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Entreprises

La solidarité : seule solution pour faire face aux enjeux de sécurité

04 mai 2020 Paru dans le N°432 à la page 26 ( mots)

Pour KSB, mettre les usines à l’arrêt contribuait à fragiliser ses salariés, ses fournisseurs, l’Etat, et à laisser ses clients sans solution. Une série de décisions ont permis de créer un mode opératoire extrêmement rigoureux pour maintenir en activité les sites de production. Six semaines après le confinement, l’entreprise est rentrée dans une phase quasi routinière. Entretien avec Boris Lombard, Président de KSB SAS

 L’eau, l’industrie, les nuisances : les 4 usines françaises jouent un rôle déterminant pour le Groupe KSB, car elles exportent 80% de leur production. Le secteur de l’eau étant reconnu d’importance vitale, vous était-il possible de stopper vos activités de production ?

Boris Lombard : Je crois, en effet, que beaucoup d’arguments nous poussaient à continuer. Cela a été toutefois une vraie prise de position que de maintenir les activités de production suite à la première allocution du Président de la République, le 16 mars, qui enjoignait les secteurs non essentiels à arrêter de produire.

Nous avons pris cette décision car nous exportons 80 % de nos produits partout dans le monde, et notamment dans des pays comme l’Italie, la Chine ou la Corée qui, bien qu’également frappés à ce moment-là par le virus, poursuivaient leurs activités.

Bien entendu, nous devions assurer une sécurité sans aucun compromis aux 400 employés mobilisés sur les sites de production. Mais plus que jamais, il nous a paru nécessaire d’être solidaire de nos clients face à la menace sanitaire. Un arrêt d’activité aurait pu créer un sentiment de défiance à terme, qui aurait pu avoir un impact durable sur nos marchés, et sur nos parts de marchés.

Nous avons opté pour une communication ouverte avec les employés et les représentants syndicaux, et avons pris une série de décisions qui ont permis de créer un mode opératoire extrêmement rigoureux, qui perdure encore, six semaines après le confinement. Aujourd’hui, nous ne comptons aucune nouvelle contamination et 70% de notre production est assurée.

EIN : Quelles activités avez-vous maintenu ? Quelles sont celles qui ont été réduites ?

B.L : Aujourd’hui 40% de nos équipes sont en télétravail (ce sont essentiellement les équipes administratives et commerciales) et un tiers de nos personnels sont sur site, à la fois dans les ateliers de service et dans les usines de production.

Si la charge de production se situe en moyenne à 70%, l’activité de service à l’extérieur a décru pour sa part de 70 %. Ceci nous a conduit à la réorganiser différemment, tout en maintenant notre offre de services à nos clients qui en font la demande. Pour servir à la fois nos clients et nous comporter en entreprise responsable, c’est à dire ne recourir au chômage partiel qu’en dernier recours, nous avons utilisé avec les équipes et les partenaires sociaux tous les outils de modulation offerts par l’entreprise. Aujourd’hui sur 1200 salariés, 18 collaborateurs seulement sont au chômage partiel.

Nous sommes très fiers de ce résultat, qui nous permet de rester fidèle à nos valeurs de solidarité, tant envers nos employés, qu’envers nos clients, nos fournisseurs et l’Etat.

Dans ce type de situation, il est important de faire preuve de leadership, c’est-à-dire de fixer un cadre clair, une ligne de conduite, et en même temps de se comporter en entreprise responsable.

EIN : S’agissant des équipements, trois-quarts des interventions de terrain concernent le débouchage de canalisations d’eaux usées à cause des lingettes. La crise montre donc les limites de certains équipements amont et éclaire sur les risques d’un mauvais dimensionnement. Quels sont les retours terrain que vous observez ?

B.L : Depuis le début du confinement, nous avons observé une augmentation de 50 % des cas de bouchage de pompes en raison des lingettes et une augmentation de 20 % des interventions dans le secteur du bâtiment, essentiellement sur des postes de pompage vieillissants, qui sont plus sollicités dans cette période.

Cette situation doit inciter nos clients à explorer nos nouvelles technologies qui fiabilisent et facilitent l’exploitation.

La première d’entre elles est la nouvelle génération de pompes Amarex, qui est produite sur le site de Lille depuis le début de l’année. Cette pompe Dual Performance est un concentré d'innovation. Elle offre le meilleur rendement hydraulique de sa catégorie et des performances d'imbouchabilité grâce à la roue bicanale D-max, qui est capable de travailler à des concentrations en matières solides très importantes.

La problématique de la contamination des eaux usées par le virus tend par ailleurs à favoriser le pompage en ligne, que nous proposons également. Une telle solution permet en effet d’éviter le stockage d’effluents potentiellement porteurs du virus dans les postes de relevage. L’intelligence embarquée dans ce système intègre également des fonctions de débouchage automatique des pompes et de télémaintenance.

Cette dernière activité devient de plus en plus prégnante sur l’ensemble des systèmes de pompage. En répondant au besoin croissant de gagner en efficacité tout en assurant la sécurité des opérateurs, la télémaintenance permet en effet une surveillance à distance des installations et une meilleure planification des interventions de nature préventive sans nécessité pour l’exploitant de se rendre fréquemment sur place.

EIN : Qu’est-ce que la crise du Covid-19 pourrait changer, selon vous, dans la manière de faire tourner les usines de production, d’exploiter les infrastructures, de repenser les critères de sélection des marchés publics ?

B.L : Aujourd’hui le code de la commande publique prévoit déjà que les acheteurs peuvent recourir au critère d’attribution « coût du cycle de vie ». Chez KSB, le coût du cycle de vie (ou life cycle cost) fait partie intégrante du processus d’ingénierie et de développement produit. Pratiquement, tous nos équipements visent les mêmes objectifs : améliorer la disponibilité des machines et leur sécurité, réduire les opérations de maintenance, la consommation d'énergie et le coût total d’exploitation.

Par ailleurs, cette pandémie pourrait accélérer la tendance à relocaliser les chaines de valeur en Europe, déjà portée par le développement de l’industrie 4.0, des exigences accrues de respect de l’environnement, de réactivité et d’adaptabilité aux besoins de nos clients. La crise actuelle y ajoute la nécessité d’une moindre dépendance à des sources d’approvisionnement plus éloignées et donc potentiellement plus risquées.

Enfin, le fait de rester aux côtés de nos clients, qui sont souvent en première ligne, joue un rôle essentiel dans un contexte de crise aussi inédit. Cela vient accentuer la nécessité de faire appel à des constructeurs comme KSB, qui, fort d’une présence capillaire sur le terrain, est capable de répondre rapidement à des besoins spécifiques et urgents, et de compléter une offre de produits efficients avec une gamme de services adaptée.

EIN : Quel est votre ressenti sur la reprise économique du secteur des pompes & robinetterie en France et en Europe ? Quand l’envisagez-vous et à quel rythme ?

B.L : Dans cette situation chaotique, il faut savoir rester modeste et se garder de faire des prévisions à long terme. L’industrie de l’eau est une industrie vitale et locale, portée essentiellement en ce qui concerne les pompes et la robinetterie, par un marché de remplacement. A ce titre, elle ne devrait pas souffrir de manière importante. Lorsque nous reviendrons à une forme de normalité, la reprise des investissements sera toutefois prudente. Nous anticipons donc dans ce secteur un fléchissement modéré, avec un accroissement des dépenses de maintenance à défaut d’investissements majeurs.

S’agissant de la croissance de notre chiffre d’affaires en 2020, si une partie de la réponse se trouve dans un très bon premier trimestre en termes de prise de commande, (ce qui nous permet de maintenir un taux d’utilisation de nos usines satisfaisant), force est de constater que la situation peut se dégrader rapidement. Il nous faut donc rester vigilants. 

Pascale Meeschaert

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