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Entreprises

Développement durable : Veolia Eau scrute ses fournisseurs

30 novembre 2009 Paru dans le N°326 ( mots)

La défaillance d'un fournisseur peut avoir des conséquences pécuniaires importantes et entacher l'image d'une société. Tout le discours des grandes sociétés sur le développement durable ne sera crédible que si leurs fournisseurs sont dans la même démarche. Veolia Eau l'a bien compris et passe tous ses fournisseurs au crible d'une démarche maison.

Une démarche de développement durable peut-elle venir d'un service achats ? Oui si l'on écoute Alain Dormier, directeur des achats de Veolia Eau, à l'origine d'une action d'achats responsables auprès de tous ses fournisseurs en France « dans laquelle nous avons déjà investi plus de 750 000 ? depuis trois ans ». Cette politique se traduit par une charte ?achats et développement durable? qui structure les relations avec les fournisseurs et sous-traitants. Cela concerne beaucoup de monde puisque Veolia Eau a 25 000 fournisseurs en France qui se répartissent en grandes masses : 1300 fournisseurs représentent 95 % du montant des achats (1,6 milliards d'? en France), 255 représentent 60 %. ?Green washing? ? Pas vraiment, vu les moyens déployés. Peut-on dégager simplement un rapport coûts/bénéfices de cette opération ? « Non, c'est une démarche de management. En cas de problème on sait seulement a posteriori seulement le coût d'un incident, parfois élevé. » C?est toute l'ambiguïté des mesures de prévention, on connaît leur coût, jamais celui des problèmes évités. La seule certitude est que tous les coûts relatifs à l'environnement ne peuvent que croître. Alain Dormier explique sa notion de fournisseur durable : « Il y a trois risques à envisager : risque de rupture d'approvisionnement par défaillance du fournisseur (vulnérabilité par arrêt d'unité, délai de livraison, accident etc) alors que Veolia Eau doit assurer la distribution d'eau, risque sur les prix (ça ne coûte pas plus cher de bien travailler), risque d'image en raison de la réputation du fournisseur. » Un exemple de sécurité d'approvisionnement : le chlorure ferrique indispensable sur certains sites de potabilisation. « Si l'on n?a pas anticipé la défaillance d'un fournisseur et que l'on doit en chercher un autre en Europe dans l'urgence, cela peut coûter très cher. » Idem pour l'eau de Javel : que faire si un fournisseur voit un de ses sites mis en cause par des écologistes ? Globalement, la vulnérabilité sur les produits chimiques s'accroit car certaines productions quittent l'Europe. Pour la distribution d'eau, trois activités sont stratégiques : la fourniture d'énergie, les pompes et les produits chimiques. C?est sur celles-là qu'une action très forte a été engagée depuis 2006. Une démarche de progrès co-construite avec les fournisseurs Guillaume Arama responsable du développement durable chez Veolia Eau souligne « qu'il s'agit d'une démarche de progrès, d'amélioration continue co-construite avec les fournisseurs. Au delà des déclarations de nos fournisseurs, nous voulons vérifier chez eux la réalité des choses sur les trois volets du développement durable, l'environnement, le social, l'économie. » D?où la constitution avec le cabinet KYU d'une grille d'évaluation spécifique à Veolia Eau, construite à partir de différents référentiels d'analyses internationaux et mise en ?uvre lors d'un audit chez le fournisseur. Une opération lourde avec 381 questions sur 20 thématiques ; elle se déroule en trois temps avec la réunion de lancement et l'audit sur site sur une période de trois semaines et une réunion de restitution. Le fournisseur connaît son résultat (notes sur 100) mais sait aussi où il se situe par rapport au meilleur et au moins bon des autres fournisseurs de Veolia sur ce secteur (sans en connaître le nom car il y a accord de confidentialité). La restitution est très visuelle grâce à des diagrammes de type radar (cf illustration). 55 sociétés représentant plus d'un tiers des achats stratégiques (mais 75 % du CA des achats) sont déjà ?passés à la moulinette?. 55 audits réalisés pas seulement en France et qui représentent 1000 homme x jours. Près de 200 fournisseurs ?à risque? sont identifiés auxquels est demandé un autodiagnostic puis un plan de mise en conformité ; tous les autres doivent s'engager à appliquer la charte. Les différents domaines d'achats sont encore inégalement couverts : 80 % dans l'énergie (peu de fournisseurs d'électricité) mais très peu en sous-traitance industrielle et de service (nombreux fournisseurs) malgré le caractère critique de certaines fournitures et services. A la sortie, pas de label ou de ?médaille Veolia? (certains fournisseurs ne veulent pas communiquer sur l'opération), seulement une garantie pour Veolia d'avoir des fournisseurs pérennes et compétitifs. Ingérence inadmissible dans les affaires d'une société ? On peut le voir ainsi, mais les fournisseurs concernés adhèrent à cette démarche et se montrent satisfaits, voire enthousiastes, car les points soulevés sont vraiment facteurs de progrès comme le rapportent Sensus ou KSB. Une démarche approfondie basée sur de nombreux indicateurs L?audit rassemble de nombreux indicateurs, certains évidents comme le bilan carbone qui se banalise, et d'autres moins comme les mesures d'hygiène et sécurité ou la gestion des effectifs d'un site lors de restructurations. Pour les fournisseurs stratégiques, la démarche va loin. Exemple avec le site KSB de Lille Sequedin qui fabrique les pompes d'assainissement comme les Amarex N. Suite à l'audit réalisé entre février et avril 2007, la note globale dans le référentiel Veolia Eau est de 78/100, moyenne pondérée de 74/100 pour l'environnement, 84/100 pour le social et 77/100 pour l'économique, des chiffres absolus, plutôt bons. Pour la direction de KSB et du site de Lille, ce regard extérieur positif conforte l'entreprise dans sa politique globale, notamment sur le développement de produits économes. « Pour nous c'est une excellente opportunité de recueillir des idées que KSB n?aurait pas eu tout seul et de mutualiser les bonnes idées » souligne Bernard Auchère directeur commercial. « Nous pratiquons déjà la démarche d'amélioration continue, mais cet audit raccroche le social et l'environnement. Beaucoup de choses existaient chez KSB et l'analyse de KYU a permis de formaliser et de fédérer. » Côté produit, l'Amarex N est très tourné développement durable suite à une démarche d'écoconception avec l'Ademe, le Cetim et Profluid (Voir à ce sujet E.I.N. n°295) : optimisation du brut de fonderie (- 18 % de masse donc moins de gaz carbonique émis), optimisation de l'usinage (- 5% de copeaux) du montage avec un stator emmanché en force et non plus collé (- 110 L/an de colle et + 10 % de puissance sur la pompe grâce à ce montage), peinture sans solvant et utilisation de radiant infrarouge pour le séchage (moins d'énergie). Autres points forts, la sensibilisation au tri des déchets, la réduction des rejets d'huile au sol etc. Mais le site de Lille doit faire des efforts, ce qui est en cours. En environnement, sur les émissions de gaz à effet de serre et le bilan carbone (le site n?utilise pas d'énergies renouvelables). Si la consommation de matières premières est mesurée, elle ne fait pas l'objet d'action de réduction, le système de management environnemental est en place, mais peu actif. L?éclairage et le chauffage de l'usine sont en cours d'amélioration. Sur l'aspect social, le site vient de traverser une période de rationalisation et les accidents du travail ont augmenté ; il manquait un kit de secours sur un poste à risque (rince-?il installé depuis). En économie, la notion de développement durable n?est pas considérée dans la relation avec les fournisseurs. Tous ces points sont quantifiés sur les diagrammes issus de l'audit et l'on pourra suivre leur évolution car des échéances sont fixées pour 2010. Une spirale vertueuse Veolia Eau sollicite ses fournisseurs, lesquels se tournent vers les leurs en une spirale ?vertueuse?. C?est ce que KSB a fait par exemple vers Nord Carton qui fournit les emballages de pompes. Société elle aussi engagée dans le recyclage de matière avec les cartons usagés et l'utilisation de déchets de bois : 90 % de fibres recyclées dans les produits. Mais la relation avec KSB a permis de reconcevoir les emballages. Les pompes sont des produits lourds et plusieurs références existent. La solution la plus rapide, utilisée jusqu'à présent, consistait à parer au plus pressé : pompes lourdes (45 kg) donc agrafes sur le fond ; 2 références de pompes, donc plusieurs références d'emballage. Avec un peu de réflexion, un nouvel emballage est né : fini les agrafes remplacées par des tenons de verrouillage sur le fond constitué de 4 épaisseurs de carton sans accroitre la masse ; désormais une seule référence. C?est Sical, maison mère de Nord Carton, qui l'a conçue. L?entreprise est aussi dans le mouvement puisqu'elle n?utilise que la flexographie pour l'impression (encres à base aqueuse) et grâce à sa collaboration avec Brenntag (également fournisseur stratégique de Veolia pour les produits chimiques) a supprimé les substances dangereuses de ses colles (produits sans phtalates). Le mouvement continue puisque Sical et Nord Carton vont réaliser leur bilan carbone début 2010. Autre mouvement en parallèle, qui se renforce : le conseil au client de la part de KSB. Christine Leper responsable de la préconisation de pompes se bat « pour que les pompes soient utilisées au mieux de leurs performances. Le surdimensionnement d'une pompe est un gouffre énergétique ! » De plus les installations évoluent, les performances requises sont peut-être différentes. D?où l'intérêt d'une revue d'installation pour détecter les inadéquations et peut-être remplacer une pompe. Le Service Efficacité Système sera développé sur la France courant 2010 pour répondre à ce besoin. Car tout le monde sait bien que le coût total de possession d'une pompe sur sa durée de vie se répartit entre le coût d'achat et maintenance pour 5 à 10 % et sa consommation ultérieure pour le reste. Mais peut-être que tout le monde ne le sait pas...