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Sécurisation des points d'eau d'incendie : quelles solutions ?

30 octobre 2017 Paru dans le N°405 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : Christophe BOUCHET de EDITIONS JOHANET

En France, un quart de l’eau mise en distribution n’arrive pas jusqu’à l’usager. Ces pertes sont imputables aux fuites, mais pas seulement. Les vols d’eau et le développement de certaines pratiques telles que le “street pooling” peuvent avoir de lourdes conséquences sur la gestion du réseau et sur son rendement. Les bouches et poteaux d’incendie sont particulièrement vulnérables. Les volumes prélevés de façon illicite, en forte croissance, incitent désormais les collectivités à investir. Explications.

C’est un paramètre non négligeable mais éminemment variable et donc difficile à estimer. Il correspond cependant à une réalité vécue quotidiennement par des milliers d’agents sur le terrain. Les vols d’eau, puisqu’il s’agit d’eux, se banalisent, jusqu’à prendre parfois une ampleur inédite. Insidieux ou radicaux, ils recouvrent des réalités différentes : ils peuvent être le fait d’usagers non répertoriés par le service des eaux, de branchements et piquages illicites, de compteurs déposés ou tournés, ou plus simplement encore d’une utilisation illégale des poteaux ou des bouches d’incendie. Les profils comme les motivations sont divers et touchent un large public : au-delà de certaines professions qui bénéficient d’une tolérance séculaire telles que les forains pour leurs besoins ou les cirques pour leurs animaux, les entreprises de travaux publics, agriculteurs, gens du voyage… sont de plus en plus nombreux à prendre la mauvaise habitude d’ouvrir les bornes incendie pour se servir en eau. Les professionnels s’en inquiètent et s’interrogent sur les moyens à mettre en œuvre pour limiter ces consommations non comptabilisées, comme en témoignent de nombreux échanges sur le forum FluksAqua. Parmi les solutions envisagées, le remplacement des poteaux par des bouches incendie, moins faciles d’accès, l’ajout dans le règlement de service d’amendes sanctionnant les vols, ou encore le recensement des entreprises dont les besoins en eau sont notoirement connus et l’installation de bornes à leur usage. Il n’existe bien évidemment aucun chiffre officiel permettant d’évaluer, même de façon approximative, le phénomène des vols d’eau, qui varient selon la région, la saison, voire la sociologie d’un territoire. Certaines communes sont plus concernées que d’autres et leur localisation leur vaut parfois de servir de point d’approvisionnement pour des activités bien souvent extérieures à leur territoire…
Les volumes prélevés de façon illicite augmentent rapidement et incitent les collectivités à réagir.

Au sein de ces communes, les bouches et poteaux d’incendie sont les équipements les plus vulnérables bien que tous ne soient pas concernés de façon égale. « Les plus sollicités sont ceux qui sont faciles d’accès, par exemple en zone industrielle ou facilement accessibles aux camions citernes, explique Xavier Carpentier chez Bayard. Les études menées sur certaines communes des Yvelines ont montré que les poteaux les plus exposés étaient sollicités à hauteur de 150 m³ par mois, ce qui n’est pas anodin ».

Éviter le “blackout hydraulique”

Cette banalisation de ce qu’il faut bien appeler des détournements est d’autant plus inquiétante qu’elle s’accompagne d’une recrudescence de pratiques récréatives mais dangereuses telles que le “Street pooling”. Venu des États-Unis, cette pratique consiste à ouvrir les bouches d’incendie par fortes chaleurs pour se rafraîchir en transformant les rues en véritables piscines alimentées de geysers. Apparue en France au cours de l’été 2015, cette pratique a provoqué en région parisienne au cours du seul mois de juillet 2015, la perte de 250.000 m³ d’eau par l’ouverture de 500 bouches ou poteaux d’incendie. En 2016, Veolia a imputé au “street pooling” la perte de 370.000 m³ et plus de 700.000 m³ d’eau en 2017 sur le seul territoire du SEDIF (Syndicat des eaux d’le-de-France). Avec des conséquences parfois importantes, voire critiques, sur la gestion du service. Ainsi, au cours de la seule journée du 21 juin 2017, le volume d’eau distribué par le SEDIF a augmenté de près de 50 % en passant de 300.000 à 450.000 m³ causant de 600.000 à 800.000 euros en dégâts matériels : poteaux cassés, voies inondées etc... Des transferts d’eau ont dû être déclenchés des usines de Choisy-le-Roi et de Méry-sur-Oise afin de secourir celle de Neuilly-sur-Marne.

La région parisienne n’est pas la seule concernée : sur la même période, 600 poteaux d’incendie ont été ouverts dans les Hauts-de-France, provoquant la perte de 100.000 m³ d’eau, principalement à Lille, Roubaix et Tourcoing. La France n’est certes pas seule concernée. La Californie, touchée ces dernières années par des sécheresses récurrentes a vu les cas de détournement de bornes à incendie se multiplier à tel point que des patrouilles spécialement chargées de veiller sur les hydrants ont été crées. La régie des eaux de New York City elle-même, déclenche désormais une organisation d’urgence “Fire Hydrant Patrol” dès que la température dépasse 35°. Des patrouilles se rendent alors sur place pour négocier avec la population et tenter d’éviter un “blackout hydraulique” selon l’expression de Benoit Cliche chez Digital Utility, en refermant les bouches. Car les risques ne sont pas nuls. « L’ouverture simultanée de plusieurs bouches d’incendie peut rapidement créer un déséquilibre très sérieux, voire même déstabiliser le réseau », souligne Benoit Cliche.

Même si ces événements restent exceptionnels, ils imposent aux collectivités de réagir. Car ces pratiques, qui trouvent une forte résonnance sur les réseaux sociaux, posent de nombreux problèmes : elles génèrent un important préjudice financier du fait de la non-comptabilisation de l’eau utilisée. Elles mettent en cause l’intégrité du réseau et ont une incidence sur la qualité de l’eau : un tirage sur poteau incendie génère des survitesses dans les canalisations et augmente la turbidité. Elles comportent un risque important de dégradation d’organes essentiels, notamment en défense incendie. Enfin, elles heurtent la conscience du citoyen, quotidiennement sommé de rationaliser ses comportements pour économiser l’eau.
Moneca est une borne de puisage monétique dont la dernière génération, connectée via le réseau GSM ou SigFox, intègre des fonctions de communication permettant un suivi à distance de l’index compteur, de l’usage ainsi que du rechargement des badges.

Au même titre que la recherche de fuites, la lutte contre les vols d’eau et le “street pooling” constitue une composante importante de la performance des réseaux d’eau potable. Elle permet d’ailleurs d’agir directement sur l’indice linéaire des volumes non comptés (INVC) qui inclut dans les pertes les fuites et les usages autorisés telles que les eaux consommées par le service (lavage de filtres, fontaines publiques…) mais aussi les vols et les usages illégaux. D’ailleurs, les volumes prélevés de façon illicite augmentent rapidement et incitent les collectivités à réagir, comme en témoignent les nombreux échanges sur le sujet sur le forum professionnel Fluksaqua.

Les solutions qui permettent de se prémunir contre des prélèvements illicites existent. Comme souvent, il n’existe pas de recette miracle et aucune d’entre-elle ne suffit à faire face à ces phénomènes. Mais associées les unes aux autres, elles permettent de limiter les prélèvements en sécurisant le réseau.

Limiter les prélèvements en sécurisant le réseau

Une première solution consiste à tenter de répondre aux besoins de certains gros utilisateurs pour éviter qu’ils n’utilisent les poteaux d’incendie. Certaines collectivités, comme par exemple Reims, Vannes, Bourges, Rennes ou encore Saint-Omer, ont opté pour l’installation de bornes de puisage.
C’est l’une des premières recommandations que partagent les exploitants faisant face à ce problème sur FluksAqua. Aucun ne dispose cependant de retour d’expérience significatif suite à leur installation.

Ces bornes, conçues par Setha, Bayard ou Saint Gobain PAM qui ressemblent à des poteaux incendie, sont dotées des mêmes raccords et sont équipées de compteurs et de clapets anti-retours. « Leur installation poursuit plusieurs objectifs, explique Xavier Carpentier chez Bayard : ne plus tolérer les prélèvements sur les poteaux incendie qui dégradent les installations et la qualité de l’eau distribuée, sécuriser le raccordement des utilisateurs, et compter les volumes ».

Plusieurs types de bornes de puisage sont proposés. Les bornes de couleur verte permettent d’assurer le puisage d’eau en toute sécurité en comptant les volumes prélevés mais sans possibilité de les répartir.

Pour aller plus loin en proposant une fonction de facturation et en limitant notamment les accès au détenteur d’un badge, Bayard a développé Moneca, une borne de puisage monétique dont la dernière génération, connectée via le réseau GSM ou SigFox, intègre des fonctions de communication permettant un suivi à distance de l’index compteur, de l’usage ainsi que du rechargement des badges. « Moneca délivre de l’eau dans les mêmes conditions qu’un poteau d’incendie traditionnel à quelques différences près, explique Xavier Carpentier. Elle intègre un clapet antipollution, son débit est progressif pour éviter tout coup de bélier sur le réseau et il est limité à 40 m³/heure pour ne pas créer de désordres sur des réseaux de faibles diamètres ». Un système de badge paramétrable et rechargeable permet d’identifier le préleveur, de connaître les caractéristiques du prélèvement (volume, date, heure…), d’assurer la gestion monétique par pré ou post-paiement tout en autorisant des zonages géographiques ou tenir compte d’éventuelles tarifications différenciées. Plus de 2.000 bornes sont actuellement installées en France sur de nombreuses agglomérations dans l’ouest de la France, à Lille, Amiens, mais aussi chez Aéroports de Paris qui refacture une partie de l’eau utilisée sur ces plateformes aéroportuaires à ses prestataires.

Mais l’installation de ses bornes de puisages permet-elle vraiment de faire baisser les prélèvements illicites ? Xavier Carpentier cite l’exemple de cette communauté de communes située dans les Yvelines qui a vu ses prélèvements illicites disparaître après avoir jumelé l’ensemble de ses poteaux d’incendie avec des bornes de puisage. Le mode opératoire est essentiel : un déploiement massif n’est pas forcément gage de réussite. « Le succès repose avant tout sur des lieux d’implantation judicieusement choisis avec une communication qui associe à la démarche l’ensemble des utilisateurs potentiels », explique-t-il.
Une autre solution consiste à agir à la marge sur le poteau d’incendie, un équipement très contraint.


Le poteau d’incendie : un équipement très contraint

Les bouches et poteaux d’incendie développées par AVK, Bayard, Saint Gobain PAM, VAG ou VonRoll Hydro permettent aux services départementaux d’incendie et de secours de disposer rapidement des moyens nécessaires pour faire face à un incendie. Mais pour répondre en toutes circonstances à cette fonction, ils doivent répondre à des exigences très précises liées aux normes en vigueur (NFS 61-213, 61-211 et 62-200), et au marquage CE. « Ces exigences, notamment celles qui sont liées à son accessibilité, rendent difficiles toute évolution importante visant à limiter l’accès à l’équipement aux personnes non autorisées, souligne Guy Barselo, Directeur Commercial chez VAG. Nous travaillons sur des solutions rendant l’accès aux poteaux et aux bouches moins faciles, mais les rendre inaccessible, c’est contraire à la vocation de ces équipements ». D’autant qu’une hausse du niveau d’accessibilité de l’équipement entraîne souvent une augmentation corrélative des dégradations. Guy Barselo cite l’exemple de cette commune importante de la région Rhône-Alpes qui a obtenu les autorisations nécessaires pour équiper l’ensemble des coffrets des poteaux d’incendie d’une serrure non normalisée mais qui a dû renoncer du fait d’un nombre de dégradations bien trop important. Le poteau d’incendie est un équipement contraint dont les évolutions, au niveau de son accessibilité, sont par définition limitées.
La solution Copernic de Bayard permet de surveiller en temps réel un parc incendie en horodatant toute manipulation : des alertes sont envoyées en cas d’ouvertures/fermetures des poteaux d’incendie, grâce au module électronique installé dans la partie haute du poteau.


Mais il reste possible d’agir sur d’autres paramètres que l’accessibilité, en travaillant par exemple les conséquences sanitaires potentielles d’une utilisation illicite. « Nous avons ainsi développé un clapet anti-retour breveté et intégré au poteau d’incendie qui évite tout risque de pollution du réseau par retour d’eau » indique ainsi Guy Barselo chez VAG. Présenté au prochain Salon des Maires, ce dispositif ne modifie pas les performances hydrauliques imposées par les normes et permet, par exemple, de faire face aux risques de contamination liés à un tuyau contaminé venant d’un camion hydrocureur.
Bayard apporte également des solutions pour la protection du réseau contre les risques de pollution par retour d’eau. Le dernier dispositif de sécurité en date est le Preventis, capable de protéger le réseau contre les retours d’eau, accidentels ou non, par le poteau d’incendie. Ce système permettra d’équiper des poteaux neufs (en option) et des poteaux déjà installés (Retrofit). Son mécanisme, unique dans sa conception, reste accessible et facilement contrôlable lors des opérations d’entretien.

Surveiller l’usage plutôt que l’équipement

Il est également possible, sans intervenir sur l’équipement lui-même, de surveiller l’usage qui en est fait. C’est ce que permet le système Copernic présenté par Bayard il y a deux ans. « Copernic est une solution d’alerte en temps réel, autonome, qui permet d’avoir une connaissance de l’usage des poteaux 24h/24, une évaluation des volumes puisés, des alertes en cas de fraude comme en cas d’utilisation légitime, en horodatant toutes les manipulations, sans distinction », explique Xavier Carpentier. La carte électronique qui l’équipe sécurise la gestion des parcs incendie en signalant en temps réel via le réseau SigFox toutes les informations relatives à son fonctionnement. « Les collectivités sont séduites par le fait d’être avertis en temps réel de l’ouverture d’un poteau », souligne Xavier Carpentier. Parmi les autres avantages de Copernic, la possibilité d’équiper un poteau existant sans qu’il soit nécessaire de le remplacer. « Copernic peut être utilisé en solution nomade pour identifier les hydrants sur lesquels l’activité est anormalement élevée ». Copernic équipe à l’heure actuelle de nombreux poteaux en France métropolitaine mais pour Xavier Carpentier, « Il est encore un peu tôt pour faire le bilan des premiers déploiements. Les premiers retours du terrain suggèrent cependant un effet dissuasif important chez les utilisateurs, sans doute lié au suivi et au traçage, en temps réel, des prélèvements ».
La société INGRID intervient depuis 1999, tant en recherche de fuite qu’en contrôle d’hydrants. « À ce titre, notre expérience nous permet de pouvoir manipuler avec précaution ces derniers lors des contrôles annuels afin d’éviter des perturbations dans le réseau, explique Pierre Mellac, son dirigeant. De plus, lors de ces tests une attention particulière est portée aux signes pouvant indiquer qu’il y ai eu une utilisation frauduleuse du poteau ».

SADE et Homerider Systems ont également développé une solution de surveillance en continu et en temps réel des poteaux incendie, grâce à l’installation d’un détecteur de puisage connecté. Compatible avec la plupart des modèles de poteaux incendie, le détecteur de puisage s’installe au niveau du dispositif de manœuvre et communique via un réseau fixe radio (prochainement via le réseau LoRa). Il enregistre le début, la fin et le degré d’ouverture du poteau incendie, et permet une évaluation précise des volumes d’eau consommés.

Les alertes sur hydrants sont transmises via mails/SMS aux gestionnaires et aux utilisateurs habilités, qui peuvent également assurer une supervision permanente sur une application web sécurisée.
Ces deux dispositifs d’alerte sont actuellement testés par le SEDIF.
Homerider Systems et SADE ont développé un capteur connecté compatible avec différentes marques de poteaux de défense incendie. Ce dispositif enregistre le début, la fin et le degré d’ouverture du poteau incendie et permet une évaluation précise des volumes d’eau consommés.

Pour les bouches d’incendie, Bayard a développé un dispositif spécifique baptisé “Kit Secure” ( dépôt de brevet en cours) qui sécurise l’accès au carré de manœuvre par l’implantation d’un canon de protection de dimension adaptée.

Les premiers résultats des tests montrent des tentatives de manœuvre sur plusieurs sites mais sans réussite d’ouverture. Un dispositif analogue, mais transposé aux poteaux d’incendie, est actuellement en cours de tests sur le district du Grand Lyon.
La loi Grenelle II a permis d’accélérer la prise de conscience collective des enjeux et la modernisation des métiers de l’eau. Les objectifs de rendement de réseau minimum étant devenus clairs, les collectivités se sont mobilisées pour les atteindre. Un des facteurs décisifs dans l’amélioration des rendements est l’anticipation. Les agences de l’eau l’ont bien compris et favorisent la mise en place de dispositifs préventifs en les subventionnant. Les solutions de surveillance des poteaux d’incendie “Copernic” et de sécurisation de l’accès aux organes de manœuvre “le kit Secure” s’inscrivent dans ce contexte.
Une autre solution, pour surveiller l’usage qui est fait des bouches ou poteaux d’incendie consiste, à exploiter les possibilités offertes par la sectorisation.

Exploiter les possibilités offertes par la sectorisation

La sectorisation d’un réseau d’eau potable permet d’assurer un suivi plus fin des volumes consommés, de définir ainsi des priorités d’actions et d’améliorer la réactivité d’intervention. « Bien menée, la sectorisation permet de détecter un débit anormalement élevé sur un tronçon particulier, rappelle Jean-Marie Laurendeau, Chef de marché télégestion eau chez Lacroix Sofrel. Nos data-loggers peuvent, grâce à la définition de seuils pertinents, alerter rapidement l’exploitant d’une consommation anormale et orienter ainsi les équipes de maintenance vers l’ouverture d’un poteau d’incendie par exemple. Ces seuils peuvent être associés à différentes plages horaires pour pouvoir affiner l’alerte et la rendre encore plus pertinente ». Autre avantage de la sectorisation, elle permet, grâce à un suivi permanent des consommations sur le réseau, de mesurer facilement et précisément les volumes d’eau prélevés au niveau d’un tronçon comportant des hydrants et les heures à laquelle ils ont été prélevés, contrairement à d’autres dispositifs qui les évaluent (plage horaire du prélèvement par exemple). « La finesse de la sectorisation reste cependant déterminante, de même que l’analyse des données recueillies par l’exploitant, souligne Jean-Marie Laurendeau. C’est elle qui va mettre en lumière le ou les prélèvements anormaux et leur éventuel caractère illicite ».
Le logger Ortomat MTC de vonRoll-hydro intègre une fonction avancée (HydroAlert) qui permet de détecter et quantifier rapidement des prélèvements d’eau sur les poteaux ou bouches d’incendie.

George Kunkel, directeur de Kunkel Water Efficiency Consulting, une firme spécialisée dans le contrôle de la perte d’eau dans les services d’eau potable, abonde en ce sens sur le blog FluksAqua au sujet de la mise en place de la sectorisation pour une gestion proactive des fuites sur les réseaux d’eau : « La sectorisation doit être conçue à la fois en tenant compte des objectifs de gestion des fuites et en évitant les conséquences indésirables comme une pression insuffisante ou une qualité de l’eau dégradée. (…) Avant de procéder au découpage, il faut recueillir toutes les données nécessaires concernant la zone ciblée pour la sectorisation : débit, pression, qualité de l’eau, ainsi que les fuites et ruptures de conduites des dernières années. Ces données serviront de base de référence et permettront de comparer “l’avant” et “l’après” en recueillant des données similaires après la mise en place et en fonctionnement de la sectorisation ».

Sofrel LS-flow est un datalogger communicant spécifiquement conçu pour la sectorisation des réseaux d’eau et la télérelève “Gros consommateurs”. Comme les autres dataloggers de sectorisation Sofrel, il calcule et archive les débits de nuit, le débit moyen, le volume journalier et envoie un SMS d’alerte en cas de dépassement de seuil.

L’exploitation quotidienne des données de sectorisation obtenues par la télégestion reste donc incontournable pour réduire les pertes d’eau qu’il s’agisse de fuites ou de prélèvements illicites. « Il est important que ces volumes puissent être estimés le plus correctement possible pour séparer les fuites des prélèvements frauduleux, et mieux appréhender ainsi l’état hydraulique réel du réseau » souligne Jean-Marie Laurendeau.

La mise en œuvre d’une gestion optimisée de la pression sur le réseau et plus précisément l’analyse de leurs régimes transitoires est une autre façon de détecter, de façon précoce, une manœuvre sur une bouche ou un poteau d’incendie.

Analyser les régimes transitoires de pression

Pour les bouches d’incendie, Bayard a développé un dispositif spécifique baptisé “Kit Secure” qui sécurise l’accès au carré de manœuvre par l’implantation d’un canon de protection de dimension adaptée.

« Baisse de pression à l’ouverture, augmentation à la fermeture, la manœuvre d’une bouche ou d’un poteau d’incendie laisse une signature de pression caractéristique et visible à plusieurs kilomètres du point de tirage, explique Benoit Cliche, directeur de Digital Utility. Un vol d’eau sur un poteau d’incendie engendre une variation de pression de 10 m de colonne d’eau qui peut être localisable grâce à une analyse fine des régimes transitoires de pression ». Forte d’une expérience acquise auprès de la Régie des eaux de New-York confrontée à des phénomènes récurrents de “street pooling”, Digital Utility s’est fait une spécialité de traquer ces événements et d’en déterminer l’origine grâce à la réflexion des ondes ou à une triangulation via plusieurs capteurs. La solution proposée par Digital Utility repose sur des capteurs à haute fréquence de mesure, associés avec un applicatif baptisé Radar, tous deux développés par la société britannique Syrinix. « Ces capteurs sont capables d’effectuer jusqu’à 128 mesures par secondes et permettent de saisir des phénomènes très fugaces qui se déplacent au sein du réseau à une vitesse voisine de 1.000 mètres à la seconde, explique Benoit Cliche. Ils permettent de saisir et d’enregistrer des évènements qui restaient invisibles jusqu’à présent. C’est l’analyse de ces signaux qui permet de localiser l’origine de ces régimes transitoires ». Coups de bélier, accélérations ou décélérations des vitesses d’écoulement, études des trains d’ondes et des discontinuités, des occurrences et de leurs fréquences etc… Rien de ce qui se passe sur le réseau n’échappe plus à l’œil de l’opérateur. La mise en relation des évènements entre eux permet ensuite d’en identifier l’origine. « L’assemblage de deux événements sur une même ligne de temps, par exemple une baisse de pression due à une ouverture suivie d’une augmentation due à une fermeture, suggère qu’un même équipement hydraulique est à l’origine du phénomène étudié », explique Benoit Cliche. Reste ensuite à en localiser la source en analysant les longueurs d’ondes ou bien par triangulation, en analysant la différence de temps entre l’arrivée du phénomène transitoire sur les deux capteurs, ce qui permet de calculer la distance entre la source d’émission et les deux points de mesure.

En France, les villes de Perpignan, Narbonne, le Touquet ou encore Boulogne sur Mer se sont équipées de cette solution. Son coût avoisine les 3.000 € par logger, somme à laquelle il faut ajouter 400 €/an pour accéder à l’applicatif en mode SaaS. « Le réseau d’une ville de 100.000 habitants peut être équipé avec 7 à 8 loggers, souligne Benoit Cliche. Un coût raisonnable au regard des montants dépensés par un service d’eau urbain qui dépense chaque année, en moyenne de 2000 à 3 000 € par an et par kilomètre pour maintenir un rendement entre 75 et 85 % ». D’autant qu’au-delà du suivi des équipements incendie, l’outil permet également de suivre le niveau des stations de pompage ou de surveiller le bon fonctionnement des composants d’un réseau tels que stabilisateurs, clapets ou antibéliers et d’une manière plus générale, de tous les équipements qui interagissent avec la vitesse de l’eau.

L’ouverture d’un poteau d’incendie laisse une signature de pression caractéristique, visible ici sur l’application Radar de Syrinix : une forme en V à laquelle succède un rééquilibrage de la ligne piézométrique suivi d’un niveau statique plus bas correspondant à la charge nécessaire pour alimenter le poteau d’incendie.

L’objectif est de tranquilliser les réseaux pour diminuer les variations de pression à l’origine de casses et d’un vieillissement accéléré des réseaux en mettant en place des stratégies d’atténuation ou d’évitement.



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