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Le lac de l’opéra de Paris

29 septembre 2020 Paru dans le N°434 à la page 132 ( mots)

Bien que niché en plein de cœur de la capitale, il ne figure sur aucun plan ni sur aucune carte. Aucun touriste n’en soupçonne l’existence et bien peu de parisiens en ont entendu parler. Et pourtant, il existe bel et bien ! Ce lac souterrain, située dans les entrailles du palais Garnier, est le théâtre de nombreuses légendes…

Paris, 14 janvier 1858, rue Le Peletier. En début de soirée, Napoléon III et l’impératrice Eugénie échappent de peu à un attentat en arrivant à proximité de ce qui constitue alors l’Opéra. Le sachant attendu, des partisans de la réunification italienne jettent trois bombes à l’arrivée du cortège impérial. L’attentat, l’un des plus sanglants perpétré au 19ème siècle, fera 12 morts et 156 blessés. Malgré la soixantaine d’impacts relevés sur le plancher renforcé de la calèche, le couple impérial sort, par miracle, indemne de l’attentat. Bien que commotionné, l’empereur accompagné de l’impératrice, continue le chemin à pied et assiste à la représentation.
L’édifice, qui devra trouver sa place sur un site exiguë, dissymétrique et encerclé
de nombreux immeubles de rapport, doit satisfaire aux attentes de la haute société
du second empire tout en remédiant à la vétusté et à l’incommodité de la salle
de la rue Le Pelletier. Il devra aussi s’insérer harmonieusement dans le Paris Haussmannien de l’époque.

Le lendemain, soucieux d’assurer ostensiblement la continuité de l’Empire, Napoléon III décide de l’édification d’une nouvelle « Académie impériale de musique et de danse » sur les lieux même de l’attentat. La construction de ce nouveau palais d’apparat donne lieu à l’ouverture d’un concours qui devra départager plus de 170 projets. Contre toute attente, Charles Garnier, qui n’avait encore rien construit, remporte la compétition contre les architectes reconnus de l’époque parmi lesquels Haussmann ou encore Viollet-le-Duc.

L’édifice, qui devra trouver sa place sur un site exiguë, dissymétrique et encerclé de nombreux immeubles de rapport, doit satisfaire aux attentes de la haute société du second empire tout en remédiant à la vétusté et à l’incommodité de la salle de la rue Le Pelletier. Il devra aussi s’insérer harmonieusement dans le Paris Haussmannien de l’époque.
Les travaux démarrent le 27 août 1861 par les fouilles et excavations destinées à accueillir les massifs de fondations. Ils s’étaleront sur plus de quinze années semées d’embûches.

Quinze années semées d’embûches

Le chantier fait appel aux techniques de construction les plus avancées. Mais dès les premières fouilles, les travaux doivent être interrompus. A un peu plus de 8 mètres de profondeur, le plafond de la nappe souterraine est atteint et le site est rapidement inondé. Pour reprendre la maîtrise du chantier, on décide de mettre en place 8 pompes à vapeur qui fonctionneront jour et nuit. Mais rien n’y fait : malgré plusieurs mois de pompage, les pompes ne parviennent pas à assécher le chantier. Après une brève période d’abattement, Charles Garnier décide de changer de stratégie en mettant en place un cuvelage en béton de grandes dimensions (20 x 5 m). Objectif : stopper les infiltrations d’eau pour reprendre les travaux et achever les fondations. La situation s’améliore… jusqu’à ce que les pompes soient arrêtées, provoquant une nouvelle montée des eaux.
On réalise que la nappe, beaucoup plus importante que ce que l’on avait imaginé au départ, est en fait alimentée par plusieurs ruisseaux qui convergent vers la Seine, dont la fameuse Grange Batelière. Impossible de poursuivre selon les plans envisagés au départ.
Dès les premières fouilles, les travaux doivent être interrompus. A un peu plus de 8 mètres de profondeur, le plafond de la nappe souterraine est atteint et le site est rapidement inondé. Pour reprendre la maîtrise du chantier, on décide de mettre en place 8 pompes à vapeur qui fonctionneront jour et nuit.

Le chantier à nouveau noyé par les eaux, il faut bien se rendre à l’évidence et envisager une autre solution compatible avec la présence permanente de l’eau. Charles Garnier fait alors preuve d’un réalisme qui contribuera grandement à la réussite du chantier : au lieu de pomper l’eau, Garnier la laisse entrer de manière à remplir totalement une nouvelle enceinte. Son palais sera constitué, au centre, d’un bâtiment relativement léger qui sera entouré de part et d’autre de deux bâtiments plus lourds. Le cuvelage élargi (54 m x 45 m), renforcé par la construction d’un double mur, et rempli d’eau, contribuera à lester le bâtiment central de manière à éviter une surrection de cette partie, et stabilisera l’ensemble de l’édifice en répartissant les charges des différents bâtiments dans un sous-sol de mauvaise qualité. En optant pour cette solution, Charles Garnier ouvre la voie à la poursuite des travaux qui mèneront à l’achèvement de l’un des édifices les plus prestigieux de la capitale. Avec ses sculptures allégoriques, ses dorures et ses colonnes torsadées, son style baroque et fantasque est à l’image de la haute société du Second Empire. Pour la première fois, l’eau et l’électricité sont disponibles à tous les étages….

Mais, en pérennisant de facto un lac souterrain, Garnier vient également et bien involontairement d’ouvrir la voie à un monde souterrain mystérieux qui va faire naître une légende qui perdure aujourd’hui encore : le fantôme de l’Opéra.

Une légende tenace : le fantôme de l’Opéra

L’existence de cette nappe d’eau, les trois étages de souterrains, le statut même de l’Opéra, haut lieu du lyrisme par excellence, offrent un cadre idéal au fantastique. La magnificence impériale, presque ostentatoire du monument, les sommes astronomiques englouties dans son édification, vont concourir à entretenir le mythe et l’imaginaire collectif. Et cet imaginaire, Gaston Leroux va le faire prospérer avec son roman le « Fantôme de l’Opéra » dans lequel il évoque un mystérieux occupant le lac souterrain du Palais Garnier. Et comme souvent en pareil cas, loin d’inventer l’histoire, l’auteur s’inspire d’évènements inexpliqués mais pour certains réels que l’on s’empresse d’attribuer au fameux fantôme.
En pérennisant de facto un lac souterrain, Charles Garnier vient également et bien involontairement d’ouvrir la voie à un monde souterrain mystérieux qui va faire naître une légende qui perdure aujourd’hui encore : le fantôme de l’Opéra.

Le 20 mai 1896, dans les fastes du Palais Garnier, le grand lustre de la salle se décroche et tue un spectateur dont on souligne qu’il était assis à la place numéro 13. Peu après, un machiniste est retrouvé pendu. Puis c’est une danseuse qui perd la vie après une chute depuis une galerie. Plus étrange encore, une jeune chanteuse dit avoir rencontré le fameux Fantôme de l’Opéra. Elle deviendra sa favorite et il lui donnera des cours de chant, en se faisant passer pour l’Ange de la musique. L’amour platonique du fantôme empêchera la jeune femme, par peur, de tomber amoureuse du vicomte de Chagny. Autre anecdote insolite, les directeurs de l’époque seront contactés par un individu que l’on ne tarde pas à assimiler au fantôme, exigeant qu’on lui remette 20.000 francs par mois et qu’on lui réserve la loge numéro 5 …

Mais cette succession de phénomènes étranges n’empêchera pas l’édifice voulu par Napoléon III de remplir son office, bien que ce dernier n’ai jamais vu son projet achevé.

Le lac souterrain existe bien. Vidangé tous les 10 ans pour inspection, il contribue à stabiliser l’édifice et sert aujourd’hui à la fois de réserve incendie et de terrain d’entraînement pour les pompiers de Paris. Peuplé de quelques carpes, il reproduit en effet de façon parfaite les conditions d’un bâtiment inondé, doté d’un dédale de couloirs et d’une visibilité réduite.

L’inauguration aura lieu au mois de janvier 1875 en présence du Président Mac Mahon. On raconte que lors de la séance inaugurale, Charles Garnier, coupable d’avoir servi l’Empire, a du payer sa place pour gagner une loge de seconde classe…

Mais le lac souterrain, lui, existe bien. Vidangé tous les 15 ans pour inspection, il contribue à stabiliser l’édifice et sert aujourd’hui à la fois de réserve incendie et de terrain d’entraînement pour les pompiers de Paris. Peuplé de quelques carpes nourries par le personnel de l’Opéra, il reproduit en effet de façon parfaite les conditions d’un bâtiment inondé, doté d’un dédale de couloirs et d’une visibilité réduite…. 
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