements conventionnels ? Ou légiférer ? Éléments de réponse.

« La Directive Cadre sur L’eau (DCE) impose le bon état écologique et le bon état chimique des masses d’eau. Une quarantaine de micropolluants sont concernés et des valeurs limites doivent être respectées à des échéances distinctes d'ici 2027 », rappelle Mathieu Delahaye, chef de marché protection de la ressource et milieux aquatiques chez Suez France. Depuis 2013, une liste de vigilance complète ces substances prioritaires afin de surveiller les effets d’autres micropolluants.
Dédié au traitement des micropolluants dans les eaux usées, PulsagreenTM combine les performances du lit de boues pulsé au pouvoir d’adsorption du charbon actif en poudre.

La problématique des micropolluants est cependant loin d’être simple. D’abord parce qu’ils désignent des substances organiques ou minérales présentes à très faible dose, « de l’ordre du microgramme par litre (μg/L) ou du nanogramme par litre (ng/L) », précise le Synteau. Ils proviennent de plus de sources multiples : industriels, agriculteurs, établissements hospitaliers, ménages… Surtout, plus de 110.000 molécules sont recensées par la réglementation européenne et des centaines s’y ajoutent chaque année. Enfin, la faible concentration d’un micropolluant ne le rend pas moins écotoxique ou dangereux pour la santé. Tout dépend de la molécule et du récepteur. L’affaire est donc complexe.

Clarificateur équipé du SPEED-O-CLAR™ de Densiline-steu de Lanvollon.


En France, le plan national sur les micropolluants (2010-2013) et le plan national sur les résidus de médicaments (2010-2015) ont ainsi laissé place depuis 2016 à un plan national micropolluants établi pour une durée de 5 ans. Ses objectifs d’ici 2021 : consolider les connaissances pour adapter la lutte contre la pollution des eaux, dresser une liste des polluants sur lesquels agir en priorité et réduire leurs émissions. « Une nouvelle action de recherche des micropolluants dans les eaux usées traitées et les eaux brutes des stations d’épuration (de capacité > 600 kg DBO5/j) a été entérinée par une note technique du 12 août 2016. Un diagnostic en amont doit être réalisé́ dès lors que des micropolluants sont significativement présents », ajoute le Synteau. En revanche, rien n’est prévu pour généraliser des traitements spécifiques visant à les réduire drastiquement. La directive 98/83/CE impose bien des concentrations à respecter pour la production d’eau potable. « Mais, si les flux et les concentrations de micropolluants dans les rejets des stations d’épuration sont mesurés en France, aucun objectif de traitement n’est fixé, contrairement à ce qui se fait en Suisse ou en Suède par exemple », souligne Mathieu Delahaye.

L’existant : bien mais pas assez ?

Aujourd’hui, la plupart des stations d’épuration en France sont en bon état et largement dimensionnées pour répondre aux besoins. Elles filtrent bien macropollution, matières carbonées, matières en suspension, azote ou phosphore et utilisent en général des traitements à boues activées, qui sont en mesure d’éliminer ou de réduire significativement certains micropolluants.
La question du comportement des micropolluants le long des filières de traitement a été au cœur de la programmation scientifique du SIAAP ces 10 dernières années. Vincent Rocher, directeur Innovation au SIAAP précise « en collaboration avec nos partenaires académiques (LEESU, CNRS-ISA, INRA, etc.), nous nous sommes attachés, d’une part, à cerner les limites et les performances des filières actuelles de traitement des eaux vis-à-vis d’une large gamme de micropolluants, et, d’autre part, à étudier l’efficacité de procédés de traitement tertiaires qui pourraient à moyen terme venir compléter nos filières. Les travaux ont également permis d’appréhender le devenir des micropolluants dans les files de traitement des boues ». Ces travaux ont rapidement démontré l’efficacité des filières conventionnelles qui, bien que non conçues pour l’élimination des micropolluants, sont efficaces pour certains d’entre eux, et notamment pour les micropolluants organiques. « Les traitements biologiques intégrés dans nos filières, qu’il s’agisse de cultures libres ou fixées, permettent d’éliminer une part importante des micropolluants organiques, via les processus de sorption, volatilisation et bien sûr de biotransformation. En particulier, les filières biologiques qui permettent une nitrification poussée des effluents s’avèrent être très efficaces dans l’élimination des micropolluants ; les alkylphénols ou les parabènes sont, par exemple, éliminés à plus de 95 % lors du passage des eaux dans ces ouvrages de traitement biologiques » complète Vincent Rocher.
Le réacteur CarboPlus® développé par Saur fonctionne sans équipement électromécanique : la séparation de l’eau et du charbon s’effectue par gravité. L’apport de charbon neuf est automatisé, et la dose s’ajuste en fonction de la qualité de l’eau à traiter.

« Différents essais pilotes ayant pour but de valider l'efficacité d'abattement de certaines substances ont été réalisés entre 2010 et 2012 sur la station d’épuration d’Avranches. La configuration Actiflo®Carb ( décanteur à flocs testés) + CAP testée sur site a démontré l’obtention de taux d’abattement de 98 % pour le paracétamol ou le métropolol, ou encore 70 % pour la sulfaméthoxazole, révèle François Potier, chargé de mission Prospective Innovation DT OTV. Mais pour certaines substances comme le diclofénac ou la fluxétine, moins de 50 % sont abattues, voire moins de 20 % pour certains pesticides ».

Densiline de son côté, avec son procédé de décantation dynamique SPEED-O-CLAR™, revendique une forte réduction des MES y compris en cas de très forts débits. Les récents résultats d’analyse sur la mise en œuvre du SPEED-O-CLAR™ dans le clarificateur de la station d’épuration de Lanvollon ont pu constater que la turbidité a été maintenue sur la période de novembre 2018 à mars 2020 en deçà de 3 (soit environ 2 mg/l de MES) dans la majorité des mesures et ce, malgré les fortes intempéries enregistrées en octobre-novembre 2019 (proches de 140 m³/h vs des débits de référence de 57,5 m³/h).

« Parallèlement, le principe même du process permet une récupération des bactéries de la filière dans le clarificateur, avant leur lyse liée au temps de séjour, du fait de l'absence de voile de boues et une optimisation de leur récupération pour la recirculation. Dans ces conditions, les bactéries conservent dans leur cellule une grande partie des micropolluants », explique Gilles Galichet, dirigeant et fondateur de Densiline. Une étude va être lancée prochainement par le SYDEC 40 (Syndicat Départemental d’Équipement des Communes des Lande) sur deux files parallèles dont une équipée du SPEED-O-CLAR dans une station de moyenne importance qui suivra notamment ces paramètres. « Reste le problème du traitement ultérieur des boues, au même titre que celui de la récupération des micropolluants dans les filtres, membranes ou charbon actif. Ce procédé reste toutefois un intéressant moyen d'élimination massive des nanoparticules par absorption par les bactéries, et pourrait contribuer très avantageusement à l'épuration quasi parfaite des résidus s’il est jumelé à une finition plus poussée mais de par son action moins vite saturée grâce à cette pré-élimination ». Le SPEED-O-CLAR est une solution sans énergie, sans entretien qui pourrait répondre à 90 % des besoins d'élimination, donc particulièrement rentable compte tenu des rendements attendus.

Les rendements d’épuration sont donc très variables en fonction des micropolluants. « De manière schématique, il existe deux grandes familles de micropolluants. Les hydrophobes d’abord, comme les HAP. Lorsqu’ils sont biodégradables ou volatilisables, ils sont généralement bien éliminés par les traitements dits conventionnels, explique Xavier Humbel, directeur technique Eau d’Antea Group. Ensuite il y a les micropolluants hydrophiles et faiblement biodégradables, des substances comme les pesticides et de nombreuses molécules pharmaceutiques qui aiment l’eau et sont majoritairement peu éliminées par les traitements classiques ».
Une variabilité déjà mise en lumière par le projet ARMISTIQ, mené entre 2010 et 2013 par l’ONEMA, et qui perdure même en cas d’optimisation des procédés de traitement biologique existants. Dans ses conclusions, ses porteurs démontraient ainsi que l’augmentation de la température était en mesure d’améliorer le rendement de quelques pourcents seulement pour des micropolluants comme l’ibuprofène, le paracétamol ou le diclofénac. De la même manière, un doublement de la concentration en matière sèche en suspension dans le bassin d’aération conduisait à augmenter de 2 à 5 % le rendement d’élimination, quand l’aération prolongée n’apportait qu’une élimination extrêmement faible.
Le couplage d'injection d'ozone avec l'ActifloCarb a démontré son efficacité opérationnelle sur la step d'Avranches : MES mg/l<1.

« La biologie a ses limites, tranche Fabrice Nauleau, directeur R&D de Saur. Les bactéries vont aller chercher les substrats qu’elles vont pouvoir métaboliser pour produire de l’énergie ou se reproduire. Cela ne les intéresse pas beaucoup d’aller chercher des molécules en très faible concentration comme du kétoprofène ou de l’estradiol, alors qu’elles ont par ailleurs tout un tas de molécules à leur disposition. Cibler un micropolluant en particulier est toujours possible, mais encore faut-il qu’il n’y ait que cela et que les bactéries s’y adaptent. Cela ne peut pas être le cas dans les eaux usées qui sont le réceptacle de toutes nos activités et consommations quotidiennes ».

Traitements tertiaires : des technologies éprouvées ?

Pour toutes ces raisons, des technologies complémentaires dites tertiaires ou avancées ont été développées par les majors du secteur tels que Suez, Veolia, Saur pour éliminer plus significativement les micropolluants insensibles aux traitements conventionnels. Elles ne sont pas nouvelles et sont largement utilisées en France sur le cycle de l’eau potable, par de plus en plus d’industriels, et plus rarement dans les STEU. On en compte quatre principales : l’adsorption sur charbon actif, l’oxydation par utilisation d’ozone ou de peroxyde d’hydrogène, l’hybridation entre adsorption et ozonation, et la filtration membranaire par osmose inverse.
A Saint Pourcain sur Sioule, le traitement des micropolluants développé par Aqualter repose sur une technologie d’ozonation complétée d’une biofiltration sur argile expansée.

La direction en charge de l’Innovation au SIAAP s’est donc interrogé : Et si on devait gagner en performance, quels traitements supplémentaires devrions nous rajouter ? Ce fut le cœur d'un projet de recherche de 5 ans (2013-2018), dont l'objectif a été de tester directement sur un pilote industriel différentes technologies disponibles. Le SIAAP a testé trois technologies : CarboPlus®, développée par la société Stereau (Saur) et ActifloCarb® de Veolia basées toutes les deux sur l'utilisation de charbon actif (sorption), ainsi que le dispositif Toccata proposé par Suez, un système d'ozonation catalytique. « Nos tests confirment que ces technologies fonctionnent très bien pour éliminer les molécules qui passent à travers le filet de la décantation et du traitement biologique et notamment les pesticides et les résidus de médicament », annonce Sam Azimi, directeur adjoint de l’Innovation. Le projet a surtout permis d'affiner les connaissances sur le lien entre les conditions d'exploitation et les performances de traitement. « Certaines molécules vont être très bien éliminées avec peu de charbon, d'autres demanderont plus de réactif. En fonction des cibles que l'on va viser, on pourra adapter les conditions d'exploitation mais cela aura un impact sur les coûts de traitement. La réalisation d'une analyse technico-économique apparaît alors nécessaire : combien est-on prêt à mettre pour aller chercher la dernière molécule réfractaire ? », s'interroge ainsi Sam Azim.

Les procédés d’ozonation et d’adsorption sur CAP sont efficaces pour réduire l’apport de micropolluants dans les eaux usées et réalistes autant du point de vue de leur implantation dans les steu que de leur exploitation, pour des coûts d’investissement et d’exploitation relativement similaires selon les essais pilote. « Certains micropolluants sont bien éliminés par les procédés d’adsorption, d’autres nécessitent de recourir à des procédés d’oxydation », poursuit Mathieu Delahaye. « Chez Suez, nous disposons d’une gamme complète de procédés de traitement basés sur ces deux technologies ». Le décanteur lamellaire Pulsagreen™ à lit de charbon actif en poudre (CAP) pulsé développé par Suez est dédié au traitement des eaux usées. Les pulsations optimisent la mise en contact des micropolluants avec le charbon actif, favorisant leur adsorption, puis leur élimination lors de la décantation lamellaire. L’efficacité du procédé est obtenue grâce à un effet d’expansion suivi d’un effet de décantation du CAP qui permet de maintenir le lit en expansion homogène. Le renouvellement en continu du charbon garantit la pérennité des performances épuratoires en éliminant tout risque de saturation. Le lit de charbon actif, dont la capacité de lissage de charge est très importante, permet l’abattement de la majorité des micropolluants. Leur action est encore plus grande sur des composés adsorbables tels que les pesticides et les alkylphénols.

« Avec notre procédé CarboPlus, nous avons plutôt misé sur l’adsorption pour des questions d’efficacité, confie pour sa part Fabrice Nauleau. Cette technologie nous permet en effet d’être sûrs que la molécule a été retirée du système. Une assurance que ne donne pas l’ozonation car en cassant les molécules, celle-ci est susceptible de générer des sous-produits qui sont parfois plus dangereux que la molécule que l’on cherche à éliminer (ndrl : les bromates par exemple). De plus, si l’ozone est un réactif très couramment utilisé pour le traitement de l’eau potable, il l’est beaucoup moins en ce qui concerne les eaux usées. Car cela nécessite une exploitation assez spécifique qui n’est pas forcément très appréciée par le personnel exploitant ».

Étude à l’échelle industrielle des performances de traitement des micropolluants par la technologie CarboPlus®, développée par la société Stereau (Saur). Le pilote a été installé et suivi pendant 5 ans au rejet de la station Seine Centre du SIAAP (Haut-de-Seine, 800.000 eq.hab).

Le procédé d’adsorption développé par Saur s’appuie sur trois principes. « D’abord, afin d’optimiser le contact entre l’eau et le charbon, celui-ci est fluidisé, décrit le directeur R&D. Le choix d’un charbon micro-grains permet d’augmenter encore la surface de contact avec l’eau. Le charbon fluidisé étant très facile à extraire - il suffit de pomper dans le système et d’évacuer le charbon saturé - nous avons en outre la possibilité de le renouveler en continu à petites doses sans arrêter le système ».

Chez OTV, les procédés d’adsorption sur charbon actif tels que MultifloCarb et ActifloCarb ont démontré leur efficacité opérationnelle. Des rendements encourageants ont été obtenus avec les technologies plus récentes utilisant du charbon actif en micro grain telles que le FiltrafloCarb et l’Opacarb FL. « Utilisées en traitement d’affinage et selon les micropolluants, l’élimination atteint entre 60 et 100 % avec une moyenne de 70 % pour les pesticides, résidus médicamenteux et métabolites », souligne François Potier. Ces technologies sont déjà opérationnelles sur de nombreuses usines.

60 % à 80 %, les traitements tertiaires majoritairement développés et employés ne permettent donc pas d’éliminer complètement les micropolluants. Seule la filtration membranaire par osmose inverse semble en mesure de couvrir un large spectre de micropolluants et d’approcher un taux d’abattement supérieur à 90 %. « C’est une solution que l’on commence à utiliser pour la production d’eau potable, mais qui reste très coûteuse pour le traitement des eaux usées », argue Mathieu Delahaye. Cette technologie nécessite en effet d’assez grosses pressions et donc de l’énergie. De plus, « à travers les membranes, le débit de perméation est très faible. Il faut donc de grandes surfaces pour la mettre en œuvre. Et pour éviter de boucher les membranes, des pré-traitements importants sont indispensables en amont », explique Fabrice Nauleau.

« D’autres technologies membranaires, telles que la nanofiltration, moins énergivores et encore associées à des taux d’abattement proches de 100 %, restent par contre encore économiquement viables », affirme Christian Staaks, Ingénieur développement chez DuPont. « En effet, l’évolution technologique des membranes a permis lors des dernières années d’augmenter la compacité des systèmes, ainsi que la résistance à l’encrassement, et donc de limiter les besoins en prétraitement en amont – même pour le traitement des eaux usées ».

Très actif aussi sur la partie traitement des micropolluants, Jacobi révèle l’efficacité du charbon actif vis-à-vis de ces composés au terme d’une étude d’adsorption sur l’abattement de 5 résidus pharmaceutiques courants contenus dans des eaux usées municipales. Contrairement au traitement par ozonation, le charbon actif élimine les polluants en les retenant, et non en les transformant en sous-produits. Toutefois, l’étude rappelle que l’efficacité de traitement par charbon actif est variable selon la molécule considérée, la qualité de l’effluent et le choix du charbon actif. La probabilité des micropolluants d’être adsorbés par le charbon actif reste donc modérée.

« Il y a également des avantages à combiner le charbon actif avec l’ultrafiltration, poursuit Christian Staaks. En plus de l’effet d’adsorption des micropolluants organiques par le charbon actif, l’ultrafiltration est une technologie complémentaire qui rejette les particules telles que les résidus de poudre de charbon actif mais aussi les protozoaires, spores, bactéries et virus. Cette combinaison d’adsorption et de barrière physique fiable offre une solution idéale pour répondre aux exigences de la nouvelle législation européenne sur la réutilisation des eaux usées traitées pour l’agriculture qui sera applicable dès 2023, et ceci sans générer de sous-produits de désinfection ou autres produits de décomposition comme les procédés d’oxydation alternatifs ».
À Saint-Pourçain-sur-Sioule (03), Aqualter a construit en aval de la filière biologique boues activées, une installation de traitement des micropolluants. Dimensionnée pour 90 m³/h, elle fait appel à une technologie d’ozonation (à partir d’oxygène liquide) complétée d’une biofiltration sur argile expansée.

Comap a réalisé de son côté de nombreux tests à la station de Vercia, dans le Jura, pour valider son procédé d’oxydation avancée en traitement des micropolluants en station d’épuration. De même, John Cockerill Proserpol, expérimente une combinaison peroxyde/ozonation suivie d’un traitement tertiaire de finition, même si les recherches sont pour l’instant centrées sur les effluents industriels. Les procédés dits AOP pour Advanced Oxydation Processes, constituent a priori une solution efficace pour dégrader certains composés.

Quant à MPC, qui se distingue en solutions UV AOP (Oxydation avancée UVc 254 nm +peroxyde d’hydrogène), elle privilégie une approche globale d’amont en aval pour lutter contre les micropolluants. En amont, pour apporter une alternative au recours aux biocides chimiques qui génèrent des sous-produits de type AOX, et en aval pour réduire la DCO, élimer les micropolluants et les molécules difficiles à traiter par des moyens conventionnels de types physico-chimiques ou biologiques.
Outre ces techniques d’ores et déjà disponibles, des fournisseurs d’équipements ozone et/ou UV comme Abiotec, BIO-UV, Bonnabaud Systèmes, LIT-UV, Tzic, UV Germi ou Xylem Water Solutions ou des fabricants d'équipements, comme EMO, travaillent également sur le sujet.

Efficacité VS Surcoûts

En réponse au constat d’une contamination progressive des eaux usées urbaines par les micropolluants, la question du coût est centrale pour les exploitants de stations d’épuration urbaines. « Différentes solutions sont possibles mais la priorité résulte d’un choix alliant efficacité du traitement et équilibre des coûts d’investissement et d’exploitation. Les procédés d’adsorption FILTRAFLO® Carb et OPACARB® FL développés par OTV répondent à ces priorités, car ils ne produisent pas de boues et ne consomment ni coagulants, ni floculants. Une optimisation des coûts est permise grâce à la réactivation du charbon micro-grains », explique François Potier. De plus, OTV privilégie des équipements durables à haute performance environnementale et à faible impact carbone. Ces derniers sont fabriqués et testés en ateliers pour réduire les coûts opérationnels de mise en œuvre sur nos chantiers. Les unités sont équipées de capteurs, sondes et instruments de mesures permettant le monitoring et l’analyse des données recueillies. « A l’aide d’algorithmes prédictifs et au contrôle à distance en temps réel, nos experts “Aquavista” aident à réduire les OPEX avec une présence réduite en personnel. Et les technologies “Opaline” conjuguant “charbon actif et CAP membranes” continuent leur développement avec des coûts maîtrisés et raisonnables », poursuit François Potier.

Et pourtant. Le projet Armistiq a montré qu’avec des traitements des micropolluants de type oxydation, oxydation avancée ou adsorption sur charbon actif en grain, le coût additionnel était compris entre 1,5 et 17,6 centimes d’euros par m3 traité selon les technologies, les objectifs et les tailles de station d'épuration (60.000 EH ou 200.000 EH). « Le traitement des micropolluants nécessite effectivement des investissements complémentaires. Cela revient environ à un coût annuel par habitant équivalent au prix d’une place de cinéma. C’est loin d’être excessif ! » s’étonne encore Mathieu Delahaye.

Chez Saur, le procédé promet même d’être plus compétitif. « Notre objectif– en fonction de la taille de l’installation bien sûr – est que le prix au m³ d’eau traité augmente de 3 à 5 centimes d’euros maximum. Cela comprend la construction et l’exploitation », détaille Fabrice Nauleau.

Réduction et traitement à la source : des choix raisonnés ?

Reste à savoir si l’investissement d’abord et le coût supplémentaire à l’exploitation est vraiment justifié ou justifiable. En Suisse par exemple, les coûts relatifs à l’aménagement de 100 stations ont ainsi été évalués à plus d’un milliard d’euros. Il semble que la France ne soit pas prête à faire ce choix. Outre les questions de surcoût, deux arguments sont avancés depuis plusieurs années pour le justifier : le manque de recul sur l’impact des micropolluants sur les écosystèmes aquatiques récepteurs et la santé humaine, et la priorité accordée à la réduction à la source de ces micropolluants.
En 2014, les agences de l’eau et l’ONEMA (aujourd’hui l’OFB, office français de la biodiversité) ont lancé 13 projets. L’enjeu était de déterminer l’origine des micropolluants détectés en station d’épuration et de sensibiliser les différents acteurs, qu’ils soient industriels, artisans ou particuliers, à la réduction de leur utilisation à la source. « A Strasbourg, dans le cadre du projet Lumieau-Stra, les habitants ont notamment été invités à fabriquer eux-mêmes leurs produits ménagers, ou à utiliser des produits biosourcés. Des coiffeurs ont quant à eux été sensibilisés à l’usage de certaines teintures naturelles. On voit bien finalement que les micropolluants c’est un peu comme le changement climatique et la réduction des gaz à effet de serre : c’est l’affaire de chacun, et c’est aussi une affaire collective et de politiques publiques », rappelle Xavier Humbel.
L’unité pilote d’ultrafiltration Inge, mise en place en 2019 à la station de traitement des eaux usées de Steinhäule à Neu-Ulm en Allemagne, après un réacteur de contact à charbon actif, a montré les avantages de combiner les deux technologies. 

Cette réduction à la source nécessaire est-elle néanmoins suffisante ? « On peut être plus vertueux dans l’utilisation de biocides ou de détergents par les ménages ou les industriels. Mais quand on touche à la santé, c’est plus complexe. Il est difficile de demander aux gens d’être attentifs au type d’antibiotiques qu’ils prennent. Cela prendra du temps pour faire évoluer les comportements. Et pendant cette période le problème doit donc être traité. Traitement des micropolluants en station et actions de réduction à la source vont donc de pair aujourd’hui », estime encore Fabrice Nauleau.

« On pourrait croire que les industriels sont les principales cibles et qu’un traitement à la source sur leurs installations serait suffisant. Mais cela ne représente qu’une petite partie de ce qui arrive en entrée de station d’épuration. L’essentiel vient des particuliers », insiste Antoine Legrand, directeur commercial de Sources et président de la commission technique du Synteau.
Le fait est qu’une grande majorité de micropolluants écotoxiques ou dangereux pour la santé passe aujourd’hui à travers les mailles des filets des stations d’épuration. C’est ce que mettent en évidence les résultats d’une étude menée conjointement par le Synteau et l’Inrae pendant près de deux ans. Si leur détail n’est pas encore publié, Antoine Legrand en révèle les principaux enseignements. « Jusqu’ici les études se limitaient à des analyses sur une ou deux stations d’épuration ou sur une zone géographique limitée. Mais en proposant une vision à l’échelle de la France, ce travail met en lumière l’énorme quantité de micropolluants que contiennent les eaux usées urbaines arrivant en station. En se basant sur la centaine de micropolluants que l’on a pu évaluer, on l’estime ainsi entre 100 et 200 tonnes chaque année. C’est loin d’être négligeable. Et surtout, l’impact sur les milieux aquatiques est très significatif. Nous avons notamment effectué un comparatif avec le glyphosate, et les valeurs d’impact des micropolluants sont au moins égales voire supérieures à celle du pesticide », dévoile-t-il.

Prudence économique ou principe de précaution ?

Le principe de précaution ne devrait-il pas guider l’État vers l’adoption d’une législation plus contraignante, comme celle adoptée en Suisse (lire l’encadré) ? « Pour protéger un milieu particulièrement sensible, et quand on sait que les solutions amont ne permettent pas de réduire significativement des micropolluants qui pourraient lui nuire, les traitements tertiaires sont intéressants. Mais nous manquons encore de recul sur la formation de sous-produits et aurions besoin d’un retour d’expérience partagé, avec la Suisse par exemple », estime Xavier Humbel.
« Certes, l’idéal serait de pouvoir cibler les traitements en fonction des installations et des micropolluants, mais notre étude conjointe avec l’Inrae a montré qu’il est impossible d’être exhaustif. Alors faut-il repartir pour dix ans d’études, continuer à accumuler la bibliographie, au risque de se rendre compte dans 10 ans qu’on aurait dû agir plus tôt ? », interroge Antoine Legrand, pour qui la principale barrière aujourd’hui est législative. « Technologiquement, on sait faire. L’investissement financier est honnêtement tout à fait supportable. Mais les élus ne vont pas aller investir dans des traitements sur lesquels ils n’ont pas d’obligations de résultats ou de normes de rejets », poursuit le président de la Commission technique du Synteau. Il plaide donc en faveur d’une démarche qui consisterait à concentrer l’obligation de traitements complémentaires des micropolluants sur les stations d’épuration de plus de 50.000 EH par exemple. 


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