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Un ouvrage unique en Europe : le plan incliné de Saint-Louis/Arzviller

30 janvier 2019 Paru dans le N°418 à la page 92 ( mots)
Rédigé par : Christophe BOUCHET de EDITIONS JOHANET

Mis en service le 27?janvier 1969 sur le Canal de la Marne au Rhin, le plan incliné d’Arzviller constitue un ouvrage d’art unique en Europe, puisque des trois installations du même type (une en Russie, l’autre en Belgique) celle-ci est la seule à utiliser un procédé de type transversal. Cet ouvrage, qui vient de fêter ses 50 ans, fut construit pour permettre aux péniches de franchir ce dénivelé en faisant l'économie d'une journée de navigation entre Strasbourg et Paris. Conçu à une époque ou le transport fluvial demeurait intense, surtout dans une région proche d'un bassin houiller, l’ouvrage dope aujourd’hui le tourisme fluvial, en plein essor?: plus de 10.000 bateaux de plaisance l’empruntent chaque année.

Commencés immédiatement, les travaux furent ajournés en 1844 puis repris en 1846 pour être finalement terminés en 1853, en même temps que ceux de la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg… De Vitry-le-François, point de départ sur le canal latéral à la Marne jusqu’au port de Strasbourg, sa longueur est de 314 km avec 178 écluses. Deux massifs montagneux sont traversés avec deux biefs de partage : celui de Mauvages à la cote 246 (entre les vallées de la Meuse et de la Moselle) et celui des Vosges à la cote 266 (entre les vallées de la Meurthe et de la Zorn).
Le plan incliné proprement dit se compose du chariot-bac, véritable bassin mobile de 41,50 m sur 5,50 m et 3,20 m de profondeur contenant 730 m3 d’eau, d’un poids total de 900 tonnes, équilibré par deux contrepoids auquel il est relié par des câbles et tracté par des treuils entraînés par des moteurs électriques.

Le canal de la Marne au Rhin est relié à plusieurs autres voies navigables : au canal latéral à la Marne, au canal de l’Est (branches nord et sud), au canal des houillères de la Sarre, à la Moselle. Des ports ont été aménagés le long de son tracé : Vitry-le-François, Bar-le-Duc, Pagny-sur-Meuse, Nancy, Dombasle, Hemming et bien sûr Strasbourg.

Depuis plus de 150 ans, il a fait l’objet de nombreux travaux : remises en état successives, transformations, améliorations et modernisation. Le mouillage était à l’origine de 1,60 m, la longueur des écluses de 34,50 m. Ces dimensions seront portées successivement à 2 mètres et 38,50 mètres à la suite de la loi du 5 août 1897 (programme Freycinet). En 1895, le mouillage fut porté à 2,20 puis à 2,60 m en 1958 permettant la navigation des bateaux transportant 350 tonnes de marchandise, avec un enfoncement de 2,20 m.

Résorber le goulot d’Arzviller

A l’extrême est du bief de partage des Vosges, le canal de la Marne au Rhin, après avoir franchi les souterrains de Niderwiller et d’Arzviller rejoint la vallée de la Zorn par celle du Teigelbach, petit affluent de la Zorn, au moyen d’une série de 17 écluses réparties sur une distance de 4 km environ et permettant de racheter une dénivellation de 44,55 m.
Le chariot-bac circule sur un plan incliné à 41 % perpendiculairement à sa plus grande dimension, guidé par une poutre longitudinale.

Les conditions de navigation dans ce secteur sont particulièrement difficiles en raison du tracé en plan du canal auquel s’ajoutent les servitudes liées à la voie ferrée qui franchit trois fois le canal et la faible longueur des biefs imposée par le profil en long. La longueur moyenne des biefs n’est que de 180 mètres, ce qui cause à la navigation une gêne et une perte de temps évidentes, aggravées par l’importance inégale des biefs. C’est ainsi que le bief n° 3 n’a qu’une longueur de 45,10 m, à peine supérieure à la longueur d’une écluse. Ce qui oblige les mariniers à des manœuvres délicates pour y faire naviguer et souvent se croiser des bateaux de 38,50 m de longueur.

« L’échelle d’écluses d’Arzviller » a constitué de tout temps une sorte de goulot d’étranglement, de point singulier que les bateliers n’abordaient pas sans appréhension ni inquiétude.

La solution choisie : un plan incliné transversal

Un concours fut donc ouvert en 1962 et 1963 pour résoudre ce problème : rachat de 17 écluses, représentant une dénivellation de 44,55 m de la vallée de Teigelbach par un « ouvrage de haute chute » sans consommation d’eau ce qui exclurait le type « écluse classique ».
Des recherches ont montré depuis que de nombreux plans inclinés transversaux ou longitudinaux à sec ou munis d’un chariot-bac avaient été réalisés au 18xème et 19xème siècles en France, en Angleterre, aux États-Unis, en Allemagne, mais pour des bateaux de seulement 50 tonnes.
Le caractère expérimental de l’ouvrage ne faisait donc aucun doute et neuf groupements d’entreprises présentèrent une quarantaine de propositions parmi lesquelles figurait des plans inclinés longitudinaux et transversaux, des pentes d’eau ou « trains d’eau », des ascenseurs, rachetant de 13 à 19 écluses d’Arzviller.
C’est grâce à l’équilibrage du chariot bac par les contrepoids qu’il est possible dans un tel ouvrage d’avoir recours à une puissance aussi faible.

Après plusieurs comparaisons et évaluations, la solution constituée par un plan incliné transversal rachetant 17 écluses soit 44,55 m fut choisie par le jury du concours.

Le système du bac transversal présente l’avantage de conduire à un ouvrage compact. L’importance de la pente, donc la faible longueur de parcours permet une durée de cycle comparable à celle d’une écluse, ce que ne permet pas un système longitudinal.
D’autre part, la possibilité d’équilibrer le bac par un contrepoids réduit très sensiblement les frais d’exploitation : le problème des mouvements d’eau ne se pose pratiquement pas.
Les travaux, commencés en 1964, comprenaient trois tranches : la construction du plan incliné proprement dit, et celles des canaux d’accès amont et aval.
Après une période d’essai et de manœuvres, la mise en service de l’élévateur eut lieu le 27 janvier 1969. Un avis à la batellerie fut publié à cette date, laissant la possibilité aux mariniers de choisir leur parcours, c'est-à-dire de passer soit par l’ancienne échelle d’écluses, soit d’emprunter le plan incliné.
C’est ainsi que l’on assista peu après la mise en service de l’ouvrage à certaines scènes pittoresques : le 28 janvier 1969 vers 13h30, deux bateaux montants se présentaient à la jonction aval : les deux mariniers père et fils, patrons respectifs, n’étaient pas d’accord sur le chemin à suivre. Le père décida alors d’emprunter la vieille échelle d’écluses. Le fils partit vers le plan incliné, il arriva dans le port de formation d’Arzviller avant 16 heures et attendit son père qui ne le rejoignit que le lendemain à 10 heures.

Un chariot-bac de plus de 900 tonnes !

Le plan incliné proprement dit se compose du chariot-bac, véritable bassin mobile de 41,50 m sur 5,50 m et 3,20 m de profondeur contenant 730 m3 d’eau, d’un poids total de 900 tonnes, équilibré par deux contrepoids auquel il est relié par des câbles et tracté par des treuils entraînés par des moteurs électriques. Le chariot-bac circule sur un plan incliné à 41 % perpendiculairement à sa plus grande dimension, guidé par une poutre longitudinale.
Toute l’infrastructure a été réalisée pour recevoir deux chariot-bacs pouvant manœuvrer indépendamment ou accouplés.
Le chariot-bac est muni à chaque une de ses extrémités de portes levantes, fermant de façon étanche le bac pendant tous ses déplacements.
Deux moteurs électriques de 125 CV entraînés par un groupe assurent la traction des câbles par l’intermédiaire de tambours.

Lorsque le bac arrive en fin de course contre l’extrémité de canal aval ou amont, l’étanchéité est assurée par un cadre mobile ; à ce moment, les portes du bac et du canal peuvent être levées pour livrer passage au bateau (la porte du canal d’accès seule pourvue d’un mécanisme de levage entraîne la porte mobile du bac dans sa manœuvre à l’aide d’un crochet.

Lorsque l’on veut libérer le chariot-bac après l’entrée d’un bateau, par exemple, les opérations se succèdent ainsi : abaissement simultané des portes du bac et du canal vidange de l’espace entre lesdites portes (par ouverture d’une vanne), retrait ou effacement du cadre d’étanchéité ; le relèvement des crochets de sécurité libère enfin le chariot-bac qui peut manœuvrer. Toutes ces opérations sont enclenchées.
L’accélération au départ est de 0,02 m/sec pour atteindre sur 12 mètres la vitesse de 0,60 m/sec. L’arrivée s’effectue dans des conditions semblables après ralentissement progressif.
La durée d’un passage depuis le départ du bateau du garage de canal d’accès jusqu’au moment ou il libère le passage au bateau navigant dans le sens inverse est inférieure à 20 minutes. Dont 4 minutes pour le déplacement du chariot-bac. Ce temps est comparable à celui correspondant à la durée de franchissement d’une écluse quelconque du canal de la Marne au Rhin. Deux moteurs électriques de 125 CV entraînés par un groupe assurent la traction des câbles par l’intermédiaire de tambours.
C’est grâce à l’équilibrage du chariot bac par les contrepoids qu’il est possible dans un tel ouvrage d’avoir recours à une puissance aussi faible. D’autre part, une différence de calage du chariot bac à postes amont et aval par rapport au plafond des canaux d’accès permet de donner toujours une prépondérance de poids à la masse descendante (chariot-bac ou contrepoids).

Une réussite incontestable… malgré l’effondrement du trafic marchand

L’équipe de conduite se compose de trois personnes : un éclusier qui, devant son pupitre de commande en haut de la tour de contrôle, est en relation téléphonique avec toutes les écluses et les rames de souterrains et se charge de régler le trafic et deux agents sont affectés à la manœuvre du bac.
La consommation en courant électrique de toute l’installation ramenée à l’unité de franchissement d’un bateau est en moyenne de 60 kWh en été et de 300 kWh en hiver compte tenu des réchauffages.
Lorsque le bac arrive en fin de course contre l’extrémité de canal aval ou amont, l’étanchéité est assurée par un cadre mobile ; à ce moment, les portes du bac et du canal peuvent être levées pour livrer passage au bateau (la porte du canal d’accès seule pourvue d’un mécanisme de levage entraîne la porte mobile du bac dans sa manœuvre à l’aide d’un crochet. 

Cependant, lorsque l’on branche un compteur sur le circuit d’alimentation moteurs, on s ‘aperçoit que le compteur lui-même tourne plus souvent à l’envers qu’à l’endroit. Ceci tient à une astuce de montage permettant aux moteurs de travailler plus souvent en « résistant » qu’en moteur. En effet, lorsque le bac se trouve à poste devant les portes, il est placé à l’amont de telle sorte qu’il emmagasine 15 cm d’eau en plus (1 cm d’eau dans le bac = 2,065 tonnes) et à l’aval 10 cm d’eau en moins. Ce procédé fait que la masse prépondérante est toujours celle qui descend.

Près de 150.000 touristes visitent chaque année le plan incliné transversal de Saint-Louis/Arzviller, le site touristique le plus visité de Lorraine.
Compte tenu du temps nécessaire pour parcourir les canaux d’accès amont et aval, le gain de temps généré par le plan incliné apporte à la batellerie un avantage concurrentiel intéressant.
D’autre part, les enseignements qu’on a pu tirer de l’exécution des travaux autant que ceux que l’on tire de son exploitation sont des plus utiles pour l’étude d’ouvrages similaires à grands gabarits qui pourraient constituer des avancées importantes pour l’usage de la voie d’eau . 
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